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Date : 20231127


Dossier : IMM‐6258‐22

Référence : 2023 CF 1584

[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 27 novembre 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

YAHYA OSMAN OSOBLE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Yahya Osman Osoble, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 31 mai 2022 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») a annulé son statut de réfugié en vertu de l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la « LIPR »).

[2] Le demandeur soutient que la décision de la SPR est inéquitable sur le plan procédural parce qu’elle ne fait pas état de la méthode de reconnaissance faciale utilisée et qu’elle est déraisonnable en raison de l’évaluation que la SPR a faite des photographies montrant que le demandeur est une personne différente de celle qui s’est présentée devant elle.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SPR est conforme à l’équité procédurale et raisonnable. Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Faits

A. Le demandeur

[4] Le demandeur, un citoyen de la Somalie, est âgé de 25 ans.

[5] Le demandeur est entré au Canada le 8 avril 2017 en utilisant un faux passeport australien délivré au nom d’« Abdikadir ».

[6] Le 21 février 2018, la SPR a accordé au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention au titre de l’article 96 de la LIPR. Bien que le demandeur n’ait pas fourni de documents d’identité officiels de la Somalie lors de l’instance initiale, la SPR a conclu que son témoignage, ses documents justificatifs et ses éléments de preuve étaient crédibles et qu’ils établissaient son identité en tant que ressortissant somalien.

B. Abdirahman Mohamed Mohamud

[7] Abdirahman Mohamed Mohamud est un citoyen du Kenya âgé de 26 ans.

[8] Le 20 mars 2017, M. Mohamud s’est rendu au bureau des visas de Nairobi où il a demandé un permis d’études pour fréquenter l’Université de Regina. La photographie qui est au cœur de la demande d’annulation a été prise le 15 mars 2017.

[9] M. Mohamud est entré au Canada le 15 avril 2017 et s’est vu délivrer un permis pour étudier à l’Université de Regina.

[10] Le 22 avril 2020, l’Université de Regina a confirmé que M. Mohamud ne s’était jamais inscrit et qu’il n’avait pas accumulé d’heures-crédits dans le cadre de son programme de baccalauréat en administration des affaires.

[11] Le 7 octobre 2020, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a informé le demandeur que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) avait demandé à la SPR d’annuler son statut. Le ministre alléguait que le demandeur était en fait un citoyen du Kenya connu sous le nom de M. Mohamud, étant donné la ressemblance qu’il y avait entre le demandeur et une photo de M. Mohamud.

C. Décision faisant l’objet du contrôle

[12] Dans une décision du 31 mai 2022, la SPR a accueilli la demande du ministre visant l’annulation de la décision ayant accueilli la demande d’asile du demandeur.

[13] Le ministre a produit avec ses observations un tableau tiré du Système mondial de gestion des cas comparant des photos prises lors de la demande d’asile du demandeur et lors de la demande de permis d’études de M. Mohamud. Bien que le demandeur affirme être entré au Canada au moyen du faux passeport australien, le ministre prétend qu’il est entré sous le nom de M. Mohamud grâce à un permis d’études. Un examen du Système intégré d’exécution des douanes montre qu’aucun citoyen australien portant le nom d’« Abdikadir » n’est entré à l’aéroport Pearson de Toronto à la date pertinente.

[14] Les observations du demandeur devant la SPR reposaient sur l’hypothèse qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC ») avait eu recours à une technologie de reconnaissance faciale. Ainsi, les observations du demandeur portaient sur la question de savoir si le ministre devrait utiliser la technologie de reconnaissance faciale par intelligence artificielle (« IA »), car le logiciel n’est pas éprouvé sur le plan scientifique. Le demandeur a également soutenu qu’il est un citoyen de la Somalie, qu’il n’est pas M. Mohamud et qu’il n’a jamais utilisé de documents d’identité du Kenya.

[15] Le 10 mai 2022, le demandeur a produit un affidavit pour les besoins de l’audience relative à l’annulation tenue par la SPR dans lequel il expliquait son point de vue sur la comparaison des photos faite par le ministre et sur l’hypothèse selon laquelle il était M. Mohamud. En réponse à cette comparaison, il a fait état des différences suivantes :

  • son visage est ovale et plus long que celui de M. Mohamud;

  • ses yeux sont semblables, mais ses paupières laissent moins voir ses yeux que celles de M. Mohamud;

  • ses sourcils sont plus épais que ceux de M. Mohamud;

  • ses oreilles ne sont pas aussi décollées que celles de M. Mohamud;

  • ses narines ne sont pas aussi évasées que celles de M. Mohamud;

  • sa ligne de démarcation de cheveux est en recul alors que ce n’est pas le cas de celle de M. Mohamud;

  • son cou n’est pas aussi épais que celui de M. Mohamud.

[16] La SPR a comparé les deux photographies et a conclu qu’elles démontraient, selon la prépondérance des probabilités, que M. Mohamud et le demandeur étaient une seule et même personne. Plus particulièrement, la SPR a expliqué ce qui suit :

La photo d’Abdirahman Mohamed Mohamud prise le 15 mars 2017 à Nairobi, au Kenya, démontre clairement [à la SPR] qu’il ressemble à l’intimé qui a comparu devant [elle] à l’audience. En outre, les photos à la pièce 7 mettent clairement en évidence les traits physiques et les ressemblances dans la structure du visage, dont l’espace entre ses deux dents avant, qui est manifestement similaire entre les deux photos.

[Renvois omis]

[17] La SPR a ensuite examiné les documents somaliens du demandeur et ne leur a accordé aucune valeur probante. Le demandeur a fourni un acte de naissance somalien et un passeport somalien, qui n’étaient pas accessibles lors de la première audience de la SPR. Dans ces documents, l’orthographe du nom de sa mère était différente et le second prénom de son père avait été omis. Le défendeur a allégué qu’il avait obtenu les documents somaliens après avoir présenté son titre de voyage canadien et sa carte de résident permanent. En outre, la SPR a fait remarquer que, selon le cartable national de documentation (« CND ») sur la Somalie, les documents délivrés par le gouvernement de la Somalie ne sont pas fiables.

[18] La SPR a également examiné les documents kényans du demandeur et ne leur a accordé aucun poids. Dans ces documents, on explique qu’une recherche effectuée à l’aide de ses empreintes digitales a permis de constater que le nom du demandeur ne figurait pas dans la base de données nationale et qu’il n’est donc pas un ressortissant kényan. La SPR a souscrit aux observations du ministre selon lesquelles :

  • (i)le prétendu document officiel contient plusieurs fautes d’orthographe, bien que l’anglais soit une des langues officielles du gouvernement du Kenya;

  • (ii)le prétendu document officiel est dépourvu de toute caractéristique de sécurité;

  • (iii)le système biométrique du Kenya n’a été instauré qu’en 2017, après la délivrance du passeport kényan de M. Mohamud, en octobre 2016. Il est donc raisonnable de conclure que le dépôt biométrique du gouvernement n’aurait pas contenu les empreintes digitales du demandeur.

[19] La SPR a donc conclu que le demandeur n’a fourni aucune preuve crédible qu’il est un ressortissant de la Somalie et d’aucun autre pays.

[20] Après avoir examiné tous ces éléments de preuve, la SPR a accueilli la demande du ministre et a annulé le statut de réfugié du demandeur en raison de la présentation erronée faite par ce dernier quant à sa nationalité et à son identité.

III. Question en litige et norme de contrôle applicable

[21] La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question de savoir si la décision de la SPR est raisonnable et équitable sur le plan procédural.

[22] La norme de contrôle applicable au fond de la décision de la SPR n’est pas mise en doute. Les parties conviennent que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‐17, 23‐25 (« Vavilov »)). Je suis d’accord.

[23] Je conclus que la question de l’équité procédurale est assujettie à la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 (« Chemin de fer Canadien Pacifique ») aux para 37‐56; Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35. Je considère que cette conclusion est conforme à l’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada (aux para 16-17).

[24] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est empreint de déférence, mais demeure rigoureux (Vavilov, aux para 12-13, 75, 85). La cour de révision doit déterminer si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris le raisonnement qui la sous‐tend et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision qui est raisonnable dans son ensemble doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes visées (Vavilov, aux para 88‐90, 94, 133‐135).

[25] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle comporte des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Les erreurs que comporte une décision, ou les préoccupations qu’elle soulève, ne justifient pas toutes une intervention. Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, elle ne doit pas modifier les conclusions de fait tirées par celui‐ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ni constituer une « erreur mineure » : Vavilov, au para 100. Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable repose principalement sur les motifs du décideur, qui doivent être interprétés « eu égard au dossier et en tenant dûment compte du régime administratif dans lequel ils sont donnés » et non « être jugés au regard d’une norme de perfection » (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 61, citant Vavilov aux para 91, 103). Bien qu’un décideur ne soit pas tenu de répondre à tous les arguments ou de mentionner chaque élément de preuve, le caractère raisonnable d’une décision peut être remis en question lorsqu’il ressort de celle‐ci que le décideur n’a « pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux » (Vavilov, au para 128).

[26] En revanche, la norme de la décision correcte est une norme qui ne commande aucune déférence. La cour appelée à statuer sur une question d’équité procédurale doit essentiellement se demander si la procédure était équitable compte tenu de toutes les circonstances, y compris les facteurs énumérés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 21‐28 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 54).

IV. Analyse

A. Équité procédurale

[27] Le demandeur soutient que le défendeur a manqué à l’équité procédurale. Il fait valoir que la non‐divulgation des renseignements ayant servi à relier la photo du demandeur avec les photos de M. Mohamud, bien que le ministre ait affirmé qu’aucun logiciel de reconnaissance faciale n’avait été utilisé pour les comparer, est inéquitable dans la mesure où l’utilisation de ce type de logiciel est controversée.

[28] Le défendeur soutient que le demandeur n’a soulevé aucune question d’équité procédurale lors de l’audience devant la SPR et que la Cour ne devrait pas exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elle a d’entendre cet argument soulevé pour la première fois en contrôle judiciaire (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux paras 23‐26).

[29] Je partage l’avis du défendeur. La Cour d’appel fédérale a statué que « la personne qui a renoncé au droit à l’équité procédurale ne peut par la suite contester une décision administrative au motif que cette dernière a été prise en violation de l’équité » (Irving Shipbuilding Inc c Canada (Procureur général), 2009 CAF 116 au para 48). Le demandeur n’a soulevé aucune objection relative à l’équité procédurale, lors de l’audience devant la SPR ou dans les observations écrites qu’il a présentées à la SPR, en ce qui concerne l’admission des photographies. Le demandeur ne peut pas maintenant soulever cette question devant la Cour.

[30] Le demandeur s’appuie sur la décision Barre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1078 (« Barre »), pour soutenir que, puisque cette décision a été rendue le 20 juillet 2022, soit après la décision de la SPR, il n’a donc pas pu se prévaloir du principe selon lequel le ministre doit expliquer la source de la comparaison des photos. Je suis d’avis que l’affaire Barre se distingue de la présente affaire. Dans l’affaire Barre, les demandeurs ne connaissaient pas la démarche ayant présidé à la comparaison des photos, puisque le ministre avait eu recours à l’article 22 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21 pour ne pas communiquer la source de la comparaison des photos. En l’espèce, toutefois, le demandeur connaît la méthode de comparaison : la SPR accepte clairement dans sa décision l’explication du ministre selon laquelle aucun logiciel de reconnaissance faciale n’a été utilisé. Ainsi, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’affaire Barre se distingue de l’espèce et qu’elle n’aide pas le demandeur.

B. Caractère raisonnable

[31] Le demandeur soutient que la décision de la SPR est déraisonnable à deux égards : premièrement, la SPR a commis une erreur en s’appuyant sur une technologie de reconnaissance faciale défectueuse en l’absence de tout autre élément de preuve de fond; et deuxièmement, la SPR n’a pas procédé à une « comparaison rigoureuse et minutieuse » des images et n’a pas tenu compte des éléments de preuve documentaire. Je ne suis pas d’accord. La SPR a effectué une évaluation raisonnable de la preuve, preuve que la Cour ne peut pas apprécier à nouveau (Vavilov, au para 125).

(1) Comparaison des photos

[32] Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en concluant qu’il était M. Mohamud, sans autre élément de preuve que la comparaison des photos qui étaient soi‐disant de mauvaise qualité, en noir et blanc, granuleuses, et/ou qui ne présentaient que des silhouettes. Le demandeur reprend essentiellement les mêmes points que devant la SPR, explique qu’il y a des différences dans les photos et qu’il est assez facile de confondre deux personnes à partir de photographies de mauvaise qualité. Il fait valoir qu’en l’absence d’éléments de preuve corroborants, la décision de la SPR ne peut reposer uniquement sur une comparaison visuelle.

[33] Le défendeur soutient qu’il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’un tribunal a le pouvoir de déterminer si un demandeur est, ou n’est pas, la personne photographiée sur un document sans avoir recours au témoignage d’un expert (Olaya Yauce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 784 au para 9).

[34] Je partage l’avis du défendeur. Premièrement, bien que le demandeur soutienne que les photos sont de mauvaise qualité, un examen du dossier révèle qu’elles sont claires et en couleur. L’argument du demandeur selon lequel le ministre a altéré les preuves en éclaircissant les images est également sans fondement. Les photos sont identiques aux photos originales, sauf qu’elles sont plus claires, ce qui permet d’en améliorer la comparaison. Il ne s’agit pas d’une falsification.

[35] En outre, le demandeur soutient que la seule ressemblance relevée par la SPR est l’espacement entre les dents et que le fait de ne pas avoir pris en compte et énuméré d’autres caractéristiques est déraisonnable. Je ne suis pas du même avis. La décision de la SPR est raisonnable sur ce point et est fondée sur une analyse rationnelle. Les décideurs sont présumés avoir pris connaissance de la preuve et n’ont pas besoin d’examiner chaque élément de preuve et chaque observation (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 28). La SPR n’avait pas à examiner chaque différence soulevée par le demandeur; elle devait plutôt procéder à une analyse complète à la lumière des éléments de preuve. Les motifs montrent que c’est ce qu’elle a fait. La Cour ne peut donc pas intervenir dans l’évaluation de la SPR. Ce que le demandeur cherche à obtenir, c’est que la Cour apprécie à nouveau la preuve et qu’elle parvienne à des conclusions différentes de celles de la SPR. Ce n’est pas là le rôle de la Cour (Chen v Canada (Citizenship and Immigration), 2023 FC 450 au para 21, citant Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 aux para 25, 59).

(2) Citoyen du Kenya

[36] Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur en concluant qu’il est citoyen du Kenya. Il soutient que la SPR a eu tort de n’accorder aucun poids à son certificat de naissance somalien, à son passeport somalien ainsi qu’à la lettre du gouvernement kényan indiquant qu’il n’y avait pas d’empreintes digitales correspondant aux siennes.

[37] Le défendeur soutient que le demandeur cherche simplement à ce que la Cour apprécie à nouveau la preuve, et qu’il ne tient pas compte de la conclusion de la SPR selon laquelle le système biométrique du Kenya n’a été mis en place qu’en 2017, c’est-à-dire après la date à laquelle le demandeur s’est vu délivrer son passeport kényan en octobre 2016.

[38] Je partage l’avis du défendeur. L’explication de la SPR quant à la raison pour laquelle elle n’a accordé aucune valeur probante aux documents somaliens et à la lettre relative aux empreintes digitales du demandeur révèle une analyse rationnelle (Vavilov, au para 85). L’argument du demandeur, à savoir que le gouvernement somalien ne se serait pas appuyé sur les documents canadiens pour délivrer les documents somaliens, ne répond pas à la conclusion de la SPR selon laquelle la facilité avec laquelle le demandeur a obtenu les documents était incompatible avec la procédure décrite dans le CND sur la Somalie. La SPR n’a attribué aucune valeur probante aux documents somaliens en tenant compte, non pas de la seule question des documents canadiens, mais de l’ensemble des circonstances, comme elle l’a explicitement déclaré. La SPR a manifestement examiné les documents et les a considérés comme la preuve circulaire insuffisante qu’ils constituaient. Le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau cette preuve (Vavilov, au para 125).

[39] Par ailleurs, le demandeur s’appuie sur la décision Oranye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 390 (« Oranye ») pour faire valoir que la SPR aurait dû accepter sa lettre concernant les empreintes digitales. Dans la décision Oranye, la Cour a conclu qu’une « poignée d’erreurs d’orthographe, de grammaire et de typographie ne peut pas suffire » pour conclure que des documents sont frauduleux, comme l’avait fait la SAR dans sa décision (aux para 24, 26‐30). Les circonstances en l’espèce sont différentes de celles de l’affaire Oranye en raison de l’accumulation de problèmes dans les documents du demandeur : les erreurs typographiques, l’absence de caractéristiques de sécurité et la date de création du système biométrique. En outre, la SPR n’a pas conclu que les documents étaient frauduleux. La décision Oranye n’est donc d’aucune utilité pour le demandeur.

[40] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov, au para 102). Le demandeur décortique les motifs de la SPR, et demande à la Cour de faire de même dans l’espoir qu’elle apprécie à nouveau la preuve, ce qu’il n’appartient pas à la Cour de faire lors d’un contrôle effectué selon la norme de la décision raisonnable.

V. Conclusion

[41] La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. La décision de la SPR est conforme à l’équité procédurale et raisonnable. Aucune question n’a été soulevée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐6258‐22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


DOSSIER :

IMM‐6258‐22

 

INTITULÉ :

YAHYA OSMAN OSOBLE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 AOÛT 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 novembre 2023

 

COMPARUTIONS :

Tina Hlimi

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tina Hlimi

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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