Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20231128


Dossier : T‑2324‑22

Référence : 2023 CF 1590

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2023

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

HUI PING HU

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Hui Ping Hu, agit pour son propre compte dans la présente affaire. Elle sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 6 octobre 2022 par laquelle l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a conclu qu’elle n’était pas admissible à la prestation canadienne de relance économique (la PCRE).

[2] Dans sa première décision, qu’elle a communiquée à la demanderesse par une lettre datée du 21 juillet 2022 (la première décision), l’ARC a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE, puisque ses revenus d’emploi bruts pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $. Le 6 octobre 2022, après avoir procédé à un deuxième examen de la demande, l’ARC a confirmé sa première décision portant que la demanderesse n’était pas admissible à la PCRE (la deuxième décision).

[3] La demanderesse fait valoir que la deuxième décision est déraisonnable et contraire à l’équité procédurale. Elle soutient que l’ARC n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents, qui démontrent qu’elle a touché le revenu minimal exigé de 5 000 $.

[4] Je tiens compte du fait que la demanderesse agit pour son propre compte devant la Cour et je salue son initiative, mais, pour les motifs exposés ci-après, je conclus que la deuxième décision est raisonnable et équitable sur le plan procédural. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

II. Faits

A. Contexte

[5] La demanderesse a trois enfants et son époux vit en Chine. Elle dirige une entreprise de « Dai Gou », qui consiste à acheter des marchandises au Canada pour les vendre à des particuliers en Chine.

[6] La PCRE est un programme de prestation établi par la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2 (la Loi) et administré par l’ARC. Il assurait un soutien du revenu aux employés et aux travailleurs indépendants qui ont été touchés par la pandémie de COVID‑19, mais qui n’étaient pas admissibles aux prestations d’assurance‑emploi.

[7] L’article 3 de la Loi énonce les conditions d’admissibilité à la PCRE. Selon l’alinéa 3(1)e), une personne doit avoir touché des revenus qui s’élevaient à au moins 5 000 $ en 2019, en 2020 ou au cours des douze mois précédant la date de sa première demande.

[8] La demanderesse a demandé et reçu des prestations de PCRE de 1 000 $ pendant 26 périodes de deux semaines, soit du 11 octobre 2020 au 9 octobre 2021. Comme il était normalement d’usage pour la PCRE, l’ARC a accepté les demandes et effectué les versements avant de procéder à la vérification de celles‑ci.

[9] Le 7 décembre 2020, l’ARC a choisi le dossier de la demanderesse en vue d’effectuer un examen de son admissibilité à la PCRE. Son dossier a ainsi été attitré à un agent responsable de la conformité afin qu’il procède à un premier examen de ses demandes (le premier agent).

[10] Le 21 juillet 2022, le premier agent a informé la demanderesse que ses demandes étaient rejetées, car ses revenus d’emploi bruts ou ses revenus nets gagnés dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.

[11] Le 10 août 2022, la demanderesse a sollicité un deuxième examen de son admissibilité à la PCRE.

B. Décision faisant l’objet du contrôle

[12] Le 6 octobre 2022, l’ARC a communiqué à la demanderesse sa deuxième décision dans laquelle elle a conclu qu’elle n’était pas admissible à la PCRE, puisque ses revenus d’emploi bruts ou ses revenus nets gagnés dans le cadre d’un travail exécuté pour son compte pour l’année 2019 ou 2020 ou au cours des 12 mois précédant la date de sa première demande ne s’élevaient pas à au moins 5 000 $.

[13] Dans la deuxième décision, l’agent responsable de la conformité (le deuxième agent) a conclu ce qui suit :

[traduction]

La Ct ne remplit pas la condition relative au revenu minimal de 5 000 $ pour les années 2019, 2020 et 2021. Les renseignements qu’elle a fournis et ceux qui ressortent de nos discussions ne démontrent pas qu’elle remplit cette condition. Elle mentionne avoir fondé son entreprise en 2018, mais n’a jamais déclaré de revenus tirés d’un travail exécuté pour son compte. Elle affirme acheter des marchandises chez Costco et dans d’autres commerces, puis les envoyer à ses clients en Chine. Elle n’a pas été en mesure de me transmettre de relevé bancaire et les factures correspondantes. Elle affirme se faire payer en devises chinoises dans des épiceries et restaurants chinois. Elle mentionne aussi qu’elle achète souvent ses articles personnels en même temps que les produits pour ses clients et qu’ils sont donc regroupés en un seul achat.

[14] Afin de rendre sa décision, le deuxième agent s’est appuyé sur les documents fournis lors des examens des demandes de PCRE, soit les avis de cotisation de la demanderesse pour les années d’imposition 2019 et 2020, les renseignements consignés dans le bloc‑note figurant au dossier de la demanderesse ainsi que les [traduction] « observations » inscrites dans le registre des communications du système de l’ARC. C’est la deuxième décision rendue par l’ARC qui fait l’objet du contrôle judiciaire.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[15] La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. L’affidavit de la demanderesse est‑il admissible en preuve?

  2. La deuxième décision est‑elle équitable sur le plan procédural?

  3. La deuxième décision est‑elle raisonnable?

[16] Les parties conviennent que le fond de la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux para 16‑17, 23‑25). Je suis de cet avis.

[17] Malgré le fait qu’elle n’a pas invoqué la question de l’équité procédurale de manière approfondie, la demanderesse soulève brièvement cette question dans ses observations et, par conséquent, je me pencherai sur celle‑ci. Je conclus que la question de l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée) aux para 37‑56; Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35). Je juge que cette conclusion est conforme à l’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada (aux para 16‑17).

[18] La norme de la décision raisonnable commande un contrôle empreint de déférence, mais rigoureux (Vavilov, aux para 12‑13, 75, 85). La cour de révision doit déterminer si la décision faisant l’objet du contrôle est transparente, intelligible et justifiée, et ce, tant sur le plan du résultat que du raisonnement (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable dans son ensemble est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif propre à l’affaire, du dossier dont le décideur est saisi et de l’incidence de la décision sur les personnes visées par celle‑ci (Vavilov, aux para 88‑90, 94, 133‑135).

[19] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle contient des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov, au para 100). Ce ne sont pas toutes les erreurs ou réserves concernant une décision qui justifient une intervention. La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et, à moins de circonstances exceptionnelles, ne doit pas modifier les conclusions de fait de celui‑ci (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision ni constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100).

[20] Le contrôle selon la norme de la décision correcte, en revanche, n’appelle aucune déférence. En ce qui a trait à l’équité procédurale, la question centrale est de savoir si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 21‑28 (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, au para 54).

IV. Analyse

[21] La demanderesse fait valoir que la deuxième décision est déraisonnable, car l’ARC n’a pas tenu compte de documents acceptables, ne s’appuie que sur des relevés bancaires et des factures pour évaluer son revenu net provenant d’un travail exécuté pour son compte, n’a pas justifié sa décision et n’a pas tenu suffisamment compte des conséquences psychologiques et financières considérables que la décision entraînerait pour elle. Elle soutient également que la conclusion de l’ARC selon laquelle elle n’était pas en mesure de fournir des relevés bancaires et des factures pour appuyer son dossier était inéquitable, se demande pourquoi ses demandes de PCRE ont été choisies aux fins de vérification et fait valoir que l’ARC ne lui a pas offert la possibilité de corriger une erreur qu’elle a commise.

[22] Le défendeur soutient que la deuxième décision est raisonnable, puisque la conclusion selon laquelle la demanderesse n’a pas touché le revenu minimal de 5 000 $ exigé par la Loi s’appuie sur une analyse approfondie de la preuve à la disposition du deuxième agent, dont les documents fournis lors du premier et du deuxième examen des demandes de PCRE, les renseignements tirés des avis de cotisation de la demanderesse pour les années 2016 à 2021 ainsi que le [traduction] « bloc-note » du deuxième agent et les « observations » qu’il a inscrites dans le registre des communications.

[23] Avec égards, j’estime que la demanderesse n’a pas formulé ses arguments d’une façon qui me permet d’intervenir. Bien que ce soit compréhensible, elle n’a pas relevé d’erreurs dans la deuxième décision qui seraient susceptible de contrôle par la Cour.

A. Admissibilité des éléments de preuve

[24] La demanderesse souhaite déposer en preuve devant la Cour différents documents joints à son affidavit qui n’avaient pas été soumis au premier ni au deuxième agent. Le deuxième agent mentionne dans son affidavit que les documents suivants n’étaient pas à sa disposition au moment où il a rendu la deuxième décision, puisqu’ils ont été créés après la date où celle-ci a été rendue :

  • une copie de dépenses typiques engagées à titre de travailleur indépendant;

  • l’avis de demande relatif à la PCRE signifié à l’ARC, daté du 9 novembre 2022;

  • une demande de redressement d’une T1 adressée à l’ARC pour les années d’imposition 2018, 2019, 2020 et 2021, datée du 9 décembre 2022;

  • une lettre de l’ARC datée du 16 décembre 2022.

[25] Comme l’explique la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 (Access Copyright), les cours de révision ne sauraient se permettre de tirer des conclusions de fait sur le fond (au para 19). À mon avis, aucune des exceptions à cette règle ne s’applique en l’espèce. Le dossier de preuve présenté à la Cour doit se limiter au dossier dont disposait le deuxième agent. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte des documents énumérés précédemment pour statuer sur le caractère raisonnable de la deuxième décision.

[26] Pour les mêmes motifs, je ne tiendrai pas non plus compte des éléments suivants :

  • les arguments invoqués par la demanderesse visant à pallier l’insuffisance de la preuve ou à présenter de nouvelles observations;

  • le paragraphe 16 de l’affidavit de la demanderesse contenant des renseignements qui n’étaient pas à la disposition du deuxième agent;

  • les dépenses typiques engagées à titre de travailleur indépendant.

B. Équité procédurale

[27] La demanderesse soutient que l’ARC l’a traitée de manière inéquitable sous prétexte qu’elle n’était pas en mesure de fournir des relevés bancaires et des factures à l’appui de son dossier, et ce, malgré le fait qu’elle avait fourni des éléments de preuve démontrant son revenu d’entreprise. Elle se demande également pourquoi elle a été choisie pour faire l’objet d’une vérification dans le cadre de la PCRE et fait valoir qu’elle a certes commis une erreur, mais que l’ARC ne lui a pas permis de la corriger. En tout respect, je ne suis pas de cet avis. La deuxième décision est équitable sur le plan de la procédure.

[28] Le document intitulé « Confirmation de l’admissibilité à la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), et à la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants (PCREPA), et à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE) » (les lignes directrices de l’ARC) indique que « [s]i les revenus 2019 ou 2020 ne peuvent pas être validés […], une preuve doit être fournie ». Le document précise en outre ce qui suit : « Si vous déterminez que des documents sont nécessaires, informez l’appelant de ce qui doit être fourni pour démontrer qu’il a gagné au moins 5 000 $ au cours des 12 derniers mois. » Comme la Cour l’a expliqué dans une décision antérieure, les lignes directrices peuvent « servir à déterminer ce qui constitue une interprétation raisonnable d’une disposition donnée » (Crook c Canada (Procureur général), 2022 CF 1670 au para 16, citant Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 au para 32).

[29] À mon avis, le deuxième agent a suivi les lignes directrices de l’ARC. Le dossier montre que le premier agent a communiqué avec la demanderesse pour l’informer qu’elle devait fournir des documents supplémentaires, dont des relevés bancaires et des factures, afin d’établir son revenu provenant d’un travail exécuté pour son compte. Dans ses notes, le deuxième agent a écrit avoir appelé la demanderesse le 20 septembre 2022 et a indiqué ce qui suit :

[traduction]

[…] lui ai dit que j’ai reçu de nombreux documents, mais que je n’étais pas en mesure d’établir à partir de ceux‑ci qu’elle avait lancé son entreprise en 2018. Elle fait ses achats principalement chez Costco et les envoie ensuite à ses clients en Chine, achats qu’elle effectue avec la carte de crédit de son époux. Elle se fait payer en devises chinoises. Elle affirme qu’elle fait souvent ses achats personnels et ceux pour ses clients dans une même transaction. Elle dit m’avoir envoyé un fichier Excel comprenant toutes ses dépenses. Je l’ai informée que son nom ne se trouvait pas sur le document et que j’ai besoin d’un relevé bancaire montrant les sommes déposées dans son compte ainsi que les factures correspondantes. Elle affirme que ses clients la payent en devises chinoises […]

[Non souligné dans l’original.]

[30] Lorsque l’ARC a besoin de documents supplémentaires pour vérifier l’admissibilité d’un demandeur, elle doit l’en informer (Virani c Canada (Procureur général), 2022 CF 1480 (Virani) aux para 20‑21). Comme le montrent les notes reproduites précédemment, c’est exactement ce qu’a fait le deuxième agent en l’espèce. Par conséquent, je suis d’avis qu’il a agi de manière équitable sur le plan procédural.

C. Caractère raisonnable de la décision

[31] La demanderesse soutient que la décision rendue par le deuxième agent est déraisonnable parce que ce dernier ne s’appuie que sur des relevés bancaires et des factures pour évaluer son revenu net provenant d’un travail exécuté pour son compte, et ce, malgré le fait que des reçus de paiement constituent des documents acceptables pour établir si le revenu minimal de 5 000 $ provenant d’un emploi ou d’un travail exécuté pour son compte a été atteint. Elle affirme que l’ARC n’a pas justifié sa décision et que les conséquences psychologiques et financières considérables de la décision n’ont pas été mentionnées par le deuxième agent dans ses motifs, comme l’exige l’arrêt Vavilov, au paragraphe 133.

[32] Le défendeur fait valoir que la deuxième décision est raisonnable. Il soutient qu’elle résulte d’une analyse approfondie de la preuve à la disposition du deuxième agent, dont les documents fournis lors du premier et du deuxième examen de la demande, les renseignements contenus dans les avis de cotisation de la demanderesse pour les années 2016 à 2021 ainsi que le [traduction] « bloc-note » du deuxième agent et les « observations » qu’il a inscrites dans le registre des communications, éléments qui lui ont permis de conclure que la demanderesse n’avait pas touché le revenu minimal de 5 000 $ exigé par la Loi. Le défendeur avance que cette conclusion est étayée par les déclarations de revenus de la demanderesse, notamment pour les années 2019 à 2021, qui montrent qu’elle n’a pas touché le revenu minimal requis.

[33] Je suis d’accord avec le défendeur. La principale question soulevée en l’espèce était l’absence de preuve démontrant que la demanderesse remplissait la condition relative au revenu minimal de 5 000 $ (Vavilov, au para 100). Bien que je sois sensible à la situation de la demanderesse, il lui incombait de convaincre le deuxième agent qu’elle remplissait les conditions d’admissibilité (Virani, au para 12). Malheureusement, elle a en fait admis qu’elle n’avait pas transmis au deuxième agent les éléments de preuve requis. Elle soutient toutefois que l’ARC aurait dû accepter les éléments de preuve qu’elle était en mesure de fournir. La demanderesse explique qu’elle n’a aucun relevé d’une banque canadienne montrant les activités de son entreprise, puisque toutes les transactions ont lieu par l’entremise de WeChat. Elle reconnaît aussi que [traduction] « c’est son erreur d’avoir jeté tous les reçus attestant les dépenses qu’elle a engagées pour répondre aux commandes de ses clients ». À part le fait qu’elle soutient que le deuxième agent aurait dû juger ses éléments de preuve satisfaisants, la demanderesse ne relève aucune erreur dans la deuxième décision. Dans une procédure de contrôle judiciaire, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve ni d’adopter un point de vue différent à l’égard de celle‑ci (Vavilov, au para 125; Lalonde c Canada (Agence du reven[u]), 2023 CF 41 (Lalonde) au para 29).

[34] De plus, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse répond aux difficultés soulevées par les agents de l’ARC. Par exemple, le deuxième agent a relevé les lacunes suivantes et les a expliquées à la demanderesse : i) il ne pouvait établir de correspondance entre les documents; ii) le nom de la demanderesse ne se trouvait pas dans le fichier Excel; iii) des factures étaient requises. La demanderesse soulève ces lacunes dans la présente instance et traite de celles-ci dans des observations détaillées, sans toutefois mentionner qu’il s’agit de considérations déraisonnables. Elle demande plutôt à la Cour d’élaborer ses propres motifs pour répondre aux questions du deuxième agent. Ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire (Vavilov, au para 96).

[35] Par ailleurs, la demanderesse fait référence, dans ses observations, à un remboursement de la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement (la PCTCC). Cependant, la Cour n’est saisie que d’une décision concernant l’admissibilité à la PCRE, et je ne peux me pencher sur des questions relatives à la PCTCC.

[36] Enfin, les parties se sont entendues sur des dépens de 500 $. Dans les circonstances et compte tenu du fait que la demanderesse agit pour son propre compte, je ne suis pas d’avis qu’il y a lieu d’adjuger des dépens dans la présente affaire (voir, p. ex., Lalonde, au para 97).

V. Conclusion

[37] Je tiens à souligner les efforts déployés par la demanderesse pour plaider sa cause à titre de partie agissant pour son propre compte, une tâche qui peut poser son propre lot de difficultés et s’avérer éprouvante pour certaines personnes. Je la remercie notamment d’avoir exprimé de la reconnaissance envers l’avocate du défendeur et le personnel de la Cour, dont les fonctionnaires du greffe. Le respect dont elle a fait preuve à l’égard du processus judiciaire n’est pas passé inaperçu, ni sa situation financière et les difficultés personnelles que la pandémie de COVID‑19 lui a causées. Je reconnais que ses observations ne reflétaient pas le type d’analyse juridique normalement présentée par un avocat, mais j’ai tenté de mon mieux de lui faciliter la tâche sur ce plan. Il est essentiel que les parties qui agissent pour leur propre compte puissent se faire entendre par la Cour. Je remercie également l’avocate du défendeur d’avoir fait preuve de patience et de respect durant les plaidoiries.

[38] La deuxième décision de l’ARC selon laquelle la demanderesse ne remplit pas les conditions d’admissibilité à la PCRE est raisonnable et équitable sur le plan de la procédure. La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée et aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT dans le dossier T‑2324‑22

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2324‑22

 

INTITULÉ :

HUI PING HU c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 OCTOBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Hui Ping Hu

(agissant pour son propre compte)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Emmanuelle Rochon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.