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Date : 20231201


Dossier : IMM-1058-23

Référence : 2023 CF 1613

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2023

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE:

SAHAND AGHVAMIAMOLI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] à l’encontre de la décision d’un agent des visas [l’agent] portant rejet, le 3 janvier 2023, de la demande de permis d’études du demandeur aux termes du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR].

[2] Le demandeur, Sahand Aghvamiamoli [le demandeur], est citoyen iranien, a 22 ans, est célibataire et sans enfant. Titulaire d’un diplôme d’études secondaires, il a présenté une demande de permis d’études au Canada pour poursuivre des études de baccalauréat en biologie à l’Université York. Il n’a pour famille qu’un seul frère, qui réside en Iran.

[3] L’agent a rejeté la demande au motif que le demandeur ne l’a pas convaincu qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. L’agent cite le manque de soutien financier et d’attaches familiales à l’extérieur du Canada, ainsi que le but de la visite du demandeur.

[4] À la lumière du dossier présenté à la Cour, notamment les observations que les parties ont présentées par écrit et de vive voix, et à la lumière du droit applicable, la Cour constate que le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombe de démontrer que la décision de l’agent était déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II. Faits

[5] Le demandeur est titulaire d’un diplôme d’études secondaires en sciences expérimentales obtenu en Iran. Il entend poursuivre des études de baccalauréat en biologie à l’Université York; il a reçu une lettre d’acceptation.

[6] Le demandeur a pour seule famille son frère, qui vit en Iran.

[7] L’agent a rejeté la demande de permis d’études du demandeur au motif qu’il n’était pas convaincu que les biens et la situation financière du demandeur suffisent pour étayer le but du voyage, que le demandeur n’a pas d’attaches familiales solides à l’extérieur du Canada et que le but de la visite au Canada ne correspond pas à un séjour temporaire.

[8] Dans les notes du Système mondial de gestion des cas, l’agent a déclaré ce qui suit :

[traduction]
J’ai examiné la demande. J’ai tenu compte des facteurs qui suivent dans ma décision.

Le plan d’études du demandeur présente des commentaires généraux vantant la valeur, pour les ressortissants étrangers, de la formation au Canada et des affirmations d’ordre général sur la façon dont cette formation améliorera la situation du demandeur en Iran. Le demandeur ne montre pas en quoi les études qu’il préconise au Canada seraient avantageuses pour son cheminement scolaire et son perfectionnement professionnel en Iran.

Je ne suis pas convaincu que les attaches familiales que mentionne le demandeur sont suffisamment solides (ou étayées) pour justifier un retour en Iran.

Je remarque que le demandeur est célibataire, mobile et sans personnes à charge. Je remarque aussi que ses deux parents sont décédés.

Les documents fournis pour étayer la situation financière du demandeur ne montrent pas des fonds en suffisance ou à sa disposition. L’historique des opérations bancaires affiche de faibles soldes préexistants et des dépôts forfaitaires. Rien dans le dossier ne montre l’historique de l’accumulation des fonds. Le dépôt forfaitaire qui y figure ne me convainc pas que le demandeur aura accès aux fonds déclarés à l’appui de la demande. Faute de documents satisfaisants quant à la source de ces fonds, je ne suis pas convaincu que le demandeur dispose de fonds suffisants pour son projet d’études au Canada.

L’examen des éléments que présente la demande ne m’a pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Pour les motifs qui précèdent, j’ai rejeté la présente demande.

III. Législation applicable

[9] Le demandeur doit établir qu’il satisfait aux exigences de la LIPR et du RIPR pour obtenir le permis d’études. Le paragraphe 216(1) du RIPR dispose que le demandeur doit établir qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[10] L’alinéa 220b) du RIPR prévoit que l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins qu’il n’estime que celui-ci dispose de ressources financières suffisantes pour « subvenir à ses propres besoins [...] durant ses études [...] ».

[11] Il incombe également au demandeur de fournir à l’agent tous les documents pertinents à l’appui de sa cause et de convaincre l’agent qu’il ne restera pas au Canada une fois son visa expiré (Hassanpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1738 au para 9; Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001 au para 10 [Penez]).

[12] Le RIPR prévoit ce qui suit :

Permis d’études

Study Permits

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

(a) applied for it in accordance with this Part;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

(c) meets the requirements of this Part;

d) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

(d) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

e) il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné.

(e) has been accepted to undertake a program of study at a designated learning institution.

Ressources financières

Financial resources

220 À l’exception des personnes visées aux sous-alinéas 215(1)d) ou e), l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins que celui-ci ne dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour :

220 An officer shall not issue a study permit to a foreign national, other than one described in paragraph 215(1)(d) or (e), unless they have sufficient and available financial resources, without working in Canada, to

a) acquitter les frais de scolarité des cours qu’il a l’intention de suivre;

(a) pay the tuition fees for the course or program of studies that they intend to pursue;

b) subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent durant ses études;

(b) maintain themself and any family members who are accompanying them during their proposed period of study; and

c) acquitter les frais de transport pour lui-même et les membres de sa famille visés à l’alinéa b) pour venir au Canada et en repartir.

(c) pay the costs of transporting themself and the family members referred to in paragraph (b) to and from Canada

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[13] Après avoir examiné les mémoires et plaidoiries des parties, la preuve et la jurisprudence applicable, je suis d’avis que la présente affaire soulève deux questions principales :

  • 1)L’agent a-t-il porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur?

  • 2)La décision de l’agent était-elle raisonnable?

[14] La norme de contrôle applicable lorsqu’il s’agit d’examiner le fond de la décision de l’agent est la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 10, 25; Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 [Mason] aux para 7, 39-44). Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85; Mason, au para 8); de plus, elle doit posséder les caractéristiques suivantes : la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, au para 99; Mason, au para 59). Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas une « simple formalité »; il s’agit d’un contrôle rigoureux (Vavilov, au para 13; Mason, au para 63). Une décision peut être déraisonnable si le décideur s’est mépris sur la preuve qui lui a été soumise (Vavilov, aux para 125-126; Mason, au para 73). Il incombe au demandeur de démontrer le caractère déraisonnable d’une décision (Vavilov, au para 100).

[15] Quant à la question de l’équité procédurale, suivant la norme de contrôle applicable, on procède à un « exercice de révision [...] « particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte », même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Aboudlal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 689 au para 32, citant Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée] au para 54). Comme la Cour d’appel l’a récemment déclaré dans l’arrêt Caron c Canada (Procureur général), 2022 CAF 196 au paragraphe 5, « [l]orsqu’elle entreprend une analyse relative à l’équité procédurale, [la] Cour doit établir quelles sont les procédures et les garanties requises et, si celles-ci n’ont pas été respectées, elle doit intervenir » (voir aussi Mission Institution c Khela, 2014 CSC 24 au para 79). Le rôle de la cour de révision en ce qui concerne les questions d’équité procédurale consiste simplement à décider si la procédure suivie était équitable, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce. Ainsi « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu possibilité complète et équitable d’y répondre » (comme le réitère l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée au para 56).

V. Analyse

A. L’agent n’a pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur

[16] Le demandeur soutient qu’il a été porté atteinte à son droit à l’équité procédurale du fait que l’agent se soit abstenu de lui faire part de ses réserves et de lui demander des justifications supplémentaires (voir ce fondement dans la décision Nsiegbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1262 au para 13).

[17] Le demandeur conteste les conclusions tirées par l’agent au sujet de son soutien financier, pour ce qui est de la déclaration que l’historique des opérations bancaires affichait de faibles soldes préexistants et des dépôts de sommes forfaitaires, sans explication adéquate ni documents indiquant la source des fonds.

[18] Je ne souscris pas à la thèse demandeur. Il n’a pas été porté atteinte à l’équité procédurale en l’espèce.

[19] Il incombe toujours au demandeur de déployer ses meilleurs efforts pour fournir tous les renseignements nécessaires à l’appui de sa demande. Si le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombe de prouver qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, il ne revient pas à l’agent de lui offrir l’occasion de donner une explication ou de lui demander des renseignements supplémentaires (Chhetri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 872 aux para 9-10; Hakimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 657 aux para 19, 21-24; Idowu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 46 au para 21; Penez, au para 37; Hashem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 41 au para 31; Khaleel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1385 au para 18; Bidassa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 242 aux para 11, 22 [Bidassa]).

[20] D’ordinaire, l’agent n’est pas tenu d’informer le demandeur des lacunes de sa demande, au moyen d’une lettre d’équité ou d’un entretien, si ses réserves se rapportent aux éléments de preuve que le demandeur a lui-même présentés pour satisfaire aux exigences prévues par la loi. L’agent est en droit de tirer une conclusion défavorable de la preuve présentée sans porter l’éventuelle conclusion défavorable à l’attention du demandeur en vue de susciter une réfutation de sa part (Gomes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 451 aux para 20-21; Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 au para 33).

[21] En l’espèce, exprimer une réserve quant à la nature des dépôts de sommes forfaitaires ne constitue pas une appréciation de la crédibilité. Dans les cas où il s’agit d’apprécier la crédibilité, l’équité procédurale exige que l’agent donne au demandeur la possibilité de répondre à ses réserves quant à la crédibilité ou à l’exactitude de la preuve (Taeb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 576 au para 5). La présente affaire porte plutôt sur le caractère suffisant de la preuve. L’équité procédurale n’exige pas que l’agent offre au demandeur l’occasion de répondre à ses réserves dans ces circonstances ni de remédier à des lacunes dans la preuve. Il incombait au demandeur d’anticiper ces réserves défavorables et de présenter la preuve qui convient (Bidassa, au para 11).

B. La décision de l’agent était raisonnable

[22] Selon l’article 216 du RIPR, l’agent doit délivrer un permis d’études à l’étranger qui montre qu’il satisfait à certains critères, notamment qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Il incombe au demandeur de faire la démonstration quant à chaque critère.

[23] Dans le contexte de la décision d’un agent des visas, les motifs seront habituellement brefs en raison du nombre élevé de demandes présentées (Hajiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 71 au para 6; Ocran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 175 au para 15 [Ocran]; Lingepo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 552 au para 13). Dans ce type de contexte, la décision est à interpréter à la lumière du dossier présenté au décideur, y compris la preuve et les arguments des parties.

[24] Dans sa décision du 3 janvier 2023, l’agent a rejeté la demande de permis d’études du demandeur parce qu’il doutait que le demandeur quitte le Canada à la fin de son programme d’études, comme l’exige l’alinéa 216(1)b) du RIPR.

[25] L’agent a appuyé sa décision sur les motifs suivants :

[traduction]

Vos biens et votre situation financière ne suffisent pas pour étayer le but déclaré du voyage pour vous-même (et tout membre de la famille qui vous accompagne, le cas échéant);

Vous n’avez pas d’attaches familiales solides à l’extérieur du Canada;

Le but de votre visite au Canada ne correspond pas à un séjour temporaire, à la lumière des précisions que vous avez données dans votre demande.

[26] Le demandeur soutient que les motifs de l’agent sont lacunaires, déraisonnables et fondés sur des inférences inexactes quant aux faits. Il fait valoir que l’agent a formulé des déclarations vagues et fondé sa décision sur des généralisations sans fondement pour échafauder un raisonnement en vue de justifier le rejet de la demande. Dans les circonstances, le demandeur affirme que la décision est inintelligible et n’est pas justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes et qu’il n’est pas en mesure de comprendre les motifs du rejet.

[27] À mon avis, les motifs de l’agent à l’appui du rejet de la demande de permis d’études du demandeur sont suffisamment intelligibles, transparents et justifiés, de sorte que la décision est raisonnable (Vavilov, aux para 15, 98). Examinés dans leur ensemble et à la lumière de leur contexte, les motifs expliquent bien pourquoi les considérations de l’agent, prises ensemble, justifiaient la décision selon laquelle le demandeur ne l’avait pas convaincu qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[28] L’agent a bel et bien examiné la preuve pour ce qui est du soutien financier du demandeur. Il importe à ce stade-ci de souligner que, dans le cas d’une personne qui présente une demande depuis l’Iran, les directives du bureau des visas pour les permis d’études exigent que le demandeur joigne à sa demande de permis d’études un « [r]elevé de comptes bancaires couvrant les six derniers mois » et est formulé ainsi : « [s]i une personne ou une entité à l’extérieur du Canada finance vos études : fournir une lettre justificative de l’organisation ou de la personne en question; avec preuves de capacités financières (lettre d’employeur, salaire, relevés bancaires, biens immobiliers, autres revenus, etc.) » (Immigration Canada, Permis d’études – Directives du bureau des visas d’Ankara, IMM 5816 F (Ottawa, Immigration Canada, mai 2016)). Le demandeur n’a pas fourni six mois de relevés bancaires. De plus, il a déclaré qu’il était soutenu financièrement par son frère et son grand-père (Dossier certifié du tribunal, à la p 21). Mais, là encore, le demandeur n’a fourni aucune preuve quant à la capacité financière de ceux-ci.

[29] La Cour a également décidé que l’agent chargé d’évaluer une demande de permis d’études doit non seulement examiner le compte bancaire du demandeur, mais aussi procéder à une analyse bien détaillée et complète de la source, de l’origine, de la nature et de la stabilité de ces fonds pour décider si le demandeur est en mesure d’assumer les coûts de son séjour au Canada pour la durée de ses études (Sayyar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 494 au para 12 [Sayyar]; Kita c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF1084 aux para 10, 20; Bidassa, aux para 21-22). En ce sens, même si je conviens qu’il puisse suffire de faire état de la capacité de financer seulement la première année d’études (Cervjakova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1052 au para 14), il n’est pas pour autant déraisonnable de rejeter une demande de permis d’études pour ce motif et d’exiger une preuve supplémentaire montrant que le demandeur pourrait être en mesure de compter sur des fonds suffisants pour assumer les coûts d’une période plus longue de son séjour (Ibekwe c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2022 CF 728 au para 29; Sayyar, au para 12).

[30] Compte tenu du plan d’études et de ses coûts, ainsi que des renseignements bancaires présentés, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur disposait du soutien financier suffisant pour son séjour au Canada. Cette conclusion est renforcée par le fait que le demandeur a 22 ans, qu’il n’a pas indiqué avoir occupé un quelconque emploi fructueux avant de présenter sa demande d’admission au Canada, que ses parents sont décédés et qu’il a un frère en Iran. Or, ses renseignements bancaires affichent de faibles soldes et le dépôt de grosses sommes forfaitaires inexpliquées.

[31] L’agent a donc conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il disposait de ressources financières suffisantes pour les besoins de sa visite. Cette conclusion est raisonnable compte tenu de la preuve présentée et suffit, en soi, pour refuser de délivrer le permis d’études au demandeur (Ocran, au para 48).

[32] Quant aux attaches familiales du demandeur à l’extérieur du Canada, je conviens avec le demandeur qu’une personne peut fort bien choisir d’étudier au Canada, ne pas avoir d’attaches solides à l’extérieur du Canada, comme des parents, un conjoint ou des personnes à charge, et néanmoins avoir réellement l’intention de retourner dans son pays d’origine. Dans ses motifs, l’agent a expliqué que le manque d’attaches familiales solides en Iran était surtout attribuable au fait que les parents du demandeur étaient décédés et qu’il était célibataire et sans personnes à charge. Le dossier montre qu’il a seulement un frère, qui vit encore en Iran, mais l’agent n’a pas mentionné ce fait. Toutefois, l’agent est présumé avoir examiné l’ensemble du dossier et n’est pas tenu de mentionner chaque argument ou chaque élément de preuve dans ses motifs (Zamor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 479 aux para 20-22).

[33] Le manque d’attaches solides ne suffit pas en soi pour refuser l’entrée au Canada en vertu d’un permis d’études (Gilavan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1698 au para 23; Seyedsalehi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1250 au para 11 [Seyedsalehi]). Je ne souscris pas pour autant à l’idée que l’agent se soit fondé sur des stéréotypes. Il convient d’analyser la décision de l’agent dans son ensemble et son contexte. En l’espèce, le manque d’attaches solides en Iran conjugué à d’autres lacunes de la demande, dont le soutien financier insuffisant, ont influencé la décision de l’agent. Ce dernier avait le droit de soupeser la situation personnelle du demandeur pour mener son processus décisionnel et la demande de permis d’études du demandeur n’a pas été rejetée sur le seul motif du manque d’attaches familiales à l’extérieur du Canada.

[34] Pour ce qui est du plan d’études du demandeur, je reconnais que la décision de l’agent relativement à l’évaluation de cet aspect est peut-être hasardeuse. Le demandeur a expliqué qu’il souhaitait venir au Canada pour étudier la biologie, en vue d’obtenir un diplôme en médecine. L’agent a simplement déclaré que [traduction] « [l]e plan d’études du demandeur présente des commentaires généraux vantant la valeur, pour les ressortissants étrangers, de la formation au Canada et des affirmations d’ordre général sur la façon dont cette formation améliorera la situation du demandeur en Iran. Le demandeur ne montre pas en quoi les études qu’il préconise au Canada seraient avantageuses pour son cheminement scolaire et son perfectionnement professionnel en Iran. »

[35] À mon avis, ce commentaire d’ordre général n’explique pas ce que l’agent cherchait peut-être à voir « de plus », qui puisse servir de conseils pour orienter le demandeur si ce dernier devait présenter une nouvelle demande. En outre, comme la Cour l’a à maintes reprises affirmé, l’agent n’a pas pour rôle d’offrir de « l’orientation professionnelle », de décider si un diplôme supplémentaire est ou non utile au demandeur, sans fonder sa décision sur la preuve qui lui a été présentée (Seyedsalehi, aux para 14-16; Adom c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2019 CF 26 aux para 16, 19; Al Aridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 381 au para 27; Vahdati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1083 aux para 13-16). En l’espèce, le demandeur ne cherche pas à obtenir un diplôme de premier cycle alors qu’il détient déjà une maîtrise dans le même domaine général; il n’y a pas non plus d’incohérences entre le plan d’études et l’utilité du diplôme qu’il préconise compte tenu des antécédents scolaires et professionnels du demandeur (Charara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1176 aux para 37-38).

[36] Toutefois, même si la décision de l’agent devait être déraisonnable pour ce qui est de ses conclusions sur l’importance des attaches du demandeur en Iran, ou sur son plan d’études, ce sur quoi je ne suis pas tenu de tirer de conclusion, la décision de l’agent n’en est pas moins raisonnable en ce qui a trait au manque de soutien financier. Cette considération est en soi suffisante pour justifier la décision de l’agent de rejeter la demande de permis d’études du demandeur.

VI. Conclusion

[37] Je suis d’avis que la décision de l’agent est intelligible, transparente et justifiée (Vavilov, aux para 15, 98). L’agent a dûment tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée et a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[38] Les parties ne proposent pas de question à certifier et je conviens que les circonstances de la présente affaire n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1058-23

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Guy Régimbald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1058-23

 

INTITULÉ :

SAHAND AGHVAMIAMOLI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) ET PAR VOIE DE VIDÉOCONFÉRENCE ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 NovembrE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 1ER DÉCEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Samin Mortazavi

POUR LE DEMANDEUR

Boris Haganji

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pax Law Corporation

North Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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