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Date : 20231128

Dossier : IMM‐11070‐22

Référence : 2023 CF 1585

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2023

En présence de madame la juge Aylen

ENTRE :

WILFREDO CASTILLO MONTES

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, citoyen du Honduras, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 21 octobre 2022 par la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. La question déterminante était l’existence d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Roatán, au Honduras.

[2] Le demandeur soutient que la décision de la SPR selon laquelle une PRI viable existe à Roatán n’était pas raisonnable et qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale.

[3] Pour les motifs exposés ci‐dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I. Contexte

[4] Le demandeur est un homme très instruit âgé de 69 ans. Pendant plus de 30 ans, il a occupé divers emplois, notamment comme ingénieur, enseignant au niveau secondaire et présentateur de télévision à temps partiel.

[5] Pendant qu’il travaillait comme présentateur de télévision en 2013, le demandeur s’est publiquement opposé à un coup d’État perpétré en 2009 par des partisans de l’ancien président Juan Orlando Hernandez, aujourd’hui tombé en disgrâce. Après cette déclaration, le demandeur a reçu un certain nombre de menaces et a été attaqué par le gang Mara (Barrio) 18 [le gang Barrio‐18]; ainsi, il a reçu une note l’informant que le gang Barrio‐18 l’avait condamné à mort et un appel téléphonique de menaces, et il a été victime d’une agression physique et d’une introduction par effraction à son domicile. Par suite de ces actes, il a quitté son emploi et s’est enfui aux États‐Unis en octobre 2013.

[6] En mars 2014, le demandeur est retourné au Honduras, sa conjointe l’ayant informé qu’elle n’avait pas vu le gang ni entendu parler de lui pendant son absence. Le demandeur a déménagé avec sa famille à San Pedro Sula et a commencé à travailler comme gestionnaire pour une entreprise de construction et de télécommunications, tout en continuant à présenter les segments de sport à la télévision le soir.

[7] Le 11 février 2015, deux hommes à motocyclette ont attaqué le demandeur. Trois jours plus tard, il a reçu un appel téléphonique de menaces du gang Barrio‐18. Le 19 février 2015, le demandeur s’est enfui aux États‐Unis. Le lendemain, son épouse a reçu un appel téléphonique de menaces et, plus tard, quelqu’un a tiré en direction de leur domicile. Le 26 février 2015, la conjointe et les deux filles du demandeur ont quitté le Honduras et sont allées le rejoindre aux États‐Unis. Le demandeur est finalement venu rejoindre son fils au Canada et a déposé une demande d’asile.

[8] La SPR a instruit la demande d’asile du demandeur le 26 août 2022 et lui a alors permis de déposer des documents et de présenter des observations après l’audience sur la question de la viabilité de la PRI.

[9] Le demandeur a déposé des observations écrites le 20 septembre 2022, ainsi que plusieurs documents, y compris des lettres et déclarations de personnes au sujet de la criminalité à Roatán, notamment une lettre de Mireya Edith Guillen, membre suppléante du Congrès national du Honduras pour les îles de la Baie (Island of Bahia), où se trouve Roatán.

II. La décision de la SPR

[10] Dans sa décision, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur après avoir conclu que celui‐ci n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger. Même si elle a conclu que le demandeur avait un lien avec la Convention et qu’il était crédible, la SPR a conclu qu’il disposait d’une PRI à Roatán.

[11] En ce qui a trait au premier volet du critère relatif à la PRI, la SPR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution dans l’endroit proposé comme PRI, parce que les agents du préjudice (le gang Barrio‐18) n’avaient ni les moyens ni la motivation pour le trouver à Roatán. En ce qui a trait aux « moyens », la SPR a tiré les conclusions suivantes :

  1. Aucun élément de preuve dans le cartable national de documentation [CND] n’établissait la présence ou l’influence de quelque gang que ce soit à Roatán, et ni le conseil ni le demandeur n’ont été en mesure de fournir des documents objectifs sur les conditions dans le pays qui indiquent que le gang Barrio‐18 (ou n’importe quel autre gang) est présent ou exerce une influence à Roatán.

  2. Même s’il a été fait mention de la présence et de l’influence du gang Barrio‐18 dans un document du HCR cité par le demandeur, la SPR a conclu qu’il ressort de la prépondérance de la preuve que les gangs au Honduras sont principalement un phénomène urbain qui se concentre autour des quartiers des trois villes les plus peuplées (Tegucigalpa, La Ceiba et San Pedro Sula).

  3. Le point 7.14 du CND, qui est un document de 2021, étaye la conclusion que Roatán et les îles de la Baie affichent un taux de criminalité plus bas que le continent hondurien.

  4. Le demandeur a affirmé qu’il craignait les policiers ou politiciens corrompus qui entretiennent des liens avec les gangs, et la SPR a reconnu que la corruption est un problème généralisé au Honduras (selon le CND), mais elle a conclu que « rien n’a été porté à mon attention pour démontrer que des policiers ou des fonctionnaires corrompus sont présents à Roatán ou ont aidé des gangs à retrouver des personnes qui y ont déménagé ».

[12] En ce qui a trait à la « motivation », la SPR a tiré les conclusions suivantes :

  1. Le gang Barrio‐18 n’a fait aucune tentative pour trouver le demandeur depuis qu’il a quitté le Honduras en 2015, ce qui témoigne du manque de motivation du gang à le poursuivre.

  2. Le gang Barrio‐18 n’a pas la motivation suffisante pour poursuivre le demandeur à Roatán, un endroit où le gang « n’est pas présent physiquement et où il n’exerce pas d’influence », et il n’y avait aucune donnée dans le CND selon laquelle « ce gang s’était lancé à la poursuite de citoyens ordinaires à Roatán ou ailleurs pour cause de non‐paiement des frais d’extorsion ou autre ».

[13] De plus, même si le demandeur a fourni des articles de presse et des affidavits attestant l’existence d’activités criminelles à Roatán, la SPR a affirmé que ces documents ne constituaient pas une preuve objective du fait que des gangs comme le gang Barrio‐18 y exercent des activités et représenteraient un risque pour le demandeur.

[14] En ce qui a trait au second volet du critère relatif à la PRI, la SPR a conclu que la situation à Roatán n’était pas telle qu’il serait objectivement déraisonnable pour le demandeur, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, d’y déménager et d’y habiter. Plus précisément, la SPR a tiré les conclusions suivantes :

  1. La difficulté à trouver du travail fait partie des difficultés normales qui découlent d’un déménagement et le demandeur « possède une feuille de route exceptionnelle sur le plan scolaire et de solides antécédents professionnels depuis plusieurs décennies dans de multiples domaines professionnels », ce qui fait de lui une personne très apte au travail.

  2. Le demandeur reçoit un soutien financier de son fils qui habite ici au Canada et il a des membres de la famille au Honduras qui pourraient l’aider à redéménager là‐bas.

  3. Le demandeur a reçu un diagnostic de dépression, d’anxiété, d’hypertension artérielle et de cholestérol, mais il n’a pas mentionné pendant son témoignage qu’il s’était heurté à des obstacles pour obtenir des soins de santé ou des ordonnances pendant toutes les années qu’il a passées au Honduras, et les éléments de preuve fournis par le conseil ne traitent pas des soins de santé à Roatán en particulier.

  4. La preuve n’établit pas selon la prépondérance des probabilités que le demandeur n’aurait pas accès à des soins de santé ou à des médicaments d’ordonnance à Roatán. L’argument du conseil selon lequel le demandeur n’aurait pas accès à des soins médicaux ni à des médicaments à Roatán relevait de l’hypothèse, car il présumait que la situation des soins de santé sur l’île de Roatán est la même que sur le continent hondurien et que le demandeur ne serait pas en mesure de trouver un emploi et devrait donc payer des frais élevés pour ses propres médicaments.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[15] La présente demande soulève les questions suivantes :

  1. la question de savoir si la décision de la SPR selon laquelle le demandeur disposait d’une PRI viable à Roatán était déraisonnable;

  2. la question de savoir si la SPR a porté atteinte aux droits à l’équité procédurale du demandeur dans son analyse des documents déposés après l’audience.

[16] En ce qui a trait à la première question, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit « s’intéresser avant tout aux motifs de la décision » et déterminer si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée [voir l’arrêt Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 8]. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti [voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 15, 85]. La cour de révision n’interviendra que si elle est convaincue que la décision souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence [voir la décision Adenjij‐Adele c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 418 au para 11].

[17] En ce qui a trait à la deuxième question, les manquements à l’équité procédurale dans le contexte administratif sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte ou sont soumis à un « exercice de révision [...] [traduction] ‘particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte’ même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » [voir l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique Ltée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54]. L’obligation d’équité procédurale est « éminemment variable », intrinsèquement souple et tributaire du contexte. Les exigences qui s’appliquent doivent être déterminées eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker [voir l’arrêt Vavilov, précité, au para 77]. Le tribunal qui se penche sur une question relative à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances [voir l’arrêt Chemin de fer Canadien Pacifique c Canada (Procureur général), précité au para 54].

IV. Analyse

A. La décision de la SPR selon laquelle le demandeur disposait d’une PRI viable à Roatán était raisonnable

[18] Dans la décision Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 799 aux paragraphes 8‐9, le juge McHaffie a décrit en ces termes le critère à deux volets relatif à la PRI :

[8] Pour établir s’il existe une PRI viable, la SAR doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que (1) le demandeur ne sera pas exposé à la persécution (selon une norme de la « possibilité sérieuse ») ou à un danger ou un risque au titre de l’article 97 (selon une norme du « plus probable que le contraire ») dans la PRI proposée; et (2) en toutes les circonstances, y compris les circonstances propres au demandeur d’asile, les conditions dans la PRI sont telles qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge : Thirunavukkarasu, aux pages 595 à 597; Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643, aux para 10 à 12.

[9] Les deux « volets » du critère doivent être remplis pour appuyer la conclusion qu’un demandeur d’asile dispose d’une PRI viable. Le seuil du deuxième volet du critère de la PRI est élevé. Il faut « une preuve réelle et concrète de l’existence » de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité des demandeurs tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr : Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 CF 164 (CAF), au para 15.

[19] Il faut aussi se rappeler qu’une fois que la SPR propose un endroit comme PRI viable, il incombe au demandeur d’asile d’établir que l’endroit en question n’est pas raisonnable et qu’il existe une possibilité sérieuse de persécution dans l’ensemble du pays [voir la décision Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 81 au para 20].

(1) Le premier volet du critère relatif à la PRI

[20] Le demandeur fait valoir que la SPR a commis une erreur en affirmant qu’il n’avait pas fourni une preuve documentaire objective de la situation du pays montrant que le gang Barrio‐18 est présent physiquement à Roatán ou y exerce une influence. Le demandeur allègue qu’il a fourni des éléments de preuve montrant que le gang Barrio‐18 est présent à Roatán [TRADUCTION] « depuis 2012 », citant à cet égard un article du CND de 2013 intitulé « Honduras : Information sur les régions où les gangs exercent leurs activités (2012 – juin 2013) » [article du CND de 2013]. Cet article renvoie à une étude menée par le Programme national pour la prévention, la réadaptation et la réinsertion sociale sur les « Maras et d’autres gangs » de septembre 2010 à janvier 2011. Il ressort de l’étude qu’il y avait 13 membres du gang Pandilla 18 (M‐18) (un autre nom reconnu pour le gang Barrio‐18) à Roatán. Le demandeur soutient que l’omission de la part de la SPR d’examiner l’article du CND de 2013 constitue une erreur susceptible de contrôle.

[21] Même si je conviens avec le demandeur que les décideurs doivent à tout le moins traiter des éléments de preuve pertinents qui contredisent directement leurs conclusions [voir la décision Barril c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 400 au para 17], je rejette l’allégation du demandeur au sujet de la pertinence de l’article du CND de 2013, parce qu’il n’est pas écrit dans cet article que le gang Barrio‐18 exerce ses activités à Roatán « depuis 2012 ». Il indique uniquement que le gang Barrio‐18 était présent à Roatán voilà plus de dix ans et il n’y a au dossier aucun élément de preuve établissant que ce même groupe était encore présent ou continuait à exercer une influence à Roatán lorsque la SPR a rendu sa décision. Comme le souligne le défendeur, le CND a fait l’objet d’au moins 15 mises à jour depuis 2013 et les données que le demandeur invoque aujourd’hui ne figurent plus dans la version actuelle. En conséquence, je conclus que la SPR n'a pas commis d’erreur en omettant d’examiner dans ses motifs l’article du CND de 2013.

[22] Le demandeur reproche également à la SPR d’avoir confondu à tort la présence physique et l’influence du gang Barrio‐18 à Roatán; il invoque à cet égard les décisions suivantes de notre Cour : Campos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1641; Mauricio Berrios c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 739; et Monsalve c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 4. Je rejette cette allégation. Je ne suis pas convaincue que le demandeur a démontré que la SPR a commis une erreur en confondant le concept de la présence physique et celui de l’influence. Au contraire, la SPR a expliqué que la prépondérance de la preuve établissait que le gang Barrio‐18 exerce ses activités dans les trois plus grands centres urbains du Honduras et que, « bien qu’ils [les gangs] soient capables d’exercer une influence à l’extérieur de leur zone contrôlées et dans certaines régions rurales adjacentes, ils n’ont pas établi empiriquement qu’ils étaient physiquement présents ou exerçaient une influence à Roatán ». Le demandeur n’a relevé aucun élément de preuve contredisant les conclusions de la SPR selon lesquelles le gang Barrio‐18 n’est pas présent ou n’exerce pas d’influence à Roatán.

[23] Le demandeur soutient également que la SPR a commis une erreur en omettant d’examiner les éléments de preuve contradictoires figurant dans la lettre fournie par Mme Guillen. Dans cette lettre, cette dernière affirme que [TRADUCTION] « la situation [à Roatán] est très préoccupante aujourd’hui parce que les derniers incidents violents ont été attribués aux Maras et aux gangs de cette région ». Mme Guillen mentionne ensuite les noms d’un certain nombre de victimes de crimes à titre d’exemples de ces « incidents violents ». Le demandeur a présenté des articles ou des copies de ressources en ligne au sujet de chaque victime, mais aucun des documents n’étaye l’argument selon lequel le gang Barrio‐18 était responsable des incidents. Les données appuient simplement la proposition générale selon laquelle la criminalité est présente à Roatán, ce qui n’est pas contesté, comme la SPR l’a mentionné explicitement dans ses motifs. Comme le défendeur le souligne, ces données ne démontrent pas que le gang Barrio‐18 exerce des activités à Roatán ou représenterait un risque pour le demandeur. Il était donc raisonnable de la part de la SPR de conclure que les éléments de preuve du demandeur montrant que des crimes étaient commis à Roatán n’étaient pas pertinents au regard du premier volet du critère relatif à la PRI. De plus, les autres lettres que le demandeur a présentées étaient encore plus générales que la lettre de Mme Guillen et ne comportaient aucune mention des gangs. En conséquence, je conclus qu’il était raisonnable de la part de la SPR de ne pas les examiner dans ses motifs.

[24] Ayant conclu que les documents déposés après l’audience n’étaient pas pertinents au regard du premier volet du critère relatif à la PRI, je conclus que les commentaires additionnels que la SPR a formulés au paragraphe 80 de ses motifs au sujet des documents ne sont pas importants aux fins de sa décision.

[25] Le demandeur soutient également que la SPR a omis de tenir compte du fait que l’île de Roatán est située à proximité (soit à 70 km) de La Ceiba, soit l’un des endroits qui, selon la conclusion de la SPR, comptaient une forte concentration de membres du gang Barrio‐18. Je rejette cette allégation. La SPR a conclu que la prépondérance de la preuve indiquait « que les gangs sont regroupés autour des trois grands centres urbains du Honduras, et bien qu’ils soient capables d’exercer une influence à l’extérieur de leurs zones contrôlées et dans certaines régions rurales adjacentes, ils n’ont pas établi empiriquement qu’ils étaient physiquement présents ou exerçaient une influence à Roatán ». La mer sépare l’île de Roatán de la ville de La Ceiba. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve indiquant que l’influence du gang Barrio‐18 s’étend depuis le continent, à La Ceiba, jusqu’à l’île de Roatán et, par conséquent, je conclus que la SPR n’a pas commis d’erreur en n’examinant pas expressément ce point dans ses motifs.

[26] De même, le demandeur a souligné pendant son témoignage qu’il craignait les policiers ou politiciens corrompus de Roatán qui pourraient entretenir des liens avec le gang Barrio‐18. Il fait valoir que la SPR a commis une erreur en concluant à l’absence d’éléments de preuve démontrant que des policiers ou fonctionnaires corrompus sont présents à Roatán ou ont aidé des gangs à retrouver des personnes qui y ont déménagé. Le demandeur invoque un article de presse selon lequel le maire de Roatán a été arrêté pour trafic de stupéfiants en 2021. Je ne suis pas convaincue que ce seul article de presse (qui indique que l’organisme d’exécution a refusé de confirmer l’arrestation du maire) constitue, en l’absence d’éléments de preuve établissant que le maire a été déclaré coupable ou, à tout le moins, accusé, un élément de preuve démontrant que des fonctionnaires corrompus du gouvernement étaient présents à Roatán ou que des fonctionnaires gouvernementaux ou policiers corrompus ont aidé le gang Barrio‐18 à retrouver des personnes qui y ont déménagé. En conséquence, je ne suis pas convaincue que le demandeur a démontré que l’analyse de cette question par la SPR est déraisonnable.

[27] Enfin, le demandeur allègue que la SPR a omis de tenir compte du fait que le gang Barrio‐18 l’avait pourchassé dans une autre ville (San Pedro Sula) dans le passé. Je rejette cette allégation, parce que la SPR tient expressément compte, dans ses motifs, des événements survenus à San Pedro Sula. Dans sa conclusion sur la motivation, la SPR semble avoir été davantage convaincue par le fait que le gang Barrio‐18 n’a fait aucune tentative pour trouver le demandeur depuis que celui‐ci a quitté le Honduras en 2015 et que personne ne l’a prévenu de quelque tentative que ce soit d’entrer en contact avec lui, de le trouver ou de s’informer à son sujet. Je ne vois aucun élément déraisonnable dans l’examen que la SPR a fait de cette question.

(2) Le second volet du critère relatif à la PRI

[28] Le demandeur soutient que la SPR n’a pas tenu compte de l’âge du demandeur et de l’incidence que celui‐ci aurait sur sa capacité de se trouver un emploi, étant donné qu’il a dépassé l’âge de la retraite au Honduras. Cette allégation est sans fondement, car la SPR a expressément reconnu cette question aux paragraphes 88‐89 de ses motifs.

[29] Le demandeur soutient que la SPR a conclu à tort que la famille du demandeur serait disposée à lui venir en aide s’il devait déménager à Roatán, même si sa fille a affirmé dans son affidavit qu’elle serait incapable de le faire et que le demandeur a dit pendant son témoignage à l’audience que sa famille ne lui viendrait pas en aide. Cependant, la preuve portée à l’attention de la SPR indiquait que le fils du demandeur vient actuellement en aide à celui-ci. Conjuguée à la conclusion de la SPR au sujet de l’aptitude au travail du demandeur, cette preuve constitue un fondement suffisant au soutien de la conclusion de la SPR selon laquelle il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de déménager en raison de l’absence de soutien financier ou familial.

[30] Le demandeur ajoute que, s’il déménageait à Roatán, il n’aurait pas accès à des soins médicaux ou à des médicaments d’ordonnance pour traiter son trouble dépressif caractérisé et son trouble anxieux général, ni n’aurait les moyens de se les offrir. Le demandeur allègue que la SPR a commis une erreur en concluant que ses arguments sur ce point relevaient de l’hypothèse et en omettant de tenir compte de la preuve sous‐jacente. Je ne suis pas convaincue que le demandeur a établi que la SPR a commis une erreur dans son examen de cette question. Il incombait au demandeur de démontrer qu’il serait incapable d’avoir accès à des soins médicaux et à des médicaments d’ordonnance. Après avoir passé en revue la preuve présentée à la SPR sur ces questions, je conclus que le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau, parce qu’il n’a présenté aucun élément de preuve concernant le caractère censément insuffisant des soins médicaux à Roatán (plutôt qu’au Honduras, de façon générale) pour traiter ses problèmes de santé. Qui plus est, compte tenu des conclusions que la SPR a tirées au sujet de l’aptitude au travail du demandeur, il était raisonnable de la part de cette dernière de conclure que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur aurait les moyens de payer les services de soins de santé et les médicaments à Roatán grâce aux avantages ou au revenu stable auxquels il a accès.

B. La SPR n’a pas porté atteinte aux droits à l’équité procédurale du demandeur

[31] Le demandeur fait valoir que la SPR a porté atteinte à ses droits à l’équité procédurale en refusant de lui accorder la possibilité de présenter des observations au sujet des doutes que la SPR a soulevés au paragraphe 80 de ses motifs relativement aux documents présentés après l’audience. Je souligne que l’avocat du demandeur a admis, au cours de l’audience relative à la présente demande, que cet argument n’était pas solide.

[32] Étant donné que le demandeur n’a cité aucune autorité étayant l’allégation selon laquelle la SPR devait faire part de ses doutes au demandeur et lui donner la chance d’y répondre, je ne suis pas convaincue que le demandeur a établi qu’il y a eu atteinte à ses droits à l’équité procédurale.

V. Conclusion

[33] Ayant conclu que le demandeur n’avait démontré l’existence d’aucun motif justifiant l’intervention de notre Cour, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

[34] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐11070‐22

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

« Mandy Aylen »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐11070‐22

INTITULÉ :

WILFREDO CASTILLO MONTES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 NOVEMBRE 2023

JUGeMENT ET MOTIFS :

LA JUGE AyLEN

DATE DES MOTIFS :

LE 28 NOVEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

Arvin Afzali

POUR Le demandeur

Andrea Mauti

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Auxilium Law

Toronto (Ontario)

POUR Le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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