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Date : 20051124

Dossier : T-677-05

Référence : 2005 CF 1584

OTTAWA (Ontario), ce 24ième jour de novembre 2005

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE PAUL U.C. ROULEAU

ENTRE :

AHMED TAGNAOUTI MOUMNANI

Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Partie défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 Le demandeur, Ahmed Tagnaouti Moumnani, interjette appel de la décision rendue le 10 mars 2005 par le juge de la citoyenneté. Ce dernier a rejeté sa demande de citoyenneté au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'aliéna 5(1)(c).

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a) en fait la demande;

b) est âgée d'au moins dix-huit ans;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[2]                 Le demandeur a obtenu sa résidence permanente le 23 juin 1999 et a présenté sa demande de citoyenneté le 31 janvier 2003. Devant le juge de la citoyenneté, le demandeur a indiqué, pour cette période avoir été présent au Canada durant un total de 1110 jours sur les 1317 que compte ladite période. Il était absent pendant une période de 207 jours à l'extérieur du Canada.

[3]                 Le juge de citoyenneté a déclaré ne pas être satisfait des documents présentés par le demandeur à l'appui de sa résidence au pays et a indiqué douter de la véracité des dates d'absences déclaré par le demandeur. Durant l'audience, le juge de la citoyenneté a demandé au demandeur de lui fournir de la preuve supplémentaire. Trois jours plus tard il analysa cette preuve afin de conclure que le demandeur ne pouvait pas illustrer sur une prépondérance des probabilités qu'il résidait au Canada pendant les trois des quatre années déclarées.

[4]                 Pour en venir à cette conclusion, le juge de la citoyenneté a souligné des contradictions en ce qui concerne l'entreprise du demandeur. Ce dernier atteste être opticien et avoir ouvert une compagnie qui fournie des lunettes au Canada et aux États-unis. Afin de résumer la panoplie de preuve présentée à cet égard, le juge de citoyenneté s'est particulièrement attardé aux rapports annuels de la compagnie ainsi qu'à ses déclarations d'impôt et du revenu. En somme, le juge de la citoyenneté a trouvé plusieurs contradictions entre les déclarations du demandeur et la preuve documentaire soumise.

[5]                 Le demandeur allègue que le juge de la citoyenneté n'avait aucun motif de douter des ses déclarations et que sa décision ne peut reposer sur une prétention sans fondement tel que décrit dans l'arrêt Villarroel c. M.E.I., (1980) 31 N.R. 50.

[6]                 De plus, le demandeur souligne le fait que la preuve documentaire appuie ses déclarations et qu'étant donné que sa famille réside au Canada et que ses enfants sont en bas âge, il est tout à fait normal qu'il ait résidé au Canada durant cette période.

[7]                 Étant donné que sa présence durant la période pertinente était plus importante que le nombre minimum requis pour satisfaire aux exigences de résidence, le demandeur soutient que le juge de citoyenneté a fait une erreur en rejetant sa demande.

[8]                 Subsidiairement, malgré une détermination que le demandeur n'était pas au Canada, le juge de la citoyenneté aurait donc dû évaluer la demande selon les critères de l'arrêt Re Koo [1993] 1 F.C. 286 afin d'établir s'il avait un attachement suffisant au Canada. Le demandeur soutient qu'en n'appliquant pas le test de résidence énoncé dans Re Antonios E. Papadogiorgakis, [1978] 2 F.C. 208, qui aurait confirmé la nature de son attachement au Canada, le juge de la citoyenneté a rendu une décision manifestement déraisonnable.

[9]                 Le défendeur souligne qu'étant donné que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable et que l'évaluation du juge de la citoyenneté est effectivement fondée sur des contradictions dans la preuve fournie par le demandeur, cette demande devrait être rejetée.

[10]            Selon le défendeur, le fait que le demandeur n'était pas en mesure de démontrer au juge de la citoyenneté quand il se trouvait ou ne se trouvait pas au Canada justifiait le rejet de sa demande de citoyenneté. En ce qui concerne le passeport et les dates qui y sont inscrites, le juge de la citoyenneté n'a pas pu déceler le nombre de jours précis passés au Canada.

[11]            Le défendeur affirme que le demandeur n'a pas pu établir qu'il résidait au Canada pendant 1110 jours et que son argument en ce qui concerne la période pertinente est sans fondement. Or, malgré l'approche plus libérale préconisée par la jurisprudence soulevée par le demandeur, la crédibilité du demandeur était en cause et c'est là l'élément le plus important à considérer.

[12]            Les arguments des deux parties font en sorte que la Cour doit trancher une seule question en l'espèce. Il s'agit plus particulièrement de savoir si la décision du juge de la citoyenneté en ce qui concerne la résidence du demandeur et son interprétation de la preuve sont déraisonnables.

ANALYSE

La norme de contrôle

[13]            Pour répondre à la question ci-dessus, il est d'abord nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable. Auparavant, la norme de contrôle applicable en ce qui concerne un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté était celle de la décision correcte, voir Lam c. Canada (M.C.I.) (1999), 164 F.T.R. 177; A.C.F. no. 410 (QL). Toutefois, le juge de Montigny dans l'arrêt Lama c. Canada (M.C.I.), [2005] A.C.F. no 578 (QL) a cerné l'évolution de la jurisprudence quant à une décision d'une juge de la citoyenneté aux paragraphes 14 à 18 :

14       Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord déterminer la norme de contrôle applicable. Dans le passé, certains juges se sont inspirés de la décision rendue par le juge Lutfy (tel était alors son titre) dans l'arrêt Lam c. Canada (M.C.I.) ([1999] A.C.F. No. 410) pour conclure que la norme de contrôle appropriée pour un appel de la décision d'un juge de la citoyenneté était celle de la décision correcte.

15       Plus récemment, un consensus semble s'être forgé autour de la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir notamment les arrêts suivants : Chen v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1693, [2004] F.C.J. No. 2069; Rasaei v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1688, [2004] F.C.J. No. 2051; Gunnarson v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2004 FC 1592, [2004] F.C.J. No. 1913; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Chen 2004 FC 848, [2004] F.C.J. No. 1040; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Fu 2004 FC 60, [2004] F.C.J. No. 88; Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Chang 2003 FC 1472, [2003] F.C.J. No. 1871; Canada (M.C.I.) c. Mueller, [2005] A.C.F. no 266, 2005 FC 227.

16       Ma collègue la juge Tremblay-Lamer a justifié cette approche dans les termes suivants :

En l'espèce, lorsque la Cour doit vérifier que le juge de la citoyenneté a appliqué l'un des critères admis de résidence aux faits, cela soulève, à mon avis, une question mixte de droit et de fait (Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748). Compte tenu du fait qu'il faille accorder un certain degré de déférence à l'égard des connaissances et de l'expérience particulières du juge de la citoyenneté, je conclurais que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. (Canada (M.C.I.) c. Fu, [2004] A.C.F. No. 88, au par. 7).

17       Compte tenu de l'approche pragmatique et fonctionnelle développée par la Cour suprême du Canada, notamment dans les arrêts Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 S.C.R. 226 et Law Society of New Brunswick c. Ryan, [2003] 1 S.C.R. 247, je suis d'avis que cette norme de contrôle est effectivement la plus appropriée dans les circonstances. Par conséquent, il convient de faire preuve de déférence dans la mesure où il est démontré que le juge a compris la jurisprudence et qu'il a apprécié les faits et les a appliqués au critère prévu par la Loi.

18       Un examen attentif de la jurisprudence de cette Cour révèle que différentes interprétations ont été retenues quant à l'interprétation qui doit être donnée à l'exigence de résidence que l'on retrouve à l'alinéa 5(1)(c) de la Loi. Un juge de la citoyenneté peut adopter l'une ou l'autre de ces différentes interprétations pour déterminer si le demandeur satisfait aux exigences de la Loi; dans la mesure où le juge n'a pas commis d'erreur déraisonnable en appliquant cette interprétation à la preuve qui lui a été soumise, cette Cour n'interviendra pas.

[14]            À la lumière de la jurisprudence énoncée ci-dessus, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

L'exigence de résidence en vertu de la Loi sur la citoyenneté

[15]            Le juge de la citoyenneté a demandé au demandeur de lui fournir les rapports annuels de son entreprise. C'est sur ces données que le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur avait fait preuve de plusieurs contradictions et qu'il n'avait pas résidé au Canada tel qu'il l'avait affirmé.

[16]            D'une part, le demandeur allègue qu'il était bel et bien au Canada pendant le nombre minimum de jours requis par la Loi sur la citoyenneté. Toutefois, le juge de la citoyenneté affirme qu'il a de sérieux doutes à cet effet et qu'il ne peut conclure que le demandeur était bel et bien au Canada pendant les 1110 jours déclarés. D'autre part, le demandeur allègue que le juge de la citoyenneté doit interpréter l'arrêt Re Koo, supra, afin d'établir son attachement au Canada.

[17]            Tel que cité par mon collègue le juge de Montigny dans l'arret Xu v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 868 (QL) au paragraphe 17, les critères essentiels de Re Koo, supra sont les suivants :

In order to determine whether the Applicant "regularly, normally or customarily lives" in Canada, she turned her mind to the six questions suggested by Madam Justice Reed in Re Koo, [1993] 1 F.C. 286, which read as follows:

1)      was the individual physically present in Canada for a long period prior to recent absences which occurred immediately before the application for citizenship?

2)      where are the applicant's immediate family and dependents (and extended family) resident?

3)      does the pattern of physical presence in Canada indicate a returning home or merely visiting the country?

4)      what is the extent of the physical absences -- if an applicant is only a few days short of the 1,095-day total it is easier to find deemed residence than if those absences are extensive?

5)      is the physical absence caused by a clearly temporary situation such as employment as a missionary abroad, following a course of study abroad as a student, accepting temporary employment abroad, accompanying a spouse who has accepted employment abroad?

6)      what is the quality of the connection with Canada: is it more substantial than that which exists with any other country?

[18]            En ce qui concerne le premier facteur, alors qu'il est vrai que le demandeur était absent pendant plusieurs voyages, il a été au Canada pendant 1110 jours. Puisque le juge de la citoyenneté ne peut illustrer une preuve convaincante à l'appui de sa prétention que cela n'est pas véridique, il me semble juste d'énoncer que le demandeur était effectivement présent au Canada avant de faire sa demande de citoyenneté. Le fait que le juge a eu de la difficulté là déchiffrer les tampons dans le passeport du demandeur ne justifie pas ses doutes quant au nombre de jours d'absence du Canada. La seule preuve incontestée appuie la déclaration du demandeur. Pour ce qui est du deuxième et du troisième facteur, tel que déjà mentionné, son épouse et ses deux enfants sont citoyens canadiens. Or, les voyages qu'il a fait sont généralement de courte durée et ce pour des raisons généralement professionnelles.

[19]            Selon le juge de la citoyenneté, puisqu'il croit que le demandeur n'était pas au Canada pendant les jours déclarés, le quatrième facteur du test dans Re Koo, supra, ne serait pas normalement évalué en faveur du demandeur. Toutefois, tel que mentionné dans l'arrêt Yang c. Canada (ministre de la Citoyennete et de l'Immigration) (2002), 216 F.T.R . 117; A.C.F. no 114 (QL), un juge de la citoyenneté qui ne tient pas compte de tous les éléments de preuve pertinents concernant l'existence d'un pied-à-terre au Canada emploie une approche très restrictive dans son interprétation de l'exigence concernant la résidence. Cette détermination de la part du juge de la citoyenneté ne me semble pas être fondée sur une preuve ou même un raisonnement logique. Tel que j'ai mentionné au paragraphe 22 de l'arrêt Yang, supra, :

Il a insisté davantage sur l'exigence qu'un demandeur soit physiquement présent au Canada et il a commis une erreur en concluant que le quatrième facteur énoncé dans Re Koo (présence physique) peut être considéré comme le plus important des six.

[20]            D'ailleurs, la décision du juge de la citoyenneté ne semble qu'adresser les contradictions par rapport à l'entreprise du demandeur. En aucun temps met-il en évidence le raisonnement dans Re Koo, supra, pour déterminer qu'il avait des doutes sérieux quant à la résidence du demandeur. Non seulement le demandeur a-t-il présenté une liste exhaustive des endroits où il avait voyagé mais il a également illustré son attachement au pays en fournissant toute la documentation relative à son entreprise et autres activités au Canada. Il appert qu'on soupçonnait que le demandeur n'avait pas suffisamment de revenu au Canada pour faire vivre sa famille et qu'en conséquence il devait exploiter des initiatives à l'extérieur du pays, or on a ignoré le fait que la banque expliquait dans une lettre que le demandeur avait en investissement plus de 3,000,000.00 $. Puisque la preuve fournie par le demandeur semble être véridique et que le juge de la citoyenneté n'adresse pas la question du nombre de jours dans sa décision, il me semble clair que le demandeur était effectivement présent au Canada pour le nombre de jours requis.

[21]            En ce qui a trait au cinquième facteur, le demandeur a effectué 11 voyages à l'extérieur du Canada pendant la période pertinente. Tous ces voyages étaient faits en raison de son entreprise ou pour des motifs personnels, tel que le fait d'avoir à gérer les états de sa belle-mère suite à sa mort. Afin d'appuyer cette déclaration, le demandeur a non seulement remis au juge de la citoyenneté des copies des dates exactes de son départ et de son retour par l'entremise de son passeport, mais lui a également soumis des copies des catalogues des salons optiques auxquels il participait. La preuve démontre que le plus long voyage que le demandeur a fait était d'une durée de 46 jours, en moyenne les autres voyages duraient entre 7 et 18 jours. Il est donc évident que ces absences étaient temporaires.

[22]            Finalement, le sixième facteur stipule qu'il doit établir un attachement avec le Canada. Le demandeur a soumis une preuve d'un bail, de comptes de téléphone, d'un compte avec Vidéotron ainsi que de Bell et de Rogers. Il a fourni de la preuve de la constitution de sa compagnie, ses relevés de transactions bancaires et les copies de ses déclarations d'impôts. De plus, il est à noter que son épouse est citoyenne canadienne depuis le 21 août 2003 et que ses deux enfants son nés au Canada en 2003 et 2004 et qu'il affirme avoir à prendre soins des enfants puisqu'ils sont en bas âge. Le demandeur n'illustre aucun autre attachement factuel avec un autre pays. D'ailleurs, plusieurs de ses voyages pour participer à des colloques pour son entreprise étaient dans d'autres pays et non le Maroc. Tel que j'ai mentionné dans l'arrêt Badjeck c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 214 F.T.R. 204; A.C.F. no 1804 (QL) au paragraphe 29 :

Le demandeur soumet également que, contrairement aux constatations du juge de la Citoyenneté, la condition de résidence prescrite à l'article 5(1)(c) de la Loi implique des éléments plus fondamentaux qu'un simple calcul de jours passés au Canada. Ainsi, la qualité de l'attachement du demandeur et sa fidélité au Canada démontrent et établissent un attachement réel avec le Canada : Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (QL) (C.F.).    En effet, il n'a aucun attachement, de la nature de ceux qu'il a avec le Canada, avec aucun autre pays, ni de lien notable avec un autre pays que le Canada : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Yang, [1999] A.C.F. no 423 (QL) (C.F.).

[23]            Il n'y a aucun doute que le demandeur a démontré son attachement au Canada.

[24]            Il est peut-être vrai qu'il y avait des contradictions dans la preuve fournie par le demandeur, mais ces contradictions n'avaient aucune pertinence en ce qui concerne la détermination de sa résidence au Canada. Les documents tels que les rapports annuels de l'entreprise ainsi que ses rendez-vous chez le médecin ne sont pas indicatifs du fait que le demandeur n'était pas présent au Canada. Si un juge de la citoyenneté soupçonne un déficit dans le nombre de jours de présence physique réelle au pays, il doit donc examiner si le demandeur a des attaches suffisantes au Canada. Cependant, en l'espèce, le juge de la citoyenneté n'illustre pas par l'entremise de sa décision que le demandeur n'était pas au Canada pendant 1095 jours. Il affirme uniquement que puisqu'il voit des contradictions dans les rapports annuels que cela veut dire qu'il n'était pas au Canada et ne satisfait donc pas au critère de 1095 jours. Ceci est à prime abord absurde, mais encore plus ridicule puisqu'il n'a même pas effectué une évaluation de l'attachement du demandeur au Canada tel qu'énoncé par la jurisprudence dans Re Koo, supra.

[25]            Si le juge de la citoyenneté n'a pas pu démontrer que le demandeur ne satisfaisait pas aux critères énoncés dans cette décision, il pouvait alors raisonnablement décider que ce dernier ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévu au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté. Toutefois, dans ce cas, il m'appert que le juge de la citoyenneté n'a aucunement considéré les critères de Re Koo, supra, et sa décision de rejeter la demande de citoyenneté du demandeur n'est donc pas fondée sur des éléments raisonnables.

[26]            Le défendeur prétend que le juge de la citoyenneté n'avait pas à interpréter Re Koo étant donné le fait que la résidence au Canada ne pouvait être établie tel que prévu dans l'arrêt Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 225 F.T.R. 215; A.C.F. no1415 (QL). Il est évident que les faits dans Ahmed, précité, ne correspondent d'aucune façon aux faits en l'espèce. M. Ahmed avait quitté le Canada 15 mois après son arrivée, n'était pas entré au pays avant de faire sa demande de citoyenneté et dans de telles circonstances il n'était pas nécessaire de passer à l'analyse de résidence comme on le suggère dans Re Koo. Ceci est sans importance puisque le demandeur avait clairement établi sa résidence ici avant d'entamer sa demande de citoyenneté.

[27]            Je suis d'accord avec la prétention du demandeur à l'effet que le juge de la citoyenneté a mal interprété la jurisprudence et la preuve. Compte tenu des facteurs énoncés dans Re Koo, supra, ainsi que de la preuve dont disposait le juge de la citoyenneté, je ne suis pas convaincu que ce dernier a bien compris la jurisprudence, et, à mon avis, il n'a pas analysé les critères pertinents.

JUGEMENT

La décision du juge de la citoyenneté était donc déraisonnable. Par conséquent, j'accueille la demande de contrôle judiciaire et je renvoie l'affaire devant un autre juge de la citoyenneté.

« Paul U.C. Rouleau »

JUGE SUPPLÉANT


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-677-05

INTITULÉ :                                         AHMED TAGNAOUTI MOUMNANI c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 16 novembre 2005

MOTIFS :                                            L'HONORABLE PAUL U.C. ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                       Le 24 novembre 2005

COMPARUTION :

Me Julius Grey                                    POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Mario Blanchard                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

                       

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GREY, CASGRAIN                            POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.                           POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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