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Date : 20231215


Dossier : IMM-12108-22

Référence : 2023 CF 1703

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 décembre 2023

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

ARFAT ALMADANI MOHAMMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Arfat Almadani Mohammed, sollicite un contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] pour contester la décision d’un agent des visas de rejeter sa demande de permis de travail ouvert (PTO).

[2] M. Mohammed est arrivé au Canada à titre d’étudiant étranger en novembre 2014. Son permis d’études a expiré le 31 août 2019 et il a demandé à rétablir son statut d’étudiant en novembre 2019.

[3] En avril 2021, pendant que sa demande de rétablissement de statut était toujours en instance, M. Mohammed a épousé une étudiante étrangère qui se trouvait au Canada, munie d’un permis d’études valide jusqu’à fin mars 2023.

[4] En juin 2022, M. Mohammed a présenté une demande de PTO. Il a demandé un PTO en tant qu’époux d’une titulaire de permis d’études, en vertu des articles 205c)(ii) et 199e) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR]. M. Mohammed sollicitait une autorisation de travailler pendant que son épouse achevait ses études au Canada.

[5] La demande de rétablissement de M. Mohammed a été rejetée en octobre 2022. Sa demande de PTO a été rejetée le 17 novembre 2023; c’est cette décision qu’il conteste.

[6] Il est écrit dans la lettre refusant le PTO que M. Mohammed ne remplissait pas les conditions de la LIPR et du RIPR. Il y est également écrit que la demande de PTO a été faite après l’expiration du statut de M. Mohammed, et que M. Mohammed n’était pas admissible au rétablissement de statut. L’agent a inscrit les notes suivantes dans le système mondial de gestion des cas (SMGC) :

[traduction]

Le statut du client a expiré le 2019-08-31. Le client avait présenté une demande de rétablissement et son permis d’études a été transmis à CIC. La demande de rétablissement du client a été rejetée. Le client N’AVAIT PAS de statut implicite pendant les trois ans au cours desquels sa demande de rétablissement de statut était en attente de décision à CIC, car son statut avait déjà expiré au moment de cette demande. Ce permis de travail est donc refusé parce que la demande a été déposée après l’expiration du statut (2019-08-31). Une lettre de refus a été envoyée. Le client a été informé qu’il devait quitter le Canada. (À noter : dans sa demande de rétablissement de PÉ récemment rejetée, le client a affirmé ne pas avoir quitté le Canada puis y être entré de nouveau pour régulariser son statut).

[7] M. Mohammed soutient que l’agent a commis une erreur de droit en rejetant sa demande de PTO au motif que M. Mohammed n’était pas admissible à cette demande. Bien que son permis d’études ait expiré en août 2019, M. Mohammed affirme qu’il avait un statut implicite parce qu’il était autorisé à rester au Canada pendant que sa demande de rétablissement de statut était en instance. De plus, M. Mohammed soutient que rien dans le RIPR ou la politique d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) n’empêche un étranger ayant une demande de rétablissement en cours de présenter une demande de PTO en vertu de l’article 205c)(ii) du RIPR. Selon l’article 199e) du RIPR, et la politique d’IRCC le confirme, l’époux étranger d’un titulaire de permis d’études peut présenter une demande de permis de travail après être entré au Canada.

[8] Le défendeur soutient que, bien que M. Mohammed ait été autorisé à demander un PTO en vertu du paragraphe 199e) du RIPR, l’agent a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire et a refusé le PTO parce que M. Mohammed n’avait aucun statut au Canada au moment où il a présenté la demande et que son statut ne pouvait pas être rétabli.

[9] Pour les motifs qui suivent, M. Mohammed a démontré que la décision de l’agent doit être annulée.

[10] Avant de passer à la question principale, je vais examiner la norme de contrôle applicable. Dans ses observations écrites, M. Mohammed a soutenu que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Il a revu sa position dans ses observations orales et a déclaré que c’est la norme de la décision correcte qui devrait être appliquée.

[11] Je ne souscris pas à l’argument selon lequel la norme de contrôle applicable soit celle de la décision correcte. M. Mohammed n’a pas fourni d’explication convaincante pour justifier son changement de position par rapport à ses observations écrites, et le défendeur a été pris par surprise. Quoi qu’il en soit, les arguments de M. Mohammed en faveur de la norme de la décision correcte n’étaient pas convaincants, et je partage l’avis du défendeur voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable en l’espèce.

[12] M. Mohammed soutient également que la décision de l’agent était déraisonnable. Je suis d’avis qu’il s’est acquitté de son fardeau à cet égard.

[13] Comme indiqué précédemment, l’agent a rejeté la demande parce que M. Mohammed a présenté une demande de PTO après l’expiration de son statut. Je n’estime pas que M. Mohammed avait un statut ou une autorisation implicite pendant que sa demande de rétablissement était en instance : Shibu v Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2023 FC 148 au para 18, citant Sui c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1314 au para 32; voir aussi Mbaye c Canada (Citoyenneté et immigration), 2016 CF 1037 au para 6. Cependant, comme le souligne M. Mohammed, le défendeur admet que M. Mohammed était autorisé à demander un PTO en vertu de l’article 199e) du RIPR pendant que sa demande de rétablissement était en instance. Si M. Mohammed était autorisé à demander un PTO, ce qui n’est pas contesté, je suis alors d’avis que le refus de l’agent est inintelligible et que la décision doit être annulée.

[14] Si le refus de l’agent se fondait sur une interprétation particulière des dispositions législatives applicables ou de la politique de l’IRCC, les notes du SMGC ne rendent pas compte de cette interprétation, et elle ne ressort d’ailleurs aucunement du dossier. Dans ce cas, la décision doit être annulée, car je suis dans l’incapacité de déterminer si l’agent a raisonnablement interprété les exigences législatives : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 123. Vu ce dossier et les observations fournies par les parties, il semble que M. Mohammed était autorisé à présenter une demande de PTO en vertu de l’article 199e) du RIPR au moment où il a présenté sa demande depuis le Canada.

[15] Pour conclure, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier. Je suis d’avis qu’il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-12108-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-12108-22

INTITULÉ :

ARFAT ALMADANI MOHAMMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE EN PERSONNE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) ET PAR VIDÉOCONFÉRENCE (HYBRIDE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 dÉcembRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 15 dÉcembRE 2023

COMPARUTIONS :

Harry Virk

POUR LE DEMANDEUR

Andrew W. Scarth

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Liberty Law Corporation

Avocats

Abbotsford (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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