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     T-2579-96

Entre :

     MONTGOMERY FRANCIS RYAN,

     MATTHEW CARTER ET

     WILFRED CLARENCE KERR,

     requérants,

     - et -

     CLIVE L. RIPPON, EN SA QUALITÉ DE

     PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU

     TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE

     L'ÉTABLISSEMENT WILLIAM HEAD,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

     Les requérants demandent l'annulation de la décision par laquelle le tribunal disciplinaire de l'Établissement William Head a déclaré les requérants coupables de l'infraction visée au sous-alinéa 40(i) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit la possession d'un objet interdit, en l'occurrence de la bière de fabrication artisanale.

     À la différence de nombreux autres pénitenciers, l'Établissement William Head possède des installations permettant aux détenus de vivre ensemble dans un appartement en duplex. Ces unités résidentielles ont une cuisine et un salon communs. Les trois requérants, et deux autres détenus, habitaient dans l'unité C-2. Personne sauf ces cinq détenus n'avait accès à cette unité.

     Les journaux quotidiens des incidents dans lesquels les fonctionnaires du pénitencier consignent leurs observations indiquent qu'à 2 h 54, le 2 août 1996, une forte odeur de bière semblait provenir de l'unité C-2. À 22 h 30 le même jour, il a été signalé que tous les occupants étaient debout et semblaient plus bruyants que d'habitude. L'espace habitable de l'unité a été fouillé, mais on n'y a trouvé aucun objet interdit.

     Le lendemain matin, vers 8 h 25, un fonctionnaire du pénitencier, Shannon Needle, a trouvé de la bière de fabrication artisanale dans un contenant de crème glacée rangé dans le congélateur du réfrigérateur situé dans la cuisine de l'unité. À ce moment-là, le seul détenu occupant l'unité C-2 qui se trouvait dans cette bâtisse était M. Fisher. Il était indisposé et se trouvait dans sa chambre au deuxième étage.

     Les cinq occupants de l'unité C-2 ont été inculpés de possession d'un objet interdit. Au moment de l'audition des accusations, M. Fisher avait été transféré à l'Établissement de Mission. Un autre détenu, M. Rawle, avait été mis en semi-liberté. Les accusations portées contre ces deux détenus ont été suspendues. Le président du tribunal disciplinaire a déclaré les trois requérants coupables de possession de bière de fabrication artisanale et a imposé à chacun une amende de 30 $.

     Il est admis que le fardeau de preuve en l'espèce est identique à celui qui s'applique dans une instance criminelle. Le paragraphe 43(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dispose :

     La personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée.         

     Le président du tribunal disciplinaire a démontré, dans les remarques qu'il a faites à l'audience, qu'il était bien conscient du fait que la question en litige dans l'affaire dont il était saisi était la possession présumée, et que le contrôle et la connaissance par les accusés devaient être prouvés. Il s'est référé à l'arrêt R. v. Escoffery (1996), 47 C.R. (4th) 40 (C.A. Ont.). Dans cette affaire, l'accusé avait été reconnu coupable de possession de crack trouvé dans l'appartement de son amie, où il allait régulièrement. Il n'existait aucune preuve directe du fait que l'accusé connaissait l'existence du crack, et la Cour d'appel a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour appuyer la conclusion que l'accusé avait la connaissance voulue. À la page 46, la Cour a fait la remarque suivante :

     [TRADUCTION] Je n'énoncerais pas une règle stricte pour déduire la connaissance de l'occupation : R. c. Lepage, [1995] 1 R.C.S. 654 (C.S.C.). En l'espèce, aucun autre élément de preuve [à part l'occupation] n'établissait un lien entre l'appelant et les drogues, il n'existait aucun élément probant direct de la connaissance, les drogues étaient cachées, l'appartement avait été loué par la coaccusée, d'autres personnes allaient à l'appartement et l'appelant n'était pas un occupant permanent. La preuve circonstancielle n'est donc pas de nature à appuyer la conclusion que l'appelant connaissait l'existence du crack. Par conséquent, il était déraisonnable de conclure que le ministère public avait prouvé la possession.         

En l'espèce, le président a été saisi d'éléments de preuve indiquant que : 1) les requérants vivaient dans une maison à laquelle personne sauf les cinq détenus n'avait accès; 2) la bière était bien en vue dans le congélateur du réfrigérateur, endroit qui est utilisé quotidiennement pour la conservation d'aliments et de boissons; 3) il flottait une odeur de bière dans la maison une trentaine d'heures avant la découverte de la bière; 4) tous les occupants de l'unité avaient veillé tard le soir précédent et avaient été plus bruyants que d'habitude. Le président a également fait remarquer que les cinq hommes, en tant qu'occupants de la maison, vivaient en communauté les uns avec les autres.

     Les critères à appliquer pour examiner une décision rendue par un office fédéral en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, lorsque la contestation repose sur une application erronée de la loi aux faits, consistent à demander si le décideur : 1) a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier; 2) a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

     Je ne saurais conclure que la décision du président appartient à l'une ou l'autre de ces catégories. Le président pouvait raisonnablement conclure à la connaissance des requérants d'après les faits portés à sa connaissance. Le président a visiblement compris et appliqué le droit correctement. Par conséquent, la demande sera rejetée.

                                 (signature) " B. Reed "

                                         Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 11 septembre 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :          MONTGOMERY FRANCIS RYAN, MATTHEW CARTER ET WILFRED CLARENCE KERR

                         - et -

                         CLIVE L. RIPPON EN SA QUALITÉ DE PRÉSIDENT INDÉPENDANT DU TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L'ÉTABLISSEMENT WILLIAM HEAD

NO DU GREFFE :                  T-2579-96

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 5 septembre 1996

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE REED en date du 11 septembre 1997

ONT COMPARU :

     M. Vaughan Barrett                      pour le requérant

     M. Steven Albin                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     The Law Centre                          pour le requérant

     Victoria (C.-B.)

     George Thomson                      pour l'intimé

     Sous-procureur général

     du Canada

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