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Date : 20060320

Dossier : IMM-4299-05

Référence : 2006 CF 351

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2006

En présence de Monsieur le juge Simon Noël

ENTRE :

ARASH ASLANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 ( « LIPR » ) d'une décision de la Section de la protection des réfugiés ( « SPR » ) datée du 9 juin 2005. Par cette décision, la SPR refusait la demande d'asile de Arash Aslani ( « demandeur » ). Selon la SPR, le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

I.           Question en litige

[2]                La SPR a-t-elle erré en fait ou en droit en rejetant la demande d'asile du demandeur?

II.        Conclusion

[3]                La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

III.        Faits allégués

A.         Premier récit du demandeur

[4]                Le demandeur, qui est d'origine iranienne, a donné la version suivante des faits dans son premier Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ), daté du 15 décembre 2004.

[5]                Il prétend être opposé au régime des Mollahs en Iran, et dit avoir participé à des réunions clandestines et à une manifestation en 1999. Il dit avoir été arrêté, mis en détention et torturé avant d'être remis en liberté. En 2001, il devenait associé dans une compagnie d'informatique et en 2003, cette compagnie signait un contrat pour le lancement d'une entreprise de services Internet avec la compagnie Dorna. Des activités frauduleuses se seraient déroulées au sein de la compagnie Dorna. En raison de ses rapports avec Dorna, la compagnie du demandeur aurait reçu la visite d'agents gouvernementaux en juillet 2004. Le directeur de la compagnie du demandeur, M. Reza Kashani, fût arrêté quelques jours après la visite de ces agents. Il téléphona au demandeur le suppliant de venir payer la caution.

[6]                Au moment de payer la caution, le demandeur fût arrêté à son tour. Les deux hommes furent torturés puisqu'on les suspectait d'avoir transmis des informations sur les affaires internes de l'Iran. Ils furent libérés à condition de demeurer silencieux et d'assister les agents gouvernementaux dans leur enquête.

[7]                Un nouveau rendez-vous fût fixé par les agents gouvernementaux. Au lieu de s'y présenter, le demandeur a trouvé refuge chez un ami. Il a ensuite quitté le pays, en octobre 2004, s'est rendu en Turquie, puis en Allemagne, d'où il a pris un bateau pour le Canada. Le demandeur est arrivé au Canada le 16 novembre 2004 et a demandé l'asile le jour même.

B.        Second récit du demandeur

[8]                Le demandeur a été mis en liberté le 21 décembre 2004, après une révision de sa détention. Peu après, les autorités canadiennes ont découvert que le demandeur avait longuement séjourné en Europe avant de venir au Canada. Le 29 décembre 2004, le demandeur déposait un nouveau FRP, qui relate une histoire très différente de la première. Dans ce second FRP, le demandeur explique qu'il a camouflé la vérité lors de son premier récit parce qu'aux Pays-Bas, son histoire n'a pas été crue. Il ajoute qu'au Royaume-Uni, il a été détenu et refoulé aux Pays-Bas où, dit-il, il y a des agents secrets iraniens.

[9]                Le demandeur ajoute à son récit qu'il a fait son service militaire du mois de novembre 1995 au mois de février 1998. Dans le cours de son travail, il aurait découvert certaines incohérences dans les données de l'armée. À la fin de son emploi, la carte de service militaire lui a été refusée, et on lui a plutôt remis une attestation de service militaire, lui conseillant de revenir cinq ans plus tard pour l'obtenir. Lorsqu'il est revenu pour chercher sa carte, le demandeur a dû, pour expliquer son retard à obtenir la carte, relater les incohérences qu'il a découvertes dans les données de l'armée durant son service militaire. Il dit avoir été incarcéré au cours du mois de mars 2003 pour cette raison. En mai 2003, sa maison aurait été fouillée, et le disque dur de son ordinateur volé. Le demandeur dit avoir tenté d'obtenir la protection de la police, sans succès. Il a continué à travailler dans le domaine de l'informatique par la suite. Le Général Iran Néjad ( « Général Nejad » ) lui aurait confirmé qu'il serait protégé et pourrait révéler les informations qu'il connaissait.

[10]            En juin 2003, le demandeur est de nouveau arrêté, emprisonné et condamné à la peine de mort par un tribunal militaire. Il put s'échapper grâce au paiement d'un pot-de-vin et avec l'aide d'un juge. Le 19 juillet 2003, le demandeur quittait l'Iran, passait par la Géorgie puis les Pays-Bas. Après avoir été intercepté et détenu dans plusieurs endroits en Europe, et après deux tentatives infructueuses, le demandeur réussit à gagner le Canada le 16 novembre 2004, où il demanda l'asile à son arrivée.

IV.        Analyse

[11]            Le demandeur soulève les cinq arguments principaux suivants, que je reprendrai un à un :

-                      La SPR a commis des erreurs de fait;

-                      La SPR a commis une erreur procédurale en disant que les témoins de dernière minute du demandeur devaient se présenter préalablement à l'ambassade du Canada pour pouvoir être entendus devant la SPR;

-                      La SPR a commis une erreur en émettant des réserves quant aux photographies présentées par le demandeur (décision de la SPR, p. 4) parce qu'à l'audience, la preuve du demandeur a été acceptée (dossier du Tribunal, p. 246)

-                      La SPR a ignoré une partie de la preuve parce qu'elle n'a pas mentionné des preuves importantes;

-                      La SPR a violé le droit d'être entendu du demandeur.

[12]            Concernant les erreurs de fait alléguées, la norme applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. No. 1866 (C.A.F.), au para. 10; Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1993] A.C.F. No. 732 (C.A.F.), au para. 4). Les autres questions étant de pures questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte.

A.             Erreurs de fait

[13]            Selon le demandeur, la SPR aurait erré en disant que le demandeur n'est pas crédible lorsqu'il relate les rencontres qu'il aurait eues avec le Général Néjad. Dans son FRP, le demandeur a décrit les évènements qu'il a vécus de façon chronologique, et presque tous les paragraphes débutent par un repère dans le temps (ex : « du 09/11/1995 au 07/02/1998 » , « En mai 2003 » , etc.). Le paragraphe où il fait allusion pour la première fois au Général Néjad commence par les mots       « En juin 2003 » , bien qu'il ne soit pas indiqué expressément que les rencontres du demandeur avec lui se sont tenues au cours de ce mois. À l'audience, le demandeur a dit qu'il est retourné chercher sa carte de service militaire en mars 2003, et que c'est à ce moment que le Général Néjad lui aurait demandé sa collaboration pour faire la lumière sur les fraudes (dossier du Tribunal, p. 269 et suiv.). Le Général et le demandeur se seraient rencontrés plusieurs fois au cours de la même semaine, soit du 1er au 8 mars (dossier du Tribunal, p. 308). Ce fait important du récit du demandeur n'a pas été allégué dans son second FRP. Dans ce contexte et compte tenu des explications très faibles du demandeur (dossier du Tribunal, p. 309), je suis d'avis que la conclusion de la SPR à cet égard n'est pas manifestement déraisonnable.

[14]            La SPR a remarqué que le demandeur n'avait pas produit de preuve, tel qu'un rapport d'incident ou une copie d'une plainte écrite, permettant de prouver le vol de son disque dur qui serait survenu en mai 2003. La SPR a noté, de plus, que le demandeur a tantôt dit qu'il a appris pour la première fois l'origine du vol par la police, tantôt par les voisins. Le demandeur prétend qu'il a toujours dit que ce sont d'abord ses voisins qui lui ont dit que la SEPAH (acronyme pour l'organisation des gardiens de la révolution) était responsable du vol, puis que cela a été confirmé par la police. Cependant, il ressort clairement de la preuve qu'il s'est contredit à cet égard (dossier du Tribunal, p. 304 et 305).

[15]            Le demandeur prétend qu'il ne s'est pas contredit sur la question de savoir si son père a ou non été détenu. Il dit avoir maintenu en tout temps que son père a été détenu. À cet égard, je pense que la SPR ne s'est pas trompée dans sa description des faits. Il était à propos de noter que les explications du demandeur sont compliquées et son témoignage confus (dossier du Tribunal, p.76 à 79) alors que les questions, elles, étaient simples. Il n'y a pas là d'erreur de fait.

[16]            Le demandeur prétend qu'il ne s'est pas contredit quant aux dates de son service militaire. Le dossier révèle le contraire (voir notamment dossier du Tribunal, pp. 14, 26, 31, 259 et 260).

[17]            En somme, je suis d'avis que la SPR n'a pas commis d'erreur de fait et encore moins d'erreur de fait manifestement déraisonnable. Après avoir consulté la preuve au dossier, j'en viens à la conclusion que la SPR avait amplement de raisons de noter que la crédibilité du demandeur est très sérieusement compromise par les nombreuses contradictions des différentes versions de son récit et par son incapacité à les expliquer.

B.         Erreur procédurale

[18]            À l'audience devant la SPR, le membre audiencier a eu un échange avec le demandeur. Ce dernier souhaitait faire entendre le témoignage de deux personnes, l'une en Iran, l'autre au Royaume-Uni, sans avoir au préalable transmis à l'autre partie et à la SPR les renseignements prévus à l'article 38 des Règles de la Section de la protection des réfugiées ( « Règles » ).

[19]            Conformément au para. 38(4) des Règles, il est possible pour la SPR d'autoriser une partie à faire témoigner une personne même si les renseignements requis n'ont pas été transmis en temps utile :

38 (4) La partie qui ne transmet pas les renseignements concernant les témoins selon la présente règle ne peut faire comparaître son témoin à l'audience, sauf autorisation de la Section.

38 (4) If a party does not provide the witness information as required under this rule, the witness may not testify at the hearing unless the Division allows the witness to testify.

[20]            À la fin de l'audition, la présidente d'audience s'est adressée au demandeur et à sa procureure, leur expliquant la procédure à suivre pour faire entendre des témoins à distance (dossier du Tribunal, p. 376). Elle expliqua qu'il faudra installer des dispositifs pour permettre d'entendre les témoins à distance, et que ces témoins devront se présenter à l'ambassade du Canada dans le pays où ils résident afin d'être identifiés. Le demandeur étant détenu au moment de l'audience, la présidente d'audience précisa également que l'audition des témoins par téléphone prendrait un certain temps. Le demandeur prétend qu'une règle procédurale inexistante lui a été imposée, et que cela viole son droit d'être entendu. À mon avis, cet argument doit être rejeté puisque (1) la SPR est maître de sa propre procédure; et (2) parce qu'il y a des considérations pratiques qui me mènent à cette conclusion.

(1)         La SPR est maître de sa propre procédure

[21]            D'abord, la SPR est maître de sa procédure en tant qu'organisme administratif, et cela m'incite à ne pas intervenir quant à l'exigence d'identification posée par la SPR en l'espèce.

[22]            Ce principe fondamental du droit administratif ressort de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et des Cours fédérales (voir notamment Prassad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560; Komo Construction v. Québec (Commission des relations de travail), [1968] R.C.S. 172 ; Siloch c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993] A.C.F. No. 10; Gorodiskiy v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1998] F.C.J. No. 997, au para. 12).

[23]            Dans Prassad c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précité, au para. 16, le juge Sopinka écrit :

[...]    Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure.    En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux.    En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. [...]

[24]            Dans l'affaire Siloch c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précitée, au para. 3, le juge Décary rappelle le même principe général :

Il est reconnu qu'en l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, les tribunaux administratifs fixent leur propre procédure, et que l'ajournement d'une procédure relève de leur pouvoir discrétionnaire, à la condition qu'ils respectent les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, à condition qu'ils respectent les règles de justice naturelle.

[25]            La Directive No. 6 du Président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié au Canada, Mise au rôle et changement de la date ou de l'heure d'une procédure à la Section de la protection des réfugiés est conforme au même principe. On peut en effet y lire que « [l]a SPR est maître de sa procédure, mais doit respecter les principes de justice naturelle et d'équité » .

[26]            Finalement, le paragraphe 170(a) de la LIPR semble laisser à la SPR une latitude assez grande en matière de procédure :

170. Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

a) procède à tous les actes qu'elle juge utiles à la manifestation du bien-fondé de la demande;

170. The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

(a) may inquire into any matter that it considers relevant to establishing whether a claim is well-founded;

[27]            De tout cela, je pense qu'il faut retenir qu'en l'absence de règles écrites, la SPR est libre de formuler des exigences de procédure pour autant qu'elles sont conformes à la loi et aux règlements, aux règles de procédure existantes et aux principes de justice naturelle.

(2)         Considérations pratiques inhérentes à l'audition des témoins par téléphone

[28]            À l'audience, j'ai demandé aux parties de présenter leurs observations sur deux affaires m'apparaissant pertinentes sur la question de savoir si la SPR a erré en exigeant du demandeur que les témoins qu'il souhaitait faire témoigner par téléphone se présentent d'abord à l'ambassade du Canada pour des fins d'identification. Il s'agit des affaires Farzam v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 1453, [2005] F.C.J. No. 1776 et Al-Khaliq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 625, [2005] A.C.F. No. 843. Seul le demandeur a choisi de transmettre ses prétentions à la Cour.

[29]            Dans Farzam v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), précité, le juge Martineau a analysé les principes applicables à l'exercice par une Cour de justice de son pouvoir d'autoriser une partie à faire entendre des témoins par téléphone. Dans sa démarche, le juge s'est inspiré de décisions de tribunaux provinciaux, d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt, des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, Règlement 194 (Ontario), de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7 et des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106.

[30]            Dans ses observations, le demandeur a fait valoir que l'affaire Farzam v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), précitée, n'est pas pertinente parce que :

-                      Cette affaire a été rendue dans un contexte judiciaire alors que la SPR est un tribunal administratif;

-                      La procédure devant un tribunal administratif n'est pas contradictoire;

-                      La présence des témoins à l'audience n'est pas la règle générale devant la SPR, alors que c'est le cas devant la Cour fédérale.

[31]            Il est vrai, comme le fait valoir le demandeur, que les affaires citées par le juge Martineau dans Farzam ne sont pas directement applicables en l'espèce puisqu'elles touchent le témoignage par téléphone devant une cour de justice, et non devant un tribunal administratif. Je suis néanmoins d'avis que les réflexions du juge Martineau expliquent bien le risque d'appliquer une procédure trop souple en matière de témoignage par téléphone. Ces remarques, que je reproduis en partie ci-dessous, sont à mon avis valables dans une certaine mesure, même dans un contexte administratif. De plus, la présence à l'audience des témoins m'apparaît être la règle générale devant la SPR comme devant les tribunaux judiciaires. Cela ressort en effet des articles 38 à 40 des Règles. Ces règles prévoient qu'il faut préciser dans l'avis transmis à l'autre partie que l'on souhaite faire entendre un témoin par vidéoconférence ou téléphone (38(1)(f), et prévoient une procédure détaillée de comparution à l'audience, alors que rien n'est spécifiquement prévu en ce qui concerne le témoignage par téléphone. Ces éléments sont des indices, à mon avis, du caractère particulier de l'audition par téléphone.

[32]            De plus, les Règles prévoient que les témoins doivent s'identifier, et la SPR ne peut en principe autoriser à témoigner une personne n'ayant pas transmis les renseignements d'identité requis, sauf si cette personne comparaît « à l'audience » [ « at the hearing » ] (para. 38(4) des Règles). Autrement dit, la SPR peut passer outre à l'identification obligatoire des témoins faite à l'avance et transmise à l'autre partie si le témoin est présent à l'audience. Ainsi, c'est une autorisation spéciale que la SPR a donné au demandeur, soit celle de faire comparaître un témoin par téléphone sans que les renseignements requis en vertu du para. 38 (1) aient été transmis à l'avance. Cependant, la règle voulant que les témoins doivent s'identifier demeure; cela m'apparaît essentiel. Ce principe général est prévu aux paras 38(1), 38(2) et 38(3) de la SPR :

38. (1) Pour faire comparaître un témoin, la partie transmet par écrit à l'autre partie, le cas échéant, et à la Section les renseignements suivants :

a) les coordonnées du témoin;

b) l'objet du témoignage ou, dans le cas du témoin expert, un résumé, signé par lui, de son témoignage;

c) la durée du témoignage;

d) le lien entre le témoin et la partie;

e) dans le cas du témoin expert, ses compétences;

f) le fait qu'elle veut faire comparaître le témoin par vidéoconférence ou par téléphone, le cas échéant.

(2) En même temps que la partie transmet à la Section les renseignements visés au paragraphe (1), elle lui transmet une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon elle a transmis ces renseignements à l'autre partie, le cas échéant.

(3) Les documents transmis selon la présente règle doivent être reçus par leurs destinataires au plus tard vingt jours avant l'audience.

38. (1) If a party wants to call a witness, the party must provide in writing to any other party and the Division the following witness information:

(a) the witness's contact information;

(b) the purpose and substance of the witness's testimony or, in the case of an expert witness, the expert witness's signed summary of the testimony to be given;

(c) the time needed for the witness's testimony;

(d) the party's relationship to the witness;

(e) in the case of an expert witness, a description of the expert witness's qualifications; and

(f) whether the party wants the witness to testify by videoconference or telephone.

(2) The witness information must be provided to the Division together with a written statement of how and when it was provided to any other party.

(3) A document provided under this rule must be received by its recipient no later than 20 days before the hearing.

[33]            En l'espèce, l'exigence imposée par la SPR m'apparaît tout à fait raisonnable et nécessaire. Au para. 38 de l'affaire Farzam, précitée, le juge Martineau cite un passage de l'affaire Ramnarine v. Canada, 2001 DTC 991, [2001] T.C.J. No. 736 [la traduction de l'affaire Farzam n'était pas disponible au moment de rendre la présente décision mais le sera incessamment]:

[MA TRADUCTION] Le juge Miller a récapitulé comme suit, dans la décision Ramnarine, les facteurs justifiant que fût rendue en l'espèce une ordonnance autorisant la déposition par voie de téléconférence :

Dans certains cas, l'intérêt de la justice à la Cour canadienne de l'impôt est mieux servi par une attitude pragmatique face à l'application des règles. L'affaire qui nous occupe représente l'un de ces cas. En consentant à rendre une ordonnance permettant un témoignage par conférence téléphonique, je n'ai pas l'intention de déclencher une avalanche de tels témoignages. Mon consentement est limité aux circonstances de cet appel en particulier, spécifiquement aux conditions suivantes :

(1)           l'appel concerne ce qui a été décrit comme un instrument grossier : une cotisation fondée sur une évaluation de la valeur nette;

                (2)           le coût est élevé par rapport au montant de l'impôt en litige;

(3)           les ressources financières de l'appelant sont à première vue limitées;

                (4)           le témoin réside hors de l'Amérique du Nord;

                (5)           le témoin n'est pas un expert;

                (6)           le témoin ne présentera pas de preuve documentaire;

(7)            la portée du témoignage est limitée et celui-ci devrait être de courte durée;

(8)           le témoin doit faire sa déposition en présence d'un juge ou avocat du pays étranger après avoir prêté serment dans ce pays

[34]               Le juge Martineau poursuit ses explications. Aux paras. 42 à 50, il pose d'importantes questions quant aux aspects pratiques de la tenue d'une conférence téléphonique devant la Cour fédérale :

[MA TRADUCTION] ¶ 42 En l'espèce, la crédibilité de la preuve des témoins iraniens est d'une importance cruciale. À mon avis, pour que les questions litigieuses à l'instruction, soit la cause ou les causes du divorce supposé, puissent être tranchées de manière « équitable » , il faut que la défenderesse ait la possibilité de contre-interroger les témoins iraniens. Cependant, les faits de l'espèce montrent à l'évidence que la formule de la téléconférence ne me permettra pas d'observer le comportement de ces témoins.

¶ 43 Le juge en chef Lamer a mis l'accent, dans l'arrêt R. c. B. (K. G.), [1993] 1 R.C.S. 740, à la page 792, 79 C.C.C. (3d) 257, sur la difficulté pour le juge des faits d'apprécier la crédibilité du déclarant dans de telles circontances :

Quand le témoin est à la barre, le juge des faits peut observer ses réactions aux questions, ses hésitations, il peut voir s'il est catégorique, etc. Fait plus important, qui subsume tous ces facteurs, le juge peut évaluer la relation entre celui qui pose les questions et le témoin, et mesurer dans quelle mesure le témoignage est le produit de l'interrogatoire.

[...]

¶ 45 Dans sa demande de directives en date du 19 octobre 2005, l'avocate du demandeur propose, en premier choix, que les dépositions des témoins iraniens soient recueillies par téléphone.

[...]

¶ 46 Comme le demandeur a lui-même proposé la formule de la téléconférence, il lui incombait de présenter à la Cour des éléments de preuve propres à la convaincre que cette formule serait applicable, tant sur le plan juridique que du point de vue technique, dans le cadre chronologique d'une instruction de 12 jours devant s'ouvrir à Ottawa le 24 octobre 2005. Or, d'importantes questions restent à cet égard sans réponse. Par exemple, quelle entreprise fournira les services de téléconférence, à quel prix et suivant quelles conditions? À quelle heure, au Canada et en Iran, la téléconférence aura-t-elle lieu? Où seront les témoins iraniens? Comment seront coordonnées leurs dépositions par téléphone compte tenu du fait que les avocats ont déjà informé la Cour que les interrogatoires principaux et les contre-interrogatoires nécessiteront une traduction simultanée et pourraient exiger deux journées d'audience? Un représentant de la Cour sera-t-il présent? Comment la salle sera-t-elle aménagée, et comment le décorum de la Cour sera-t-il maintenu? Comment sera exécutée à l'instruction, dans les locaux iraniens, l'ordonnance d'exclusion des témoins s'il en est rendu une? Étant donné que les témoins iraniens doivent déposer en persan, quelles mesures devra prendre la Cour touchant la manière de recueillir les dépositions en Iran? Devrait-on aussi prévoir la présence d'un sténographe en Iran pour faire en sorte que questions et réponses soient enregistrées avec exactitude? Des arrangements particuliers doivent-ils être pris avec le prestataire de services de téléconférence, l'ambassade du Canada ou la défenderesse pour assurer la présence à Téhéran des témoins iraniens, ainsi que, le cas échéant, du ou des représentants de la défenderesse?

¶ 49 La dernière préoccupation que j'exprimerai touchant l'usage de la conférence téléphonique ou de la vidéoconférence pour recueillir les dépositions des témoins iraniens concerne la fiabilité de ces moyens. Dans la présente espèce, il n'a pas été produit d'éléments de preuve relatifs au droit iranien pour ce qui concerne l'assermentation et les éventuelles procédures d'exécution y afférentes. Il faut absolument que le témoin qui dépose à l'étranger le fasse sous serment, dans le cadre des lois canadiennes comme des lois du pays en question. Bien que l'avocate du demandeur fasse valoir que les témoins iraniens n'ont rien à gagner dans la présente affaire, je note que le demandeur réclame à la défenderesse des dommages-intérêts de l'ordre de deux millions de dollars. Il faut qu'il soit bien clair pour les témoins iraniens qu'ils ne pourraient échapper aux conséquences de leurs actions s'il leur venait à l'idée de déformer tant soit peu la vérité pour aider un membre de leur famille, le demandeur en l'occurrence. Cela étant, et à supposer qu'il soit par ailleurs envisageable de recueillir les dépositions des témoins iraniens par voie de conférence téléphonique ou de vidéoconférence, j'estime qu'un membre de l'appareil judiciaire iranien, juge ou avocat, devrait être présent dans les locaux de Téhéran pour assermenter ces témoins et leur exposer au préalable les conséquences du parjure. Malheureusement, rien n'indique dans l'affidavit et les autres documents présentés par le demandeur que cela serait encore possible à l'étape où nous en sommes, puisque l'instruction commencera dès après la communication de la présente ordonnance et de ses motifs.

¶ 50 Pour ces motifs et vu l'ensemble des facteurs pertinents, je conclus que la preuve dont je dispose ne me convainc pas qu'il serait dans l'intérêt de la justice de rendre une ordonnance autorisant la présentation de la preuve des témoins iraniens par voie de conférence téléphonique, ni que, à cette date tardive et étant donné l'absence de plan détaillé, une telle formule permettrait d'apporter au présent litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. [je souligne]

[35]            Même si, comme le demandeur l'a fait valoir, la décision du juge Martineau a été écrite dans un contexte judiciaire, les préoccupations qu'il formule demeurent devant la SPR. À mon avis, toutes les règles procédurales énoncées par le juge Martineau ne doivent pas nécessairement s'appliquer à la SPR. Cependant, il me semble que l'exigence selon laquelle une personne doit prouver son identité en se présentant à l'ambassade du Canada ou d'une autre façon si la RPD le permet est nécessaire pour éviter que des demandeurs d'asile aient le loisir de faire témoigner des personnes qui ne sont pas celles qu'elles prétendent être. Cela est raisonnable compte tenu de la Règle 38 et compatible avec la souplesse qui doit caractériser l'administration de la preuve devant un tribunal administratif comme la SPR.

[36]            Le demandeur a invoqué le para. 170(h) de la LIPR, insistant sur la souplesse de la procédure applicable devant les tribunaux administratifs :

170. Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

[...]

h) peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision;

170. The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

[...]

(h) may receive and base a decision on evidence that is adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances; and

À mon avis, la souplesse procédurale ne doit pas faire en sorte de miner la capacité de la SPR de rendre des décisions éclairées. L'affaire Al-Khaliq v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 625, [2005] F.C.J. No. 843 permet à mon avis d'illustrer pourquoi il est important que le tribunal s'assure au préalable de l'identité des témoins qui doivent être entendus par téléphone. Dans cette affaire, la SPR avait permis au témoin d'être entendu sans autre formalité. Cependant, la SPR a refusé d'accorder quelque valeur probante que ce soit au témoignage puisqu'elle n'était pas certaine de l'identité du témoin. Cela démontre qu'un minimum de formalisme est nécessaire, même devant un tribunal administratif, pour que puisse être autorisé un témoignage téléphonique. Autrement, la crédibilité des témoins est compromise avant même que le témoin n'ait été entendu. Cela risque de donner lieu à des débats stériles sur l'identité des témoins, alors qu'il est possible d'éviter ces débats en vérifiant l'identité des témoins au préalable. Imposer cette formalité minimale comme l'a fait la SPR est dans l'intérêt des demandeurs d'asile, de la SPR et du Ministre.

[37]            En l'espèce, le choix de procédure a été fait en conformité avec l'esprit des règles applicables, aucune règle de procédure n'a été violée et le demandeur n'en subissait aucun préjudice. Lorsque la SPR ne dispose d'aucune règle pour gouverner sa conduite, elle doit nécessairement développer des pratiques. La procédure applicable a été expliquée en toute transparence au demandeur et m'apparaît correcte dans les circonstances. Cette procédure suppose inévitablement des délais. La SPR n'a pas pris le demandeur par surprise, puisqu'elle était disposée à lui accorder un délai en vue de satisfaire à l'exigence procédurale de l'identification des témoins. Étant informé des délais éventuels pour faire entendre ses témoins à distance, le demandeur a préféré renoncer au privilège que lui accordait la SPR. Cette Cour n'a donc pas à intervenir.

C.        Les photographies

[38]            Le demandeur prétend que la SPR, ayant accepté toute la preuve du demandeur (voir dossier du Tribunal, page 246) ne pouvait pas formuler des réserves à l'égard des éléments de preuve qu'elle contient (décision du Tribunal, p.4).

[39]            Sur ce point, je suis d'avis que la procureure du demandeur confond l'acceptation préliminaire d'un élément matériel en preuve et la valeur probante de cette même preuve. Ce n'est pas parce que la SPR a accepté les photographies en preuve qu'elle ne peut pas par la suite y accorder une valeur limitée compte tenu des circonstances. La SPR n'a donc pas commis d'erreur de droit.

D.         Preuve non expressément mentionnée dans la décision de la SPR

[40]            Le demandeur a plaidé que certains éléments de preuve ont été ignorés par la SPR, nommément l'affidavit de M. Kashani (dossier du Tribunal, p. 55) et les documents concernant la demande d'asile de ce dernier au Royaume-Uni (dossier du Tribunal, p. 43 et suiv.).

[41]            Cet argument ne peut être retenu. La SPR est présumée, sauf preuve contraire, avoir pris en considération toute la preuve devant elle (voir notamment Florea c. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] F.C.J. No. 598 (C.A.F.); Lewis c. Canada, 2004 F.C. 1195, [2004] F.C.J. No. 1436, au para 19 (C.F.)). Les demandeurs n'ont pas présenté de preuve de nature à me convaincre que tous les éléments pertinents n'ont pas été considérés. Il m'apparaît plus plausible que tous les éléments de preuve ont été considérés, puisque la situation de M. Kashani et ses liens avec le demandeur ont fait l'objet de discussions à l'audience (dossier du Tribunal, p. 361 et suiv.).

E.          Droit d'être entendu

[42]            Le demandeur a finalement prétendu que son droit d'être entendu avait été violé en ce que la description de son évasion de la prison de Kerman n'avait pas été attentivement écoutée.

[43]            J'ai pris connaissance de la transcription de l'audience (dossier du Tribunal, p. 291 et suiv.) et je suis d'avis que le demandeur a eu suffisamment l'occasion d'expliquer les circonstances de son évasion.

[44]            Par ailleurs, le tribunal a jugé cette explication non crédible et une telle conclusion, lorsqu'elle est fondée sur les faits comme en l'espèce, est sujette à la norme de la décision manifestement déraisonnable. Je ne pense pas qu'il était manifestement déraisonnable que la SPR en vienne à la conclusion que le demandeur perdait de la crédibilité compte tenu de la description qu'il a fourni de son évasion.

V.         Questions pour fins de certification

[45]            Les parties furent invitées à poser des questions pour fins de certification. Le demandeur a demandé que les questions suivantes soient certifiées :

-                      Existe-t-il une violation de la justice naturelle lorsqu'une décision écrite du tribunal concernant la présentation de la preuve au niveau [sic] procédural va à l'encontre de celle rendue oralement?

-                      Lorsque la cour détermine qu'il y a violation de la justice naturelle, pouvons nous faire appliquer un standard autre que celui explicité par la Cour suprême à l'effet que [sic] tout manquement à la justice naturelle a pour effet d'annuler la décision à moins que le sort du dossier ne soit inévitablement le même. Plus précisément, est-ce que la Cour a légalement la discrétion de refuser d'accorder une nouvelle audience parce que le résultat serait tout probablement le même?

[46]            Pour déterminer si une question doit être certifiée, il faut recourir aux critères établis dans Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. No. 1637, au para. 4. La question doit transcender les intérêts des parties au litige, avoir une portée générale et être déterminante quant à l'issue de l'appel. Ces deux questions ne sont certainement pas déterminantes quant à l'issue de l'appel, compte tenu du manque de crédibilité du demandeur qui ressort de la preuve et des motifs mentionnés à la présente décision. De plus, pour fin de précision, elles ne sont pas pertinentes puisque les principes de justice naturelle ont en tout temps été respectés par la SPR.

[47]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE:

-           La demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Simon Noël »

Juge


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                       

                                                                       

DOSSIER :                                  IMM-4299-05

INTITULÉ :                                 ARASH ASLANI   

                                                                                                                              demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L=IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :         le 23 février 2006

MOTIFSDE JUGEMENT

ET JUGEMENT:                       L=HONORABLE JUGE SIMON NOÊL

DATE DES MOTIFS :               le 20 mars 2006

COMPARUTIONS:

Me ANNICK LEGAULT                                                   POUR LE DEMANDEUR

Me LIZA MAZIADE                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me ANNICK LEGAULT                                                   POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

JOHN M. SIMS                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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