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Date : 20231228


Dossier : IMM-4988-22

Référence : 2023 CF 1763

Ottawa (Ontario), le 28 décembre 2023

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

SUGAR ERIC YUMBA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le 16 mai 2022, un agent de l’Agence des Services Frontaliers du Canada [l’Agent] établit un nouveau rapport circonstancié aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27).

[2] Dans son rapport, l’Agent opine que M. Sugar EricYumba, le demandeur, est interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)(b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27) puisqu’il y a des motifs raisonnables de croire que M. Yumba a été déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans. L’Agent relate que M. Yumba a été déclaré coupable d’escroquerie en France en 2009 et qu’il a reçu une peine d’emprisonnement d’un an. L’Agent ajoute que cette infraction, si elle avait été commise au Canada, équivaudrait à de la fraude, infraction visée à l’article 380(1) du Code Criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46).

[3] Le 20 mai 2022, le Délégué du ministre défère l’affaire à la Section d’immigration [SI] pour enquête en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration.

[4] Le 25 mai 2022, M. Yumba dépose la présente demande de contrôle judiciaire contestant la décision de l’Agent d’établir le rapport circonstancié aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration. M. Yumba indique qu’il ignorait alors que le rapport circonstancié avait été déféré à la SI.

[5] Le défendeur, le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, souligne que la décision contestée par la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas la décision finale et que la demande est conséquemment prématurée. Le défendeur note que le bien-fondé de ce rapport 44 pour grande criminalité sera examiné par la SI lors d’une enquête, et que les soumissions de M. Yumba seront aussi examinées par la SI, s’il y a lieu.

[6] M. Yumba n’avait pas adressé la question du caractère prématuré de la demande de contrôle judiciaire dans ses soumissions initiales. Le 7 décembre 2023, répondant à l’invitation de la Cour, M. Yumba dépose des soumissions écrites additionnelles dans lesquelles il confirme, essentiellement, que la présente demande est effectivement prématurée.

[7] Je suis d’accord, la demande de contrôle judiciaire est prématurée et elle sera conséquemment rejetée.

[8] En effet, la Cour d’appel fédérale a traité de cette question dans sa décision Lin c (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CAF 81 et elle a notamment indiqué, aux paragraphes 5 et 6 de sa décision, que :

  • 1)Selon la règle générale, aucun contrôle judiciaire ne devrait être demandé avant que tous les recours administratifs ouverts et adéquats aient été exercés : Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332; Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557, par. 84; Dugré c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 8; et dans le contexte de l’immigration, voir Sidhu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 260, 19 Imm. L.R. (3d) 113, citée avec approbation dans Somodi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 288, [2010] 4 R.C.F. 26, par. 19;

  • 2)L’alinéa 72(2)(a) de la Loi sur l’immigration interdit d’ailleurs de demander le contrôle judiciaire tant que tous les appels administratifs n’ont pas été épuisés;

  • 3)La règle générale ne s’applique pas lorsqu’il existe des circonstances exceptionnelles. Il s’agit d’une exception « très rare » et le seuil à atteindre pour qualifier d’exceptionnelles les circonstances est élevé, comme c’est le cas pour les brefs de prohibition : arrêt C.B. Powell, par. 33; arrêt Dugré, par. 35 et 36; Wilson c. Énergie atomique du Canada Limitée, 2015 CAF 17, [2015] 4 R.C.F. 467, par. 33, infirmé sur un autre point, 2016 CSC 29, [2016] 1 R.C.S. 770. Ce seuil est le plus près possible de l’absolu de sorte que les contrôles judiciaires ne perturbent pas le déroulement ordonné et efficace des instances administratives : arrêt C.B. Powell, par. 32; arrêt Dugré, par. 37.

  • 4)Il faut aussi se rappeler que les instances législatives ont confié la prise de décisions sur le fond aux décideurs administratifs, et non aux tribunaux judiciaires, et donc, à défaut de circonstances exceptionnelles ou d’une loi prévoyant le contraire, les tribunaux de révision ne devraient pas intervenir avant que les décideurs administrateurs aient terminé leur tâche : arrêt C.B. Powell, par. 32.

[9] En l’instance tous les recours administratifs ouverts et adéquats n’ont pas été exercés et aucune circonstance exceptionnelle n’a été démontrée. La demande de contrôle judiciaire est conséquemment prématurée, ce que le demandeur a d’ailleurs lui-même confirmé.

II. Conclusion

[10] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-4988-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. Aucun dépens n’est octroyé.

« Martine St-Louis »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4988-22

 

INTITULÉ :

SUGAR ERIC YUMBA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 OCTOBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 DÉCEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Dieudonné Kandolo

 

Pour le demandeur

 

Sonia Bédard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DDK Law Chambers

Edmonton (Alberta)

 

Pour le demandeur

 

Ministère de la Justice Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 

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