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Date : 20230411


Dossier : T-680-20

Référence : 2023 CF 508

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2023

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

LILIANA KOSTIC

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA ET DE L’ALBERTA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU (CANADA ou AINC); LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN; ET SES MANDATAIRES

défendeurs

et

LA NATION DES PIIKANI ET LA NATION REPRÉSENTÉE PAR LE CHEF ET LE CONSEIL; ROD NORTH PEIGAN; JANET POTTS; DANIEL NORTH MAN; (MANDAT DU CHEF ET DU CONSEIL, À PARTIR DE 2001-2021)

défendeurs

et

STANLEY GRIER; DOANE K CROWSHOE (“DCS”); ERWIN BASTIEN (“EB”); TROY KNOWLTON; WESLEY CROWSHOE; RIEL PROVOST-HOULE; THEODORE PROVOST; CHE LITTLE LEAF-MATUSIAK

défendeurs

et

MICHAEL PFLEUGEUR [(M. PFLEUGEUR) MANDAT D’EMPLOYÉ DE BANDE 2010-2017]

défendeur

et

PIIKANI INVESTMENT CORPORATION (PIC); ET SES ADMINISTRATEURS (mandat des administrateurs à partir de 2003-2021) ET SON AVOCAT (À PARTIR DE 2003) CHEF STANLEY GRIER [ACTIONNAIRE FIDUCIAIRE 2015-2022]; ERWIN BASTIEN; TROY KNOWLTON; WESLEY CROWSHOE; THEODORE PROVOST; CHE LITTLE LEAF-MATUSIAK CHEF REGGIE CROW SHOE [ACTIONNAIRE FIDUCIAIRE 2007-2011]; FABIAN NORTH PEIGAN; KAREN CROW SHOE; SAM KHAJEEI; PIERRE-GILLES BETTINA; VERONA WHITE COW; EMILY GRIER ET RANA LAW; BLAKE CASSELS & GRAYDON SENCRL/srl; RICK YELLOW

HORN;DALE MCMULLEN;

défendeurs

et

PIIKANI RESOURCE DEVELOPMENT LIMITED (PRDL); ET SES ADMINISTRATEURS À PARTIR DE 2008 PRÉSIDENT- DOANE K CROW SHOE (DCS); CHEF STANLEY GRIER [(SG) ACTIONNAIRE FIDUCIAIRE 2015-2022]; TROY KNOWLTON; RIEL PROVOST-HOULE; ERWIN BASTIEN (EB); THEODORE PROVOST; CHE LITTLE LEAF-MATUSIAK; PAUL BLAHA; JASON EDWORTHY; SHAWNA MORNING BULL; MIKE ZUBACH

défendeurs

et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE (CIBC); COMPAGNIE TRUST CIBC (TRUST CIBC) et CIBC WOOD GUNDY/MARCHÉS MONDIAUX CIBC ET SES MANDATAIRES (CIBC WG)

défendeurs

et

JENSEN SHAWA SOLOMON DUGUID HAWKES LLP; ROBERT HAWKES; GLEN SOLOMON (JSS BARRISTERS, JSS)

défendeurs

et

BRUCE ALGER (ALGER); ALGER & ASSOCIATES INC.; LE GROUPE DE SOCIÉTÉS GRANT THORNTON; GRANT THORNTON LTD.; GRANT THORNTON INC.; ET ALGER INC.

défendeurs

et

CARON AND PARTNERS LLP; RICHARD GILBORN; DANIEL GILBORN (CP)

défendeurs

et

MILLER THOMPSON SENCRL, srl; JEFFREY THOM

défendeurs

et

GOWLING WLG (CANADA), SENCRL, srl; CAIREEN HANERT (CH)

défenderesses

et

MCLENNAN ROSS LLP (MR)

défenderesse

et

MM. UNTEL 1 à 10

défendeurs

ET ENTRE :

DALE MCMULLEN

demandeur reconventionnel

(défendeur reconventionnel)

et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE, COMPAGNIE TRUST CIBC, MARCHÉS MONDIAUX CIBC et BLAKE CASSELS & GRAYDON SENCRL/srl

défenderesses reconventionnelles

et

NATION DES PIIKANI et CHEF ET CONSEIL DE LA NATION DES PIIKANI

défendeurs reconventionnels

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par Mme Liliana Kostic, demanderesse et défenderesse reconventionnelle [Mme Kostic], contre trois ordonnances d’une juge adjointe, rendues les 19, 20 et 21 mai 2021. L’appel est interjeté conformément au paragraphe 51(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 [les Règles].

Le contexte procédural

[2] Les événements à l’origine de l’action principale [l’action] et des affaires connexes, tant devant notre Cour que devant la Cour du Banc du Roi de l’Alberta [la CBR de l’Alberta], se sont initialement produits il y a 20 ans. Les procédures et les litiges qui en découlent ont ensuite évolué de manière exponentielle.

[3] En résumé, selon la version modifiée de la déclaration modifiée déposée par Mme Kostic dans la présente affaire, en 2002, la Nation des Piikani [les Piikani], le Canada et l’Alberta ont réglé un litige au moyen d’une entente de règlement qui prévoyait le versement d’une somme de 64,3 millions de dollars aux Piikani. Mme Kostic a été nommée par les Piikani pour gérer certaines parties des fonds obtenus par le règlement, ce qu’elle a fait jusqu’en janvier 2007 lorsque son engagement a pris fin. En novembre 2006, les Piikani ont intenté une action contre Mme Kostic devant la CBR de l’Alberta (action no 0601-13081). Selon la version modifiée de la déclaration modifiée, l’affaire est toujours en cours, mais les allégations de fraude contre elle ont été rejetées en avril 2014. Devant la CBR de l’Alberta, Mme Kostic a présenté une réclamation contre une tierce partie dans l’action no 0601-13081, une plainte de congédiement injustifié contre les Piikani (action no 0801-05039), ainsi qu’une réclamation à large portée (action no 1601-01693) contre bon nombre des parties désignées dans la présente action.

i. La déclaration

[4] Le 29 juin 2020, Mme Kostic a intenté la présente action par le dépôt d’une déclaration de 192 pages, laquelle, comme nous le verrons plus loin, a été modifiée deux fois par la suite. Dans la déclaration, près de 50 personnes et entités sont désignés comme défendeurs, dont le Canada, les Piikani, le chef et le conseil des Piikani, des cabinets d’avocats, des avocats, une banque à charte, ainsi qu’une société de fiducie. Dans la version modifiée de la déclaration modifiée, Mme Kostic allègue quelque 37 chefs d’actes répréhensibles et 24 actes fautifs contre les divers défendeurs, selon diverses combinaisons. Elle les accuse de complot par des moyens illicites et de violation d’une obligation fiduciaire, ainsi que d’avoir aidé sciemment et de façon malhonnête à commettre la violation d’une obligation fiduciaire, par suite d’une action ou d’une omission de leur part visant à déplacer intentionnellement la responsabilité et l’attention sur elle, afin de lui causer des préjudices dans le cadre d’un plan visant à dissimuler leurs propres actes répréhensibles. Elle réclame environ 25 millions de dollars en dommages‐intérêts généraux, spéciaux, exemplaires, majorés et punitifs.

[5] Le 30 juin 2020, notre Cour a ordonné que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale et, par ordonnance du 6 juillet 2020, la juge adjointe (protonotaire) Molgat a été affectée à l’action à titre de juge responsable de la gestion de l’instance [la JGI].

[6] Dans une lettre du 16 juillet 2020, le procureur général du Canada, au nom de divers défendeurs, a avisé la Cour que plus de 30 défendeurs représentés par un avocat [les défendeurs représentés (qui sont : Sa Majesté le Roi du Canada, le procureur général du Canada, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, la Nation des Piikani, la Nation des Piikani, représentée par le chef et le conseil, le chef Stanley Grier, Erwin Bastien, Troy Knowlton, Wesley Crowshoe, Theodore Provost, Che Little Leaf-Matusiak, Karen Crowshoe, Riel Provost-Houle, Doane K. Crow Shoe, Piikani Investment Corporation et ses administrateurs (Sam Khajeei, Bettina Pierre-Giles, Verona White Cow), Emily Grier, Rana Law, Blake Cassels & Graydon SENCRL/srl, Piikani Resource Development Limited et ses administrateurs (Doane Crow Shoe, Erwin Bastien, Troy Knowlton, Riel Provost-Houle, Mike Zubach, Jason Edworthy), la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Compagnie Trust CIBC, CIBC Wood Gundy/Marchés mondiaux CIBC, Jensen Shawa Solomon Duguid Hawkes LLP, Robert Hawkes, Glenn Solomon, Bruce Alger, Alger & Associates Inc., Caron and Partners LLP, Richard Gilborn, Daniel Gilborn, Michael Pfleuger, Miller Thomson SENCRL/srl, Jeffrey Thom, Gowling WLG (Canada) SENCRL/srl, Caireen Hanert et McLennan Ross LLP)] avaient l’intention de présenter des requêtes préliminaires en radiation de la déclaration ou en suspension de l’instance et sollicitaient une conférence de gestion de l’instance [la CGI]. Cette lettre est versée au dossier de réponse des défendeurs représentés dans le présent appel.

[7] Le 9 septembre 2020, la JGI a rendu une directive de vive voix suspendant tous les délais prescrits par les Règles relativement au déroulement de l’action jusqu’à ce qu’un calendrier soit établi par directive ou ordonnance de la Cour.

[8] Le 2 octobre 2020, à la suite d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 1er octobre 2020, la JGI a rendu une directive de vive voix enjoignant notamment aux défendeurs représentés de déposer une confirmation écrite de leur intention d’opposer une défense à l’action au plus tard le 9 octobre 2020, et à Mme Kostic de signifier et déposer sa déclaration modifiée au plus tard le 1er décembre 2020. Cette directive a été versée au dossier de requête des défendeurs représentés.

[9] Entre le 5 octobre et le 9 octobre 2020, les défendeurs représentés ont déposé des lettres auprès de la Cour pour confirmer leur intention d’opposer une défense à l’action.

[10] Le 24 novembre 2020, Mme Kostic a écrit à la Cour pour demander que le délai du 1er décembre 2020 pour signifier et déposer une déclaration modifiée soit prorogé à la fin de janvier 2021.

[11] Dans une directive rendue de vive voix le 27 novembre 2020, la JGI a ordonné, puisque la requête de Mme Kostic n’était pas contestée, que le délai pour signifier et déposer sa déclaration modifiée soit prorogé au 29 janvier 2021. Cette directive a été versée au dossier de requête des défendeurs représentés.

[12] Le 27 janvier 2021, Mme Kostic a écrit à la Cour pour lui demander de proroger de nouveau le délai pour signifier et déposer sa déclaration modifiée au 16 février 2020.

[13] Dans une directive rendue de vive voix le 25 février 2021, la JGI a ordonné que le dépôt de la déclaration modifiée soit accepté.

[14] Le même jour, Mme Kostic a signifié et déposé une déclaration modifiée comportant 211 pages et 1 330 paragraphes.

[15] Dans une directive du 25 mars 2021 rendue à la suite d’une CGI tenue la veille, la JGI a notamment examiné la requête présentée par Mme Kostic en vue de modifier la déclaration modifiée afin de restreindre, parfaire et réduire la portée de l’action et, à cet égard, a enjoint à Mme Kostic de signifier et déposer la nouvelle déclaration modifiée au plus tard le 26 avril 2021 [directive du 25 mars 2021]. La JGI a affirmé dans la directive que, [traduction] « [c]ompte tenu des directives de la Cour du 2 octobre 2020 et du 27 novembre 2020, cette date est péremptoire ». Dans la directive, la JGI a également fixé la prochaine CGI au 19 mai 2021 et a enjoint aux parties de présenter une proposition conjointe de calendrier pour les prochaines étapes dans l’action au plus tard le 10 mai 2021. Cette directive a été versée au dossier de requête des défendeurs représentés.

[16] Mme Kostic a signifié et déposé la version modifiée de sa déclaration modifiée le 26 avril 2021. Elle contient 215 pages et 1 322 paragraphes.

[17] Le lendemain, malgré la directive du 25 mars 2021 de la JGI, Mme Kostic a demandé une autre prorogation de délai, au moins jusqu’au 29 juin 2021, afin de pouvoir déposer une nouvelle version modifiée de sa déclaration modifiée.

[18] Le 28 avril 2021, l’avocate de Bruce Alger et Alger & Associates [les défendeurs Alger], avec l’accord des avocats de divers autres défendeurs représentés, a écrit à la Cour pour s’opposer à toute autre prorogation du délai pour modifier la version modifiée de la déclaration modifiée. Mme Kostic a répondu dans une lettre datée du 28 avril 2021.

[19] Jusqu’à présent, compte tenu des requêtes en radiation en cours, qui sont régies par l’article 221 des Règles, et de la suspension des délais ordonnée dans la directive du 9 septembre 2020, aucun des défendeurs représentés n’a déposé de défense à la version modifiée de la déclaration modifiée, ni aux versions antérieures de la déclaration. Leurs requêtes en radiation sont fondées sur l’absence de compétence de notre Cour pour instruire l’action, sur l’absence de qualité pour agir de Mme Kostic, sur le fait qu’un autre tribunal est saisi de l’affaire, sur la nature vexatoire de la procédure et sur l’abus de procédure. Seul M. Dale McMullen, défendeur et demandeur reconventionnel, a déposé une défense.

[20] Le 7 mai 2021, la JGI a rendu une directive dans laquelle elle affirmait que, [traduction] « dans la mesure où la demanderesse a, lors de sa dernière modification à la déclaration, effacé ou autrement supprimé certains défendeurs, elle doit signifier et déposer des avis de désistement avec preuve de signification au plus tard le 14 mai 2021 ». Cette directive a été versée au dossier de réponse des défendeurs représentés.

ii. L’ordre des requêtes

[21] Par suite de la directive du 25 mars 2021, dans une lettre datée du 10 mai 2021, les défendeurs représentés ont proposé un ordre du jour pour la CGI fixée au 19 mai 2021 ainsi qu’un calendrier pour les prochaines étapes. La lettre indiquait que Mme Kostic et les défendeurs non représentés avaient eu la possibilité d’examiner les documents, mais que cette dernière avait choisi de proposer son propre calendrier et que les défendeurs non représentés n’avaient pas répondu. Les défendeurs représentés ont fait valoir que les requêtes en radiation de la version modifiée de la déclaration modifiée devraient avoir la priorité et être instruites avant toute autre requête proposée ou envisagée.

[22] Dans une lettre aussi datée du 10 mai 2021, Mme Kostic a proposé son propre calendrier. Elle a indiqué que certaines demandes de contrôle judiciaire présentées devant notre Cour, sa nouvelle version modifiée proposée à la déclaration modifiée, ainsi que les requêtes en réunion et en jonction d’instance devraient être examinées avant les autres requêtes, notamment les requêtes en radiation proposées par les défendeurs représentés. Les deux lettres ont été versées au dossier de réponse des défendeurs représentés. M. McMullen a également proposé un ordre du jour pour la CGI.

[23] Dans une directive datée du 19 mai 2021, la JGI a examiné cinq points [la directive du 18 mai 2021]. L’un de ces points était que Mme Kostic avait tenté de déposer des avis de désistement qui, pour les motifs précisés dans la directive, étaient incomplets. Une copie de cette directive est jointe à l’annexe A de la présente ordonnance et a été versée au dossier de réponse des défendeurs représentés dans l’appel.

[24] Le 20 mai 2021, à la suite d’une CGI tenue la veille, la JGI a donné une directive [la directive du 20 mai 2021] portant principalement sur le non‐respect de l’article 206 des Règles par Mme Kostic, mais aussi sur d’autres questions découlant de la CGI du 19 mai 2021, notamment le calendrier des requêtes tel qu’il a été présenté au nom des défendeurs représentés et l’ajout de nouveaux défendeurs. Une copie de la directive du 20 mai 2021 est jointe à l’annexe A de la présente ordonnance, et les parties qui sont d’intérêt pour la requête en l’espèce sont les suivantes :

[traduction]

5. En ce qui concerne la proposition de calendrier présentée le 19 mai 2021 relativement aux requêtes en radiation ou en suspension déposées par les défendeurs, le PGC préparera un calendrier modifié afin de préciser et d’identifier chaque « groupe » de défendeurs représentés qui devra déposer un seul dossier de requête conjoint tel qu’il a été proposé, à l’exception des défendeurs représentés par Emery Jamieson LLP, qui pourront déposer deux dossiers distincts. Le calendrier modifié devra être présenté à la Cour en format PDF et Word au plus tard le 21 mai 2021.

[...]

7. Les questions concernant l’ajout de défendeurs seront examinées dans le contexte des requêtes en radiation ou en suspension proposées.

[25] En réponse à la directive du 20 mai 2021, l’avocat du procureur général du Canada a présenté un calendrier modifié le jour même, lequel, comme le premier calendrier proposé, donnait la priorité aux requêtes en radiation des défendeurs représentés, afin qu’elles soient tranchées avant les requêtes proposées par Mme Kostic.

[26] Le 21 mai 2021, la JGI a ordonné que le calendrier des étapes procédurales se rapportant aux requêtes en radiation de la version modifiée de la déclaration modifiée ou de la demande reconventionnelle, ou en suspension de l’instance, serait tel qu’il a été précisé dans cette ordonnance [l’ordonnance du 21 mai 2021]. L’ordonnance prévoyait les étapes jusqu’au dépôt des observations écrites et d’un dossier de requête conjoint, au plus tard le 15 décembre 2021. Elle prévoyait également que les parties devaient transmettre à la Cour, au plus tard le 17 décembre 2021, une proposition de calendrier visant la signification et le dépôt des dossiers de réponse, ainsi que les dates et heures de disponibilité commune pour fixer une CGI à la mi‐décembre 2021. L’ordonnance du 21 mai 2021 a été versée au dossier de réponse des défendeurs représentés dans le présent appel.

[27] Dans l’ordonnance du 21 mai 2021, la JGI a récité et examiné les procédures antérieures se rapportant à la modification de la déclaration, les observations des parties à la CGI du 19 mai 2021 et relativement à celle‐ci, ainsi que la question de la priorisation des requêtes en radiation des défendeurs. L’ordonnance du 21 mai 2021 se trouve à l’annexe A de la présente ordonnance et est également reproduite en entier ci‐après :

VU la présente action intentée par la demanderesse par voie de déclaration (de 192 pages et 1 244 paragraphes) déposée le 6 juin 2020 contre quelque 46 défendeurs;

COMPTE TENU de la lettre du procureur général du Canada [le Canada] datée du 16 juillet 2020 dans laquelle plus de 30 défendeurs représentés par un avocat ont fait part de leur intention de présenter des requêtes préliminaires en radiation ou en suspension de l’action;

COMPTE TENU de la défense et de la demande reconventionnelle déposée par Dale McMullen le 29 juillet 2021;

COMPTE TENU de la directive émise par la Cour le 10 septembre 2020;

COMPTE TENU de la déclaration modifiée (de 211 pages et 1 330 paragraphes) déposée le 25 février 2021 et de la version modifiée de la déclaration modifiée (de 215 pages et 1 322 paragraphes) déposée le 26 avril 2021, toutes deux acceptées aux fins de dépôt malgré leurs irrégularités et sous réserve des droits de tout défendeur de remédier aux irrégularités qu’elles contiennent;

COMPTE TENU de la lettre du 27 avril 2021 dans laquelle la demanderesse a sollicité une autre prorogation du délai « au moins jusqu’au 29 juin 2021 » pour modifier à nouveau la déclaration, afin de « supprimer certains défendeurs », de « regrouper les défendeurs de façon logique » et d’ajouter d’autres causes d’action;

COMPTE TENU de l’opposition à la requête de la demanderesse par quelque 39 défendeurs qui sont représentés par 10 cabinets différents [les défendeurs représentés] en vue de déposer leurs requêtes en radiation ou en suspension proposées;

COMPTE TENU de la proposition de la demanderesse de présenter plusieurs requêtes interlocutoires, y compris pour obtenir une ordonnance de confidentialité, pour interroger un syndic de faillite, pour geler des fonds, pour obtenir une provision pour frais, pour faire déclarer certains avocats inhabiles, pour obtenir un jugement par défaut et pour réunir l’action avec celle du dossier T‐348‐21, ainsi que des dossiers T-38-20 (intentée par Dale McMullen) et T-1344-20 (intentée par Brian Jackson);

COMPTE TENU du souhait du défendeur/demandeur reconventionnel, Dale McMullen, de modifier sa déclaration et de présenter des requêtes interlocutoires notamment pour faire exécuter les conditions des conventions d’indemnisation conclues entre lui et certains défendeurs, pour faire déclarer certains avocats inhabiles et pour obtenir un jugement par défaut;

COMPTE TENU du fait que la Cour est d’avis que l’intention et la demande des défendeurs représentés de présenter des requêtes en radiation de la déclaration et de la demande reconventionnelle ou en suspension de l’instance constituent une réponse à la déclaration ayant une incidence sur le droit de modification prévu aux articles 200 et 201 des Règles des Cours fédérales;

COMPTE TENU des directives émises par la Cour le 2 octobre 2020, le 27 novembre 2020 et le 25 mars 2021, et du fait que la demanderesse a déjà eu amplement l’occasion de modifier sa demande, comme elle l’a demandé, pour « restreindre, parfaire et réduire la portée de l’action »;

COMPTE TENU de l’avis de la Cour selon lequel toute autre modification à la déclaration ou à la demande reconventionnelle peut être traitée dans le cadre de la réponse aux requêtes en radiation ou en suspension, et que ces requêtes doivent être instruites avant toute autre requête proposée pour obtenir diverses mesures de redressement interlocutoires;

COMPTE TENU des calendriers proposés conformément aux directives de la Cour datées du 25 février 2021 et du 25 mars 2021 par le Canada au nom des défendeurs représentés;

COMPTE TENU du fait que la demanderesse et les défendeurs non représentés, y compris Dale McMullen, n’ont fourni aucune réponse aux calendriers proposés, bien qu’ils aient été invités à le faire;

COMPTE TENU des observations des parties lors de la conférence de gestion de l’instance tenue le 19 mai 2021, selon lesquelles certains défendeurs représentés envisagent de présenter une preuve conformément à l’article 23 de la Loi sur la preuve au Canada et qu’ils sont d’avis que leurs requêtes peuvent être présentées par écrit;

COMPTE TENU des directives émises par la Cour le 17 mai 2021 et le 20 mai 2021;

ET COMPTE TENU de l’alinéa 385(1)a) des Règles des Cours fédérales;

LA COUR ORDONNE que l’échéancier relativement aux requêtes présentées par les défendeurs en vue de radier la déclaration ou la demande reconventionnelle ou de suspendre l’instance est le suivant :

1. Les défendeurs signifient et déposent leurs avis de requête, ainsi que leur(s) affidavit(s) ou tout autre élément de preuve à l’appui (le cas échéant) [les requêtes] au plus tard le 30 juin 2021.

2. Les contre‐interrogatoires au sujet des affidavits des défendeurs (le cas échéant) devront être terminés au plus tard le 30 juillet 2021.

3. Les intimés dans les requêtes [les intimés] signifient et déposent leur(s) affidavits (le cas échéant) au plus tard le 15 septembre 2021.

4. Le contre‐interrogatoire au sujet des affidavits des intimés (le cas échéant) devra être terminé au plus tard le 15 octobre 2021.

5. Les défendeurs signifient et déposent leurs dossiers de requête, y compris leurs observations écrites, au plus tard le 15 décembre 2021.

6. Les actes de procédure et les éléments de preuve sont versés dans un dossier de requête conjoint déposé par les défendeurs représentés.

7. À l’exception des défendeurs représentés par Me Smith du cabinet Emery Jamieson LLP, qui peuvent déposer deux séries d’observations écrites de 30 pages maximum chacune, les observations écrites des défendeurs représentés sont limitées à un maximum de 30 pages pour chaque groupe de défendeurs représentés par le même avocat ou cabinet d’avocats.

8. Les observations écrites de chaque intimé dans les requêtes sont également limitées à un maximum de 30 pages.

9. Les parties devront, au plus tard le 17 décembre 2021, discuter et fournir à la Cour :

(i) une proposition d’échéancier pour la signification et le dépôt des dossiers de réponse par les intimés, y compris les observations écrites;

(ii) les dates et heures de disponibilité commune pour une conférence de gestion de l’instance.

iii. L’appel de Mme Kostic visant l’ordonnance du 21 mai 2021

[28] Le 31 mai 2021, le greffe a reçu un dossier de requête de 837 pages de la part de Mme Kostic, dans lequel elle cherchait notamment à interjeter appel de ce qu’elle a appelé les ordonnances des 19, 20 et 21 mai. Je souligne au passage qu’il n’y a aucune ordonnance datée du 19 ou du 20 mai 2021. Des directives ont été données les 18 et 20 mai 2021, comme il en a été question précédemment. Dans une directive du 10 juin 2021, le juge Little a refusé d’accepter le dossier de requête pour dépôt parce qu’il présentait des lacunes. Le 23 juin 2021, Mme Kostic a présenté un dossier de requête de 7 433 pages dans lequel elle cherchait notamment à interjeter appel de ce qu’elle a appelé les ordonnances datées des 19, 20 et 21 mai 2021. Dans une directive du 15 septembre 2021, la juge Heneghan a indiqué que, pour les motifs qui y étaient énoncés, le dossier de requête ne serait pas accepté pour dépôt. Mme Kostic a présenté de nouveau le dossier de requête le 7 octobre 2021.

[29] Toutefois, il a fallu plus d’un an avant que la requête en appel soit acceptée pour dépôt dans une directive du 30 novembre 2022 donnée par la juge adjointe Tabib. La juge adjointe Tabib a rappelé l’historique des tentatives pour déposer la requête et a souligné que le greffe avait demandé des instructions pour savoir si le dossier de requête de Mme Kostic, [traduction] « présenté aux fins de dépôt le 7 octobre 2021, mais qui, par inadvertance, n’avait pas été soumis à la Cour pour instructions jusqu’à récemment, peut être accepté pour dépôt », et a donné la directive suivante :

[traduction]

La requête de la demanderesse est présentée pour dépôt plus de cinq mois après les « ordonnances » faisant l’objet de l’appel et est, à première vue, hors délai. Toutefois, la Cour fait remarquer que la demanderesse a signifié et présenté son dossier de requête initial pour dépôt dans les délais d’appel. Les divergences relevées concernent le contenu du dossier de requête et non l’avis de requête lui-même, qui aurait dû être accepté pour dépôt afin de respecter les délais d’appel (l’article 51 des Règles exige que l’avis de requête, et non le dossier, soit signifié et déposé dans les 10 jours suivant l’ordonnance portée en appel). L’avis de requête sera réputé avoir été déposé le 31 mai 2021, sous réserve de toute objection que les défendeurs pourraient soulever quant aux modifications entre la version initialement signifiée et la version signifiée le 7 octobre 2021.

L’avis de requête vise également à interjeter appel des « ordonnances » des 19 et 20 mai 2021 et n’a pas été déposé dans les délais en ce qui concerne ces ordonnances (à supposer qu’elles existent). Toute question relative à l’opportunité et à la possibilité de faire appel de ces autres « ordonnances » devrait être soulevée dans le contexte de la requête au fond. Il en va de même pour toutes les autres irrégularités relevées par le greffe : dans la mesure où le dossier contient des éléments de preuve ou des documents inadmissibles pour lesquels l’autorisation aurait dû être demandée mais ne l’a pas été, cette question peut être soulevée par les parties dans leur dossier de réponse, ou par la Cour de son propre chef, et être examinée à l’instruction de la requête.

[30] Dans l’intervalle, le 17 décembre 2021, l’avocat du procureur général du Canada, au nom des défendeurs représentés, a écrit à la JGI, comme l’exigeait l’ordonnance du 21 mai 2021, pour proposer que Mme Kostic et M. McMullen signifient et déposent leurs dossiers de requête en réponse aux requêtes en radiation des défendeurs représentés au plus tard le 15 février 2021, et pour l’informer que ces derniers ne souscrivaient pas au calendrier proposé et écrirait séparément à la Cour à ce sujet. Il a également indiqué que les parties étaient disponibles pour une CGI le 24 janvier 2022. Mme Kostic a répondu le même jour pour confirmer sa disponibilité du 24 janvier 2022 et pour faire part de son appel en instance de l’ordonnance du 21 mai 2021. Une proposition de calendrier était jointe à la lettre.

[31] Le 27 janvier 2022, l’avocat du procureur général du Canada a écrit à la JGI au sujet de sa lettre du 17 décembre 2021 et de la lettre de Mme Kostic en réponse, et il a demandé à la Cour de fixer un délai pour la signification et le dépôt des dossiers de réponse et a suggéré, par souci de commodité, que cela soit fait sans CGI. L’avocat avait tout de même indiqué les dates de disponibilité des défendeurs représentés dans l’éventualité où la Cour jugerait que la tenue d’une CGI était nécessaire.

[32] Entre le 28 janvier 2022 et novembre 2022, il y a peu d’inscriptions au dossier de la Cour.

[33] Le 18 novembre 2022, l’avocate des défendeurs Alger, avec l’accord de tous les défendeurs représentés, a écrit à la JGI concernant l’ordonnance du 21 mai 2021 et a indiqué que les défendeurs représentés s’étaient conformés à toutes les étapes et à tous les délais requis, notamment en signifiant et en déposant, avant le 15 décembre 2021, un dossier de requête conjoint et leurs observations écrites respectives concernant les requêtes en radiation de la version modifiée de la déclaration modifiée. La lettre concernait également la lettre du 17 décembre 2021 envoyée par l’avocat du procureur général du Canada au nom des défendeurs représentés en réponse à l’ordonnance du 21 mai 2021, la lettre du 17 décembre 2021 envoyée en réponse par Mme Kostic, ainsi que la lettre du 27 janvier 2022 de la part de l’avocat du procureur général du Canada au nom des défendeurs représentés. L’avocate des défendeurs Alger a souligné que ces lettres n’avaient reçu aucune réponse et que les défendeurs représentés n’avaient pas reçu signification des dossiers de requête en réponse à leurs requêtes, bien que, dans le calendrier proposé joint à sa lettre du 17 décembre 2021, Mme Kostic avait demandé jusqu’en septembre 2022 pour ce faire. L’avocate des défendeurs Alger a fait remarquer que onze mois s’étaient écoulés depuis que les défendeurs représentés avaient présenté leur requête en radiation de documents aux parties intimées, et elle a répété la demande formulée par l’avocat du procureur général du Canada dans sa lettre du 27 janvier 2022, à savoir que la Cour fixe le délai pour la signification et le dépôt des dossiers de requête et des observations écrites en réponse par les intimés, ainsi que le délai pour la signification et le dépôt des observations en réplique (s’il en est) par les défendeurs représentés.

[34] Dans son ordonnance du 29 novembre 2022, la JGI a répondu à la lettre du 22 novembre 2022 et aux échéanciers proposés mentionnés précédemment. En ce qui concerne les requêtes en radiation présentées par les défendeurs représentés, elle a ordonné que Mme Kostic et M. McMullen signifient et déposent leurs dossiers de réponse, y compris leurs observations écrites, au plus tard le 15 février 2023, et que les défendeurs représentés signifient et déposent leurs observations écrites en réplique au plus tard le 28 février 2023. Une copie de l’ordonnance du 29 novembre 2022 a été versée au dossier de réponse des défendeurs représentés dans le présent appel.

[35] De plus, comme je l’ai déjà dit, le 30 novembre 2022, la juge adjointe Tabib a donné une directive dans laquelle elle avait indiqué que l’avis de requête de Mme Kostic (qui figurait dans son dossier de requête) en vue d’interjeter appel de ce qu’elle a appelé les ordonnances des 19, 20 et 21 mai 2021 était réputé avoir été déposé le 7 octobre 2021. Cette directive se trouve dans le dossier de réponse des défendeurs représentés.

[36] Le 19 décembre 2022, Mme Kostic a écrit une lettre de huit pages à la JGI. En ce qui concerne l’appel, elle a écrit ce qui suit : [traduction] « À titre de rappel, je suis toujours en attente de mon dossier de requête, dont le dépôt a été accepté le 30 novembre 2022, afin que je puisse planifier mon appel du 30 mai 2023. J’aurais également besoin d’une directive de la Cour pour savoir comment organiser le tout ». La lettre indique que la suspension de l’instance est nécessaire pour éviter un autre préjudice dans l’attente d’une décision dans les actions connexes. Dans sa lettre, Mme Kostic énumère ensuite d’autres préoccupations, commentaires, thèses et arguments.

[37] Dans une directive du 4 janvier 2023, la JGI a déclaré ce qui suit :

[traduction]

La correspondance suivante a été transmise à la Cour : une lettre de quatre pages du défendeur/demandeur reconventionnel, Dale McMullen, datée du 16 décembre 2022, et une lettre de huit pages de la demanderesse/défenderesse reconventionnelle, Liliana Kostic, datée du 19 décembre 2022. Il n’est pas clair en vertu de quelle disposition des Règles, directive de pratique ou autorité ces parties envoient ces lettres à la Cour. Elles sont invitées à consulter les Lignes directrices générales consolidées (8 juin 2022), la Mise à jour n° 9 et directive sur la procédure consolidée relative à la COVID-19 (24 octobre 2022), ainsi que les nombreuses directives et ordonnances rendues par la Cour dans le cadre de l’instance. Veuillez-vous adresser à la Cour uniquement lorsque vous demandez une réparation précise que la Cour peut accorder. Et faites-le de manière appropriée, conformément aux Règles et aux directives de pratique, ainsi qu’aux ordonnances rendues et aux directives émises. En ce qui concerne la lettre de M. McMullen : à moins que les conditions strictes d’une requête informelle en redressement interlocutoire soient remplies, la Cour n’accordera aucune forme de réparation demandée au moyen d’une simple lettre, ce qui comprend les demandes de prorogation de délai. En ce qui concerne la lettre et le « rappel » de Mme Kostic : le greffe ne fournit pas systématiquement copie des documents déposés. Si une partie souhaite obtenir copie d’un document déposé, elle peut l’obtenir en se présentant à un bureau du greffe ou en présentant une demande écrite. Cette requête a été respectée. En ce qui concerne la demande pour obtenir une « directive » sur la manière de planifier l’instruction de sa requête en appel, la demanderesse est invitée à consulter les articles 34 et 35 des Règles des Cours fédérales. La Cour refuse d’examiner le reste de la lettre de la demanderesse, qui consiste en des observations en réponse à des communications d’autres parties. Les observations écrites ne seront pas prises en compte par la Cour à moins qu’elles ne soient présentées conformément aux Règles, à une directive ou à une ordonnance.

[38] Dans ma directive du 6 février 2023, j’ai examiné les questions se rapportant à la transcription du contre‐interrogatoire de M. McMullen mené par Mme Kostic, qui a eu lieu le 29 juillet 2021 [la transcription], et la planification de deux appels d’ordonnances de la JGI. Un des appels a été interjeté par M. McMullen et concerne l’établissement des échéances et la disponibilité de la transcription. L’autre est l’appel visé par la présente décision, c’est‐à‐dire l’appel de Mme Kostic visant l’ordonnance du 21 mai 2021. Dans ma directive, j’ai indiqué que, si aucune prorogation du délai relativement à la disponibilité de la transcription n’était sollicitée par M. McMullen ou Mme Kostic avant le 10 février 2023, l’instruction des deux appels serait alors fixée au 9 mars 2023 à Calgary.

[39] Le 9 février 2023, Mme Kostic a signifié et déposé un document intitulé [traduction] « Dossier de requête de Liliana Kostic pour obtenir la suspension de l’instance ou une autre réparation – conformément à la note de service écrite ou orale de la juge Strickland » dans lequel elle sollicitait le sursis à l’exécution de l’ordonnance du 21 mai 2021 de la JGI en attendant l’issue de l’appel. Dans ma directive du 15 février 2023, j’ai avisé les parties que la requête en suspension ne répondait pas à ma directive du 6 février 2023 (dans laquelle j’avais demandé à Mme Kostic et à M. McMullen d’indiquer s’ils souhaitaient proroger le délai relativement à la transcription) et que Mme Kostic avait jusqu’au 15 février 2023 pour aviser la Cour si elle souhaitait que l’instruction de la requête en suspension ait lieu par écrit ou en personne. Mme Kostic a indiqué qu’elle souhaitait obtenir une audience orale, dont l’audition a été confirmée dans ma directive du 20 février 2023 et fixée à 9 h 30 le 28 février 2023 à Calgary, en personne.

[40] Le 15 février 2023, Mme Kostic a présenté un document de 662 pages intitulé [traduction] « Requête en réponse de Liliana Kostic ». Dans ma directive du 20 février 2023, j’ai indiqué qu’il n’était pas clair à quelle requête ce document répondait, bien que ce pouvait être en réponse aux ordonnances du 29 novembre 2022 et du 5 janvier 2023 enjoignant à Mme Kostic de déposer des dossiers en réponse aux requêtes en radiation des défendeurs représentés et de M. McMullen au plus tard le 15 février 2023. J’ai également souligné que le document comportait des observations écrites à l’état d’ébauche. J’ai indiqué qu’avant que le document ne puisse être déposé, Mme Kostic devait informer le greffe de la requête ou des requêtes auxquelles il répondait et fournir la version finale de ses observations écrites. En ce qui concerne l’heure de l’instruction du présent appel, Mme Kostic n’a pas répondu à cette directive.

L’appel

[41] Dans son avis de requête, Mme Kostic affirme solliciter :

[traduction]

Une ordonnance et un jugement :

1. INFIRMANT les ordonnances des 19, 20 et 21 mai 2021 de la protonotaire responsable de la gestion de l’instance, madame Sylvie Molgat, et les remplaçant par l’ordonnance que la juge responsable de la gestion de l’instance, ci‐après appelée « la Cour » ou la « JGI », aurait dû rendre, soit infirmée ou modifiée en tout ou en partie;

2. Acceptant les MODIFICATIONS PROPOSÉES par la demanderesse À SA DÉCLARATION AVANT L’INSTRUCTION DES REQUÊTES EN RADIATION dans l’action T-680-20, et prévoyant que la présente requête soit instruite dans les plus brefs délais;

3. En vue d’obtenir l’autorisation d’admettre DE NOUVEAUX ÉLÉMENTS DE PREUVE, de façon rétroactive, et ADMETTANT les nouveaux éléments de preuve.

4. Déclarant que la demanderesse a été privée de L’APPLICATION RÉGULIÈRE DE LA LOI ET DE SON DROIT À L’ÉQUITÉ PROCÉDURALE

5. Autorisant la requête en vue de CONSTATER LE DÉFAUT DES DÉFENDEURS qui n’ont pas opposé de défense à la demande.

6. REPORTANT et réorganisant LE PLAN RELATIF À LA POURSUITE DU LITIGE en l’espèce dans l’attente de l’appel et du contrôle judiciaire dans les dossiers T-1344-20 et T-348-20 et de la requête proposée par la demanderesse en vue d’être ajoutée comme partie à l’action dans le dossier T-38-20 en plus de l’autre mesure accessoire;

7. Adjugeant à la demanderesse les DÉPENS selon le montant fixé dans la présente requête, plus trois multiplicateurs : honoraires conditionnels, procureur général privé et d’intérêt public et conduite vexatoire.

8. Une ordonnance de provision pour frais et/ou une indemnité en vertu des conventions de non‐responsabilité et d’indemnisation de la demanderesse.

[Caractères gras dans l’original.]

Les questions préliminaires

i. La demande d’ajournement

[42] À l’audience, Mme Kostic a affirmé qu’elle souhaitait aviser la Cour qu’une question grave avait été soulevée et justifiait l’ajournement de l’appel.

[43] Mme Kostic a affirmé qu’elle avait récemment eu connaissance que des renseignements et des dossiers à son sujet avaient été volés, dont des renseignements protégés par le secret professionnel. Elle a formulé des allégations de vol très graves et répétées contre Me Caireen Hanert, l’avocate des Piikani [Me Hanert]. Elle a également allégué que les policiers avaient été avisés et qu’ils lui avaient dit que l’affaire était très grave, que des mandats de perquisition seraient vraisemblablement délivrés et que des accusations pourraient être portées. Elle a affirmé que M. Bill Clem (elle voulait probablement dire William Klym), qui serait l’avocat qui la représente dans les affaires connexes, avait envoyé une lettre tout récemment à Me Hanert pour soulever ces allégations de vol. Selon Mme Kostic, cet incident a changé la complexité de l’action et de l’appel dont je suis saisi, qui ne pouvait donc se poursuivre.

[44] Mme Kostic a également fait valoir que, pour que l’appel puisse maintenant aller de l’avant, elle devait retenir les services d’un avocat étant donné ce changement de circonstances. De toute façon, comme elle était trop contrariée pour pouvoir continuer, l’appel devait être ajourné, et procéder autrement constituerait un manquement à l’équité procédurale.

[45] Le Canada s’est opposé à l’ajournement étant donné que Mme Kostic avait déjà été avisée par la Cour de la voie qu’elle devait emprunter si elle avait l’intention de retenir les services d’un avocat pour la représenter dans le cadre de l’appel. Il a aussi fait valoir que même si l’affaire était ajournée, il n’était pas certain que Mme Kostic retiendrait les services d’un avocat, particulièrement compte tenu du fait qu’elle ne respectait pas l’ordonnance de la Cour concernant la production de la transcription. De plus, le dossier invoqué dans l’appel était limité aux ordonnances et directives de la Cour et, par conséquent, Mme Kostic ne subirait pas de préjudice, puisque les documents supposément volés ne seraient pas examinés. En outre, la nouvelle allégation de vol de dossiers était formulée de façon très générale par Mme Kostic et ne visait pas l’appel au fond. Enfin, le Canada a soutenu qu’il y avait un sérieux risque que l’appel soit reporté indéfiniment si l’ajournement était accordé sur le fondement du vol allégué. L’action a été intentée il y a trois ans, mais elle n’a progressé qu’au point où les requêtes en radiation ont été inscrites au rôle, bien qu’une trentaine de défendeurs aient notifié leur intention de présenter ces requêtes le 16 juillet 2020.

[46] En général, M. McMullen était en faveur d’un ajournement dans la mesure où les délais étaient raisonnables.

[47] Me Hanert, au nom des Piikani, s’est également opposée à l’ajournement. Compte tenu des graves allégations formulées contre elle par Mme Kostic, je lui ai accordé une certaine marge de manœuvre pour me fournir des renseignements généraux. Elle a indiqué que deux semaines avant l’instruction du présent appel, elle avait reçu une lettre de Me Gabor Zinner [Me Zinner], qui représente Mme Kostic dans d’autres affaires, dans laquelle il soulevait les allégations de vol et qu’elle avait répondu à ce moment‐là.

[48] Après une brève suspension pour examiner les observations, j’ai refusé d’accorder l’ajournement pour les motifs suivants, que j’ai expliqués à l’audience.

[49] Premièrement, comme je l’ai déjà dit dans ma décision rejetant la requête en suspension de l’action de Mme Kostic en attendant l’issue de l’appel (2023 FC 306), Mme Kostic n’est pas représentée par un avocat.

[50] Dans ma directive du 15 février 2023, Mme Kostic a été informée que, comme aucun avis de nomination d’un avocat n’avait été déposé conformément aux paragraphes 124(1) ou 124(2) des Règles, la Cour ferait abstraction de toute communication présentée pour son compte provenant de personnes qui n’ont pas été ainsi nommées. Dans une lettre fournie en réponse le même jour, Mme Kostic a affirmé qu’elle avait l’intention de retenir les services de Me Zinner à titre d’avocat pour un mandat limité et a demandé [traduction] « l’autorisation conformément au paragraphe 124(2) des Règles » et « l’autorisation de déposer la formule 124d) ». Dans ma directive du 20 février 2023, j’ai informé Mme Kostic que le paragraphe 124(2) ne nécessitait pas d’autorisation et que, si elle souhaitait être représentée dans le cadre de l’action, y compris en ce qui concerne la requête en radiation et les deux appels des ordonnances de la JGI, elle devait déposer son avis de mandat limité, conformément au paragraphe 124(2) des Règles, au plus tard le 22 février 2023. J’ai également indiqué que je ne lui accorderais pas l’autorisation prévue au paragraphe 123(3) des Règles de nommer un avocat pour un mandat limité avant qu’elle signifie et dépose un avis de mandat limité lors de sa comparution à l’instruction des trois requêtes prévue le 28 février 2023 et le 9 mars 2023.

[51] Le 23 février 2023, Mme Kostic et Me Zinner ont tenté de déposer la formule 124D intitulée « Avis de mandat limité ». Toutefois, elle ne respectait pas le paragraphe 124(2) des Règles.

[52] Dans ma directive du 23 février 2023, j’ai indiqué que la formule 124D telle qu’elle avait été signifiée et présentée pour dépôt par Mme Kostic n’indiquait pas en quoi consistait le mandat de Me Zinner – seulement qu’il pouvait agir [traduction] « si son aide [était] nécessaire et convenue » – et ne précisait pas pour quelle requête, quel appel ou quel dossier en particulier les services de Me Zinner avaient été retenus pour un mandat limité. J’ai également rappelé à Mme Kostic et Me Zinner que je n’accorderais pas l’autorisation prévue au paragraphe 123(3) des Règles de nommer un avocat pour un mandat limité avant qu’elle signifie et dépose un avis de mandat limité conforme lors de sa comparution à l’instruction de la requête en suspension prévue le 28 février 2023 et des deux requêtes en appel dont l’instruction est fixée au 9 mars 2023. La demanderesse n’a jamais présenté d’avis de mandat limité conforme.

[53] Quoi qu’il en soit, à l’instruction de la requête en suspension, Mme Kostic a indiqué que Me Zinner était présent et souhaitait participer à la requête en parlant de l’un des aspects de sa requête – sa santé. Autrement, elle ne souhaitait pas être représentée. Elle a indiqué qu’elle et Me Zinner n’avaient pas compris les dispositions des Règles portant sur le mandat limité ni mes directives précédemment citées. Compte tenu de mes directives claires, j’ai refusé d’autoriser Me Zinner à demander l’autorisation de formuler des observations dans le cadre de l’audition de la requête en suspension concernant une partie des observations de Mme Kostic.

[54] Compte tenu de tout ce qui précède, je conviens avec le Canada que Mme Kostic avait été clairement informée de la voie à suivre si elle souhaitait retenir les services d’un avocat dans le cadre de l’appel.

[55] De plus, Me Hanert a informé la Cour, en réponse à la demande d’ajournement, que l’allégation de vol avait été soulevée dans une lettre de Me Zinner deux semaines avant l’instruction du présent appel. À mon sens, le fait que Mme Kostic fait maintenant valoir qu’un autre avocat (qui n’est pas non plus avocat au dossier dans la présente action) avait plus récemment envoyé un autre avis d’allégation à Me Hanert ne permet pas d’étayer son affirmation selon laquelle la question venait d’être mise au jour et que, par conséquent, elle n’avait pas eu le temps de retenir les services d’un avocat.

[56] Je remarque également que la preuve documentaire invoquée par les défendeurs représentés dans le présent appel a été versée dans leur dossier de réponse. Elle se limite à la version modifiée de la déclaration modifiée, à la déclaration modifiée, aux lettres adressées à la JGI de la part des défendeurs représentés en date du 16 juillet 2020 et du 10 mai 2021, à une lettre de Mme Kostic à la JGI datée du 10 mai 2021, à sept directives émises par la JGI ainsi qu’à deux ordonnances rendues par la JGI les 21 mai 2021 et 29 novembre 2022. Aucun de ces documents n’est la « propriété » de Mme Kostic de sorte qu’ils pourraient faire partie des documents supposément volés. En outre, bien que Mme Kostic ait insisté sur le fait que son allégation de vol avait essentiellement [traduction] « tout changé », je ne suis pas persuadée que cette allégation ait une incidence sur l’issue de l’appel dont je suis saisie, étant donné que Mme Kostic interjette appel de l’ordonnance du 21 mai 2021 de la JGI, qui porte sur les dates des requêtes.

[57] Mme Kostic a également affirmé que le stress causé par la nouvelle allégation de vol l’avait empêchée d’agir pour son propre compte dans le cadre de l’appel. Lorsqu’on lui a demandé si elle disposait d’une preuve médicale, elle a renvoyé à une lettre d’un psychologue qu’elle avait déjà tenté de présenter à l’audition de la requête en suspension.

[58] À l’audition de la requête en suspension, Mme Kostic avait tenté de présenter un document qu’elle avait qualifié de dossier médical pour étayer son allégation de préjudice irréparable, document qu’elle avait également voulu présenter à titre de document confidentiel et scellé. L’avocat des défendeurs représentés s’était opposé à cette admission et à cette requête, qui avait été soulevée pour la première fois lors de cette audience. À l’audition de la requête en suspension, j’ai avisé Mme Kostic que je ne tirais aucune conclusion à cette étape concernant l’admissibilité du document. J’ai refusé de l’admettre pour les motifs exposés dans cette décision.

[59] Mme Kostic a tenté d’invoquer la même lettre à l’appui de sa demande d’ajournement du présent appel, mais comme elle n’a pas voulu communiquer cette lettre aux parties à l’appel, je suis la seule à l’avoir examinée. Quant à son contenu, pour respecter la volonté de Mme Kostic, je dirai seulement qu’il a confirmé son diagnostic de problèmes de santé mentale chroniques et certaines recommandations qui en découlent. La lettre était datée de trois semaines avant la date de l’instruction de l’appel et n’abordait pas le nouveau facteur de stress allégué et n’indiquait pas non plus que Mme Kostic n’était pas en mesure d’agir pour son propre compte. Bien que je sois sensible aux problèmes de santé mentale de Mme Kostic et que je reconnaisse que ce litige est très stressant, il dure depuis de nombreuses années. En outre, elle était au courant du vol allégué depuis au moins deux semaines et aurait pu faire appel à un avocat et/ou demander un ajournement (au moyen d’une requête étayée par une preuve par affidavit) au cours de cette période plutôt que de soulever la question pour la première fois à l’instruction de l’appel, auquel assistaient de nombreux défendeurs et avocats.

[60] En outre, l’appel porte sur une ordonnance établissant le calendrier, et plus précisément sur la séquence de traitement des quelque 30 requêtes en radiation déposées par les défendeurs. Si l’ajournement était accordé, ces requêtes seraient retardées indéfiniment dans l’attente que les allégations de vol soient examinées.

[61] Après avoir soupesé les préoccupations de Mme Kostic et celles des défendeurs représentés (comme M. McMullen ne s’est pas opposé à l’ajournement), j’ai conclu que l’intérêt de la justice favorisait la poursuite de l’appel (voir les articles 3 et 36 des Règles; Montana c Canada (Revenu national), 2017 CAF 194 aux para 4, 7, 10; Mowi Canada West Inc c Canada (Pêches, Océans et garde côtière), 2021 CF 900 aux para 11-12, 23).

[62] J’ai avisé Mme Kostic que, si elle se sentait trop contrariée pour présenter des observations orales, elle pouvait se fonder sur ses observations écrites. Elle s’est dite très mécontente de ma décision et a refusé de présenter des observations orales. Toutefois, après que le Canada, au nom des défendeurs représentés, les Piikani et M. McMullen aient présenté leurs observations orales, Mme Kostic a répondu et a également présenté les arguments contenus dans ses observations écrites.

ii. Les directives ne sont pas susceptibles d’appel

[63] Mme Kostic indique dans son avis de requête qu’elle interjette appel de trois ordonnances de la JGI, datées des 19, 20 et 21 mai 2021. Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas d’ordonnances datées du 19 ou du 20 mai 2021. Il y a une directive du 18 mai 2021, une directive du 20 mai 2021 et l’ordonnance du 21 mai 2021.

[64] Le paragraphe 51(1) des Règles indique que l’ordonnance d’un juge adjoint (protonotaire) peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de notre Cour. La jurisprudence indique clairement qu’« [u]ne directive n’est pas susceptible d’appel » (Peak Innovation Inc c Simpson Strong-Tie Co, 2011 CAF 81 au para 2, citant Froom c Canada (Ministre de la Justice), 2003 CAF 141; Brake c Canada (Procureur général), 2017 CF 1093 aux para 18‐23; McMullen c Canada (Attorney General), 2020 FC 1081 aux para 8‐10).

[65] Mme Kostic ne soutient pas qu’il existe une incertitude ou un litige concernant la teneur des directives. En effet, lorsqu’elle a comparu devant moi, elle a dit qu’elle savait que les directives de notre Cour ne sont pas susceptibles d’appel, mais que celles des 18 et 20 mai 2021 sont liées à l’ordonnance du 21 mai 2021 ou que l’ordonnance [traduction] « infirme » les directives qui lui étaient favorables.

[66] Cette observation est dénuée de fondement.

[67] La directive du 18 mai 2021 porte sur cinq points. L’un d’eux était que Mme Kostic avait tenté de déposer des avis de désistement, qui, pour les motifs exposés, comportaient des lacunes. Mme Kostic a été avisée de les corriger et de signifier et déposer des avis de désistement conformes au plus tard le 25 mai 2021, si cela était son intention. Dans sa directive du 20 mai 2021, la JGI a affirmé que, par suite de sa directive du 18 mai 2021, Mme Kostic [traduction] « devait uniquement signifier et déposer un avis de désistement à l’égard des défendeurs contre qui elle se désiste entièrement de l’action. Dans la mesure où la demanderesse semble avoir simplement rayé le nom de certains défendeurs de l’intitulé sans enlever, supprimer ou autrement se désister de ses réclamations contre ces personnes, ils demeurent des défendeurs parties à l’action ». Il ne ressort pas du dossier de la Cour que Mme Kostic a déposé des avis de désistement conformes : rien ne l’empêche de le faire maintenant si elle souhaite se désister régulièrement de l’action contre l’un ou l’autre des défendeurs. Rien non plus dans l’ordonnance contestée du 21 mai 2021 n’aborde le statut des désistements ou n’« infirme » cet aspect ou tout autre aspect de la directive du 18 mai 2021, comme Mme Kostic semble indiquer.

[68] La directive du 20 mai 2021 traite principalement du non-respect par Mme Kostic de l’article 206 des Règles, mais aussi d’autres questions découlant de la CGI du 19 mai 2021. Plus précisément, en ce qui concerne la proposition de calendrier présentée le 19 mai 2021 relativement aux requêtes en radiation ou en suspension déposées par les défendeurs, le procureur général du Canada a été contraint de préparer un calendrier modifié afin de préciser et d’identifier chaque « groupe » de défendeurs représentés qui devrait déposer un seul dossier de requête conjoint proposé, à l’exception de ceux représentés par Emery Jamieson LLP, qui ont été autorités à déposer deux dossiers distincts. Le procureur général du Canada s’est conformé à cette directive, comme le démontre l’ordonnance du 21 mai 2021. Là encore, rien dans l’ordonnance du 21 mai 2021 n’infirme un quelconque aspect de la directive du 20 mai 2021.

[69] Comme les directives ne sont pas susceptibles d’appel, les motifs qui suivent ne porteront pas sur les observations de Mme Kostic qui concernent ces directives, comme les avis de désistement ou l’article 206 des Règles.

iii. L’admissibilité de l’affidavit de Mme Kostic

[70] À l’appui du présent appel, Mme Kostic a présenté un affidavit de 83 paragraphes souscrit le 31 mai 2021 [l’affidavit de Mme Kostic]. Une grande partie du contenu de cet affidavit n’est d’aucun intérêt pour l’appel dont je suis saisie, car il traite de questions comme les avis de désistement et l’article 206 des Règles, comme nous l’avons vu plus haut. Mme Kostic aborde également en détail sa requête en vue de faire admettre de nouveaux éléments de preuve [traduction] « aux fins du présent appel », à savoir les pièces 1 à 13 de son affidavit, qui comprennent un dossier de requête déposé dans le dossier T-348-21, divers affidavits déposés dans d’autres affaires et divers avis de requête, ainsi que plus de 5 000 pages de documents déposés dans le dossier T-38-20. Toutefois, bien que la question de l’admissibilité de ces « nouveaux éléments de preuve » pourrait se poser dans le contexte des requêtes en radiation, la présente requête vise à interjeter appel de l’ordonnance du 21 mai 2021, qui ne concerne pas l’admissibilité de ces éléments de preuve. Autrement dit, il s’agit d’une réparation « supplémentaire », qui n’est pas liée à l’ordonnance faisant l’objet de l’appel.

[71] Dans son affidavit, Mme Kostic explique également pourquoi elle a cherché à modifier sa déclaration une première fois, une deuxième fois puis une troisième fois. Elle affirme que la [traduction] « JGI a préjugé la demande de rejet en ne lui permettant pas d’apporter les modifications requises et nécessaires et en lui permettant de modifier sa défense aux requêtes en radiation, ce qui constituait selon elle une erreur de droit ». Elle déclare avoir avisé la JGI, dans une lettre puis à nouveau au moyen d’un « rappel », du fait qu’elle avait obtenu 5 481 pages de dossiers de requête dans le dossier T-38-20 quelques jours avant le dépôt de la version modifiée de la déclaration modifiée prévu le 26 avril 2021 et de la nécessité de modifier à nouveau sa déclaration compte tenu des allégations élargies formulées dans ces 5 481 pages. De plus, elle affirme qu’il est « bien établi en droit que les modifications doivent avoir lieu avant la requête en radiation » et que Me Zinner est du même avis.

[72] Les défendeurs représentés soutiennent que l’appel devrait être décidé sur le fondement du dossier de preuve qui existait au moment de la CGI du 19 mai 2021 et que la Cour ne dispose pas régulièrement de l’affidavit de Mme Kostic et devrait donc en faire fi. Les défendeurs représentés renvoient aux paragraphes 36 et 37 de la décision Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 379 [Suzuki], pour appuyer le principe que l’appel d’une ordonnance d’un juge adjoint doit être tranché sur le fondement des éléments dont ce dernier disposait, et que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que de nouveaux éléments de preuve seront admis.

[73] Les défendeurs représentés soutiennent que la seule question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la JGI a commis une erreur susceptible de contrôle dans sa directive établissant la séquence du traitement des requêtes proposées par les parties. Pour répondre à cette question procédurale, la Cour ne doit pas forcément examiner la version des faits de Mme Kostic. Par conséquent, son témoignage n’aidera pas la Cour à trancher l’appel. De plus, comme il ne convient pas de déposer de nouveaux éléments de preuve en appel, l’affidavit de Mme Kostic n’a pas été réfuté par des éléments de preuve en réponse concernant ce qui s’est passé à la CGI. Cette preuve est donc incomplète et pourrait porter préjudice aux défendeurs représentés. Dans l’intérêt de la justice, il convient également de ne pas tenir compte de l’affidavit de Mme Kostic puisque le contraire risquerait de transformer un appel simple en un procès sur des versions contradictoires de ce qui s’est passé à la CGI.

[74] Je conviens avec les défendeurs représentés que, dans le cadre d’un appel d’une ordonnance d’un juge adjoint, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que de nouveaux éléments de preuve devraient être admis. Ces circonstances sont notamment les suivantes : i) les éléments de preuve n’auraient pas pu être disponibles auparavant; ii) ils serviront les intérêts de la justice; iii) ils aideront la Cour; iv) ils ne porteront pas sérieusement préjudice à la partie adverse (Suzuki, aux para 36-38; Johnson c Canadian Tennis Association, 2022 CF 776 au para 31).

[75] Cela dit, bien que, pour les défendeurs représentés, la question en litige consiste uniquement à savoir si la JGI a commis une erreur susceptible de contrôle dans sa directive établissant la séquence de traitement des requêtes proposées par les parties, Mme Kostic affirme dans son avis de requête et ses observations écrites qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale.

[76] Toutefois, à la lecture de l’affidavit de Mme Kostic dans son ensemble, je ne suis pas persuadée qu’il établisse qu’il s’agit en l’espèce d’un cas exceptionnel qui justifierait son admission. Une grande partie de l’affidavit constitue des arguments. En outre, de grandes parties de l’affidavit, dont certaines contiennent des allégations d’iniquité procédurale, portent sur des questions qui ne sont d’aucun intérêt pour le présent appel. L’affidavit contient également de simples affirmations qui ne sont fondées sur aucune preuve objective à l’appui. Bien que Mme Kostic fasse des affirmations quant aux événements, tels qu’elle les a perçus, qui se sont produits lors de la CGI du 19 mai 2021, vu dans son ensemble et compte tenu du dossier objectif dont la Cour dispose – comme les lettres de Mme Kostic et des défendeurs représentés adressées à la JGI concernant la CGI et les directives et ordonnances qui font référence aux observations des parties – à mon avis, ces affirmations n’aideront pas la Cour à accepter l’affidavit de Mme Kostic comme nouvelle preuve. J’aimerais également souligner que, bien que les défendeurs représentés n’aient pas déposé d’éléments de preuve concernant les événements survenus lors de la CGI, dans leurs observations écrites, ils contestent la version des faits de Mme Kostic.

[77] Je suis convaincue que les questions d’équité procédurale que Mme Kostic soulève dans ses observations écrites concernant l’ordonnance du 21 mai 2021 peuvent être évaluées par notre Cour sans qu’il ne soit nécessaire d’admettre son affidavit à titre de « nouvelle preuve ».

[78] En outre, et quoi qu’il en soit, l’affidavit de Mme Kostic a une valeur probante très limitée.

La norme de contrôle

[79] La norme de contrôle applicable dans le cadre d’un appel d’une décision discrétionnaire d’un juge adjoint (protonotaire) est bien établie. Il s’agit de la norme de l’« erreur manifeste et dominante », telle qu’elle a été établie dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen], pour les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit. Les questions de droit, et les questions mixtes comportant une question de droit isolable, sont assujetties à la norme de la décision correcte (Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 au para 79; Worldspan Marine Inc. c Sargeant III, 2021 CAF 130 au para 48; Canada (Procureur général) c Iris Technologies Inc., 2021 CAF 244 au para 33).

[80] Les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s’est réellement passé entre les parties; et les questions mixtes consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique ou, autrement dit, supposent l’application d’une norme juridique à un ensemble de faits (Teal Cedar Products Ltd. c Colombie‐Britannique, 2017 CSC 32 au para 43).

[81] L’appel d’une décision d’un juge adjoint qui soulève une atteinte à la justice naturelle et fondamentale ou une crainte raisonnable de partialité implique des questions susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Lessard-Gauvin c Canada (Procureur général), 2020 CF 730 au para 47; citant Forefront Placement Ltd. c Canada (Emploi et Développement Social), 2018 CF 692 au para 41, citant Pembina County Water Resource District c Manitoba (Gouvernement), 2017 CAF 92 au para 35 et Coombs c Canada (Procureur général), 2014 CAF 222 au para 12; voir aussi Rodney Brass c Papequash, 2019 CAF 245).

Les erreurs alléguées

[82] Mme Kostic n’indique pas précisément les erreurs que la JGI aurait commises dans son ordonnance du 21 mai 2021. Toutefois, après avoir lu les observations dans leur ensemble, et après avoir entendu ses observations orales, je comprends que ces erreurs sont principalement les suivantes :

  1. la JGI a commis une erreur en accordant la priorité aux requêtes en radiation des défendeurs représentés par rapport à celle de Mme Kostic en vue de modifier à nouveau la version modifiée de la déclaration modifiée;
  2. la JGI a commis une erreur en accordant la priorité aux requêtes en radiation des défendeurs représentés par rapport à sa demande de contrôle judiciaire dans les dossiers T-1344-20 et T-348-20 et sa requête proposée en vue d’être ajoutée comme partie dans le dossier T-38-20.

[83] Selon Mme Kostic, ces erreurs constituent principalement un manquement à l’obligation d’équité procédurale.

[84] À l’inverse, les défendeurs représentés soutiennent que la JGI n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en accordant la priorité aux requêtes en radiation, en établissant la voie à suivre pour qu’elles soient tranchées et en reportant l’audition des requêtes proposées par Mme Kostic à une date ultérieure. Les défendeurs représentés font valoir que leurs requêtes en radiation pourraient être déterminantes quant à l’issue de l’action, contrairement aux requêtes proposées par Mme Kostic, qui ne feront que reporter l’audition inévitable des requêtes en radiation et qui entraîneront ainsi des inefficacités procédurales.

Aucun manquement à l’équité procédurale

[85] Les observations écrites de Mme Kostic, qui comptent 200 paragraphes, ne sont pas bien ciblées. Cela dit, ses allégations de manquement à l’équité procédurale sont notamment les suivantes :

  • -[traduction] « Le fait d’avoir refusé à la demanderesse l’autorisation de modifier sa déclaration avant l’audition de la requête en radiation constituait de fait une décision définitive et l’a privé de ses droits fondamentaux, ce qui a rendu l’ordonnance erronée en droit et, par conséquent, la norme de la décision correcte s’applique »;

  • -[traduction] « Madame la juge S. Molgat a commis une erreur en n’autorisant pas les modifications et en autorisant d’abord les requêtes en radiation. Bien que la demanderesse plaide l’équité procédurale et les recours applicables dont elle peut se prévaloir, il semble qu’elle ne connaisse pas la différence dans cette plainte complexe »;

  • -La JGI [traduction] « a essentiellement et inconsciemment favorisé tous les défendeurs et leurs intérêts, sans tenir compte des réparations demandées par la demanderesse, y compris en retardant ses “requêtes relatives à sa convention d’indemnisation”, ses requêtes visant à faire déclarer certains avocats inhabiles et ses requêtes en jugement par défaut, ce qui démontre manifestement les préjugés culturels inutiles de la cour »;

  • -La JGI [traduction] « a commis une erreur en n’écoutant pas les observations et les préoccupations que la demanderesse a tenté de présenter ou, si elle les a entendues, en les ignorant de toute façon et en favorisant les défendeurs représentés »;

  • -La JGI n’a pas [traduction] « reconnu que les actes de procédure ne sont pas clos et que les modifications doivent être apportées avant toute demande de radiation, en indiquant que les observations n’équivalaient pas à des “circonstances exceptionnelles”, sans fournir de raisons. On a demandé à madame la juge S. Molgat si elle avait préjugé les questions, et elle a répondu par la négative lorsqu’on lui a demandé si elle avait pris une décision avant même l’instruction, et ces motifs démontrent la même chose »;

  • -[traduction] « L’équité procédurale n’a pas été considérée comme une “circonstance exceptionnelle” même si les défendeurs ou certains d’entre eux (à tout le moins) ont manqué à l’équité procédurale au moins à deux reprises distinctes. Au moment de rendre son ordonnance, madame la juge S. Molgat a complètement ignoré ou modifié les faits et la directive tels qu’ils avaient été établis lors des conférences de gestion de l’instance, ce qui a là encore créé une iniquité procédurale envers la demanderesse »;

  • -[traduction] « Plusieurs questions et préoccupations de la demanderesse n’ont pas été entendues même si elles figuraient à l’ordre du jour comme il se doit et ont été tranchées sans égard aux éléments de preuve dans leur contexte. Les défendeurs représentés ont transmis à la demanderesse un échéancier qui ne tenait compte que de leurs propres intérêts et de leur réponse, qui a été restreint et accepté par la juge Molgat dès le lendemain, avant même que la demanderesse n’ait eu l’occasion de l’examiner attentivement ou même de l’examiner tout court »;

  • -L’ordonnance du 21 mai 2021 était [traduction] « viciée par un manquement à l’équité procédurale et à l’application régulière de la loi, car la JGI a refusé à la demanderesse le droit d’être entendue, et le fait de ne pas être entendue constituait de fait une décision définitive et a privé la demanderesse de ses droits fondamentaux, ce qui a rendu l’ordonnance erronée en droit »;

  • -[traduction] « Les paroles et le ton de la protonotaire à l’égard de la demanderesse étaient souvent acérés, impatients et réprobateurs. En revanche, la JGI a fait preuve de tolérance, voire de soutien, à l’égard des défendeurs, ce qui a suscité une crainte raisonnable de partialité. Cela est devenu évident au cours des conférences de gestion de l’instance et dans les réponses fournies à la demanderesse. Dans de nombreux cas, la JGI s’est montrée évasive et ne tenait pas compte des éléments de preuve. Lorsque la demanderesse insistait pour obtenir des réponses aux questions demeurées sans réponse, on lui reprochait à elle de répéter les questions au lieu de réprimander les intimés et la JGI, qui les évitait »;

  • -[traduction] « La JGI a fait preuve d’une grande déférence à l’égard des défendeurs, en réponse à des questions suggestives qu’elle avait posées, mais qui ont été admises en preuve sans commentaire ni critique »;

  • -[traduction] « La JGI a accepté tous les éléments de preuve des intimés et n’a pas cru ceux présentés par la demanderesse ou a fait abstraction de la preuve dans le dossier de la requête de décembre lorsqu’elle était contradictoire. Bien qu’il soit certainement loisible au juge des faits, dans des circonstances appropriées, de retenir la preuve d’une partie plutôt que celle de l’autre, l’exercice d’évaluation de la crédibilité dans cette affaire était considérablement vicié dans la mesure où la JGI a admis comme véridiques les éléments de preuve des intimés qui, selon nous, étaient manifestement invraisemblables »;

  • -[traduction] « L’ordonnance de la JGI était manifestement erronée, en ce sens que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la protonotaire était fondé sur un principe erroné ou sur une mauvaise compréhension des faits, ou qu’elle a soulevé et tranché de fait des questions essentielles à l’issue de l’affaire et des affaires connexes, ce qui a entraîné un déni de justice naturelle et un désavantage et un préjudice injustes pour la demanderesse »;

  • -[traduction] « La demanderesse a mis la JGI en garde lors de plusieurs conférences de gestion de l’instance concernant le caractère définitif de sa requête et la question essentielle à l’issue de plusieurs affaires si elle n’était pas instruite et tranchée avant l’instruction de la requête en radiation. La JGI a commis une erreur en ne considérant pas que l’ajournement de la requête de la demanderesse aurait des conséquences définitives pour elle. »

[86] Mme Kostic soutient également qu’elle a été privée du droit d’être entendue lors de la CGI du 19 mars 2021, qu’elle n’a pas bénéficié de l’application régulière de la loi et qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale parce que ses requêtes ont été rejetées et qu’elle n’a pas été [traduction] « suffisamment entendue ».

Analyse

[87] Il faut garder à l’esprit que l’ordonnance du 21 mai 2021 faisant l’objet de l’appel est une ordonnance établissant l’échéancier rendue par la juge adjointe nommée à titre de JGI dans la présente action, qui a été désignée comme instance à gestion spéciale dans les ordonnances du 30 juin 2020 et du 6 juillet 2020 conformément aux articles 383 et 384 des Règles.

[88] Dans une directive du 9 septembre 2020, la JGI a suspendu tous les délais prescrits par les Règles en ce qui concerne le déroulement de l’action jusqu’à ce qu’un échéancier soit établi par directive ou ordonnance de la Cour. Les défendeurs représentés n’ont pas présenté de défense en raison de la suspension des délais et parce qu’ils ont indiqué le 16 juillet 2020 qu’ils avaient l’intention de présenter des requêtes en radiation. Ils se sont conformés aux délais prescrits dans l’ordonnance du 21 mai 2021.

[89] Ainsi, bien que Mme Kostic soutienne que la JGI a commis une erreur de droit en refusant d’instruire sa requête en vue de modifier la version modifiée de la déclaration modifiée avant les requêtes en radiation parce que les actes de procédure n’étaient pas clos et qu’il est bien établi en droit que toutes les modifications doivent être autorisées avant l’instruction des requêtes en radiation, dans ces circonstances, je ne suis pas de cet avis.

[90] L’article 200 des Règles prévoit qu’une partie peut, sans autorisation, modifier l’un de ses actes de procédure à tout moment avant qu’une autre partie y ait répondu ou sur dépôt du consentement écrit des autres parties. L’article 201 prévoit qu’il peut être apporté aux termes de l’article 76 une modification qui aura pour effet de remplacer la cause d’action ou d’en ajouter une nouvelle, si la nouvelle cause d’action naît de faits qui sont essentiellement les mêmes que ceux sur lesquels se fonde une cause d’action pour laquelle la partie qui cherche à obtenir la modification a déjà demandé réparation dans l’action. Toutefois, le paragraphe 385(1) des Règles traite des pouvoirs des juges responsables de la gestion de l’instance. Il comprend l’alinéa 385(1)a), qui indique que le JGI peut donner toute directive ou rendre toute ordonnance nécessaires pour permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible, et l’alinéa 385(1)b), qui prévoit que, sans égard aux délais prévus par les présentes règles, le JGI peut fixer les délais applicables aux mesures à entreprendre subséquemment dans l’instance. L’alinéa 385(1)a) des Règles reprend la règle générale prévue à l’article 3, qui dispose que les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre « d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ».

[91] Les clauses introductives de l’ordonnance du 21 mai 2021 indiquent que la JGI était d’avis que l’intention des défendeurs représentés de présenter des requêtes en radiation a eu des conséquences sur le droit de modifier prévu aux articles 200 et 201 des Règles. La JGI a également fait remarquer que Mme Kostic avait déjà eu amplement l’occasion de modifier sa déclaration et, selon elle, toute autre modification à la déclaration « peut être traitée dans le cadre de la réponse aux requêtes en radiation ou en suspension, et [...] ces requêtes doivent être instruites avant toute autre requête proposée pour obtenir diverses mesures de redressement interlocutoires ».

[92] Je reconnais que, lorsqu’un JGI exerce son pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 385(1) des Règles, il « doit tenir compte de la Règle 55 qui dispose que, uniquement dans des circonstances spéciales, la Cour peut “modifier une règle ou exempter une partie ou une personne de son application” » (Apotex Inc c Bayer Inc, 2020 CAF 86 au para 40). Or, en l’espèce, la JGI n’a pas interdit à la demanderesse de modifier à nouveau la version modifiée de la déclaration modifiée avant la clôture des actes de procédure. Elle a plutôt indiqué que cette question pouvait être traitée dans le cadre de la réponse aux requêtes en radiation. De même, dans la directive du 20 mai 2021, la JGI a indiqué que les questions concernant l’ajout de défendeurs devaient être examinées dans le contexte des requêtes en radiation proposées.

[93] Par conséquent, le report, qui est une question d’échéancier (c.-à-d. procédurale), n’a pas eu pour effet de priver Mme Kostic d’un droit ni de lui causer un préjudice. De plus, il convient de rappeler que les requêtes en radiation emportent avec elles la possibilité, si elles sont accueillies, de mettre un terme à l’action en tout ou en partie.

[94] À cet égard, dans la décision Onischuk c Canada (Agence du revenu), 2021 CF 486 [Onischuk], la demanderesse a intenté une action contre plusieurs défendeurs. Le juge Grammond a traité l’appel de deux décisions d’une juge adjointe (alors appelée protonotaire). La première décision portée en appel était une ordonnance de gestion de l’instance précisant les étapes à suivre jusqu’à l’audition d’une requête en radiation et interdisant toute autre démarche avant qu’il soit statué sur la requête en question. Dans la seconde décision, la protonotaire a radié la déclaration et rejeté l’action au motif qu’elle ne révélait aucune cause d’action valable et constituait un abus de procédure.

[95] Le juge Grammond a rejeté les deux appels pour les motifs suivants : « Accorder la priorité à la requête en radiation entrait tout à fait dans le cadre des pouvoirs de gestion de l’instance de la protonotaire. Je ne relève aucune erreur dans les conclusions de la protonotaire selon lesquelles la déclaration ne révélait aucune cause d’action valable et constituait un abus de procédure. En fait, la protonotaire a procédé de façon appropriée pour assurer un règlement expéditif de l’affaire qui soit équitable pour toutes les parties » (au para 2).

[96] Les faits dans l’affaire Onischuk sont semblables à ceux de l’affaire dont je suis saisie. Dans cette décision, la JGI avait tenu une conférence de gestion de l’instance dans le cadre de laquelle plusieurs points avaient été abordés, notamment la possibilité de modifier la déclaration, en particulier pour ajouter de nouvelles parties à l’instance, et la séquence du traitement de diverses requêtes. La JGI a ensuite rendu l’ordonnance de gestion de l’instance qui a fait l’objet du premier appel, lequel portait essentiellement sur sa décision de s’occuper en priorité des requêtes en radiation introduites par les défendeurs, de fixer un calendrier aux fins de l’instruction de ces requêtes et d’interdire aux parties de prendre toute autre mesure dans l’action jusqu’à ce que ces requêtes aient été tranchées (au para 7). Bien que la demanderesse ait également tenté de présenter des éléments de preuve dont ne disposait pas la JGI, le juge Grammond a conclu que ces éléments étaient inadmissibles et ne seraient pas examinés (au para 13).

[97] Le juge Grammond a affirmé que le point de départ de son analyse était les très larges pouvoirs conférés par les alinéas 385(1)a) et b) des Règles qui permettent au JGI de décider de l’ordre dans lequel les requêtes seront instruites et de fixer un calendrier aux fins du dépôt des dossiers de requête par les parties. Ils permettent aussi au JGI d’interdire aux parties de prendre d’autres mesures en attendant qu’une requête particulière soit tranchée.

[98] En ce qui concerne la séquence de traitement des requêtes en radiation, le juge Grammond a conclu que la protonotaire n’avait pas commis d’erreurs :

[18] Les requêtes en radiation constituent un outil qui favorise l’économie judiciaire en « évitant d’accabler les parties et le système judiciaire avec des demandes qui sont vouées à l’échec dès le départ » : Fitzpatrick c District 12 du service régional de la GRC de Codiac, 2019 CF 1040 au paragraphe 14. De par leur nature, ces requêtes doivent être introduites et tranchées le plus tôt possible dans l’instance. De plus, pour qu’elles remplissent leur l’objet d’assurer l’usage efficient des ressources judiciaires, les protonotaires doivent avoir la latitude d’interdire aux parties de prendre d’autres mesures jusqu’à ce que l’action ait franchi ce premier filtre. Dans des circonstances semblables, la Cour d’appel fédérale a d’ailleurs rejeté l’appel interjeté contre la décision d’une juge d’instruire en priorité une requête en radiation et déclaré qu’« [i]l relevait du pouvoir discrétionnaire de la juge de déterminer dans quel ordre les requêtes devaient être entendues » : Badawy c 1038482 Alberta Ltd, 2019 CAF 150 au paragraphe 17.

[19] En l’espèce, la protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable. Bien que succincts, ses motifs sont suffisants pour que l’on comprenne pourquoi elle a rendu l’ordonnance et ils sont compatibles avec les principes exposés précédemment.

[20] Pour les mêmes motifs, la protonotaire n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière déraisonnable lorsqu’elle a refusé à Mme Onischuk la possibilité de modifier la déclaration. Comme je le signale plus loin dans les présents motifs, les vices de la déclaration ne peuvent être corrigés par une modification. Lorsqu’une déclaration semble présenter des vices de cette nature, il est tout à fait raisonnable de la part du juge chargé de la gestion de l’instance d’ordonner qu’une requête en radiation soit examinée en premier lieu. La demanderesse n’a pas le droit de faire de la déclaration une cible mouvante en y apportant des modifications successives dans l’espoir de faire échec à la requête en radiation.

[...]

[31] Rien dans la règle 3 n’est incompatible avec le rejet sommaire d’une action dans le cadre d’une requête en radiation. Cette disposition prévoit implicitement un principe de proportionnalité. Dans l’arrêt Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 RCS 87, la Cour suprême du Canada a jugé que la proportionnalité ne s’oppose pas à des processus plus expéditifs de règlement des litiges et qu’elle les rend même nécessaires, ajoutant qu’un procès complet n’est pas justifié dans tous les cas. Même si l’affaire concernait une requête en jugement sommaire, les principes énoncés par la Cour s’appliquent également aux requêtes en radiation. Dans la mesure où Mme Onischuk s’appuie sur la partie de la règle 3, qui mentionne dans sa version anglaise « [a] determination [...] on its merits », je ferais remarquer qu’une requête en radiation permet de statuer sur le fond d’une affaire, quoiqu’à l’issue d’un processus abrégé. De plus, rien dans la version française de la règle 3, qui mentionne « une solution au litige », ne laisse entendre qu’un procès complet est justifié dans tous les cas.

[99] En somme, je ne suis pas d’accord avec Mme Kostic pour dire qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale parce que la JGI a jugé que les requêtes en radiation devaient être instruites avant sa requête pour modifier à nouveau la version modifiée de la déclaration modifiée. Il est vrai que les actes de procédure n’étaient pas clos, mais il en était ainsi parce que la JGI avait suspendu les délais normaux et avait déterminé que les requêtes en radiation devaient être instruites avant les diverses requêtes de Mme Kostic. Ainsi, les défenses ne devaient pas être déposées à cette étape de l’action. De plus, le juge instruisant les requêtes en radiation allait pouvoir examiner la volonté de Mme Kostic de modifier à nouveau la version modifiée de la déclaration modifiée. En d’autres termes, son droit de modifier avant la clôture des actes de procédure a été reporté, et non éteint.

[100] En outre, je ne suis pas convaincue que Mme Kostic a été privée de son [traduction] « droit d’être entendue ». Contrairement à ce qu’elle affirme, avant la CGI du 19 mai 2021, les défendeurs représentés ont présenté leur proposition de calendrier, mais dans la même lettre, ont avisé la JGI que Mme Kostic n’était pas d’accord et présenterait son propre calendrier. Le 19 mai 2021, Mme Kostic a présenté son propre calendrier, qui démontrait qu’elle souhaitait que l’instruction de ses requêtes et questions ait lieu en premier et avant les requêtes en radiation. Mme Kostic a également participé à la CGI du 19 mai 2021. Bien que Mme Kostic dépeigne cette réunion comme un procès au cours duquel ses éléments de preuve ont été ignorés et sa crédibilité mise en doute, il ressort de l’ordonnance du 21 mai 2021 que la JGI était au courant de la proposition de Mme Kostic de présenter des requêtes interlocutoires et de réunir l’action avec celle du dossier T-348-21, ainsi que celle des dossiers T-38-20 (introduite par M. McMullen) et T-1344-20 (introduite par M. Brian Jackson, un défendeur non représenté dans la présente action [M. Jackson]), et qu’elle l’a examinée. L’ordonnance du 21 mai 2021 indique également que Mme Kostic et les défendeurs non représentés, y compris M. McMullen, n’ont fourni aucune réponse aux calendriers proposés, bien qu’ils aient été invités à le faire. Finalement, bien que Mme Kostic ne souscrive pas à la décision de la JGI d’accorder la priorité aux requêtes en radiation, cela ne veut pas dire que ses observations ont été ignorées ou qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale.

[101] De plus, je ne suis pas d’accord avec Mme Kostic pour dire qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale parce que l’ordonnance du 21 mai 2021 a eu pour effet d’éteindre ses droits fondamentaux. La JGI n’a pas tranché les requêtes en radiation. De plus, Mme Kostic a eu la possibilité de soulever, en réponse à ces requêtes, son désir de modifier à nouveau la version modifiée de la déclaration modifiée et d’ajouter des défendeurs (voir Kostic-Natioyiiputakki c Canada, 2022 FC 1702 au para 24 [Kostic-Natioyiiputakki]).

[102] Il se pourrait que la version modifiée de la déclaration modifiée soit ultimement radiée. Toutefois, lorsque la déclaration présente des vices qui ne peuvent être corrigés par une modification, – qui, en l’espèce, implique notamment des allégations d’absence de compétence de notre Cour, des allégations selon lesquelles des poursuites semblables, ou les mêmes poursuites, ont été intentées devant d’autres tribunaux, ou des allégations d’absence de qualité pour agir – comme le juge Grammond l’a affirmé dans la décision Onischuk, « il est tout à fait raisonnable de la part du juge chargé de la gestion de l’instance d’ordonner qu’une requête en radiation soit examinée en premier lieu. La demanderesse n’a pas le droit de faire de la déclaration une cible mouvante en y apportant des modifications successives dans l’espoir de faire échec à la requête en radiation » (au para 20). De plus, il n’y a rien d’inéquitable à radier une action qui n’a aucune chance de succès :

[41] Comme je l’ai déjà indiqué, la requête en radiation est un outil qui permet de mettre fin rapidement aux instances qui n’ont aucune chance de succès, afin d’allouer les ressources judiciaires limitées à des dossiers plus prometteurs. À cette fin, les requêtes en radiation doivent être tranchées rapidement. Je comprends que les plaideurs qui font face à une requête en radiation préféreraient de loin « maintenir leur litige en vie », mais il n’y a rien d’inéquitable à radier une action par le processus simplifié d’une requête.

[103] De même, je suis d’avis que la décision de la JGI de prévoir l’instruction des requêtes en radiation des défendeurs représentés avant celle des diverses requêtes de Mme Kostic n’a rien d’inéquitable. Si ces requêtes sont accueillies, l’action sera radiée en tout ou en partie, ce qui fera en sorte qu’il ne sera peut-être plus nécessaire d’examiner les requêtes de Mme Kostic et permettra ainsi d’éviter de gaspiller les ressources requises pour ce faire par les 30 défendeurs représentés, les autres défendeurs et la Cour.

[104] Mme Kostic affirme également qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale en raison de la façon dont la JGI l’a traitée. Elle semble affirmer indirectement que la JGI a fait preuve de partialité, comme le démontre son affirmation selon laquelle la JGI a [traduction] « inconsciemment favorisé » les défendeurs, avait déjà pris sa décision avant la CGI du 19 mai 2021 et n’a pas écouté les observations de Mme Kostic alors qu’elle a fait preuve d’une grande déférence envers les défendeurs représentés. Les défendeurs représentés soutiennent que toutes les parties ont bénéficié d’une période suffisante pour faire connaître leurs positions concernant la portée restreinte de la CGI et que toutes les parties ont été traitées équitablement et sans parti pris ni favoritisme.

[105] Le critère de la partialité est bien établi et découle des motifs dissidents du juge de Grandpré dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394 :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique [...]

[106] Le fardeau repose sur la partie qui allègue la partialité et est axé sur les faits (R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 aux para 111, 113).

[107] Dans le contexte des décisions d’un JGI, je renvoie là encore à la décision Onischuk :

[42] Enfin, Mme Onischuk remet en question l’impartialité de la protonotaire Ring. Il va sans dire que les juges de notre Cour, y compris les protonotaires, se doivent d’être impartiaux. Les juges sont présumés agir avec impartialité : Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureur général), 2015 CSC 25 au paragraphe 25, [2015] 2 RCS 282. Pour ce motif, il convient de souligner « la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente » : R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 au paragraphe 113.

[43] Il n’y a pas partialité, réelle ou apparente, du seul fait qu’un juge a rendu une décision défavorable à une partie : Bruzzese c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 1119 aux paragraphes 27 à 37, [2017] 3 RCF 272. Même lorsqu’un juge commet une erreur, [traduction] « cette erreur pourrait justifier de faire droit à l’appel, mais elle n’est pas à elle seule indicative de partialité » : Ahamed c Canada, 2020 CAF 213 au paragraphe 7.

[44] Ces principes sont particulièrement importants dans le contexte de la gestion de l’instance. Les juges chargés de la gestion de l’instance sont appelés à prendre de nombreuses décisions quant au déroulement d’une action, de façon encore plus importante en présence de « plaideurs incontrôlables : ceux qui font fi des règles de procédure, qui font abstraction des ordonnances et des directives de la Cour et qui remettent en litige des questions ou des requêtes ayant déjà été tranchées » : Canada c Olumide, 2017 CAF 42 au paragraphe 22, [2018] 2 RCF 328. Les juges chargés de la gestion de l’instance ne font pas preuve de partialité simplement parce qu’ils s’acquittent de leur tâche de gérer l’instance de manière équitable et efficiente ou qu’ils exigent le respect des Règles des Cours fédérales.

[45] Les allégations de partialité avancées par Mme Onischuk reposent essentiellement sur son désaccord avec les décisions prises par la protonotaire Ring à l’égard de la gestion de l’instance, en particulier celles qui font l’objet des présents appels. Ces allégations sont entièrement dénuées de fondement. Les décisions en question procédaient de l’absence de fondement des arguments de Mme Onischuk et non de la partialité ou d’une prédisposition de la part de la protonotaire.

[108] Il se pourrait bien que la JGI ait exigé que Mme Kostic reste concentrée lors des CGI. Toutefois, cette exigence, tout comme le fait de rendre une décision qui n’est pas favorable à Mme Kostic, ne permet pas d’établir la partialité de la JGI.

[109] Pour tous ces motifs, je conclus que Mme Kostic n’a pas démontré qu’elle a été privée de son droit à l’équité procédurale relativement à l’ordonnance du 21 mai 2021.

Aucune erreur manifeste et dominante

[110] L’ordonnance du 21 mai 2021 est une ordonnance établissant l’échéancier et est une décision discrétionnaire assujettie à la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante (Kostic-Natioyiiputakki, aux para 13-14, citant Housen et Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 380 au para 126). Dans l’arrêt Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, la Cour d’appel a décrit en quoi consiste une erreur « manifeste » et « dominante » :

[61] La norme de l’erreur manifeste et dominante est une norme de contrôle qui commande une grande déférence : arrêts Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, au paragraphe 38, et H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier. Voir l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, 431 N.R. 286, au paragraphe 46, cité avec l’approbation de la Cour suprême dans l’arrêt St-Germain, précité.

[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la doctrine de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[63] Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.

[64] Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

[111] Il faut faire preuve d’une grande retenue envers les ordonnances fixant l’échéancier (voir, par exemple, Hughes c Canada (Commission des droits de la personne), 2021 CF 728 au para 73).

[112] La Cour d’appel fédérale a conclu « qu’en raison de leur connaissance intime du procès et de sa dynamique, les protonotaires [...] doivent pouvoir jouir d’une grande latitude dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des instances » (J2 Global Communications c Protus IP Solutions Inc, 2009 CAF 41 au para 16; voir aussi Rovi Guides, Inc. c. Vidéotron Ltée, 2022 FC 981 au para 87).

[113] Bien que Mme Kostic présente de nombreux arguments, souvent largement incohérents, dans ses observations écrites, à mon avis, la question en appel consiste ultimement à savoir si la JGI a commis une erreur manifeste et dominante en donnant la priorité aux requêtes en radiation des défendeurs représentés par rapport aux modifications qu’elle voulait apporter à la version modifiée de la déclaration modifiée et à ses autres requêtes proposées.

[114] À mon sens, Mme Kostic ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer une erreur manifeste et dominante.

[115] Tout d’abord, elle ne fournit pas suffisamment de détails, et dans certains cas, elle n’en fournit aucun, pour lier ses allégations à des faits étayés par la preuve ou le dossier de la cour ou à des lois applicables. Par exemple, elle soutient que l’un des motifs d’appel est que la JGI [traduction] « a commis une erreur de droit, ou une erreur découlant d’une question mixte de fait et de droit en appliquant de manière erronée le critère juridique applicable aux instances en droit autochtone et relatives à la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les parties et la preuve en question, qui se chevauche avec plusieurs actions connexes devant la Cour ». Pour élaborer davantage ce motif, elle déclare que la JGI n’a pas « mentionné tous les facteurs pertinents nécessaires pour appliquer le bon critère juridique applicable aux instances en droit autochtone et les lois en vigueur applicables ». Cependant, elle ne donne aucune précision sur ledit critère ni sur le rapport avec la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 ou les « lois en vigueur applicables », et elle n’indique pas non plus en quoi la JGI a commis une erreur en appliquant ce critère ni en quoi il se rapporte aux éléments de preuve se chevauchant. Dans la mesure où elle affirme qu’elle n’a pas eu droit à la souplesse prévue par les Lignes directrices sur la pratique en matière de procédures intéressant le droit des autochtones de la Cour, elle n’explique pas en quoi la JGI a commis une erreur manifeste et dominante à cet égard.

[116] Ce type d’allégations non étayées se répète tout au long de ses observations écrites. Par exemple, Mme Kostic affirme que [traduction] « [l]a protonotaire n’a pas apprécié ou pris en compte les conséquences désastreuses qu’elle a créées pour la demanderesse en tranchant et en mettant potentiellement fin à l’action ou en infirmant ses directives antérieures concernant les désistements », mais elle ne fournit pas de détails à ce sujet. Et, comme nous l’avons vu plus haut, la JGI n’a pas statué sur les requêtes en radiation – l’ordonnance du 21 mai 2021 indique expressément que les autres modifications « à la déclaration ou à la demande reconventionnelle peu[vent] être traitée[s] dans le cadre de la réponse aux requêtes en radiation ou en suspension », et la directive du 20 mai 2021 prévoit que la volonté de Mme Kostic d’ajouter de nouvelles parties à l’action sera également traitée dans le cadre des requêtes en radiation.

[117] Je suis également d’accord avec les défendeurs représentés pour dire que Mme Kostic n’a pas donné de raisons convaincantes pour expliquer pourquoi ses requêtes proposées doivent être instruites avant leurs requêtes en radiation. Elle fait de nombreuses observations générales, par exemple que le contrôle judiciaire dans le dossier T-348-21 [traduction] « vise à obtenir plusieurs jugements déclaratoires et/ou à annuler ou à établir la validité de décisions antérieures prises par le chef et le conseil des Piikani et essentielles à l’action, lesquels recours doivent être épuisés avant que toute requête en radiation puisse être instruite, entre autres ». Or, elle n’offre aucune indication claire quant à la nature du contrôle judiciaire et n’explique pas non plus en quoi les décisions antérieures sont essentielles à la présente action ni le statut de la demande de contrôle judiciaire. Elle n’explique pas non plus pourquoi il s’agissait d’une erreur susceptible de contrôle de reporter la demande de réunion avec les dossiers T-1344-20 et T-348-21 jusqu'à ce que les requêtes en radiation des défendeurs représentés soient tranchées. Elle affirme plutôt que « les appels imminents et le contrôle judiciaire visent à obtenir des jugements déclaratoires qui doivent être rendus en premier lieu, ce qui modifiera totalement ce à quoi ressemblent les quelques 221 demandes de radiation des défendeurs. La preuve ou les parties de la preuve en question empêcheront à jamais l’utilisation abusive de la preuve dans cette action et les actions connexes une fois qu’elle aura été vérifiée par la Cour de manière définitive et pour toujours ». Bien que Mme Kostic puisse avoir cette conviction, cela ne démontre pas que la JGI a commis une erreur manifeste et dominante en établissant le calendrier des événements figurant dans l’ordonnance du 21 mai 2021.

[118] En outre, il relevait du pouvoir discrétionnaire de la JGI de déterminer l’ordre dans lequel les requêtes devaient être entendues (Onischuk, aux para 16-18).

[119] L’ordonnance du 21 mai 2021 démontre que la JGI a tenu compte des éléments suivants : les deux modifications antérieures apportées par Mme Kostic à sa déclaration, qui, il faut le noter, l’ont fait passer de 192 pages et 1 244 paragraphes à 215 pages et 1 322 paragraphes; le fait que quelque 39 défendeurs représentés se sont opposés à la demande de Mme Kostic en vue de modifier à nouveau la version modifiée de la déclaration modifiée et ont demandé à ce que leurs requêtes en radiation soient instruites avant les requêtes proposées par Mme Kostic; le fait que Mme Kostic a eu amplement l’occasion de modifier sa déclaration; le fait que les actes de procédure n’étaient pas clos mais que la JGI était d’avis que les requêtes en radiation constituaient une réponse à la déclaration, ce qui a eu des conséquences sur le droit de modifier découlant des articles 200 et 201 des Règles; ainsi que les observations formulées par les parties lors de la CGI. La JGI a conclu que toute autre modification à la déclaration ou à la demande reconventionnelle pouvait être traitée dans le cadre de la réponse aux requêtes en radiation et que ces requêtes devaient être instruites avant toute autre requête proposée pour obtenir diverses mesures de redressement interlocutoires;

[120] Bien que Mme Kostic affirme que l’ordonnance du 21 mai 2021 était manifestement erronée, car l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la JGI [traduction] « était fondé sur un principe erroné ou sur une mauvaise compréhension des faits », elle ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que c’était le cas.

[121] En ce qui concerne la décision de la JGI selon laquelle les défendeurs représentés, dans leurs requêtes en radiation, et Mme Kostic et M. McMullen, dans leur réponse à ces requêtes, doivent tous limiter leurs observations écrites à 30 pages, soit la limite prescrite par le paragraphe 70(4) des Règles, Mme Kostic considère qu’il s’agit d’un manquement à l’équité procédurale. Je ne suis pas de cet avis. Les juges responsables de la gestion de l’instance connaissent très bien les affaires qu’ils gèrent, et refuser d’élargir les limites de pages imposées par les Règles est une décision purement discrétionnaire prise dans ce contexte. Mme Kostic ne souscrit tout simplement pas à cette décision. Elle n’a pas démontré que la JGI a commis une erreur manifeste et dominante dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[122] Enfin, je reconnais que les défendeurs représentés soutiennent également qu’à la lumière de la décision de la Cour dans le dossier T-1224-21, les parties de l’appel concernant les dossiers T-1344-20 et T-348-21 sont théoriques. Cependant, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher cette question puisque Mme Kostic n’a pas démontré que la JGI a commis une erreur manifeste et dominante en exerçant son pouvoir discrétionnaire pour permettre que les requêtes en radiation des défendeurs représentés soient instruites avant les questions qu’elle a proposées.

Les observations de M. McMullen

[123] M. McMullen a déposé des observations écrites en réponse au présent appel et m’a présenté des observations orales.

[124] Dans ses observations écrites, M. McMullen sollicite une ordonnance rejetant l’appel de Mme Kostic ou, à titre subsidiaire, une ordonnance en vue de suspendre l’instance conformément au paragraphe 50(1) des Règles. Il semble qu’une grande partie des observations écrites de M. McMullen vise à fournir des renseignements sur l’action principale. Il soutient que la JGI n’a pas commis d’erreur en donnant la [traduction] « directive du 19 mai 2021 » et que celle‐ci n’est pas susceptible de contrôle. En outre, la JGI n’a pas commis d’erreur en rendant l’ordonnance du 21 mai 2021. Sous la rubrique « autres observations », il présente des observations qui ne sont pas liées à l’appel de Mme Kostic, dans lesquelles il affirme qu’il y a eu violation de ses droits procéduraux et d’autres droits conférés par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, AG Rés 61/295 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), RTC 1976/47. Toutefois, ces observations ne sont d’aucun intérêt pour l’appel dont je suis saisie.

Les observations de M. Jackson

[125] M. Jackson a déposé les mêmes observations écrites, intitulées [traduction] « Réponse à la requête en suspension et à l’appel », tant lors de l’audition de la requête en suspension de Mme Kostic que dans le présent appel. Dans ses observations écrites, il conteste la requête du Canada visant à radier la version modifiée de la déclaration modifiée et fournit ce qui semble être des renseignements généraux et des réponses aux observations écrites de M. McMullen. La réparation demandée est la suivante : les observations des défendeurs doivent toutes être radiées; plusieurs demandes de contrôle judiciaire en cours (non précisées) doivent être tranchées avant de prendre toute autre mesure; toute modification (non précisée) doit être autorisée afin d’ajouter tous les faits importants et causes d’action récents et pertinents, y compris ajouter des parties; les documents de M. McMullen doivent être radiés et les dossiers remis à la police; les défenses doivent être déposées et tout retard supplémentaire doit être évité; une ordonnance doit être rendue pour déclarer que la Cour a la compétence exclusive pour « régler toutes ces questions »; une clause rétroactive de non-responsabilité et d’indemnisation dans une convention de 2015-2022.

[126] Les observations écrites ne répondent pas au présent appel et M. Jackson n’a pas comparu à l’audience devant moi.

Conclusion

[127] Pour les motifs exposés ci‐dessus, je conclus que Mme Kostic n’a pas démontré que la JGI a manqué à son obligation d’équité procédurale en rendant l’ordonnance du 21 mai 2021 ou qu’elle a commis une erreur manifeste et dominante en accordant la priorité aux requêtes en radiation des défendeurs représentés par rapport aux requêtes qu’elle a proposées.

[128] La requête sera rejetée.

Les dépens

[129] En ce qui concerne les dépens, je reconnais que Mme Kostic a sollicité une ordonnance de provision pour frais et/ou [traduction] « une indemnité en vertu des conventions de non‐responsabilité et d’indemnisation » dans le cadre de la réparation demandée. Toutefois, comme Mme Kostic a été déboutée dans sa requête, aucuns dépens ne lui seront adjugés. J’aimerais également ajouter que, quoi qu’il en soit, et comme c’était le cas dans sa requête en suspension, il n’y a rien dans le dossier de la requête déposée par Mme Kostic en ce qui concerne le présent appel qui soutienne sa simple demande d’indemnisation.

[130] Les défendeurs représentés – qui ont déposé des observations communes en réponse à l’appel – sollicitent les dépens mais ne précisent pas le montant. M. McMullen, qui agit pour son propre compte, déclare qu’il demande le rejet de l’appel [traduction] « avec des dépens d’indemnisation complets, question qui fera l’objet d’une requête distincte ». Je suppose qu’il fait référence à la convention d’indemnisation dont il a été question. Comme je l’ai conclu dans le cadre de l’appel qu’il a interjeté contre l’ordonnance du 5 janvier 2023 de la JGI, l’existence et le caractère exécutoire de la convention d’indemnisation semblent être une question en litige dans une autre action, et toute mesure de redressement de cette nature sera examinée à bon droit lorsque la question des dépens et de l’indemnisation sera tranchée. Aux fins du présent appel, j’adjugerai aux défendeurs représentés (collectivement) et à M. McMullen les dépens suivant l’issue de la cause.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-680-20

LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :

  1. L’appel est rejeté.

  2. Les défendeurs représentés ont droit collectivement à leurs dépens, et M. McMullen a droit à ses dépens, suivant l’issue de la cause.

« Cecily Y. Strickland »

Juge


Annexe A

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COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-680-20

 

INTITULÉ :

LILIANA KOSTIC c SA MAJESTÉ LE ROI DU CHEF DU CANADA ET DE L’ALBERTA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU (CANADA ou AINC); LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN; ET SES MANDATAIRES et LA NATION DES PIIKANI ET LA NATION REPRÉSENTÉE PAR LE CHEF ET LE CONSEIL; ROD NORTH PEIGAN; JANET POTTS; DANIEL NORTH MAN; (MANDAT DU CHEF ET DU CONSEIL, À PARTIR DE 2001-2021) et STANLEY GRIER; DOANE K CROWSHOE (“DCS”); ERWIN BASTIEN (EB); TROY KNOWLTON; WESLEY CROWSHOE; RIEL PROVOST-HOULE; THEODORE PROVOST; CHE LITTLE LEAF-MATUSIAK et MICHAEL PFLEUGEUR [(M. PFLEUGEUR) MANDAT D’EMPLOYÉ DE BANDE 2010-2017]

PIIKANI INVESTMENT CORPORATION (PIC); ET SES ADMINISTRATEURS (mandat des administrateurs à partir de 2003-2021) ET SON AVOCAT (À PARTIR DE 2003) CHEF STANLEY GRIER [ACTIONNAIRE FIDUCIAIRE 2015-2022]; ERWIN BASTIEN; TROY KNOWLTON; WESLEY CROWSHOE; THEODORE PROVOST; CHE LITTLE LEAF-MATUSIAK CHEF REGGIE CROW SHOE [ACTIONNAIRE FIDUCIAIRE 2007-2011]; FABIAN NORTH PEIGAN; KAREN CROW SHOE; SAM KHAJEEI; PIERRE-GILLES BETTINA; VERONA WHITE COW; EMILY GRIER ET RANA LAW; BLAKE CASSELS & GRAYDON SENCRL/srl; RICK YELLOW

HORN;DALE MCMULLEN et PIIKANI RESOURCE DEVELOPMENT LIMITED (PRDL); ET SES ADMINISTRATEURS À PARTIR DE 2008 PRÉSIDENT- DOANE K CROW SHOE (DCS); CHEF STANLEY GRIER [(SG) ACTIONNAIRE FIDUCIAIRE 2015-2022]; TROY KNOWLTON; RIEL PROVOST-HOULE; ERWIN BASTIEN (EB); THEODORE PROVOST; CHE LITTLE LEAF-MATUSIAK; PAUL BLAHA; JASON EDWORTHY; SHAWNA MORNING BULL; MIKE ZUBACH et BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE (CIBC); COMPAGNIE TRUST CIBC (TRUST CIBC) et CIBC WOOD GUNDY/MARCHÉS MONDIAUX CIBC ET SES MANDATAIRES (CIBC WG) et JENSEN SHAWA SOLOMON DUGUID HAWKES LLP.; ROBERT HAWKES; GLEN SOLOMON (JSS BARRISTERS, JSS) et BRUCE ALGER (ALGER); ALGER & ASSOCIATES INC.; LE GROUPE DE SOCIÉTÉS GRANT THORNTON; GRANT THORNTON LTD.; GRANT THORNTON INC.; AND ALGER INC. et CARON AND PARTNERS LLP; RICHARD GILBORN; DANIEL GILBORN (CP) et

MILLER THOMPSON SENCRL, srl; JEFFREY THOM et

GOWLING WLG (CANADA), SENCRL, srl; CAIREEN HANERT (CH) et MCLENNAN ROSS LLP (MR); et MM. UNTEL 1 à 10 et DALE MCMULLEN et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE, COMPAGNIE TRUST CIBC, MARCHÉS MONDIAUX CIBC et BLAKE CASSELS & GRAYDON SENCRL/srl et

NATION DES PIIKANI et CHEF ET CONSEIL DE LA NATION DES PIIKANI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 mars 2023

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 avril 2023

 

COMPARUTIONS :

Liliana Kostic

POUR LILIANA KOSTIC

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Dale McMullen

 

POUR DALE MCMULLEN

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Jordan Milne

POUR LES DÉFENDEURS

(Sa Majesté le Roi du chef du Canada, procureur général du Canada et ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)

 

Caireen Hanert

POUR LES DÉFENDEURS

(Nation des Piikani, chef et conseil de la Nation des Piikani, Stanley Grier, Erwin Bastien, Troy Knowlton, Wesley Crow Shoe, Theodore Provost, Chef Little Leaf-Matusiak, Riel Houle et Doane Crow Shoe)

 

Geoff Adair

POUR LES DÉFENDERESSES

(Banque Canadienne Impériale de Commerce, Compagnie Trust CIBC et CIBC Wood Gundy/Marchés mondiaux CIBC)

Keltie Lambert

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(Blake Cassels & Graydon SENCRL/srl)

Lucinda Wong

POUR LES DÉFENDEURS

(Bruce Alger, Alger & Associates, Alger Inc et Groupe de sociétés Grant Thornton, Grant Thornton Ltd., Grant Thornton Inc.)

David Wachowich

POUR LES DÉFENDEURS

(Caron & Partners LLP, Richard J. Gilborn, Daniel Gilborn et Michael Pflueger)

Patricia MacIver

POUR LES DÉFENDEURS

(Piikani Investment Corporation, Sam Khajeei, Bettina Pierre-Gilles et Verona White Cow)

Ken Fitz

POUR LES DÉFENDEURS

(JSS Barristers LLP, Robert Hawkes et Glenn Solomon)

Allyson Jeffs

POUR LES DÉFENDEURS

(Caireen Hanert et Gowling WLG (Canada) SENCRL, srl, Emily Grier, Rana Law, McLennan Ross LLP et Jeffrey Thom et Miller Thomson SENCRL, srl

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DÉFENDEURS

(Sa Majesté le Roi du chef du Canada, procureur général du Canada et ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien)

 

Gowling WLG (Canada), SENCRL, srl

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(LA NATION DES PIIKANI ET LE REPRÉSENTANT D’EMILY GRIER QUI EST L’AVOCAT DE PIIKANI RESOURCE DEVELOPMENT LIMITED ET AL.)

 

Caron & Partners LLP

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(BRUCE ALGER, ALGER & ASSOCIATES, GROUPE DE SOCIÉTÉS GRANT THORNTON, GRANT THORNTON LTD., GRANT THORNTON INC., ET ALGER INC.)

K.C., Rose LLP

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(CARON & PARTNERS LLP, RICHARD J. GILBORN, DANIEL GILBORN ET MICHAEL PFLUEGER)

 

Witten LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(Blake Cassels & Graydon SENCRL/srl)

Rana Law

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(Piikani Investment Corporation, Sam Khajeei, Bettina Pierre Giles et Verona White Cow)

 

McLennan Ross LLP

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(JSS Barristers LLP, Robert Hawkes et Glenn Solomon)

Emery Jamieson LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(Jeff Thom, Miller Thomson LLP, Rana Law, Emily Grier, Gowling WLG et Caireen Hanert)

Blake, Cassels & Graydon SENCRL/srl

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

(Banque Canadienne Impériale de Commerce, Compagnie Trust CIBC et CIBC Wood Gundy/Marchés mondiaux CIBC)

 

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