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Date : 20060426

Dossier : IMM-5978-05

Montréal (Québec), le 26 avril 2006

En présence de Monsieur le juge Shore

ENTRE :

INDIRA DEL CARMEN ANGULO BARRAZA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

(Rendue sur le banc)

Introduction

CONSIDÉRANT que quoique la conclusion du décideur de faits puisse être justifiée, les fins ne peuvent jamais justifier les moyens et les moyens ne peuvent jamais justifier les fins et un climat propice au déroulement d'une audition est primordial. Le commentaire vers le milieu de la page 28 de la transcription de l'audience (Dossier du Tribunal, à la page 95) et certains autres exemples ne peuvent échapper à l'examen de cette Cour. L'essence même de la justice oblige le décideur de faits à être perçu non seulement comme étant impartial, mais aussi comme quelqu'un qui reconnaît les vicissitudes de la condition humaine d'une femme qui est victime de violence à cause de son sexe. Si elle l'est véritablement ou non est une autre question, par contre, la simple possibilité qu'elle puisse l'être nécessite qu'elle soit traitée non seulement avec respect et dignité comme devrait l'être tout revendicateur mais aussi de façon conforme à l'esprit des Directives sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe durant l'audience elle-même;

            CONSIDÉRANT qu'il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi), de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission) datée du 3 octobre 2005 par laquelle il a été décidé que la demanderesse n'a pas la qualité de réfugiée au sens de la Convention ou d'une personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi;

CONSIDÉRANT que la demanderesse, madame Indira Del Carmen Angulo-Barraza, citoyenne de la Colombie, est arrivée au Canada le 9 avril 2005 et a demandé la protection du Canada le 15 avril 2005;

CONSIDÉRANT que madame Angulo-Barraza se déclare victime de violence domestique de la part de son ex-conjoint, qui l'a agressée si sévèrement qu'elle s'est retrouvée à l'hôpital où elle a appris qu'elle avait perdu le bébé qu'elle portait;

CONSIDÉRANT que la décision de la Commission ne mentionne pas la situation particulière de madame Angulo-Barraza en tant que victime alléguée de violence domestique et de persécution en raison du sexe et, surtout, ne considère pas les Directives de la Commission sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe dans l'examen de la demande de madame Angulo-Barraza;

CONSIDÉRANT que lorsqu'un décideur de faits est confronté à une revendicatrice qui a possiblement une crainte de persécution fondée sur le sexe, reconnaissant que cette personne pourrait être sujette aux Directives sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe, cela nécessite la création d'une ambiance propice, où la revendicatrice se sent en sécurité et a confiance dans le processus ou la méthodologie de l'audience elle-même. Cela inclut la nécessité pour le décideur de faits d'agir de façon conforme à l'ambiance proposée, sinon à l'esprit des Directives sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe;

CONSIDÉRANT que quoique la conclusion du décideur de faits puisse être justifiée, les fins ne peuvent jamais justifier les moyens et les moyens ne peuvent jamais justifier les fins et un climat propice au déroulement d'une audition est primordial. Le commentaire vers le milieu de la page 28 de la transcription de l'audience (Dossier du Tribunal, à la page 95) et certains autres exemples ne peuvent échapper à l'examen de cette Cour. L'essence même de la justice oblige le décideur de faits à être perçu non seulement comme étant impartial, mais aussi comme quelqu'un qui reconnaît les vicissitudes de la condition humaine d'une femme qui est victime de violence à cause de son sexe. Si elle l'est véritablement ou non est une autre question, par contre, la simple possibilité qu'elle puisse l'être nécessite qu'elle soit traitée non seulement avec respect et dignité comme devrait l'être tout revendicateur mais aussi de façon conforme à l'esprit des Directives sur les Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe durant l'audience elle-même;

AINSI, cette décision est renvoyée à la Commission pour redétermination par un autre panel différemment constitué afin d'assurer que les moyens choisis pour atteindre la décision, peu importe ce qu'elle sera, reflètent ce qui précède.

LA COUR ORDONNE que

1.       La demande de révision judiciaire soit accueillie;

2.       Le dossier est retourné à la Commission afin qu'une nouvelle audience portant sur la demande de statut de réfugié et de personne à protéger soit entendue par un panel différemment constitué;

3.       Le tout sans frais.

« Michel M.J. Shore »

Juge

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