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Date : 20230110


Dossier : DES‐5‐22

Référence : 2023 CF 40

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2023

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

SAAD KHALID S. AL JABRI

défendeur

et

SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY, ALPHA STAR AVIATION SERVICES COMPANY, ENMA AL ARED REAL ESTATE INVESTMENT AND DEVELOPMENT COMPANY, KAFA’AT BUSINESS SOLUTIONS COMPANY, SECURITY CONTROL COMPANY, ARMOUR SECURITY INDUSTRIAL MANUFACTURING COMPANY, SAUDI TECHNOLOGY & SECURITY COMPREHENSIVE CONTROL COMPANY, TECHNOLOGY CONTROL COMPANY, NEW DAWN CONTRACTING COMPANY et SKY PRIME INVESTMENT COMPANY

défenderesses (parties requérantes)

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Sakab Saudi Holding Company et les autres sociétés défenderesses [Sakab] introduisent la présente requête à la suite du dépôt, par le procureur général du Canada [le PGC], d’un avis de demande (modifié) fondé sur l’article 38.04 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C‐5 [la LPC] [la demande fondée sur l’article 38]. La demande fondée sur l’article 38 du PGC vise à protéger des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables au sens de la LPC contre toute divulgation dans le cadre d’une instance.

[2] L’instance principale est une action qu’a intentée Sakab en janvier 2021 devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario en vue d’obtenir des dommages‐intérêts (de maintenant plus de cinq milliards de dollars) de la part de Saad Al Jabri [M. Al Jabri]. Sakab soutient que M. Al Jabri a orchestré une fraude internationale de grande envergure et a détourné des fonds de Sakab et des autres sociétés défenderesses, qui avaient été mises sur pied pour lutter contre le terrorisme au nom du Royaume d’Arabie saoudite. M. Al Jabri était directeur et conseiller en sécurité auprès du ministre de l’Intérieur du Royaume d’Arabie saoudite et était responsable de la surveillance des sociétés Sakab. Il avait été nommé ministre d’État et membre du Conseil des ministres, mais il a été relevé de ses fonctions gouvernementales en 2015. Après avoir continué de travailler pour le gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite à titre informel, il a déménagé au Canada en 2017.

[3] Sakab affirme entre autres que M. Al Jabri a amassé des fonds, a acheté des propriétés dans divers pays, a créé des sociétés à l’étranger pour y acquérir des biens et a fait des dons à ses enfants en usant d’un stratagème de fraude visant ses anciens employeurs, dont le gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite et ses dirigeants. Sakab soutient que M. Al Jabri a détourné la majeure partie de ces actifs après avoir été relevé de ses fonctions. M. Al Jabri répond que, même si la valeur des fonds et des biens en cause est importante, il s’agissait de rémunérations, de bénéfices ou de primes pour les services qu’il avait rendus et pour les risques qu’il avait courus en fournissant ces services. M. Al Jabri affirme que certains des renseignements sur lesquels s’appuiera sa défense dans l’action pour fraude ne peuvent pas être divulgués parce qu’il s’agit de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables au sens de la LPC.

[4] La demande fondée sur l’article 38 du PGC soulève la question de savoir si l’interdiction de divulguer les renseignements sensibles ou préjudiciables que relèvera le PGC dans les documents en cause (qui ont été communiqués conformément aux trois avis donnés au PGC au titre des paragraphes 38.01(1) et (3) de la LPC), ainsi que le prévoit l’alinéa 38.02(1)a), devrait être confirmée par notre Cour conformément au paragraphe 38.06(3) ou s’il convient d’autoriser leur divulgation, en tout ou en partie ou sous réserve de certaines conditions, conformément aux paragraphes 38.06(1) ou (2).

[5] La demande fondée sur l’article 38 ne peut pas passer à l’étape suivante tant que les questions soulevées dans la requête en l’espèce déposée par Sakab [la requête de Sakab] ne seront pas tranchées. Dans sa requête, Sakab conteste le fait que le document fourni conformément au deuxième et au troisième avis donnés au PGC, qui est décrit comme étant un « dossier des avocats » ou une « convention de déclaration », et à l’égard duquel M. Al Jabri invoque le privilège relatif au litige, peut faire l’objet d’une demande fondée sur l’article 38. Sakab fait également valoir que la convention de déclaration devrait lui être communiquée après avoir été caviardée — même si M. Al Jabri a invoqué le privilège relatif au litige à l’égard de ce document et même si celui‐ci n’a pas été déposé dans l’instance principale et n’a pas à l’être — afin qu’elles puissent présenter à la Cour des observations sur la pertinence ou la non‐pertinence de cette convention de déclaration. Sakab soutient que la conduite de M. Al Jabri équivaut à un abus de procédure et qu’il y aura iniquité si une version caviardée ne lui est pas communiquée.

[6] Pour les motifs qui suivent, la requête de Sakab est rejetée. La Cour note que le PGC n’a pas encore terminé d’examiner la convention de déclaration. Bon nombre des allégations de Sakab sont fondées sur des conjectures. La Cour n’est pas d’avis que la procédure à ce jour est inéquitable pour Sakab ou que Sakab ne peut pas participer utilement à l’instance à l’issue de laquelle la Cour statuera sur la demande fondée sur l’article 38. Comme je l’explique plus loin, lors de l’examen de la demande fondée sur l’article 38, si les renseignements caviardés sont utiles pour trancher les questions en litige dans l’instance principale, la Cour déterminera si et comment des résumés non préjudiciables des renseignements caviardés pourront être fournis à Sakab ou si et comment les renseignements préjudiciables pourront être communiqués au juge des faits, sous réserve des conditions que la Cour estime indiquées, afin qu’il puisse trancher les questions en litige dans l’instance principale en tenant compte de ces renseignements.

[7] Avant d’exposer les questions soulevées dans la requête de Sakab et les observations respectives des parties, je décris de façon générale les dispositions légales pertinentes et le processus, ainsi que la chronologie des démarches entreprises devant notre Cour jusqu’à maintenant, à des fins de mise en contexte. La présente ordonnance et ses motifs contiennent plus de renseignements généraux et de plus longs résumés des arguments des parties qu’il n’est généralement nécessaire en raison des nombreuses observations reçues par la Cour et des références des parties à des renseignements qui pourraient également être pris en compte dans la décision finale sur la demande fondée sur l’article 38.

[8] Sakab et M. Al Jabri caractérisent les instances devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et la Cour de district fédérale des États‐Unis (au Massachusetts) de manières différentes. Lorsque notre Cour renvoie aux observations des défendeurs sur ces instances, elle ne tire pas de conclusions de fait et n’interprète pas les décisions de ces tribunaux; elle ne renvoie à ces observations qu’à des fins de mise en contexte.

I. L’article 38

[9] Les articles 38 à 38.15 de la LPC (collectivement, l’article 38) énoncent une procédure qui permet de protéger les renseignements concernant les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales contre toute divulgation auprès d’un tribunal, d’un organisme ou d’une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements. [Les dispositions pertinentes sont reproduites à l’annexe 1.]

[10] Lorsque des renseignements doivent par ailleurs être divulgués par un participant ou sont sur le point d’être divulgués ou peuvent être divulgués dans le cadre d’une instance et que ce participant, ou une autre personne, croit que ces renseignements concernent les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales (c’est‐à‐dire qu’il s’agit de renseignements sensibles ou préjudiciables), cette personne est tenue d’en aviser le PGC (article 38.01). Le PGC peut, après avoir examiné les renseignements, autoriser leur divulgation totale ou partielle (article 38.03). Toutefois, si le PGC n’autorise pas leur divulgation ou ne conclut pas d’accord prévoyant la divulgation de certains faits ou renseignements ou leur divulgation assortie de conditions (article 38.031), il peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation (article 38.04).

[11] La Cour doit ensuite décider si l’interdiction de divulgation devrait être confirmée, conformément au paragraphe 38.06(3), ou si les renseignements, ou des éléments de ceux‐ci, devraient être divulgués, conformément au paragraphe 38.06(1), ou, subsidiairement, si les renseignements, ou des éléments de ceux‐ci, devraient être divulgués sous réserve de certaines conditions afin de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, conformément au paragraphe 38.06(2). Il est établi dans la jurisprudence que la Cour dispose de plusieurs options pour autoriser, lorsque c’est nécessaire, la divulgation de renseignements sous réserve de certaines conditions afin d’atténuer tout préjudice. Par exemple, elle peut fournir des résumés non préjudiciables des renseignements ou communiquer les renseignements en question uniquement au juge présidant l’instance principale.

[12] Le critère que doit appliquer la Cour pour trancher la demande fondée sur l’article 38 a été établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ribic, 2003 CAF 246 [Ribic].

[13] Ce critère à trois volets a été reformulé sous la forme de questions par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Khawaja (CAF), 2007 CAF 388 [Khawaja CAF], au paragraphe 8 :

a) Les renseignements en cause intéressent‐ils l’instance au cours de laquelle leur divulgation est demandée? Dans la négative, les renseignements ne doivent pas être divulgués. Dans l’affirmative, alors,

b) La divulgation des renseignements en cause sera‐t‐elle préjudiciable à la sécurité nationale, à la défense nationale ou aux relations internationales? Dans la négative, les renseignements doivent être divulgués. Dans l’affirmative, alors,

c) Les raisons d’intérêt public qui militent pour la divulgation des renseignements en cause l’emportent‐elles sur les raisons d’intérêt public qui militent contre la divulgation des renseignements en cause? Dans l’affirmative, les renseignements doivent alors être divulgués. Dans la négative, les renseignements ne doivent pas être divulgués.

[14] La partie qui demande la divulgation des renseignements (généralement, le défendeur ou la défenderesse) doit démontrer que les renseignements caviardés sont pertinents (Ribic, au para 17). Si elle démontre qu’ils sont pertinents pour l’examen d’une ou de plusieurs questions en litige dans l’instance principale, il incombe alors au PGC de démontrer qu’un préjudice résulterait de leur divulgation (Ribic, au para 20). S’il est établi que les renseignements sont pertinents et qu’un préjudice résulterait de leur divulgation, la partie qui demande la divulgation des renseignements doit alors démontrer que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation sont plus importantes que (ou l’emportent sur) celles qui justifient la non‐divulgation (c’est‐à‐dire la protection) des renseignements préjudiciables (Ribic, au para 21).

[15] Comme l’a fait observer le juge Mosley dans la décision Canada (Procureur général) c Almaki, 2010 CF 1106, au paragraphe 60 : « Le critère préliminaire auquel on doit répondre pour déterminer la pertinence n’est pas exigeant. La Cour doit examiner la pertinence des renseignements en question par rapport à l’instance principale. »

[16] Dans la décision Canada (Procureur général) c Tursunbayev, 2021 CF 719, aux paragraphes 82 à 86 [Tursunbayev], le juge Noël a souligné que la Cour doit s’assurer que les caviardages proposés par le PGC sont justifiés et qu’ils sont étayés par des éléments de preuve qui démontrent que le préjudice découlant de la divulgation des renseignements caviardés est une probabilité, et non simplement une possibilité. Bien qu’elle doive faire preuve de retenue à l’égard de l’évaluation du préjudice faite par le PGC en raison de son expertise et de son accès aux renseignements, la Cour doit néanmoins s’assurer que le préjudice est une probabilité avant d’effectuer un exercice de mise en balance.

[17] Lorsque la Cour applique le troisième volet du critère de l’arrêt Ribic, c’est‐à‐dire lorsqu’elle se demande ou évalue si les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements l’emportent sur celles qui justifient leur non‐divulgation, elle doit examiner chacune des raisons d’intérêt public. La Cour tient compte des observations écrites ou orales présentées à l’audience publique, des observations ex parte présentées par le PGC et l’amicus, des autres observations ex parte formulées, le cas échéant, et des facteurs pertinents établis dans la jurisprudence qui encadrent l’exercice de mise en balance (voir, par exemple, Canada (Procureur général) c Khawaja, 2007 CF 490 [Khawaja CF] aux para 74 et 93; Tursunbayev, aux para 88 et 89). Ces facteurs comprennent, entre autres, la nature de l’intérêt public que l’on tente de protéger, la question de savoir si un fait crucial pour la cause sera probablement établi (comme le degré de pertinence, l’importance ou la valeur probante des renseignements dans l’instance principale), et la question de savoir si les renseignements caviardés sont déjà connus du public et, dans l’affirmative, la manière dont ils sont tombés dans le domaine public.

[18] Si la Cour conclut que des raisons d’intérêt public justifient la divulgation des renseignements, elle peut, en vertu du paragraphe 38.06(2) de la LPC, autoriser la divulgation, compte tenu de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice découlant de la divulgation.

[19] Comme l’écrivait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Ahmad, 2011 CSC 6, au paragraphe 44 [Ahmad], l’article 38 est empreint de souplesse :

[44] L’article 38 institue un régime que le législateur a voulu empreint de souplesse. Diverses dispositions autorisent une divulgation conditionnelle, partielle ou encore limitée. Le paragraphe 38.06(1) impose expressément au juge de la Cour fédérale l’obligation de tenir compte des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation, ainsi que des conditions de divulgation « les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales » (par. 38.06(2)). Lorsqu’il rend sa décision, le juge de la Cour fédérale peut autoriser la divulgation partielle, ou assortie de certaines conditions, des renseignements au juge du procès, lui en fournir un résumé ou l’aviser que certains faits que l’accusé veut établir peuvent être tenus pour avérés pour les besoins du procès. [...]

II. L’état d’avancement de la procédure prévue par l’article 38

[20] Le 30 juin 2021, les avocats de M. Al Jabri ont avisé le PGC, conformément au paragraphe 38.01(1), de la possibilité que des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables soient divulgués. Ce premier avis concernait des renseignements contenus dans l’annexe confidentielle de l’affidavit de M. Al Jabri et une pièce qui y était jointe, lesquels documents devaient être déposés par M. Al Jabri à l’appui de sa requête en suspension des procédures devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario [la requête en suspension].

[21] Le 31 mai 2022, un agent du Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS] a avisé le PGC, conformément au paragraphe 38.01(3), qu’il croyait que des renseignements sensibles ou préjudiciables seraient divulgués dans un avis de requête et l’affidavit à l’appui (concernant la requête en suspension que M. Al Jabri comptait présenter de nouveau).

[22] Le 2 juin 2022, le PGC a déposé la demande fondée sur l’article 38 afin d’obtenir une ordonnance portant sur la divulgation des renseignements à l’égard desquels il avait reçu un premier et un deuxième avis. Le PGC a également demandé une injonction interdisant à M. Al Jabri de divulguer des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables relativement à l’instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Le PGC a par la suite demandé que sa requête en injonction soit mise en suspens en attendant la tenue de nouvelles discussions avec M. Al Jabri concernant les obligations que lui impose l’article 38.

[23] Le 16 juin 2022, la Cour a convoqué une conférence de gestion de l’instance [CGI] afin de discuter des prochaines étapes de la demande fondée sur l’article 38. Parmi les points abordés, le PGC a indiqué qu’un obstacle empêchait les avocats de M. Al Jabri de recevoir et de conserver des renseignements sensibles et préjudiciables.

[24] La CGI qui s’est tenue à la mi‐juillet 2022 a été ajournée en raison de retards dans la clarification de la manière dont les avocats de M. Al Jabri pouvaient recevoir et conserver les renseignements et assurer leur transmission au PGC pour qu’il les examine.

[25] Le 11 août 2022, la Cour a tenu une CGI. Sakab a exprimé des réserves concernant le retard dans la procédure et a notamment fait remarquer que M. Al Jabri n’avait pas encore communiqué les documents visés par le deuxième avis au PGC pour qu’il les examine. Les parties ont discuté de la nomination d’un amicus. Le PGC a également souligné qu’il était impossible d’estimer le temps qu’il lui faudrait pour examiner les documents après leur réception.

[26] Le 15 août 2022, la Cour a rendu une ordonnance dans laquelle elle nommait à titre d’amicus curiæ [l’amicus] Me Colin Baxter, un avocat détenant une attestation de sécurité qui est astreint au secret à perpétuité conformément à la Loi sur la protection de l’information, LRC 1985, c O‐5, afin d’aider la Cour à s’acquitter des obligations que lui impose l’article 38 de la LPC. Cette ordonnance prévoyait notamment : que l’amicus doit avoir accès aux renseignements confidentiels visés par la demande fondée sur l’article 38 (c’est‐à‐dire les renseignements caviardés, lorsqu’ils seront disponibles); que l’amicus peut communiquer avec le défendeur et les défenderesses pour comprendre les renseignements et les documents à examiner en attendant d’avoir accès aux renseignements et aux documents confidentiels; que l’amicus ne pourra plus communiquer avec le défendeur et les défenderesses après avoir eu accès aux renseignements et aux documents confidentiels; que l’amicus doit assurer la confidentialité de tous les renseignements et documents qui lui sont communiqués à titre confidentiel par le défendeur et les défenderesses ou une autre personne par rapport à son rôle d’amicus en l’espèce; que le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif au litige ne sera pas levé du fait que ces renseignements et documents ont été communiqués à l’amicus. L’ordonnance prévoyait également que l’amicus peut prendre part à toute audience publique et qu’il doit participer à toute audience ex parte à huis clos en l’espèce, notamment en contre‐interrogeant les témoins et en présentant des observations écrites et orales.

[27] Le 12 septembre 2022, en réponse à la requête en injonction du PGC, notre Cour a ordonné à M. Al Jabri de ne pas signifier ni déposer sa requête en suspension et les éléments de preuve à l’appui qui pourraient contenir des renseignements sensibles ou préjudiciables au sens de l’article 38 de la LPC, à moins que le PGC ne l’y autorise ou que la Cour ne rende une autre ordonnance l’y autorisant.

[28] Le 28 septembre 2022, la Cour a tenu une CGI. Entre autres informations, le PGC a indiqué qu’il avait commencé l’examen de la pièce visée par le premier avis et qu’il s’attendait à ce que d’autres documents lui soient communiqués conformément au deuxième avis. M. Al Jabri a souligné qu’un dossier des avocats qui contenait une multitude de renseignements (et qui [traduction] « couvrait l’ensemble de l’information ») avait été fourni au PGC conformément au deuxième avis pour qu’il l’examine. M. Al Jabri a affirmé que ce dossier des avocats (aussi appelé « convention de déclaration ») était protégé par le privilège relatif au litige. Sakab a exprimé des réserves quant au fait que ce dossier soit présenté comme un document protégé par le privilège relatif au litige. Le défendeur et les défenderesses ont proposé conjointement de fixer la date de l’audience publique — au cours de laquelle des observations pourraient être présentées concernant la pertinence des renseignements contenus dans convention de déclaration et d’autres documents — même si le PGC n’avait pas terminé d’examiner les documents. Il serait ainsi possible de faire avancer l’examen de la demande fondée sur l’article 38. Cette audience publique devait avoir lieu les 6 et 7 décembre 2022.

[29] Le 19 octobre 2022, Sakab a déposé son avis de requête (qui est décrit plus en détail ci‐dessous).

[30] Le 3 novembre 2022, la Cour a convoqué une CGI afin de discuter de la tenue de l’audience relative à la requête de Sakab et de son incidence sur les dates de l’audience publique. La Cour a conclu que les dates de l’audience publique devraient plutôt être utilisées pour entendre la requête de Sakab. Un échéancier a été fixé pour l’échange des mémoires, des mémoires en réponse et des observations en réplique concernant la requête de Sakab.

[31] Le 15 novembre 2022, la Cour a convoqué une CGI afin de débattre des prochaines étapes puisqu’elle devait d’abord statuer sur la requête de Sakab. La Cour a proposé qu’une audience publique se tienne en février 2023 et qu’elle dure trois jours. Sakab avait initialement demandé que cinq jours soient réservés à la présentation d’observations. Le PGC a noté qu’il devrait avoir terminé l’examen et le caviardage des renseignements à la fin décembre 2022.

[32] Le 25 novembre 2022, les avocats de M. Al Jabri ont remis, conformément au paragraphe 38.01(1), un troisième avis au PGC qui décrivait précisément la convention de déclaration. Le PGC a confirmé dans une lettre adressée à Sakab que les renseignements visés par le troisième avis étaient les mêmes que ceux faisant l’objet du deuxième avis.

[33] La requête de Sakab a été entendue les 6 et 7 décembre 2022. En plus de trois séries d’observations sur la requête, Sakab a déposé un dossier en réponse à la demande fondée sur l’article 38, ainsi qu’un affidavit qui contenait des pièces faisant plus de 1 600 pages. Sakab a fait remarquer que le dossier était également utile à la requête. M. Al Jabri a présenté des observations et des observations en réponse, ainsi qu’un affidavit auquel était jointe une décision de la Cour de district fédérale des États‐Unis. L’amicus et le PGC ont également présenté des observations en réponse.

[34] Le 15 décembre 2022, le PGC a déposé un nouvel avis de demande modifié en vertu de l’article 38.04 afin d’ajouter à sa demande les renseignements visés par le troisième avis (qui sont les mêmes que ceux faisant l’objet du deuxième avis).

III. Aperçu de la requête de Sakab

[35] Les questions soulevées par Sakab dans sa requête ont changé depuis le dépôt de la requête le 19 octobre 2022. Sakab a initialement fait valoir que notre Cour n’a pas compétence pour déterminer si les renseignements décrits dans le deuxième avis donné au PGC peuvent être protégés, car le document qu’a fourni M. Al Jabri au PGC n’est pas le même que celui décrit dans le deuxième avis et dans l’avis de demande qu’a déposé le PGC au titre de l’article 38.04 de la LPC. Le deuxième avis, qui a été donné au PGC par un agent du SCRS, portait sur les renseignements qui, selon l’agent, seraient divulgués dans l’avis de requête et l’affidavit que M. Al Jabri devait déposer devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario en ce qui concerne son intention de demander une suspension des procédures à ce tribunal. Sakab fait observer que, même si M. Al Jabri devait déposer son avis de requête et son affidavit conformément à l’échéancier convenu et fixé par une ordonnance de la Cour supérieure de justice de l’Ontario et si, comme l’avaient indiqué les avocats dans leurs divers échanges écrits, il avait l’intention de le faire le ou vers le 6 juin 2021, il ne l’a pas fait. Il a plutôt fourni la convention de déclaration au PGC.

[36] Sakab soutient que M. Al Jabri a fourni un autre document au PGC afin d’empêcher la Cour de rendre une décision juste quant à la demande fondée sur l’article 38 et de les exclure de la procédure. Sakab affirme que M. Al Jabri a délibérément créé le dossier des avocats ou la convention de déclaration et invoqué le privilège relatif au litige à l’égard de ce document afin de les empêcher de le recevoir après son examen par le PGC et le caviardage des renseignements sensibles ou préjudiciables qu’il contient. Sakab fait valoir que, si le privilège relatif au litige n’était pas invoqué, elle recevrait le document après l’examen du PGC et elle pourrait tirer des informations des parties non caviardées, ce qui les orienterait dans la présentation d’observations concernant la pertinence – ou la non‐pertinence – des renseignements dans une audience publique.

[37] Sakab a initialement fait valoir que la convention de déclaration ne pouvait pas faire l’objet de la demande fondée sur l’article 38 parce qu’elle ne contenait pas les renseignements visés par le deuxième avis. Comme les avocats de M. Al Jabri ont par la suite envoyé un troisième avis au PGC, qui portait spécifiquement sur les renseignements préjudiciables ou sensibles contenus dans la convention de déclaration, et comme le PGC a reconnu que les renseignements qu’il avait en sa possession et qu’il devait examiner et peut‐être caviarder conformément à l’article 38 étaient les mêmes que ceux visés par le deuxième avis, il n’est pas nécessaire d’examiner cet argument.

[38] Les arguments invoqués par Sakab en l’espèce sont maintenant axés sur le fait qu’elle craint que la procédure prévue par l’article 38 lui soit inéquitable. Sakab soutient qu’elle est tenue [traduction] « dans l’ignorance » et qu’elle ne peut pas participer utilement à cette procédure. Elle affirme que la convention de déclaration contient des [traduction] « observations secrètes » concernant la pertinence des renseignements factuels pour la défense de M. Al Jabri. Elle fait remarquer que le PGC a reçu la convention de déclaration aux fins d’examen et que l’amicus et la Cour la recevront également après que le PGC aura terminé de l’examiner et aura demandé à la Cour de confirmer tous les caviardages. Elle sera donc la seule à ne pas recevoir une version caviardée de cette convention de déclaration. Elle soutient que, compte tenu de la complexité de l’action dont est saisie la Cour supérieure de justice de l’Ontario, et étant donné qu’elle est d’avis que l’objectif de M. Al Jabri est de faire suspendre les procédures en affirmant qu’il ne peut pas se défendre parce qu’il ne pourra pas s’appuyer sur des renseignements sensibles et préjudiciables qui, selon lui, sont pertinents pour sa défense, elle doit avoir l’occasion de faire valoir à la Cour que ces renseignements ne sont pas pertinents. Elle n’est pas d’avis que la nomination d’un amicus atténue cette iniquité et elle fait remarquer que la situation de l’amicus est particulière, car le point de vue de M. Al Jabri est très différent de son point de vue.

[39] Dans l’avis de requête qu’elles ont déposé le 19 octobre 2022, Sakab demande à la Cour d’ordonner à M. Al Jabri de communiquer au PGC les documents visés par le deuxième avis qui lui a été donné. Plus particulièrement, Sakab demande que M. Al Jabri communique les documents qu’il avait l’intention de présenter à la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour étayer sa requête en suspension des procédures, dont son avis de requête, son affidavit complémentaire, ainsi que tout autre élément de preuve à l’appui de ses arguments selon lesquels il ne peut pas se défendre dans l’action pour fraude sans divulguer des renseignements secrets du gouvernement américain et selon lesquels les questions soulevées dans l’action pour fraude ne sont pas justiciables et l’action est irrecevable au titre de la Loi sur l’immunité des États, LRC 1985, c S‐18. Sakab affirme que, après l’examen du PGC, une version caviardée de ces documents devrait lui être fournie et la procédure prévue par l’article 38 devrait suivre son cours pour que la Cour puisse déterminer si les renseignements visés à juste titre par le premier et le deuxième avis doivent être divulgués.

[40] Subsidiairement, Sakab sollicite une ordonnance rejetant ou suspendant la demande fondée sur l’article 38 du PGC en ce qui concerne le deuxième avis.

[41] L’avis de requête de Sakab compte 24 pages et énonce les motifs sur lesquels la requête est fondée, le contexte de l’action intentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, l’état d’avancement de l’instance relative à la demande fondée sur l’article 38 du PGC devant notre Cour, ainsi qu’un aperçu de la position de Sakab selon laquelle les renseignements décrits dans le deuxième avis ne répondent pas aux exigences prévues à l’article 38 et la Cour n’a pas le pouvoir de confirmer l’interdiction de divulguer ces renseignements.

[42] Sakab a également déposé l’affidavit de Lorraine Klemens, souscrit le 1er novembre 2022, qui constitue le dossier de la requête de Sakab en réponse à la demande fondée sur l’article 38 du PGC sur lequel Sakab s’appuiera pour étayer sa requête, comme elle l’a indiqué lors de la CGI du 3 novembre 2022. Cet affidavit décrit et contient 38 pièces comptant plus de 1 600 pages. Ces pièces comprennent la déclaration modifiée, la défense, des transcriptions des contre‐interrogatoires, les affidavits à l’appui de la requête en injonction qu’a présentée Sakab à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, les ordonnances de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, et la décision datée du 29 décembre 2021 par laquelle la Cour de district fédérale des États‐Unis a rejeté l’action de Sakab dans l’État du Massachusetts.

IV. Les observations de Sakab

[43] Sakab a présenté de nombreuses observations à la Cour, notamment pour faire valoir son point de vue à l’égard de la conduite de M. Al Jabri dans son action pour fraude.

A. Le contexte selon Sakab

[44] Sakab s’appuie sur le dossier pour soutenir que la création de la convention de déclaration dans le contexte de la demande fondée sur l’article 38 était une stratégie de M. Al Jabri pour gagner du temps et invoquer de nouveaux motifs dans sa requête en suspension. Elle affirme que M. Al Jabri avait tout à fait l’intention de donner suite à sa requête en suspension en juin 2022 en dépit de la demande fondée sur l’article 38 du PGC, mais qu’il a ensuite créé un nouveau document pour l’empêcher d’avoir accès aux mêmes renseignements et l’exclure de la procédure prévue par l’article 38. Elle soutient qu’elle en arrive à cette conclusion en raison de la conduite qu’a eue M. Al Jabri tout au long de l’instance.

[45] D’après Sakab, les diverses requêtes de M. Al Jabri et ses réponses à leurs requêtes visent à l’empêcher de poursuivre son action pour fraude. Sans faire un compte rendu exhaustif des diverses démarches qui ont amené M. Al Jabri à affirmer qu’il ne pouvait pas présenter de défense en l’espèce en raison de la nature des renseignements qu’il possède et qu’il ne peut pas divulguer, Sakab en donne plusieurs exemples.

[46] Sakab note d’abord que, selon un rapport préparé par Deloitte, de nombreuses sommes avaient été versées à M. Al Jabri ou à des membres de sa famille, ainsi qu’à des entreprises étrangères dont il avait le contrôle. Sakab affirme que bon nombre des sommes qui auraient été versées à d’autres personnes en échange de produits ou de services constituaient des [traduction] « pots‐de‐vin » destinés à M. Al Jabri. Un rapport plus récent de Deloitte a amené Sakab à modifier sa déclaration afin d’augmenter le montant des dommages‐intérêts demandés et de réclamer une somme de plus de cinq milliards de dollars.

[47] Sakab explique que le jour où elle a déposé sa déclaration, le 21 janvier 2021, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une ordonnance Mareva par laquelle elle gelait les actifs de M. Al Jabri à l’échelle internationale, ainsi qu’une ordonnance de mise sous séquestre par laquelle elle désignait un séquestre pour protéger les biens situés aux États‐Unis. Sakab soutient que la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu ces ordonnances après avoir conclu à l’existence d’une preuve prima facie de fraude.

[48] En mars 2021, la requête de M. Al Jabri en annulation de l’ordonnance Mareva a été rejetée.

[49] Sakab fait observer que M. Al Jabri devait fournir une déclaration de ses actifs en réponse à l’ordonnance Mareva. Lors de son contre‐interrogatoire, M. Al Jabri a indiqué qu’il avait transféré la propriété de l’une de ses entreprises et d’autres actifs à son fils en guise de don très peu de temps après avoir été démis de ses fonctions au gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite en 2015. La tentative de Sakab pour faire élargir la portée de l’ordonnance Mareva afin qu’elle soit appliquée au fils de M. Al Jabri a également permis de découvrir que M. Al Jabri n’avait pas rédigé d’acte de donation, comme il l’avait déclaré pour l’impôt, mais qu’il avait plutôt fourni des instructions verbales à l’égard de ce don.

[50] Sakab fait remarquer que le fils de M. Al Jabri a contesté l’élargissement de la portée de l’ordonnance Mareva. Cependant, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu que l’ensemble de ce don était une [traduction] « ruse » et que M. Al Jabri continuait de contrôler les actifs dont il était censé avoir transféré la propriété en en faisant don.

[51] Sakab mentionne également les requêtes en suspension des procédures qu’a présentées M. Al Jabri, notamment en avril 2021, en invoquant un abus de procédure. Sakab fait observer que, la veille du dépôt prévu du dossier de requête, le 30 juin 2021, les procureurs du gouvernement des États‐Unis ont informé les avocats de M. Al Jabri que la divulgation de renseignements protégés dans cette requête ferait entrer en jeu les obligations qu’imposait l’article 38 à M. Al Jabri. Sakab note que la demande de report du dépôt du dossier présentée par M. Al Jabri a été rejetée. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu que le gouvernement des États‐Unis devait déposer une requête s’il souhaitait participer à l’instance. Sakab note que M. Al Jabri a alors fait ce que la Cour lui demandait et a déposé un affidavit détaillé auquel était jointe l’annexe confidentielle qui fait l’objet du premier avis donné au PGC concernant la divulgation possible de renseignements sensibles. Selon Sakab, il s’agit de l’une des premières indications que M. Al Jabri ferait valoir qu’il ne pouvait pas se défendre parce qu’il ne pouvait pas s’appuyer sur des renseignements sensibles. L’audience relative à la requête en suspension a été ajournée en attendant que soit tranchée la requête de Sakab pour outrage au tribunal, qui était fondée sur des allégations selon lesquelles M. Al Jabri continuait de détourner des actifs.

[52] Sakab ajoute que l’examen de sa requête pour outrage au tribunal a été retardé parce que M. Al Jabri a déposé d’autres demandes et requêtes.

[53] Sakab explique qu’elle a dû déposer une requête au Massachusetts pour qu’il soit donné effet à l’ordonnance Mareva étant donné que M. Al Jabri possédait plusieurs biens dans cet état. Même si Sakab a clairement indiqué dans sa déclaration que l’action serait suspendue quand la Cour aurait pris acte de l’ordonnance Mareva, elle affirme que M. Al Jabri conteste la requête afin de faire valoir qu’il ne pourrait pas se défendre s’il ne pouvait pas s’appuyer sur des renseignements secrets qui sont protégés aux États‐Unis. M. Al Jabri a présenté une requête à la Cour de district fédérale des États‐Unis pour qu’elle entende la requête de Sakab, et il a obtenu gain de cause.

[54] Sakab soutient qu’après la décision de décembre 2021 par laquelle la Cour de district fédérale des États‐Unis a rejeté sa requête (décision qui fait l’objet d’un appel qui n’a pas encore été tranché), M. Al Jabri a invoqué de nouveaux motifs dans sa requête en suspension en instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario en alléguant qu’il ne pouvait pas se défendre contre l’action intentée par Sakab parce qu’on lui avait interdit de s’appuyer sur des renseignements qui constituaient des secrets d’État aux États‐Unis.

[55] Sakab fait également remarquer que M. Al Jabri a déposé une requête à la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans laquelle il demandait à cette cour d’interdire que les renseignements sur lesquels il s’appuie dans sa requête en suspension soient utilisés dans d’autres instances, notamment celle liée à la requête pour outrage au tribunal qu’elle avait déposée. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté sa requête et a conclu que [traduction] « l’immunité contre l’utilisation de la preuve » ne s’appliquait pas.

[56] Sakab signale que M. Al Jabri devait, par conséquent, déposer des documents à l’appui de sa requête en suspension le 8 mai 2022. Il a demandé une prorogation de délai. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a ordonné que les documents soient déposés au plus tard le 6 juin 2022.

[57] Quant à l’état actuel de l’action pour fraude de Sakab, cette dernière souligne que M. Al Jabri était tenu de présenter sa défense modifiée au plus tard le 16 décembre 2022 en réponse à sa déclaration modifiée.

[58] Sakab soutient que les faits survenus en mai et en juin 2022 lui étaient inconnus à l’époque, notamment le fait que les procureurs du gouvernement des États‐Unis avaient écrit au PGC pour l’informer que les avocats de M. Al Jabri lui avaient fait part de l’intention de leur client de déposer son affidavit, qui révélerait des renseignements concernant la sécurité nationale des États‐Unis. Le PGC a ensuite écrit aux avocats de M. Al Jabri pour les informer des obligations qu’imposait l’article 38 à leur client. Sakab fait remarquer que, malgré cette mise en garde, les avocats de M. Al Jabri ont indiqué que ce dernier déposerait son affidavit à moins qu’une injonction ne l’en empêche.

[59] D’après Sakab, le fait que M. Al Jabri a manqué à ses obligations au titre de l’article 38 a obligé le SCRS à donner un avis au PGC (le deuxième avis). Cet avis portait sur l’avis de requête et l’affidavit de M. Al Jabri dans lesquels des renseignements sensibles seraient divulgués. Sakab ajoute que, même après que le PGC a reçu ce deuxième avis, les avocats de M. Al Jabri ont continué de contester les obligations imposées par l’article 38.

[60] Sakab affirme que la conduite de M. Al Jabri jusqu’en juin 2022 permet de conclure qu’il avait la ferme intention de déposer sa requête en suspension et son affidavit. Elle soutient que l’affidavit était prêt à être déposé jusqu’à ce que M. Al Jabri réagisse à l’intention du PGC de demander une injonction, demande qu’il a par la suite acceptée. Elle ajoute que la Cour supérieure de justice de l’Ontario n’avait alors eu d’autre choix que d’ajourner l’audience relative à la requête en suspension de M. Al Jabri compte tenu de la demande fondée sur l’article 38 du PGC.

[61] Sakab fait en outre remarquer que la requête dont est saisie notre Cour, qui a été introduite après le dépôt de la demande fondée sur l’article 38 par le PGC, a évolué. Comme je l’ai mentionné plus haut, Sakab affirme que M. Al Jabri a attendu et que, au lieu de fournir les documents décrits dans le deuxième avis, il a préparé sa convention de déclaration, à l’égard de laquelle il a invoqué le privilège relatif au litige, dans le but délibéré de les empêcher de participer à la procédure prévue par l’article 38.

[62] Sakab remet en question l’explication de M. Al Jabri selon laquelle il n’avait pas pu établir la version finale de son affidavit ou déposer celui‐ci en raison de la mise en garde qu’avait faite le PGC à ses avocats en les informant qu’ils ne devraient pas recevoir des renseignements sensibles sans avoir d’abord eu des directives sur la manière de recevoir et de traiter ce type de renseignements.

[63] Sakab affirme que M. Al Jabri n’avait pas d’intérêt véritable dans la divulgation des renseignements visés par les avis qui ont été remis au PGC, mais qu’il souhaite plutôt faire interdire leur divulgation afin de pouvoir faire valoir qu’il ne peut pas se défendre sans ces renseignements et que les requêtes de Sakab devraient donc être rejetées.

[64] Sakab soutient que la stratégie de M. Al Jabri est évidente puisqu’il a récemment déclaré qu’il pourrait ne pas présenter de nouveau sa requête en suspension en fonction de l’issue de la demande fondée sur l’article 38.

[65] Sakab soutient également qu’il est malhonnête de la part de M. Al Jabri d’affirmer qu’il avait mentionné le fait qu’il devait s’appuyer sur des renseignements sensibles dès les premières étapes de l’instance, car ce n’est qu’en juin 2021 qu’il a déposé son affidavit.

[66] Compte tenu de la conduite de M. Al Jabri et de sa tentative prétendument délibérée de retarder l’instance et [traduction] « exclure » Sakab de l’instance à l’issue de laquelle une décision sera rendue concernant la demande fondée sur l’article 38, Sakab affirme que la Cour doit intervenir pour assurer l’équité et empêcher l’abus de procédure.

B. La conduite de M. Al Jabri vise à exclure Sakab

[67] Selon Sakab, M. Al Jabri tente de trouver un motif pour obtenir une suspension des procédures pendant le traitement de la demande fondée sur l’article 38 en l’espèce, notamment en créant sa convention de déclaration et en invoquant le privilège relatif au litige à l’égard de ce document, au lieu de déposer sa requête en suspension et son affidavit à la Cour pour qu’elle les examine et de communiquer ensuite à Sakab des versions caviardées de ces documents.

[68] Sakab soutient qu’en préparant une convention de déclaration, M. Al Jabri a délibérément tenté de l’empêcher de participer à la procédure prévue par l’article 38 parce que, comme il a invoqué le privilège relatif au litige à l’égard de cette convention de déclaration, elle ne recevra pas de version caviardée de ce document. Sakab affirme qu’elle est donc privée de la possibilité de présenter des observations sur la pertinence — ou, plus particulièrement, la non‐pertinence — des renseignements en cause ou sur d’autres aspects du critère de l’arrêt Ribic pour aider la Cour à déterminer si ces renseignements sont pertinents et si la divulgation de renseignements préjudiciables devrait demeurer interdite.

[69] Sakab fait valoir que sa requête devrait être accueillie pour assurer l’équité et empêcher l’abus de procédure, car elle n’aura pas accès à la version caviardée de la convention de déclaration avant de participer à l’audience publique relative à la demande fondée sur l’article 38. Elle affirme que la Cour doit [traduction] « équilibrer les chances ».

[70] Sakab fait remarquer que M. Al Jabri a déclaré qu’il a l’intention de divulguer les renseignements, dans la mesure du possible, dans sa requête en suspension ou au cours de l’instance. Elle soutient donc que la Cour devrait ordonner à M. Al Jabri de fournir maintenant le dossier de sa requête en suspension au PGC pour qu’il l’examine ou de déposer une nouvelle convention de déclaration qui ne contient que des renseignements factuels. Elle souligne que les renseignements factuels ne peuvent pas être protégés par un privilège.

[71] Sakab propose trois options : 1) la Cour pourrait ordonner à M. Al Jabri de renoncer au privilège relatif au litige invoqué à l’égard de la convention de déclaration; 2) la Cour pourrait ordonner à M. Al Jabri de séparer les renseignements factuels contenus dans la convention de déclaration de ceux visés par le privilège relatif au litige et de fournir au PGC une nouvelle convention de déclaration contenant seulement les renseignements factuels; 3) la Cour pourrait ordonner à M. Al Jabri de communiquer au PGC la requête en suspension et l’affidavit qu’il a indiqué qu’il déposerait et qu’il avait l’intention de déposer en juin 2022 pour que le PGC les examine.

[72] Dans ses observations orales, Sakab a proposé une quatrième option : elle pourrait déposer une nouvelle requête en vue de faire trancher une question de droit consistant à déterminer si la convention de déclaration est protégée par le privilège relatif au litige étant donné que M. Al Jabri a transmis le document à la partie adverse – le PGC.

C. La Cour doit contrôler sa procédure

[73] Sakab soutient que notre Cour a le pouvoir inhérent de contrôler l’intégrité de sa propre procédure et de remédier à l’abus de procédure commis par M. Al Jabri (Canada (Revenu national) c Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50 au para 36 [Compagnie d’assurance vie RBC].

[74] Sakab renvoie à la décision X (Re), 2017 CF 136, aux paragraphes 31 et 32, où le juge Noël a souligné que la Cour a la responsabilité générale d’assurer l’équité dans les affaires touchant la sécurité nationale en raison du caractère fermé de ce type d’instances et que cette responsabilité consiste également à assurer l’équité de la procédure.

[75] Sakab affirme que la Cour doit tenir compte du méfait qu’entraîne la présentation d’éléments de preuve qui font entrer en jeu l’article 38 en vue de « saboter » un procès. Elle renvoie au paragraphe 74 de l’arrêt Ahmad, où la Cour suprême du Canada a fait observer que le commissaire responsable de l’enquête sur l’attentat d’Air India était préoccupé par le fait qu’un accusé « pourrait essayer d’utiliser le régime dualiste afin de saboter un procès antiterroriste en présentant à dessein des éléments de preuve faisant entrer en jeu l’art. 38 ».

[76] Sakab renvoie également aux paragraphes 31 à 33 de l’arrêt Ahmad, où la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu’un arrêt des procédures ne devrait pas être prononcé si le juge du procès s’est vu refuser l’accès à des renseignements ne pouvant pas être divulgués, et que le juge du procès doit avoir une compréhension suffisante de la nature des renseignements non divulgués. D’après Sakab, cette même observation s’applique dans les instances non criminelles.

D. Sakab souhaite participer utilement à l’instance relative à la demande fondée sur l’article 38

[77] Sakab indique que M. Al Jabri fera valoir que les renseignements qu’il souhaite divulguer sont très pertinents et sont essentiels à sa défense et qu’elle soutiendra le contraire. Elle ajoute que la pertinence des renseignements est déterminée en fonction des questions en litige — à savoir les causes d’action et les moyens de défense possibles. Elle affirme que, compte tenu de la complexité de l’affaire, qui met en cause les lois du Royaume d’Arabie saoudite, elle doit aider la Cour à bien comprendre comment son action sera instruite, notamment en lui expliquant en quoi les renseignements sensibles ou préjudiciables en question ne sont ni pertinents ni probants pour la défense de M. Al Jabri.

[78] Sakab prétend que, si elle ne participe pas utilement à l’instance et ne présente pas d’observations, la Cour ne pourra pas appliquer le critère de l’arrêt Ribic et déterminer la pertinence des renseignements au premier volet ni procéder à un exercice de mise en balance au troisième volet, qui inclut l’appréciation de l’importance et de la valeur probante des renseignements.

[79] En réponse à la question de la Cour, qui lui a demandé pourquoi elle doit comprendre parfaitement les arguments et les moyens de défense invoqués et les lois du Royaume d’Arabie saoudite pour statuer sur la demande fondée sur l’article 38, puisque le seuil de pertinence au premier volet de l’arrêt Ribic est peu élevé, Sakab affirme que certains des moyens de défense qu’invoquera M. Al Jabri ne sont pas prévus par les lois du Royaume d’Arabie saoudite. De plus, Sakab affirme qu’elle admettra formellement des faits et que les éléments de preuve présentés par M. Al Jabri à l’égard de ces faits seront donc sans pertinence.

[80] Sakab soutient que, dans sa convention de déclaration, M. Al Jabri a délibérément énoncé des faits qui ne sont pas protégés par le privilège avec des arguments juridiques sur la pertinence de ces faits qui, eux, sont protégés par le privilège afin d’empêcher Sakab d’avoir accès à l’ensemble du document et de les exclure de la procédure prévue par l’article 38.

[81] Sakab allègue en outre que M. Al Jabri a créé la convention de déclaration qui est protégée par le privilège relatif au litige dans le but d’obtenir un avantage en l’espèce en y incluant des renseignements qui ne sont pas protégés par ce privilège – ou des [traduction] « observations secrètes » concernant la pertinence – qu’il a présentés en l’absence des autres parties avant que la Cour entende les observations du défendeur et des défenderesses sur la pertinence de ces renseignements lors de l’audience publique. Il s’agit, selon Sakab, d’un abus de procédure auquel il faut remédier. Sakab conteste la capacité de la Cour à faire abstraction des renseignements contenus dans la convention de déclaration qui sont protégés par le privilège relatif au litige ou qui rendent compte des observations de M. Al Jabri concernant la pertinence.

[82] Sakab fait valoir qu’il existe un principe fondamental selon lequel les documents déposés à la Cour doivent être transmis à toutes les parties. Elle affirme que les demandes fondées sur l’article 38 ne font pas exception à cette règle et que, lorsque le PGC aura terminé d’examiner les renseignements considérés comme sensibles ou préjudiciables et de les avoir caviardés, la version caviardée du document devra être transmise au défendeur et aux défenderesses. Elle soutient que les règles fondamentales d’équité exigent que la version caviardée de la convention de déclaration lui soit communiquée afin qu’elles puissent présenter des observations éclairées et utiles à la Cour sur la façon dont les renseignements qui, selon M. Al Jabri, sont pertinents et sont nécessaires à sa défense, mais auxquels il ne peut avoir accès, ne sont pas du tout pertinents.

[83] Sakab affirme que la participation de l’amicus ne remplace pas sa participation et ne remédie pas à l’iniquité dont elle fait l’objet. Elle renvoie à la décision Canada (Procureur général) c Telbani, 2014 CF 1050, au paragraphe 27 [Telbani], où le juge de Montigny a expliqué que le rôle d’un amicus consiste à représenter les intérêts qui ne sont pas représentés devant la cour. Elle soutient que l’amicus ne représentera pas ses intérêts et qu’elle doit faire valoir leurs propres intérêts compte tenu de la complexité de la présente affaire. Elle croit qu’elle doit participer à l’instance pour atténuer le risque que M. Al Jabri utilise des renseignements secrets pour saboter l’instance principale. Elle ajoute que, comme leurs intérêts ne sont pas les mêmes que ceux du défendeur, l’amicus est dans une position difficile et ne peut pas faire valoir les intérêts de Sakab de façon adéquate.

[84] Sakab conteste le fait que la possibilité pour elle de demander l’autorisation de présenter des observations ex parte (paragraphe 38.11(1)) permettrait de remédier à l’iniquité alléguée. Elle affirme qu’il ne devrait pas être nécessaire qu’elle présente des observations ex parte parce qu’elle devrait pouvoir formuler des observations éclairées au cours de l’audience publique en s’appuyant sur la version caviardée de la convention de déclaration. Elle fait remarquer que M. Al Jabri n’aura pas besoin de demander l’autorisation de présenter des observations ex parte parce qu’il a dissimulé ses [traduction] « observations secrètes » dans sa convention de déclaration.

[85] Comme je l’ai mentionné plus haut, Sakab propose trois options à la Cour, notamment que la Cour ordonne à M. Al Jabri de renoncer au privilège relatif au litige qu’il a invoqué parce que, selon Sakab, la convention de déclaration a été délibérément créée dans le but de l’empêcher de recevoir ce document.

[86] Sakab fait en outre valoir qu’il est [traduction] « ridicule » que M. Al Jabri ait invoqué le privilège relatif au litige à l’égard de la convention de déclaration, car il a transmis ce document au PGC, qui est la partie adverse. En réponse à la question de la Cour, qui lui a demandé pourquoi le PGC serait qualifié de partie adverse alors qu’il n’est pas partie à l’instance principale et qu’il est tenu de protéger les renseignements et de présenter une demande fondée sur l’article 38 lorsque c’est nécessaire, Sakab indique que, dans la demande fondée sur l’article 38 du PGC, M. Al Jabri et elle sont tous deux désignés comme les défendeurs et que le PGC est donc la partie adverse.

[87] En ce qui concerne la proposition de Sakab selon laquelle la Cour devrait ordonner au PGC de retourner la convention de déclaration à M. Al Jabri et ordonner à ce dernier de séparer les renseignements factuels des renseignements qui sont protégés par le privilège relatif au litige avant de renvoyer la convention de déclaration au PGC pour qu’il l’examine, Sakab indique que les directives données par le juge Mosley dans la décision Khawaja CF servent de guide à notre Cour. Dans la décision Khawaja CF, la Cour a ordonné qu’une distinction soit faite entre les allégations fondées sur l’article 38 et les autres allégations de privilège. Sakab soutient que tout inconvénient ou retard pour le PGC, qui a déjà commencé à examiner la convention de déclaration et à consulter les autres organismes qui devaient l’être, n’annule pas l’iniquité dont elle fait l’objet.

[88] Sakab soutient en outre que l’audience publique prévue en février ne devrait pas avoir lieu, à moins qu’une version caviardée de la convention de déclaration ne lui soit fournie suffisamment à l’avance pour qu’elle puisse préparer les observations qu’elle présentera à cette audience.

V. Les observations de M. Al Jabri

A. La question en litige

[89] M. Al Jabri soutient que la requête de Sakab devrait être rejetée ou, subsidiairement, que l’audience relative à cette requête devrait être reportée jusqu’à ce que le PGC examine la convention de déclaration et en transmette une version caviardée à M. Al Jabri et à la Cour.

[90] M. Al Jabri affirme que la seule question que doit trancher la Cour est celle de savoir si Sakab a le droit de demander la production des renseignements contenus dans la convention de déclaration qui ne sont pas protégés en vertu de l’article 38 afin qu’elle puisse présenter des observations à la Cour concernant les premier et troisième volets du critère de l’arrêt Ribic.

[91] M. Al Jabri soutient que la description que fait Sakab des éléments sur lesquels reposent son action pour fraude, dont le rapport de Deloitte, est sans pertinence eu égard à la demande fondée sur l’article 38, qui devrait porter essentiellement sur la question de savoir si les renseignements qui ont été transmis au PGC conformément à deux (et maintenant trois) avis sont sensibles ou préjudiciables. M. Al Jabri indique qu’il s’exprimera sur le bien‐fondé de cette action pour fraude devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

[92] M. Al Jabri conteste les allégations de Sakab selon lesquelles il abuse de la procédure de la Cour. Il explique qu’il a pris l’initiative de rédiger la convention de déclaration et de la transmettre au PGC afin d’éviter que l’action pour fraude soit interrompue par le dépôt d’avis et de demandes fondés sur l’article 38 en plusieurs étapes, étant donné que des renseignements sensibles ou préjudiciables doivent être divulgués (mais ne peuvent pas l’être). Il explique qu’il s’appuiera sur la version caviardée de la convention de déclaration, qui aura été confirmée par notre Cour, et qu’il ne divulguera pas de renseignements préjudiciables dans le cadre de l’instance. Il indique qu’il respectera les règles de procédure civile applicables lorsqu’il présentera des renseignements et des documents durant l’instance. Il affirme qu’il n’est pas tenu de fournir des renseignements à Sakab en dehors du cadre de l’instance. Il fait également remarquer qu’il lui appartient de décider s’il poursuivra ou non sa requête en suspension.

B. Le contexte

[93] La description que fait M. Al Jabri du contexte et de l’état d’avancement de l’instance est différente de celle de Sakab.

[94] Selon M. Al Jabri, il a été démis, en 2015, de ses fonctions gouvernementales de conseiller du prince hériter de l’époque, Muhammad bin Nayef, mais il a ensuite continué de travailler pour ce dernier à titre personnel. Mohammed bin Salman a par la suite succédé à Muhammad bin Nayef à titre de prince héritier. M. Al Jabri soutient que Mohammed bin Salman a exercé des représailles à son encontre et à l’encontre de sa famille parce qu’il soutenait Muhammad bin Nayef.

[95] M. Al Jabri affirme que Sakab interprète mal sa défense dans l’action pour fraude. Ses arguments dans cette action sont les suivants : il a aidé Muhammad bin Nayef à mettre sur pied plusieurs sociétés, qui forment maintenant les sociétés Sakab, afin d’assurer l’exécution de la directive royale de 2007; Muhammad bin Nayef avait autorisé toutes les sommes qui lui ont été versées; Muhammad bin Nayef jouissait d’un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de verser et d’autoriser ces sommes à titre de délégué du roi du Royaume d’Arabie saoudite; ces sommes constituaient une rétribution pour les opérations de lutte contre le terrorisme et les autres opérations similaires que M. Al Jabri avait élaborées et menées; ces sommes avaient été versées dans le contexte des activités de sécurité des sociétés Sakab, pour lesquelles peu de documents ou de dossiers justificatifs avaient intentionnellement été fournis, ou les dossiers étaient délibérément trompeurs afin de dissimuler la participation du Royaume d’Arabie saoudite ou de ses alliés à ces opérations secrètes; M. Al Jabri avait continué de toucher une rémunération après avoir été démis de ses fonctions en 2015.

[96] Dans sa défense, M. Al Jabri soutient également que Sakab n’a pas subi de perte ou de préjudice, parce que les ressources utilisées pour financer les sommes qui lui ont été versées n’appartenaient pas à Sakab. M. Al Jabri fait valoir d’autres arguments, dont les suivants : l’action de Sakab n’est pas justiciable parce que le pouvoir discrétionnaire que confère l’arrêté royal entre en jeu; l’action de Sakab est irrecevable au titre de la Loi sur l’immunité des États parce que les parties concernées (le Royaume d’Arabie saoudite et Muhammad bin Nayef) ne peuvent pas être constituées parties à l’action, ce qui empêche la Cour de rendre une décision équitable; l’action de Sakab constitue un abus de procédure parce qu’elle s’inscrit dans les mesures de représailles qui ont été prises par Mohammed bin Salman à l’encontre de M. Al Jabri.

[97] M. Al Jabri reconnaît que les causes d’action invoquées par Sakab reposent sur les lois du Royaume d’Arabie saoudite. Il affirme que Sakab doit donc satisfaire à un critère à trois volets et démontrer qu’elle a subi un préjudice, que M. Al Jabri en était responsable et que, de par ce fait, un préjudice a été causé à Sakab.

[98] En ce qui a trait à l’argument de Sakab selon lequel M. Al Jabri n’avait pas le droit de recevoir des sommes de la part des sociétés Sakab parce que les lois du Royaume d’Arabie saoudite interdisent aux fonctionnaires d’être rémunérés pour leur participation non autorisée aux activités de sociétés privées, M. Al Jabri répond que Muhammad bin Nayef avait autorisé les sommes qui lui ont été versées en vertu du pouvoir que lui conférait son rôle de délégué du roi aux termes de la [traduction] « directive royale ».

[99] M. Al Jabri ajoute que les lois qui interdisent aux fonctionnaires de toucher une rémunération externe sont des lois pénales du Royaume d’Arabie saoudite et qu’elles outrepassent la compétence des tribunaux de l’Ontario.

[100] M. Al Jabri souligne que, dans sa requête en suspension antérieure, qu’il a déposée en avril 2021, il a soulevé plusieurs motifs, dont la non‐justiciabilité de la cause d’action et l’immunité de juridiction des parties qui auraient dû être ajoutées comme défendeurs. Il fait remarquer que, dans les documents qu’il a déposés, dont son affidavit détaillé, il explique qu’il ne pouvait pas divulguer certains renseignements en raison de leur nature sensible et de l’application de l’article 38. Il explique qu’il a par la suite invoqué d’autres motifs dans sa requête en suspension devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, particulièrement la perte d’éléments de preuve pertinents pour sa défense en raison de la protection d’intérêts touchant la sécurité nationale.

[101] M. Al Jabri affirme que, contrairement à ce qu’allègue Sakab, il souhaite communiquer les renseignements contenus dans sa convention de déclaration pour pouvoir faire valoir sa défense, mais que l’article 38 lui interdit de le faire jusqu’à ce que la Cour détermine s’il peut divulguer ces renseignements.

C. Il n’y a pas d’abus de procédure

[102] M. Al Jabri soutient que, contrairement à ce qu’affirme Sakab, le dossier démontre qu’il n’a pas abusé de la procédure prévue par l’article 38 et qu’il n’a pas non plus manipulé le gouvernement américain pour amener ce dernier à invoquer le privilège des secrets d’État dans l’action intentée aux États‐Unis.

[103] M. Al Jabri affirme qu’il a mentionné le fait qu’il ne pouvait pas divulguer des renseignements sensibles ou préjudiciables dès les premières étapes de l’instance. Il renvoie, par exemple, au dossier de requête qu’il a présenté en février 2021 pour que soit annulée l’ordonnance Mareva, lequel dossier comprenait l’affidavit de son fils, qui soulignait que des renseignements très sensibles étaient en jeu. Il ajoute qu’il a également mentionné dans la requête en suspension qu’il a déposée en avril 2021 (et à laquelle il n’a pas donné suite) qu’il ne pouvait pas divulguer des renseignements sensibles.

[104] M. Al Jabri fait également remarquer qu’il a demandé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario de tenir une CGI au cours de laquelle il demanderait la prorogation du délai pour le dépôt des documents relatifs à sa requête en suspension par suite de l’intervention des procureurs du gouvernement des États‐Unis. Toutefois, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré que la bonne façon de faire serait pour le gouvernement des États‐Unis de demander d’être constitué partie à l’instance, puis de déposer une requête. En raison de cette directive, M. Al Jabri devait déposer son avis de requête et son affidavit (qui comprenait une annexe confidentielle), et c’est ce qu’il a fait.

[105] M. Al Jabri nie que l’instance aux États‐Unis l’avait poussé à modifier sa défense dans l’action en Ontario en faisant remarquer qu’il avait auparavant signalé qu’il ne pouvait pas divulguer les renseignements sur lesquels il devait s’appuyer pour répondre aux allégations.

[106] M. Al Jabri décrit l’action intentée par Sakab au Massachusetts, et son rejet, d’un point de vue différent de celui de Sakab. Il explique que Sakab mentionne l’action parallèle en Ontario et formule les mêmes allégations dans son action aux États‐Unis. Bien que Sakab ait engagé cette action pour qu’il soit donné effet à l’ordonnance Mareva, elle était tenue de démontrer que son action était susceptible d’être accueillie. Le directeur du Renseignement national des États‐Unis a déposé un affidavit classifié dans lequel il invoquait le privilège des secrets d’État. Pour cette raison, l’affaire a été renvoyée à la Cour de district fédérale des États‐Unis. M. Al Jabri soutient que l’action de Sakab a été rejetée parce que ce privilège a été invoqué.

[107] M. Al Jabri fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme Sakab, la question du privilège des secrets d’État aux États‐Unis a été débattue. M. Al Jabri a déposé un dossier de défense de 50 pages en réponse à l’action intentée aux États‐Unis. Il conteste également l’affirmation de Sakab selon laquelle la Cour de district fédérale des États‐Unis a rejeté son action d’office, en soulignant que la Cour avait ordonné à Sakab de démontrer pourquoi son action ne devrait pas être rejetée.

[108] En ce qui concerne les faits plus récents, M. Al Jabri soutient que le dossier ne permet pas de confirmer ce qu’affirme Sakab, à savoir qu’à la fin mai et en juin 2022, il était sur le point de déposer sa requête en suspension et son affidavit à l’appui à la Cour supérieure de justice de l’Ontario ou il avait ces documents prêts à portée de main [traduction] « dans un tiroir ». M. Al Jabri renvoie à la correspondance de mai 2022 avec Sakab dans laquelle il l’informait de son intention de demander une prorogation du délai de dépôt; à l’ordonnance de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans laquelle la date limite pour le dépôt des documents avait été fixée au 6 juin 2022; à la lettre qu’avaient envoyée les procureurs du gouvernement des États‐Unis au PGC pour l’informer que les documents relatifs à la requête que devait déposer M. Al Jabri pourraient contenir des renseignements sensibles; à la lettre qu’avait envoyée le PGC à M. Al Jabri pour lui faire une mise en garde concernant ces renseignements sensibles et l’aviser que ses avocats ne devraient pas recevoir ce type de renseignements s’ils ne possédaient pas les attestations de sécurité nécessaires ou ne respectaient pas les autres protocoles applicables. M. Al Jabri fait en outre valoir que, compte tenu de l’ordonnance antérieure par laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario avait refusé de proroger les délais de dépôt à moins que le gouvernement américain ne demande d’être constitué partie à l’instance et ne dépose la requête qui s’imposait, il est d’avis que la Cour devait rendre une ordonnance pour confirmer qu’il ne pouvait alors pas déposer sa requête en suspension et son affidavit et ne pourrait pas le faire tant que les renseignements sensibles n’avaient pas été caviardés.

[109] M. Al Jabri fait également remarquer que l’avocat du PGC s’est présenté devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour expliquer que des renseignements sensibles ne pouvaient pas être divulgués selon l’article 38. La Cour supérieure de justice de l’Ontario a donc accepté d’ajourner l’audience relative à la requête en suspension de M. Al Jabri.

[110] M. Al Jabri nie qu’il a [traduction] « menacé » de déposer sa requête et son affidavit en juin 2022 lorsque le PGC lui a fait une mise en garde au sujet de l’article 38. Il explique que, en raison des faits décrits ci‐dessus, il ne pouvait pas établir la version finale de son affidavit tant que le PGC n’aurait pas examiné les renseignements sensibles ou préjudiciables qui devaient y figurer et n’aurait pas désigné les renseignements qui seraient visés par l’article 38. Il affirme également qu’il n’était pas tenu de déposer des documents, car la Cour supérieure de justice de l’Ontario avait ajourné sine die l’audience relative à sa requête en suspension le 8 juin 2022.

D. La convention de déclaration

[111] M. Al Jabri nie que la convention de déclaration a été créée dans le but d’y énoncer des renseignements et des observations à l’intention de la Cour et d’exclure Sakab.

[112] M. Al Jabri nie qu’il a retardé la procédure à l’issue de laquelle la demande fondée sur l’article 38 doit être tranchée en faisant remarquer qu’on lui avait initialement interdit de transmettre certains renseignements sensibles à ses avocats. Il explique que, une fois cette question réglée, la convention de déclaration a été préparée afin d’être soumise au PGC pour examen. M. Al Jabri affirme qu’il ne fait aucun doute que l’article 38 s’applique aux renseignements contenus dans la convention de déclaration. Il indique que la convention de déclaration énonce des faits et des renseignements contextuels concernant la manière dont ces faits sont utiles à sa défense.

[113] M. Al Jabri explique que la convention de déclaration est un document de travail qu’ont rédigé ses avocats. Elle a été transmise au PGC pour qu’il relève et caviarde les renseignements sensibles qu’elle contient avant que la Cour ne se prononce sur ceux‐ci, à la suite de quoi M. Al Jabri saura quels renseignements il pourra divulguer pendant le déroulement de l’instance. Selon M. Al Jabri, il s’agit d’un document exhaustif qui vise à éliminer la nécessité que soient présentées des demandes successives fondées sur l’article 38 lorsque les renseignements sont sur le point d’être divulgués dans le cadre de l’instance. Il explique que cette convention de déclaration renferme des renseignements qu’il aimerait pouvoir divulguer durant l’instance, notamment en ce qui concerne sa requête en suspension, mais qu’il doit savoir quels renseignements il ne peut pas divulguer.

[114] M. Al Jabri reconnaît que le privilège relatif au litige ne s’applique pas aux renseignements factuels que renferme la convention de déclaration. Il ajoute que ces renseignements seront [traduction] « fort probablement » divulgués au cours de l’instance (par exemple, lors des interrogatoires préalables, dans les requêtes ou durant le procès), sauf si leur divulgation est interdite suivant la décision rendue en vertu de l’article 38.

[115] M. Al Jabri conteste l’affirmation de Sakab selon laquelle la convention de déclaration contient des [traduction] « observations secrètes » concernant la pertinence des renseignements. Il fait remarquer que le PGC transmettra une version caviardée et non caviardée de cette convention à la Cour, qui pourra facilement déterminer si elle contient des [traduction] « observations secrètes ». Il signale qu’il présentera des observations à l’audience publique (dans la mesure du possible) en ce qui a trait à la pertinence des renseignements et que Sakab aura la possibilité de faire de même.

[116] M. Al Jabri ajoute que Sakab avait convenu que l’audience publique devrait avoir lieu même si le PGC n’avait pas terminé d’examiner la convention de déclaration pour que la procédure puisse suivre son cours et qu’elles semblaient prêtes à présenter des observations sans avoir accès à une version caviardée du document.

E. Il n’y a aucune iniquité envers Sakab

[117] M. Al Jabri convient que la Cour a compétence pour contrôler sa propre procédure en cas d’abus. Il affirme qu’il n’y a pas d’abus de procédure ni d’iniquité envers Sakab.

[118] M. Al Jabri conteste l’affirmation de Sakab selon laquelle elle ne peut pas présenter d’observations sur la pertinence ou la non‐pertinence des renseignements sensibles ou préjudiciables à l’audience publique si elle n’a pas accès à une version caviardée de la convention de déclaration. Il note que Sakab dispose déjà d’une foule d’informations qui lui permet de comprendre la nature des renseignements sensibles et d’avancer des arguments concernant leur pertinence – ou leur non‐pertinence. Il ajoute qu’il ne sait pas si Sakab admettra effectivement des faits qui affaibliront ses moyens de défense, comme elle a dit avoir l’intention de le faire, ou si de telles admissions auront une incidence sur la pertinence ou la non‐pertinence des renseignements contenus dans la convention de déclaration.

[119] M. Al Jabri fait remarquer qu’il appartient au bout du compte au juge des requêtes ou au juge de première instance de la Cour supérieure de justice de l’Ontario de déterminer quels renseignements sont pertinents. Sakab peut tout de même faire valoir devant ce tribunal que les éléments de preuve sur lesquels M. Al Jabri espérait s’appuyer – mais qu’il ne pourra peut‐être pas divulguer – ne seraient pas pertinents.

F. Les options proposées par Sakab devraient être rejetées

[120] M. Al Jabri fait valoir qu’il a le droit de discuter avec ses avocats de la manière dont il répondra à l’action et y participera sans devoir communiquer ces renseignements à Sakab. La convention de déclaration contient des renseignements à ce sujet et est protégée par le privilège relatif au litige.

[121] M. Al Jabri fait remarquer que des renseignements seront fournis à Sakab au cours de l’instance en conformité avec les règles de preuve et les règles de procédure civile. Il souligne également que l’instance n’en est qu’à une étape préliminaire; les actes de procédure ne sont pas encore clos et les interrogatoires préalables n’ont pas encore eu lieu. Il affirme qu’il n’est pas tenu de divulguer des renseignements en dehors du cadre de la procédure civile. Il reconnaît qu’il sera ultérieurement un témoin contraignable, mais il ne l’est pas encore.

[122] En ce qui concerne les options que propose Sakab à la Cour, M. Al Jabri affirme que notre Cour ne peut pas imposer la forme sous laquelle les renseignements visés par un avis sont communiqués au PGC. Le PGC doit examiner les renseignements qui lui sont fournis, quelle qu’en soit la forme. M. Al Jabri soutient qu’il importe peu que les renseignements en litige ne soient pas présentés sous la même forme que ceux qui sont divulgués dans une requête en suspension.

[123] M. Al Jabri soutient en outre que la Cour n’a pas compétence pour lui ordonner de communiquer à Sakab les renseignements qu’il prévoit divulguer ou qu’il pourrait divulguer ultérieurement dans le cadre de l’instance, car une telle ordonnance nuirait à sa défense dans l’instance principale, qui devrait être et sera conforme aux règles de procédure civile.

[124] M. Al Jabri souligne qu’il n’est pas tenu de déposer un avis de requête ou un affidavit, maintenant ou plus tard. Il fait remarquer que la décision de la Cour quant à savoir s’il est interdit de divulguer des renseignements l’aidera à choisir ses moyens de défense, notamment à choisir s’il donnera suite ou non à sa requête en suspension devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et pour quels motifs. Il note que la Cour supérieure de justice de l’Ontario ne lui a pas ordonné de déposer des documents puisqu’elle a ajourné sine die l’audience relative à sa requête parce que le PGC a présenté la demande fondée sur l’article 38 et l’a informée que des renseignements sensibles pourraient être divulgués. Il ajoute que notre Cour n’a pas compétence pour lui ordonner de transmettre son avis de requête et son affidavit au PGC aux fins d’examen, car il pourrait au bout du compte décider de ne pas donner suite à sa requête.

[125] M. Al Jabri fait remarquer que deux droits concurrents sont en jeu : le droit de contrôler lui‐même sa défense et le droit de Sakab de participer à l’audience publique. Il répète qu’il a le contrôle de sa défense dans l’action qui a été intentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario et qu’il suivra les règles de procédure civile. Il affirme qu’il devrait pouvoir rester maître du moment où une version non caviardée de la convention énonçant les faits sur lesquels il s’appuiera sera divulguée dans le cadre de l’instance.

[126] M. Al Jabri fait valoir que, de toute façon, il est prématuré pour la Cour de déterminer s’il est inéquitable de ne pas fournir à Sakab une version caviardée de la convention de déclaration. Il fait remarquer qu’après que le PGC aura examiné cette dernière et aura désigné les renseignements qui doivent être caviardés, le document sera transmis à la Cour, qui pourra distinguer facilement les faits des autres renseignements. La Cour sera ensuite en mesure de déterminer s’il est inéquitable de ne pas fournir à Sakab une version caviardée de la convention de déclaration avant qu’elle puisse présenter des observations à l’audience publique.

[127] M. Al Jabri ajoute que, lorsque le PGC lui renverra la version caviardée du document, il saura s’il doit envisager de le transmettre à Sakab; par exemple, si les renseignements non caviardés sont déjà connus de Sakab ou sont déjà du domaine public.

[128] M. Al Jabri fait également remarquer qu’il pourrait devoir fournir la version caviardée de la convention de déclaration à Sakab après qu’une décision aura été rendue concernant la demande fondée sur l’article 38.

[129] M. Al Jabri a exprimé des réserves à l’égard de l’affirmation de Sakab selon laquelle l’audience publique relative à la demande fondée sur l’article 38 devrait être annulée parce qu’elle devait se tenir en février et durer trois jours et qu’il n’est pas justifié de la reporter davantage. Il soutient que l’audience publique devrait avoir lieu et que des observations supplémentaires pourraient être présentées à une date ultérieure si elles sont justifiées.

[130] M. Al Jabri a aussi réagi à la quatrième option proposée par Sakab en faisant remarquer que le dépôt d’une autre requête dans laquelle Sakab solliciterait la même mesure que celle demandée en l’espèce constituerait un abus de procédure.

VI. Les observations de l’amicus

[131] L’amicus ne prend pas position sur l’issue de la requête de Sakab, mais fournit des explications concernant la procédure prévue par l’article 38.

[132] En ce qui concerne les arguments initialement soulevés par Sakab quant au bien‐fondé du deuxième avis, l’amicus explique qu’il existe quatre [traduction] « voies » ou situations dans lesquelles il faut aviser le PGC de la divulgation à venir de renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables, comme le prévoient les paragraphes 38.01(1) à (4). L’amicus fait remarquer qu’en l’espèce, le premier avis a été donné au PGC conformément au paragraphe 38.01(1), qui dispose que « [t]out participant qui, dans le cadre d’une instance, est tenu de divulguer ou de faire divulguer » ce type de renseignements doit en aviser le PGC. (En l’espèce, le premier avis a été remis au PGC par les anciens avocats de M. Al Jabri.) Le deuxième avis a été fourni conformément au paragraphe 38.01(3), qui prévoit que « [l]e fonctionnaire — à l’exclusion d’un participant — qui croit que peuvent être divulgués » des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peut en aviser le PGC. (En l’espèce, le deuxième avis a été remis au PGC par un agent du SCRS qui croyait que des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables pourraient être divulgués.)

[133] L’amicus note que l’article 38 constitue un « code complet » de la procédure à suivre lorsque la communication de renseignements sensibles est en cause (citant Khawaja CF, au para 89). Plus particulièrement, il renvoie au paragraphe 38.04(5) et aux articles 38.06 à 38.09, 38.11 et 38.12.

[134] L’amicus affirme que, interprété de façon globale, l’article 38 prévoit que les renseignements qui ont été communiqués à l’avocat d’une partie et qui devraient être divulgués ultérieurement, en tout ou en partie, dans le cadre d’une instance peuvent faire l’objet d’un avis au PGC.

[135] L’amicus fait également remarquer qu’après avoir tranché la demande fondée sur l’article 38, la Cour pourra imposer des conditions relativement à l’autorisation de divulguer des renseignements sensibles ou préjudiciables, notamment au juge des faits. L’amicus renvoie à l’approche souple qui a été adoptée dans la décision Khawaja CF, aux paragraphes 37 et 187, où le juge Mosley a ordonné au PGC de communiquer au défendeur des versions caviardées des documents qui font la distinction entre les passages caviardés au titre de l’article 38 et les passages caviardés qui se rapportent à d’autres allégations de privilège. De plus, le juge Mosley a autorisé la divulgation conditionnelle des renseignements sous la forme d’un résumé qui a seulement été transmis aux avocats et qui ne pouvait être utilisé que dans l’instance pénale principale.

[136] L’amicus soutient que, même si les [traduction] « motifs ont changé » depuis que Sakab a déposé sa requête, une entente demeure sur certains points. Il souligne qu’aucune des parties ne cherche à compromettre la divulgation de renseignements sensibles, qu’aucune des parties ne veut être [traduction] « bernée », que l’enjeu de l’instance principale est de taille et que l’action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario devrait être jugée sur le fond.

[137] L’amicus ne prend pas position sur les options que propose Sakab. Cependant, il propose une autre option qui constituerait un [traduction] « compromis ».

[138] L’amicus propose à la Cour d’ordonner à M. Al Jabri de passer en revue la convention de déclaration qu’il a fournie au PGC et de lui attribuer un code de couleur ou d’utiliser un autre moyen pour établir une distinction entre les faits qui sont protégés par le privilège relatif au litige et les renseignements qui ne sont pas protégés par ce privilège. M. Al Jabri pourrait passer en revue la convention de déclaration pendant que le PGC l’examine en consultation avec d’autres organismes. Une fois cet exercice terminé, les passages caviardés par le PGC pourraient être comparés au document assorti d’un code de couleur de M. Al Jabri et il serait facile de repérer les renseignements qui ne sont pas protégés par le privilège relatif au litige et ceux qui n’ont pas été caviardés au titre de l’article 38 et qui pourraient être communiqués à Sakab par M. Al Jabri.

[139] L’amicus fait également remarquer que, lorsqu’elle tranchera la demande fondée sur l’article 38, la Cour pourrait fournir des résumés des renseignements caviardés afin d’atténuer le préjudice découlant de la divulgation de renseignements sensibles et pourrait fournir d’autres directives à la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

VII. La position du PGC

A. La requête devrait être rejetée

[140] Le PGC soutient que la requête de Sakab devrait être rejetée. Il reconnaît que la requête de Sakab dont la Cour est actuellement saisie vise l’obtention d’une ordonnance contre M. Al Jabri, mais affirme qu’il a un intérêt dans la présente affaire. Plus particulièrement, le PGC souhaite pouvoir prendre une décision concernant l’identification des renseignements sensibles ou préjudiciables que contient le document en litige – la convention de déclaration – avant de donner suite à la demande fondée sur l’article 38.

[141] Le PGC note que l’examen des renseignements comprend la consultation d’organismes gouvernementaux canadiens et étrangers, laquelle est déjà en cours. Il mentionne qu’il consulte également des agents du SCRS afin de déterminer s’il peut autoriser maintenant la divulgation de renseignements en vertu du paragraphe 38.03(1).

[142] Le PGC affirme que le premier et le deuxième avis étaient bien‐fondés. Il explique que le deuxième avis, daté du 31 mai 2022 et provenant d’un agent du SCRS, qui faisait référence aux renseignements qui seraient divulgués dans l’avis de requête et l’affidavit de M. Al Jabri, a été décrit en fonction des informations dont disposait l’agent du SCRS à ce moment‐là. Le PGC a été informé du risque que des renseignements soient divulgués et a donné suite à cet avis.

B. La procédure prévue par l’article 38

[143] Le PGC explique qu’il a l’obligation de protéger les renseignements sensibles. Il soutient que le rôle de la Cour fédérale se limite à la procédure prévue par l’article 38; autrement dit, elle doit confirmer s’il est interdit de divulguer des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables ou si leur divulgation dans le cadre de l’instance principale peut être autorisée.

[144] Le PGC fait valoir que la LPC traite de façon exhaustive des renseignements sensibles ou préjudiciables. L’article 38 n’indique pas si ou comment les renseignements devraient être divulgués dans le cadre de l’instance, mais plutôt s’il est interdit de les divulguer. Le PGC n’a aucun rôle à jouer dans la communication des renseignements au tribunal saisi de l’instance principale après que les renseignements ont été caviardés et que la Cour a rendu sa décision.

[145] Le PGC note que la première condition à remplir dans la procédure prévue par l’article 38 est qu’une partie doit avoir l’intention de divulguer des renseignements dans le cadre de l’instance ou il doit être probable qu’elle le fasse. Lorsqu’une partie a l’intention de divulguer des renseignements sensibles ou préjudiciables dans le cadre d’une instance, cette partie ou une autre personne doit en aviser le PGC. Selon la procédure prévue par l’article 38, lorsqu’il reçoit un tel avis, le PGC doit prendre la décision initiale relativement à la protection des renseignements sensibles. Le PGC fait remarquer que les renseignements sont l’objet principal, pas leur forme ni la manière dont ils sont présentés.

[146] Le PGC mentionne que, après avoir examiné les renseignements qui lui ont été fournis à la suite d’un avis, il peut autoriser la divulgation d’une partie de ces renseignements (c’est‐à‐dire qu’il peut indiquer que leur divulgation n’est pas interdite) ou interdire leur divulgation en attendant la confirmation de la Cour. Il explique qu’une fois son examen terminé, il renvoie simplement les renseignements à la personne qui les lui a fournis (après y avoir caviardé ou non des passages).

[147] En l’espèce, lorsque le PGC aura terminé d’examiner la convention de déclaration ou les autres renseignements qui lui ont été fournis, il désignera les renseignements qui sont sensibles ou préjudiciables, il les caviardera et il retournera le document aux avocats de M. Al Jabri qui lui ont transmis la convention de déclaration. Après cela, le PGC donnera suite à la demande fondée sur l’article 38, dans laquelle il demande à la Cour de confirmer toute interdiction de divulgation. Le PGC ne donne aucune directive concernant la manière d’utiliser le document caviardé aux personnes qui lui ont fourni les renseignements pour qu’il les examine et il ne répond pas non plus aux autres allégations de privilège.

[148] Le PGC fait valoir que la procédure prévue par l’article 38 est équitable et qu’on ne devrait pas présumer qu’elle est inéquitable en raison des circonstances. Il convient qu’en l’espèce, le rôle qu’est appelé à jouer l’amicus n’est pas une solution parfaite pour dissiper les doutes de Sakab, mais il est important. De plus, à titre de fonctionnaire de la Cour, le PGC a la responsabilité de veiller à ce que la procédure soit équitable.

[149] Le PGC affirme que Sakab n’est pas exclue de la procédure et qu’elle pourra présenter des observations à l’audience publique concernant la pertinence – ou la non‐pertinence – des renseignements même si elle n’a pas accès à la convention de déclaration.

[150] Le PGC soutient que la procédure prévue par l’article 38 permet à la Cour de rendre une décision équitable concernant les renseignements en litige. La loi est empreinte de souplesse et prévoit plusieurs options qui visent à assurer l’équité de l’instance principale une fois qu’une décision a été rendue.

[151] Le PGC fait remarquer que la procédure prévue par l’article 38 n’en est qu’à une étape préliminaire. Après qu’il aura examiné la convention de déclaration et relevé les renseignements à caviarder, la Cour examinera le document, des observations seront présentées et une audience publique sera tenue, l’amicus présentera des observations qui tiennent compte des positions opposées, Sakab pourraient demander l’autorisation de présenter des observations ex parte et le PGC présentera des observations ex parte. Le PGC fait également remarquer que les paragraphes 38.11(2) et (3) permettent à n’importe quelle partie de présenter des observations ex parte. Contrairement à ce qu’affirment Sakab, il n’est pas inéquitable de permettre la présentation d’observations ex parte.

[152] Le PGC soutient que si la Cour a des doutes quant à l’équité de la procédure, ces doutes peuvent être examinés si et quand ils sont soulevés. De plus, si la Cour confirme l’interdiction de divulguer publiquement des renseignements sensibles, elle peut examiner s’il est possible de divulguer des résumés des renseignements caviardés (à la place des renseignements préjudiciables) ou si les renseignements peuvent être divulgués au juge saisi de l’instance principale et assortir cette divulgation de conditions.

C. Il ne peut pas être donné suite aux options proposées

[153] Le PGC fait valoir qu’il est prématuré pour la Cour d’examiner les options proposées par Sakab en répétant qu’il n’a pas terminé d’examiner la convention de déclaration.

[154] Le PGC affirme qu’il est impossible de donner suite à l’option proposée par Sakab selon laquelle M. Al Jabri devrait revoir la convention de déclaration afin d’y retirer les passages protégés par le privilège relatif au litige avant de lui soumettre le document de nouveau pour qu’il l’examine. Le PGC note que la convention de déclaration énonce à la fois des faits et d’autres renseignements très sensibles qui ne peuvent pas être retranchés. L’ensemble du document fait l’objet du privilège relatif au litige.

[155] Le PGC soutient que des raisons pratiques justifient qu’il poursuive l’examen de la convention de déclaration, tout en précisant que le fait de revenir sur la convention et de transmettre un nouveau document aux organismes gouvernementaux qui doivent être consultés causera de la confusion et des retards et soulèvera des doutes concernant le traitement des renseignements. Il fait remarquer que le processus de consultation est en cours. Il ajoute que ce n’est pas un secret que les renseignements contenus dans la convention de déclaration pourraient soulever des préoccupations en matière de sécurité nationale à l’étranger. Par exemple, les décisions de la Cour de district fédérale des États‐Unis révèlent que des partenaires étrangers ont des intérêts.

VIII. La requête est rejetée

A. L’objet de la requête

[156] La Cour a reçu des observations écrites, a entendu des observations orales et a statué sur la requête en l’espèce, mais elle remet en question l’objet de la requête.

[157] Au cours de l’une des premières CGI qui ont eu lieu après le dépôt de la demande fondée sur l’article 38 par le PGC, Sakab s’est dite préoccupée par les tactiques de M. Al Jabri pour ralentir son action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario ou y faire échec. Le défendeur et les défenderesses ont proposé que l’audience publique se tienne le plus rapidement possible afin de répondre aux préoccupations quant aux retards découlant de la demande fondée sur l’article 38 et, plus particulièrement, aux préoccupations relatives au temps qu’il faudra au PGC pour examiner les documents et repérer les passages qui doivent être caviardés. Il a été convenu que l’audience publique aurait lieu même si le PGC n’avait pas encore terminé d’examiner les renseignements visés par le deuxième avis afin de donner à Sakab et à M. Al Jabri une première occasion de présenter des observations sur la pertinence des renseignements que l’on cherchait à protéger de façon générale. L’objectif était d’utiliser ce processus, quoique nouveau, pour accélérer les prochaines étapes, en particulier la mise au rôle de l’audience ex parte à huis clos, le dépôt d’affidavits confidentiels à cette fin et le prononcé d’une décision finale sur la demande fondée sur l’article 38. Il n’a pas été exclu de tenir une deuxième audience publique — après l’identification des renseignements sensibles ou préjudiciables et leur caviardage et avant la tenue de l’audience ex parte à huis clos.

[158] Bien qu’il ait été convenu de tenir l’audience publique, Sakab a revu sa position et a déposé la requête en l’espèce, qui portait initialement sur le bien‐fondé du deuxième avis au PGC et le fait que M. Al Jabri avait désigné le document contenant des renseignements comme une « convention de déclaration » à l’égard de laquelle le privilège relatif au litige est invoqué.

[159] Le manque de confiance envers la procédure de la Cour et la capacité de cette dernière à contrôler sa procédure est inquiétant puisque la procédure prévue par l’article 38 n’en est qu’à une étape préliminaire. Le PGC n’a pas encore terminé d’examiner la convention de déclaration, mais il a fait observer qu’elle contient des renseignements très sensibles. Lorsque son examen sera terminé, on connaîtra la quantité de renseignements qui ont été caviardés au titre de l’article 38. Si de nombreux passages ont été caviardés, les préoccupations soulevées par Sakab quant au fait de ne pas avoir eu accès à la version caviardée de la convention de déclaration avant de pouvoir présenter des observations sur la pertinence (ou la non‐pertinence) des renseignements seront en grande partie théoriques, car le document ne dévoilerait pas beaucoup d’informations qui pourraient aider davantage Sakab, qu’il fasse ou non l’objet du privilège relatif au litige.

[160] De plus, le résultat global sera le même, que les renseignements soient non pertinents ou qu’ils soient pertinents et préjudiciables.

[161] En règle générale, dans une demande fondée sur l’article 38, le défendeur ou la défenderesse est la partie qui demande la divulgation des renseignements et doit démontrer que les renseignements en litige sont pertinents. Si les renseignements dont le PGC veut interdire la divulgation ne sont pas pertinents pour l’instance principale, leur divulgation est interdite.

[162] M. Al Jabri soutient que les renseignements sont pertinents et essentiels pour sa défense. Sakab fera valoir que les renseignements ne sont pas pertinents pour la défense de M. Al Jabri.

[163] Si la Cour conclut, au premier volet du critère de l’arrêt Ribic, que les renseignements sont pertinents pour trancher l’une des questions en litige dans l’instance principale (ce qui est une exigence peu élevée), et conclut, au deuxième volet, que le PGC a établi que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, alors, au troisième volet, la partie qui demande la divulgation des renseignements doit démontrer que les renseignements devraient être divulgués en dépit du préjudice qui pourrait en résulter (c’est‐à‐dire qu’elle doit démontrer que les raisons d’intérêt public qui militent en faveur de leur divulgation l’emportent sur celles qui militent en faveur de leur non‐divulgation). Comme je l’ai mentionné plus haut, la Cour tient compte de plusieurs facteurs à cette étape, dont l’importance ou la valeur probante des renseignements ou la question de savoir si les renseignements établissent des faits cruciaux pour la cause. En l’espèce, M. Al Jabri devrait faire valoir que les renseignements ont une grande valeur probante et Sakab devrait soutenir le contraire.

[164] Le résultat sera le même, que l’on choisisse l’option que préfère Sakab ou celle que préfère M. Al Jabri : il sera interdit de divulguer les renseignements, soit parce qu’ils ne sont pas pertinents, soit parce qu’ils sont pertinents et préjudiciables et que les raisons d’intérêt public qui militent en faveur de leur non‐divulgation l’emportent sur celles qui militent en faveur de leur divulgation.

[165] Dans l’un ou l’autre des cas, M. Al Jabri ne pourrait pas divulguer les renseignements dont il affirme avoir besoin pour se défendre. Par contre, si la Cour conclut que les renseignements sont à la fois pertinents et préjudiciables et qu’ils ne peuvent pas être divulgués, M. Al Jabri pourrait chercher à invoquer les motifs de la Cour à l’appui de la non‐divulgation des renseignements pour étayer son argument selon lequel il ne peut pas utiliser des éléments de preuve pertinents pour se défendre contre les allégations de Sakab. Toutefois, rien n’empêche Sakab de soulever la question de la pertinence devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario pour étayer son argument selon lequel la défense de M. Al Jabri ne repose pas sur des renseignements préjudiciables dont la divulgation est interdite.

[166] Si Sakab parvient à établir que les renseignements contenus dans la convention de déclaration ne sont pas pertinents au premier volet ou si elle parvient à établir, par exemple, qu’ils n’ont pas une grande valeur probante au troisième volet, leur divulgation demeurera interdite. M. Al Jabri ne pourrait pas se servir de ces renseignements, ce qui, selon Sakab, est ce qu’il veut réellement. Cependant, M. Al Jabri pourrait tout de même chercher à faire valoir devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario que ces renseignements sont pertinents pour étayer un ou plusieurs de ses arguments. Les conclusions tirées par notre Cour concernant la pertinence (ou la non‐pertinence) des renseignements dans le contexte de la demande fondée sur l’article 38 n’empêchent pas la présentation d’arguments relatifs à la pertinence des éléments de preuve au juge des faits dans l’instance civile.

B. La Cour n’a pas à examiner la portée de ses pouvoirs inhérents

[167] Le défendeur, les défenderesses et l’amicus affirment tous que la Cour peut rendre les ordonnances nécessaires en s’appuyant sur sa compétence inhérente de contrôler sa propre procédure. La Cour note qu’elle exercera son pouvoir de contrôler sa propre procédure, ou tout abus de sa procédure, dans le contexte de la demande fondée sur l’article 38. La compétence de la Cour trouve sa source dans la demande dont elle est saisie.

[168] La Cour convient qu’elle a le pouvoir de contrôler sa propre procédure (Compagnie d’assurance vie RBC, aux para 35‐36); cependant, elle ne conclut pas qu’il y a eu abus de procédure. Comme il a été mentionné à plusieurs reprises, le rôle de la Cour est de statuer sur la demande fondée sur l’article 38 conformément à la loi et à la jurisprudence. Contrairement à ce qu’affirme Sakab, elle n’est pas exclues ou [traduction] « tenue à l’écart » de la procédure prévue par l’article 38. Sakab peut présenter des observations à l’audience publique – comme elle avait l’intention de le faire – et peut demander l’autorisation de présenter des observations supplémentaires à l’audience publique ou d’autres observations ex parte.

[169] De plus, les dispositions légales et la jurisprudence établissent que la Cour a une marge de manœuvre suffisante pour trancher une demande fondée sur l’article 38. (Voir, par exemple, Ahmad, au para 44 et la LPC, art 38.06.) Lors de l’examen de la demande fondée sur l’article 38, la Cour déterminera si et comment les renseignements sensibles ou préjudiciables qui ne peuvent pas être divulgués publiquement devraient être communiqués au juge des faits (soit le juge des requêtes ou le juge de première instance) pour qu’il ait les renseignements nécessaires pour trancher les questions qui lui ont été soumises, comme la question de savoir si M. Al Jabri peut se défendre contre l’action sans s’appuyer sur des renseignements dont la divulgation publique est interdite.

C. Le contexte du litige n’influe pas sur la décision de la Cour relativement à la demande fondée sur l’article 38

[170] Sakab et M. Al Jabri décrivent leur participation à l’instance jusqu’à maintenant de manières différentes. Ils s’appuient sur le même dossier pour faire valoir leurs points de vue différents. Sakab allègue que M. Al Jabri a agi délibérément pour l’empêcher de participer à l’instance relative à la demande fondée sur l’article 38 et que cette conduite cadre avec celle qu’il a adoptée jusqu’à maintenant dans l’instance. Sakab va même jusqu’à soutenir que M. Al Jabri a soulevé la question des renseignements sensibles ou préjudiciables pour pouvoir invoquer l’article 38 afin de faire échec à l’instance. Sakab affirme que M. Al Jabri a commis un abus de procédure. M. Al Jabri soutient qu’il respecte les ordonnances antérieures de la Cour supérieure de justice de l’Ontario et les obligations que lui impose l’article 38.

[171] Sakab allègue que M. Al Jabri n’a aucune raison de contester la demande fondée sur l’article 38 du PGC, parce que son véritable objectif est de faire valoir qu’il ne peut pas se défendre contre les allégations de fraude en raison de l’interdiction de divulguer des renseignements et que l’action principale intentée par Sakab devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario devrait donc être rejetée. M. Al Jabri conteste cette allégation et affirme avec insistance qu’il souhaite pouvoir utiliser les renseignements dans sa défense.

[172] La mise en garde qu’a faite Sakab à la Cour en invoquant l’arrêt Ahmad, au paragraphe 74, et en affirmant que M. Al Jabri a présenté des éléments de preuve qui font entrer en jeu l’article 38 dans l’unique but d’entraver l’instance en Ontario n’est pas étayée par le dossier. M. Al Jabri a soulevé la question des renseignements sensibles ou préjudiciables au moins dès avril 2021 et, compte tenu de la nature de l’instance, Sakab n’aurait pas dû être surprises par la nécessité de protéger les renseignements sensibles ou préjudiciables.

[173] Il se peut que le défendeur et les défenderesses adoptent des stratégies qu’ils jugent servir leurs propres intérêts. Toutefois, comme l’a mentionné l’amicus, aucune des parties ne veut être [traduction] « bernée ».

[174] La Cour ne prend pas position sur la question de savoir si la conduite de M. Al Jabri ou de Sakab est astucieuse, stratégique ou frôle la mauvaise foi. Le rôle de la Cour est de statuer sur la demande fondée sur l’article 38.

[175] Comme je l’ai mentionné, Sakab a versé plusieurs pièces au dossier, dont la déclaration, la défense, plusieurs ordonnances rendues par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, les décisions de la Cour de district fédérale des États‐Unis, les affidavits déposés dans le cadre d’autres instances et des transcriptions des contre‐interrogatoires. Le dossier révèle que l’affaire est complexe. Cependant, cela ne change pas la tâche qui incombe à la Cour en ce qui concerne la demande fondée sur l’article 38.

D. La convention de déclaration

[176] Il incombe à la Cour de déterminer s’il y a lieu de confirmer l’interdiction de divulguer les renseignements que le PGC a désignés comme des renseignements sensibles ou préjudiciables (soit l’affidavit et la pièce visés par le premier avis) et qu’il désignera bientôt comme des renseignements sensibles ou préjudiciables (soit la convention de déclaration visée par le deuxième et le troisième avis).

[177] Le PGC a reçu la convention de déclaration conformément au deuxième et au troisième avis. Comme l’a expliqué le PGC, il doit examiner les renseignements, quelle qu’en soit la forme ou la manière dont ils sont présentés. Tel que l’a mentionné le PGC, il est nécessaire de consulter d’autres organismes gouvernementaux canadiens et étrangers.

[178] Selon M. Al Jabri, la convention de déclaration a été rédigée dans le but de fournir tous les renseignements susceptibles d’être par ailleurs divulgués dans le cadre de l’action pour fraude au PGC pour qu’il les examine, afin d’éviter que soit déposée une série d’avis et de demandes fondées sur l’article 38 dans le cadre de l’instance et que de l’incertitude plane quant à savoir quels renseignements peuvent être divulgués.

[179] Le PGC peut présenter une demande fondée sur l’article 38 en tout temps, lorsque c’est nécessaire, même durant une instance ou lorsqu’un témoin est sur le point de témoigner. L’instance principale sera alors interrompue en attendant qu’une décision soit rendue à l’égard de cette demande. En l’espèce, le PGC pourrait devoir présenter une ou plusieurs demandes fondées sur l’article 38 durant le déroulement de l’instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario si et quand d’autres avis lui sont donnés pour l’informer que des renseignements sensibles ou préjudiciables sont sur le point d’être divulgués. Le PGC pourrait même devoir être présent à l’audience afin d’éviter que des renseignements soient divulgués lorsqu’aucun avis ne lui a été donné. Cette approche ad hoc aurait une incidence sur le litige qui pourrait être plus préjudiciable que le fait de trancher les demandes fondées sur l’article 38 dès leur présentation, dans la mesure du possible.

[180] Bien que Sakab considère avec méfiance la création de la convention de déclaration et la revendication du privilège relatif au litige, il peut être plus efficace de traiter le plus d’informations possible en une seule demande pour éviter de retarder davantage l’instance principale. Même si la Cour n’encourage pas la création de nouveaux documents pour les besoins d’une demande fondée sur l’article 38, une telle approche pourrait être justifiée dans les circonstances de l’espèce.

E. Sakab n’est pas exclues de la procédure prévue par l’article 38

[181] L’argument de Sakab selon lequel elle est tenue [traduction] « dans l’ignorance » est exagéré et ne cadre pas avec la chronologie relatée par le défendeur et les défenderesses ou avec le volumineux dossier déposé par Sakab.

[182] Sakab n’est pas exclue de la procédure prévue par l’article 38; elles peut présenter des observations à l’audience publique — et avaient manifestement l’intention de le faire — et elle peut également demander l’autorisation de présenter des observations supplémentaires à l’audience publique ou des observations ex parte. Comme je l’ai mentionné plus haut, le défendeur et les défenderesses ont convenu de la date de l’audience publique.

[183] Sakab conteste le fait qu’elle dispose de suffisamment de renseignements — même si elle n’a pas accès à une version caviardée de la convention de déclaration — pour présenter des observations sur les raisons pour lesquelles les renseignements que M. Al Jabri considère comme pertinents et essentiels pour sa défense ne sont pas du tout pertinents. Cependant, le volumineux dossier comprend notamment : l’avis de requête en suspension des procédures déposé par M. Al Jabri en avril 2021, qui était étayé par un affidavit de 100 pages et une annexe confidentielle (qui n’a pas été produite en raison de l’article 38); la défense de M. Al Jabri, qui indique les arguments qu’il invoquera et la nature des renseignements sensibles qui ne peuvent pas être divulgués; les différentes ordonnances rendues par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, y compris les documents qui ont été présentés dans le contexte de l’ordonnance Mareva; la requête en annulation de l’ordonnance Mareva déposée par M. Al Jabri; la réponse de M. Al Jabri aux requêtes pour outrage au tribunal de Sakab; les décisions d’une Cour de district fédérale des États‐Unis.

[184] Grâce à tous ces documents, Sakab a compris et peut davantage comprendre la position que fera valoir M. Al Jabri dans l’instance et la nature des renseignements qui sont susceptibles de faire l’objet de la demande fondée sur l’article 38, ce qui l’aidera à présenter ses observations quant à la non‐pertinence des renseignements sensibles. De plus, Sakab recevra les observations écrites de M. Al Jabri avant l’audience publique.

[185] Sakab avait informé la Cour que l’audience publique devait durer cinq jours étant donné qu’elle présenterait des observations complètes concernant, entre autres, les lois applicables du Royaume d’Arabie saoudite, les moyens de défense que pourrait faire valoir ou non M. Al Jabri dans l’action pour fraude et les faits qu’elle pourrait admettre et qui rendraient certains renseignements non pertinents. Pour présenter des observations sur ces points, Sakab n’a pas besoin d’avoir accès à une version caviardée de la convention de déclaration.

[186] La décision de la Cour concernant la demande fondée sur l’article 38 satisfera au critère à trois volets de l’arrêt Ribic lorsque le PGC aura terminé d’examiner les renseignements visés par les trois avis.

[187] Je rejette l’hypothèse de Sakab selon laquelle notre Cour ne peut pas décider de la pertinence ou de la non‐pertinence des renseignements caviardés si elle ne présente pas des observations plus détaillées, ce qu’elles ne peuvent faire que si elles reçoivent une version caviardée de la convention de déclaration. Compte tenu du nombre de documents que Sakab a déposés, ainsi que des observations qu’elle a présentées jusqu’à maintenant et qu’elle prévoit présenter, comme je l’ai indiqué plus haut, et des autres observations qu’elle pourrait faire en réponse à celles de M. Al Jabri, la Cour devrait avoir une bonne compréhension de l’instance principale et des questions clés pour déterminer si les renseignements contenus dans la convention de déclaration sont pertinents.

[188] En outre, dans la mesure où Sakab ne connaît pas ou ne peut pas anticiper les renseignements contenus dans la convention de déclaration sur lesquels M. Al Jabri cherche à s’appuyer pour démontrer qu’il ne peut pas se défendre, du moins en ce qui concerne l’argument selon lequel certains renseignements disculpants ne peuvent pas être divulgués, notre Cour pourrait communiquer ces renseignements au juge qui préside l’instance à la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans un résumé ou assortir leur divulgation de conditions très strictes sans qu’ils soient divulgués à Sakab. La Cour n’en est tout simplement pas à ce stade.

F. La procédure prévue par l’article 38 n’est pas inéquitable et aucune iniquité n’a encore été démontrée

[189] La Cour reconnaît que les circonstances sont inhabituelles, car la convention de déclaration visée par le deuxième et le troisième avis n’a pas été déposée dans le cadre de l’instance principale et ne fait pas l’objet d’une ordonnance de communication (comme le ferait le dossier certifié du tribunal dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire, par exemple) et elle est protégée par le privilège relatif au litige. Toutefois, l’existence de circonstances inhabituelles ne signifie pas nécessairement qu’il y a iniquité.

[190] Sakab soutient qu’elle sera la seule partie à l’instance relative à la demande fondée sur l’article 38 qui ne prendra pas connaissance du document caviardé et que cela crée de l’iniquité. Comme je l’ai mentionné, le PGC n’a pas encore terminé d’examiner et de caviarder la convention de déclaration. De nombreux passages du document pourraient être caviardés, comme c’est le cas dans le contexte de certaines demandes fondées sur l’article 38. Si Sakab ne reçoit pas la version caviardée de la convention de déclaration, elle sera dans la même situation que le défendeur dans une demande fondée sur l’article 38 qui reçoit un document considérablement caviardé, mais qui présente tout de même des observations générales sur la pertinence des renseignements caviardés. Notre Cour a tranché de nombreuses demandes fondées sur l’article 38 dans le cadre desquelles le défendeur avait présenté des observations sur un document considérablement caviardé en expliquant pourquoi certains renseignements pouvaient être pertinents et importants pour défendre la thèse de sa cause. Des arguments concernant la non‐pertinence des renseignements pourraient également être soulevés. Il peut s’agir d’un défi pour ces défendeurs, mais ce défi est inhérent à la procédure prévue par l’article 38, qui exige que les renseignements préjudiciables soient protégés en attendant la confirmation de la Cour.

[191] Sakab fait également valoir qu’il existe un principe fondamental selon lequel les documents qui sont déposés et signifiés doivent être transmis à toutes les parties. Toutefois, la convention de déclaration n’a pas encore été déposée devant notre Cour ou dans le cadre de l’instance principale. Rien n’oblige les parties à un litige à communiquer des documents ou des renseignements qui ne sont pas liés à l’instance. La communication ou l’échange de renseignements se fera dans le cadre de l’instance. Comme il a été mentionné à plusieurs reprises à l’audience relative à la présente requête, si le PGC n’avait pas reçu un avis et présenté la demande fondée sur l’article 38, la question de savoir si la convention de déclaration – qui est protégée par le privilège relatif au litige – devrait être transmise à Sakab ne se poserait pas.

[192] Sakab affirme également que la convention de déclaration ne peut pas faire l’objet du privilège relatif au litige, car M. Al Jabri l’a transmise au PGC au lieu de lui communiquer un document énonçant uniquement des faits et aucun renseignement contextuel protégé par ce privilège. La Cour ne considère pas que le PGC a le rôle habituel que jouerait une partie adverse. Le PGC s’acquitte du rôle qui lui incombe en vertu de l’article 38 en examinant les renseignements qui lui ont été fournis conformément aux avis et en demandant à la Cour de confirmer l’interdiction de divulguer des renseignements sensibles ou préjudiciables. Le PGC n’est pas partie à l’instance principale opposant Sakab à M. Al Jabri. Dans le contexte de la demande fondée sur l’article 38, le PGC doit recevoir les renseignements visés par les avis aux fins d’examen et doit respecter les dispositions de la LPC. M. Al Jabri a transmis la convention de déclaration au PGC parce qu’il croit qu’elle contient des renseignements sensibles ou préjudiciables qui seront ultérieurement divulgués dans l’action pour fraude. Le PGC n’agit pas contre Sakab ou M. Al Jabri; il s’acquitte plutôt de l’obligation que lui impose la Loi de protéger contre toute divulgation les renseignements qui pourraient être préjudiciables s’ils sont rendus publics.

[193] Sakab fait également valoir que la création de la convention de déclaration par M. Al Jabri est injuste et constitue un abus de procédure, car le document contient des [traduction] « observations secrètes » concernant la pertinence des renseignements pour M. Al Jabri, ce qui lui donne l’avantage de présenter des observations ex parte à la Cour avant la tenue d’une audience publique. Cette allégation tient de la conjecture. Le fait que M. Al Jabri a indiqué que la convention de déclaration énonce à la fois des faits et des renseignements contextuels ne signifie pas qu’elle contient des [traduction] « observations secrètes » destinées à notre Cour. Lorsqu’elle est saisie d’une demande fondée sur l’article 38, l’objectif de la Cour est de déterminer si elle doit confirmer l’interdiction de divulguer des renseignements sensibles ou préjudiciables. Dans tous les cas, la Cour ne tiendra pas compte des autres parties du document qui sont protégées par d’autres privilèges ni des [traduction] « observations secrètes ». En l’espèce, compte tenu des allégations de Sakab, la Cour serait très attentive à ce point.

[194] Bien que Sakab semble douter de la capacité de la Cour de faire abstraction de ce type de renseignements, la Cour a l’habitude de ne pas tenir compte des renseignements qui ne sont pas pertinents par rapport à la question dont elle est saisie ou qui ne devraient pas lui avoir été présentés.

[195] De plus, des [traduction] « observations secrètes » ne sont pas nécessaires. La Cour entendra les observations de M. Al Jabri à l’audience publique en ce qui concerne la pertinence des renseignements dont il demande la divulgation sans qu’il fasse spécifiquement référence aux renseignements caviardés. M. Al Jabri pourrait expliquer, de façon générale, pourquoi ou comment les renseignements dont il demande la divulgation sont pertinents. La Cour entendra également les observations de Sakab sur la non‐pertinence des renseignements à l’audience publique. Le défendeur et les défenderesses pourraient aussi demander l’autorisation de présenter d’autres observations à l’audience publique ou d’autres observations ex parte.

[196] En l’espèce, la Cour sait que M. Al Jabri connaît le contenu de la convention de déclaration. M. Al Jabri saura quels renseignements ont été caviardés, mais pas Sakab. La Cour comprend également que Sakab n’aura pas accès à la convention de déclaration – à l’égard de laquelle M. Al Jabri invoque le privilège relatif au litige – même après qu’elle aura été caviardée, sauf si M. Al Jabri la lui transmet volontairement. Bien que les circonstances en l’espèce soient différentes de certaines, mais pas de la totalité, des circonstances d’une demande fondée sur l’article 38 dans le cadre de laquelle des documents caviardés sont communiqués à un ou plusieurs défendeurs avant la présentation d’observations à la Cour, l’existence de circonstances différentes ne devrait pas être assimilée à une iniquité.

[197] Le rôle de l’amicus, l’obligation de franchise du PGC et les responsabilités qu’a la Cour dans le cadre d’instances désignées d’examiner minutieusement les documents et de tenir compte de toutes les observations peuvent aider à répondre aux allégations [traduction] « d’iniquité » ou [traduction] « d’inégalité des chances ».

[198] Comme le fait remarquer Sakab, dans la décision X (Re), le juge Noël a expliqué, aux paragraphes 31 à 33, que le juge désigné joue un « rôle élargi de gardien » et qu’il a une « responsabilité prépondérante qui consiste à assurer l’équité et la bonne administration de la justice ». La Cour sait qu’elle a l’obligation d’assurer l’équité.

[199] En ce qui a trait à l’argument de Sakab selon lequel l’amicus ne peut pas représenter ses intérêts de façon adéquate en raison de la complexité de l’affaire, la Cour note que rien n’empêche Sakab de présenter des observations concernant la complexité de l’affaire à l’audience publique. L’amicus peut présenter des observations supplémentaires en ayant l’avantage d’avoir accès à la version caviardée de la convention de déclaration.

[200] Dans la décision Telbani, aux paragraphes 27 et 28, le juge de Montigny a décrit en termes généraux le rôle de l’amicus :

[27] Ceci dit, il n’existe pas de définition précise du rôle de l’amicus qui soit applicable à toutes les situations possibles où une cour peut trouver bénéfique d’obtenir les conseils d’un avocat qui n’agit pas pour les parties : R c Cairenius (2008), 232 CCC(3d) 13, aux paras 52‐59; R c Samra (1998), 41 O.R.(3d) 434 (C.A). On s’entend généralement pour dire que la nomination d’un amicus vise généralement à représenter les intérêts qui ne sont pas représentés devant la cour, à informer cette dernière de certains facteurs dont elle ne serait pas autrement au courant, ou de la conseiller sur une question de droit : voir Procureur général du Canada et al v Aluminium Company of Canada, (1987) 35 D.L.R.(4th) 495, à la p. 505 (C.A.C.‐B.).

[28] Il ne fait pas de doute, cependant, que l’amicus n’est pas l’avocat de l’accusé (dans une instance criminelle) ou du défendeur (dans une instance civile). Le rôle d’un amicus n’est pas davantage assimilable à celui d’un avocat spécial nommé sous l’autorité de l’article 83 de la LIPR dans le contexte d’un certificat de sécurité. Son rôle est de prêter main‐forte au tribunal et d’assurer la bonne administration de la justice, et son seul « client » est le tribunal ou le juge qui l’a nommé. Comme le rappelait le juge Fish (s’exprimant au nom des dissidents) dans l’arrêt Ontario c Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43 (au para 87), « [u]ne fois nommé, l’amicus a une obligation de loyauté et d’intégrité envers le tribunal, et non vis‐à‐vis de l’une ou l’autre des parties à l’instance ».

[Non souligné dans l’original.]

[201] En l’espèce, l’amicus peut représenter les intérêts qui ne sont pas représentés devant la Cour et aider celle‐ci à assurer la bonne administration de la justice, et c’est ce qu’il fera. Bien que le défendeur et les défenderesses divergent d’opinion, l’amicus peut expliquer pourquoi les renseignements caviardés peuvent ou non être pertinents, sans prôner un résultat précis.

[202] S’agissant du fait que Sakab s’appuie sur l’arrêt Ahmad pour faire valoir que la Cour doit empêcher l’iniquité et l’abus de procédure, la Cour connaît bien cet arrêt, qui confirme que la procédure prévue par l’article 38 fonctionne et offre la souplesse nécessaire à la Cour pour assurer l’équité et la bonne administration de la justice. Dans l’arrêt Ahmad, la Cour suprême du Canada formule des directives en ce qui a trait aux options qui s’offrent aux tribunaux une fois qu’ils ont statué sur une demande fondée sur l’article 38. En l’espèce, la Cour doit trancher une question préliminaire qui a été soulevée bien avant qu’elle soit appelée à rendre une décision finale sur la demande fondée sur l’article 38. Au moment opportun, la Cour examinera si et comment le juge qui préside l’instance à la Cour supérieure de justice de l’Ontario devrait recevoir, sous réserve de certaines conditions, des résumés ou des renseignements qui, selon notre Cour, ne peuvent au bout du compte pas être divulgués en raison du préjudice que causerait leur divulgation aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

[203] La Cour a jusqu’à maintenant reçu de nombreuses observations écrites et a entendu des observations orales. Des renseignements concernant les arguments du défendeur et des défenderesses lui ont également été fournis lors de CGI et dans de volumineux dossiers déposés en vue d’une conférence préparatoire. La Cour évaluera la pertinence des renseignements en ayant une parfaite connaissance des observations de Sakab et du fait que Sakab n’a pas vu le document.

[204] Après que le PGC aura examiné la convention de déclaration, relevé les renseignements à caviarder et transmis la version caviardée (et non caviardée) du document à la Cour, et après que la Cour aura reçu et entendu les observations à l’audience publique, la Cour pourrait, si elle estime que Sakab n’a pas bien présenté ses arguments, inviter celle-ci à faire d’autres observations à l’audience publique, notamment en réponse aux questions ciblées que formulera la Cour de manière à protéger les renseignements sensibles ou préjudiciables. Sakab pourrait également demander l’autorisation de présenter des observations ex parte.

G. Il ne peut être donné suite aux options proposées par Sakab

[205] Les options proposées par Sakab reposent sur le fait qu’elle croit que la Cour conclura qu’il y a iniquité à son égard parce qu’elle a été exclue, qu’elle est tenue [traduction] « dans l’ignorance » ou que des [traduction] « observations secrètes » ont été dissimulées dans la convention de déclaration. La Cour n’est pas d’avis que Sakab a été exclue ou qu’elle est tenue [traduction] « dans l’ignorance ». Comme je l’ai mentionné, les allégations selon lesquelles des [traduction] « observations secrètes » sont dissimulées dans la convention de déclaration relèvent de la conjecture.

[206] Bien que la Cour ait le pouvoir de contrôler sa propre procédure, elle ne peut pas pour autant ordonner à M. Al Jabri de renoncer au privilège relatif au litige, de revenir sur la convention de déclaration et de la modifier ou de présenter un avis de requête et un affidavit au PGC pour qu’il les examine.

[207] De plus, aucune des options proposées par Sakab n’aurait pour résultat que Sakab recevrait la version caviardée de la convention de déclaration, à moins que M. Al Jabri ne la lui transmette volontairement.

[208] Comme l’a expliqué le PGC, il doit examiner les renseignements pour repérer les renseignements sensibles ou préjudiciables, puis demander la confirmation de la Cour. Lorsqu’elle statuera sur la demande fondée sur l’article 38, la Cour indiquera quels renseignements ne peuvent pas être divulgués, et non pas ceux qui devraient ou doivent l’être. Les autres renseignements (c’est‐à‐dire ceux qui ne sont pas préjudiciables) pourraient être utilisés ou non dans l’instance principale. Lorsqu’elle statue sur une demande fondée sur l’article 38, la Cour n’ordonne pas que des renseignements soient communiqués ou divulgués. La divulgation ou la communication de renseignements se fait en conformité avec les règles applicables. Par exemple, si les renseignements faisant l’objet d’une demande fondée sur l’article 38 figurent dans un dossier certifié du tribunal, qui doit être communiqué à l’auteur d’une demande de contrôle judiciaire conformément aux Règles des Cours fédérales, les renseignements caviardés seront alors communiqués au décideur, qui devra ensuite transmettre le document caviardé à l’auteur de la demande en conformité avec ces règles. De même, dans d’autres types d’instances civiles, la communication d’un document à une partie se fait en conformité avec les règles de procédure civile applicables.

[209] Comme l’a fait remarquer M. Al Jabri, l’utilisation qu’il fera des renseignements non caviardés dépendra des prochaines démarches qu’il entreprendra pour se défendre dans l’action intentée par Sakab devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, ce qui pourrait comprendre le dépôt d’un avis de requête en suspension des procédures et de documents à l’appui ou les autres processus de l’instruction, tel que le processus d’interrogatoire préalable.

[210] Si les avocats de M. Al Jabri avaient simplement conservé la convention de déclaration ou le dossier qu’ils avaient préparé en vue de l’utiliser pour rédiger d’autres documents, et si la convention de déclaration ne faisait pas l’objet d’un avis qui a été remis au PGC conformément à l’article 38.01, nul ne s’attendrait à ce que ce document soit transmis à Sakab.

[211] Rien ne permet à la Cour d’ordonner à M. Al Jabri de réviser le document qui a été remis au PGC en conformité avec le deuxième et le troisième avis (la convention de déclaration) pour y supprimer les renseignements qui font l’objet du privilège relatif au litige et y énoncer seulement les faits avant de soumettre un nouveau document au PGC.

[212] La convention de déclaration fait expressément l’objet d’un avis au PGC – le troisième avis – et est également visée par le deuxième avis. Tel qu’il a été expliqué, le PGC a reçu les renseignements et doit les examiner, quelle qu’en soit la forme ou la manière dont ils sont présentés. Le PGC examine actuellement la convention de déclaration et consulte d’autres organismes gouvernementaux. Si le PGC revenait maintenant sur la convention de déclaration et transmettait un document différent aux autres organismes gouvernementaux qui auraient pu être consultés, la protection des renseignements sensibles et préjudiciables serait compromise.

[213] Sakab renvoie à l’affaire Khawaja, qui constitue un exemple de cas où la Cour a ordonné qu’une distinction soit faite entre les passages caviardés au titre de l’article 38 et les passages caviardés au titre d’un autre privilège. La Cour connaît les options qui s’offrent à elle lorsqu’elle est appelée à déterminer s’il y a lieu de confirmer le caviardage de passages qui n’ont pas encore été désignés à cette fin par le PGC. Dans l’affaire Khawaja, les documents en cause avaient été communiqués au défendeur. Le juge Mosley a fait observer que les passages caviardés comprenaient les renseignements qui avaient été caviardés au titre de l’article 38 et d’autres renseignements. Le juge Mosley n’a pas ordonné que les documents en cause soient divulgués; la divulgation a été faite en conformité avec les obligations des avocats de la poursuite. Sakab semble affirmer que le renvoi du juge Mosley au nouvel affidavit qui avait été déposé pour distinguer les passages caviardés constitue un précédent pour notre Cour. Cependant, les circonstances en l’espèce sont différentes, car le PGC n’a pas terminé d’examiner et de caviarder la convention de déclaration et la Cour n’a pas encore reçu une version caviardée du document.

H. L’option proposée par l’amicus

[214] M. Al Jabri fait remarquer que le [traduction] « compromis » proposé par l’amicus ne tient pas compte du fait qu’il n’est pas obligé de fournir la convention de déclaration, qu’il y ait supprimé ou non les passages faisant l’objet du privilège relatif au litige, sauf s’il communique le document en conformité avec les règles de procédure civile. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Cour est du même avis. M. Al Jabri devrait néanmoins envisager d’adopter la solution proposée par l’amicus en y apportant des modifications.

[215] Si, comme il l’affirme, M. Al Jabri souhaite toujours que l’instance relative à la demande fondée sur l’article 38 suive son cours afin d’éviter que l’instance principale devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario soit davantage retardée, et s’il demeure déterminé à décider s’il donnera suite à sa requête en suspension ou s’il peaufinera sa défense, il pourrait réviser la convention de déclaration maintenant (pendant que le PGC l’examine et consulte d’autres organismes gouvernementaux) afin de repérer et de caviarder les passages qui font l’objet du privilège relatif au litige. Par la suite, lorsqu’il recevra le document dans lequel le PGC aura caviardé les renseignements sensibles et préjudiciables, M. Al Jabri pourra envisager de transmettre volontairement à Sakab la convention de déclaration contenant les caviardages du PGC au titre de l’article 38 et ses caviardages au titre du privilège relatif au litige. Bien qu’il ne soit peut‐être pas possible de séparer les éléments de la convention de déclaration, comme l’a noté le PGC, et bien qu’on ne connaisse pas la quantité de renseignements qui seront caviardés, cette option mérite d’être envisagée par M. Al Jabri.

I. L’instance relative à la demande fondée sur l’article 38 devrait suivre son cours

[216] De même, si Sakab souhaite que son action pour fraude suive son cours sans que l’instance soit davantage retardée et sans que d’autres demandes fondées sur l’article 38 soient déposées, ce qui pourrait entraîner la suspension temporaire des procédures, elle devrait donner suite à son intention initiale, qui était de présenter des observations sur la demande fondée sur l’article 38 à l’audience publique en février 2023 en s’appuyant sur les renseignements détaillés qu’elle possède déjà et sur les autres observations que formulera M. Al Jabri, et auxquelles elle pourra répondre.

[217] Les allégations d’iniquité de Sakab sont prématurées. Le PGC n’a pas encore terminé d’examiner la convention de déclaration et celle‐ci n’a pas encore été communiquée à la Cour. Si de nombreux passages de la convention de déclaration sont caviardés et si Sakab en est informée, Sakab pourrait modifier ses arguments concernant le fait qu’elle doit recevoir une version caviardée du document. Sakab peut présenter des observations à l’audience publique de la même manière que le feraient d’autres défendeurs ayant reçu un document considérablement caviardé et elle ferait face aux mêmes difficultés que ces derniers; les observations de Sakab à l’audience publique seront fondées sur les renseignements détaillés qu’elle possède déjà et sur les observations que fera M. Al Jabri à l’audience publique.

[218] Comme je l’ai mentionné, après que la Cour aura reçu la version caviardée de la convention de déclaration et aura entendu les observations à l’audience publique, elle pourra, si elle doute que Sakab a bien fait valoir son point de vue, inviter cette dernière à formuler d’autres observations à l’audience publique ou à répondre à des questions précises que la Cour lui posera. Sakab peut également demander l’autorisation de présenter des observations ex parte.

[219] De plus, comme il a été mentionné à plusieurs reprises, la Cour dispose de plusieurs options pour assurer l’équité tout en protégeant les renseignements préjudiciables. La Cour étudiera ces options lorsqu’elle évaluera si le critère à trois volets de l’arrêt Ribic a été respecté et, plus particulièrement, lorsqu’elle déterminera comment atténuer tout préjudice si elle autorise la divulgation, dans la mesure du possible, des renseignements jugés pertinents. La Cour n’en est pas encore à ce stade.

[220] Après avoir statué sur la demande fondée sur l’article 38 et avoir confirmé si la divulgation publique d’une partie ou de la totalité des renseignements qui n’ont pas encore été caviardés par le PGC doit demeurer interdite, la Cour étudiera les options disponibles selon les circonstances. Par exemple, la Cour pourrait envisager de communiquer des résumés non préjudiciables des renseignements préjudiciables ou de transmettre les renseignements préjudiciables uniquement au juge de première instance ou au juge des requêtes et assortir leur divulgation de conditions strictes, afin de protéger les renseignements sensibles ou préjudiciables et les renseignements protégés par d’autres privilèges.

[221] Bien que les arguments de Sakab portent sur cette étape initiale du processus, son allégation d’iniquité est liée au fait qu’elle craint que M. Al Jabri fasse valoir qu’il ne peut pas se défendre s’il ne peut pas s’appuyer sur des renseignements pertinents dont la divulgation est interdite. Rien n’empêche Sakab de faire valoir à l’instance devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario que ces renseignements ne sont pas du tout pertinents. Le juge de première instance ou le juge des requêtes pourra tenir compte de la pertinence – ou de la non‐pertinence – des renseignements dont la divulgation est interdite en ayant l’avantage de pouvoir s’appuyer sur les communications et les renseignements que lui aura transmis notre Cour.

[222] En outre, notre Cour sera saisie de toute autre demande connexe fondée sur l’article 38 qui pourrait être présentée si une partie souhaite divulguer des renseignements qui ne sont pas visés par la demande en l’espèce dans le cadre de l’instance principale.


ORDONNANCE dans le dossier DES‐5‐22

LA COUR REND L’ORDONNANCE suivante :

  1. La requête des défenderesses Sakab et al. est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Catherine M. Kane »

Juge


ANNEXE 1

Dispositions pertinentes de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985), ch. C‐5)

Relevant provisions of the Canada Evidence Act (R.S.C., 1985, c. C‐5)

38 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 38.01 à 38.15.

38 The following definitions apply in this section and in sections 38.01 to 38.15.

instance Procédure devant un tribunal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de contraindre la production de renseignements. (proceeding)

judge means the Chief Justice of the Federal Court or a judge of that Court designated by the Chief Justice to conduct hearings under section 38.04. (juge)

juge Le juge en chef de la Cour fédérale ou le juge de ce tribunal désigné par le juge en chef pour statuer sur les questions dont est saisi le tribunal en application de l’article 38.04. (judge)

participant means a person who, in connection with a proceeding, is required to disclose, or expects to disclose or cause the disclosure of, information. (participant)

participant Personne qui, dans le cadre d’une instance, est tenue de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements. (participant)

potentially injurious information means information of a type that, if it were disclosed to the public, could injure international relations or national defence or national security. (renseignements potentiellement préjudiciables)

poursuivant Représentant du procureur général du Canada ou du procureur général d’une province, particulier qui agit à titre de poursuivant dans le cadre d’une instance ou le directeur des poursuites militaires, au sens de la Loi sur la défense nationale. (prosecutor)

proceeding means a proceeding before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information. (instance)

renseignements potentiellement préjudiciables Les renseignements qui, s’ils sont divulgués, sont susceptibles de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. (potentially injurious information)

prosecutor means an agent of the Attorney General of Canada or of the Attorney General of a province, the Director of Military Prosecutions under the National Defence Act or an individual who acts as a prosecutor in a proceeding. (poursuivant)

renseignements sensibles Les renseignements, en provenance du Canada ou de l’étranger, qui concernent les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement du Canada et qui sont du type des renseignements à l’égard desquels celui‐ci prend des mesures de protection. (sensitive information)

sensitive information means information relating to international relations or national defence or national security that is in the possession of the Government of Canada, whether originating from inside or outside Canada, and is of a type that the Government of Canada is taking measures to safeguard. (renseignements sensibles)

Avis au procureur général du Canada

Notice to Attorney General of Canada

38.01 (1) Tout participant qui, dans le cadre d’une instance, est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer ou de faire divulguer des renseignements dont il croit qu’il s’agit de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables est tenu d’aviser par écrit, dès que possible, le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation et de préciser dans l’avis la nature, la date et le lieu de l’instance.

38.01 (1) Every participant who, in connection with a proceeding, is required to disclose, or expects to disclose or cause the disclosure of, information that the participant believes is sensitive information or potentially injurious information shall, as soon as possible, notify the Attorney General of Canada in writing of the possibility of the disclosure, and of the nature, date and place of the proceeding.

Au cours d’une instance

During a proceeding

(2) Tout participant qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d’être divulgués par lui ou par une autre personne au cours d’une instance est tenu de soulever la question devant la personne qui préside l’instance et d’aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l’objet de l’avis prévu au paragraphe (1). Le cas échéant, la personne qui préside l’instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(2) Every participant who believes that sensitive information or potentially injurious information is about to be disclosed, whether by the participant or another person, in the course of a proceeding shall raise the matter with the person presiding at the proceeding and notify the Attorney General of Canada in writing of the matter as soon as possible, whether or not notice has been given under subsection (1). In such circumstances, the person presiding at the proceeding shall ensure that the information is not disclosed other than in accordance with this Act.

Avis par un fonctionnaire

Notice of disclosure from official

(3) Le fonctionnaire — à l’exclusion d’un participant — qui croit que peuvent être divulgués dans le cadre d’une instance des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peut aviser par écrit le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation; le cas échéant, l’avis précise la nature, la date et le lieu de l’instance.

(3) An official, other than a participant, who believes that sensitive information or potentially injurious information may be disclosed in connection with a proceeding may notify the Attorney General of Canada in writing of the possibility of the disclosure, and of the nature, date and place of the proceeding.

Au cours d’une instance

During a proceeding

(4) Le fonctionnaire — à l’exclusion d’un participant — qui croit que des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables sont sur le point d’être divulgués au cours d’une instance peut soulever la question devant la personne qui préside l’instance; le cas échéant, il est tenu d’aviser par écrit le procureur général du Canada de la question dès que possible, que ces renseignements aient fait ou non l’objet de l’avis prévu au paragraphe (3) et la personne qui préside l’instance veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la présente loi.

(4) An official, other than a participant, who believes that sensitive information or potentially injurious information is about to be disclosed in the course of a proceeding may raise the matter with the person presiding at the proceeding. If the official raises the matter, he or she shall notify the Attorney General of Canada in writing of the matter as soon as possible, whether or not notice has been given under subsection (3), and the person presiding at the proceeding shall ensure that the information is not disclosed other than in accordance with this Act.

Instances militaires

Military proceedings

(5) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, les avis prévus à l’un des paragraphes (1) à (4) sont donnés à la fois au procureur général du Canada et au ministre de la Défense nationale.

(5) In the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, notice under any of subsections (1) to (4) shall be given to both the Attorney General of Canada and the Minister of National Defence.

Exception

Exception

(6) Le présent article ne s’applique pas :

(6) This section does not apply when

a) à la communication de renseignements par une personne à son avocat dans le cadre d’une instance, si ceux‐ci concernent l’instance;

(a) the information is disclosed by a person to their solicitor in connection with a proceeding, if the information is relevant to that proceeding;

b) aux renseignements communiqués dans le cadre de l’exercice des attributions du procureur général du Canada, du ministre de la Défense nationale, du juge ou d’un tribunal d’appel ou d’examen au titre de l’article 38, du présent article, des articles 38.02 à 38.13 ou des articles 38.15 ou 38.16;

(b) the information is disclosed to enable the Attorney General of Canada, the Minister of National Defence, a judge or a court hearing an appeal from, or a review of, an order of the judge to discharge their responsibilities under section 38, this section and sections 38.02 to 38.13, 38.15 and 38.16;

c) aux renseignements dont la divulgation est autorisée par l’institution fédérale qui les a produits ou pour laquelle ils ont été produits ou, dans le cas où ils n’ont pas été produits par ou pour une institution fédérale, par la première institution fédérale à les avoir reçus;

(c) disclosure of the information is authorized by the government institution in which or for which the information was produced or, if the information was not produced in or for a government institution, the government institution in which it was first received; or

d) aux renseignements divulgués auprès de toute entité mentionnée à l’annexe et, le cas échéant, à une application figurant en regard d’une telle entité.

(d) the information is disclosed to an entity and, where applicable, for a purpose listed in the schedule.

Exception

Exception

(7) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas au participant si une institution gouvernementale visée à l’alinéa (6)c) l’informe qu’il n’est pas nécessaire, afin d’éviter la divulgation des renseignements visés à cet alinéa, de donner un avis au procureur général du Canada au titre du paragraphe (1) ou de soulever la question devant la personne présidant une instance au titre du paragraphe (2).

(7) Subsections (1) and (2) do not apply to a participant if a government institution referred to in paragraph (6)(c) advises the participant that it is not necessary, in order to prevent disclosure of the information referred to in that paragraph, to give notice to the Attorney General of Canada under subsection (1) or to raise the matter with the person presiding under subsection (2).

Annexe

Schedule

(8) Le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter, modifier ou supprimer la mention, à l’annexe, d’une entité ou d’une application figurant en regard d’une telle entité.

(8) The Governor in Council may, by order, add to or delete from the schedule a reference to any entity or purpose, or amend such a reference.

Interdiction de divulgation

Disclosure prohibited

38.02 (1) Sous réserve du paragraphe 38.01(6), nul ne peut divulguer, dans le cadre d’une instance :

38.02 (1) Subject to subsection 38.01(6), no person shall disclose in connection with a proceeding

a) les renseignements qui font l’objet d’un avis donné au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4);

(a) information about which notice is given under any of subsections 38.01(1) to (4);

b) le fait qu’un avis est donné au procureur général du Canada au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4), ou à ce dernier et au ministre de la Défense nationale au titre du paragraphe 38.01(5);

(b) the fact that notice is given to the Attorney General of Canada under any of subsections 38.01(1) to (4), or to the Attorney General of Canada and the Minister of National Defence under subsection 38.01(5);

c) le fait qu’une demande a été présentée à la Cour fédérale au titre de l’article 38.04, qu’il a été interjeté appel d’une ordonnance rendue au titre de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à une telle demande ou qu’une telle ordonnance a été renvoyée pour examen;

(c) the fact that an application is made to the Federal Court under section 38.04 or that an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in connection with the application is instituted; or

d) le fait qu’un accord a été conclu au titre de l’article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6).

(d) the fact that an agreement is entered into under section 38.031 or subsection 38.04(6).

Entités

Entities

(1.1) Dans le cas où une entité mentionnée à l’annexe rend, dans le cadre d’une application qui y est mentionnée en regard de celle‐ci, une décision ou une ordonnance qui entraînerait la divulgation de renseignements sensibles ou de renseignements potentiellement préjudiciables, elle ne peut les divulguer ou les faire divulguer avant que le procureur général du Canada ait été avisé de ce fait et qu’il se soit écoulé un délai de dix jours postérieur à l’avis.

(1.1) When an entity listed in the schedule, for any purpose listed there in relation to that entity, makes a decision or order that would result in the disclosure of sensitive information or potentially injurious information, the entity shall not disclose the information or cause it to be disclosed until notice of intention to disclose the information has been given to the Attorney General of Canada and a period of 10 days has elapsed after notice was given.

Exceptions

Exceptions

(2) La divulgation des renseignements ou des faits visés au paragraphe (1) n’est pas interdite :

(2) Disclosure of the information or the facts referred to in subsection (1) is not prohibited if

a) si le procureur général du Canada l’autorise par écrit au titre de l’article 38.03 ou par un accord conclu en application de l’article 38.031 ou du paragraphe 38.04(6);

(a) the Attorney General of Canada authorizes the disclosure in writing under section 38.03 or by agreement under section 38.031 or subsection 38.04(6); or

b) si le juge l’autorise au titre de l’un des paragraphes 38.06(1) ou (2) et que le délai prévu ou accordé pour en appeler a expiré ou, en cas d’appel ou de renvoi pour examen, sa décision est confirmée et les recours en appel sont épuisés.

(b) a judge authorizes the disclosure under subsection 38.06(1) or (2) or a court hearing an appeal from, or a review of, the order of the judge authorizes the disclosure, and either the time provided to appeal the order or judgment has expired or no further appeal is available.

Autorisation de divulgation par le procureur général du Canada

Authorization by Attorney General of Canada

38.03 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment, autoriser la divulgation de tout ou partie des renseignements ou des faits dont la divulgation est interdite par le paragraphe 38.02(1) et assortir son autorisation des conditions qu’il estime indiquées.

38.03 (1) The Attorney General of Canada may, at any time and subject to any conditions that he or she considers appropriate, authorize the disclosure of all or part of the information and facts the disclosure of which is prohibited under subsection 38.02(1).

Instances militaires

Military proceedings

(2) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, le procureur général du Canada ne peut autoriser la divulgation qu’avec l’assentiment du ministre de la Défense nationale.

(2) In the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, the Attorney General of Canada may authorize disclosure only with the agreement of the Minister of National Defence.

Notification

Notice

(3) Dans les dix jours suivant la réception du premier avis donné au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4) relativement à des renseignements donnés, le procureur général du Canada notifie par écrit sa décision relative à la divulgation de ces renseignements à toutes les personnes qui ont donné un tel avis.

(3) The Attorney General of Canada shall, within 10 days after the day on which he or she first receives a notice about information under any of subsections 38.01(1) to (4), notify in writing every person who provided notice under section 38.01 about that information of his or her decision with respect to disclosure of the information.

Accord de divulgation

Disclosure agreement

38.031 (1) Le procureur général du Canada et la personne ayant donné l’avis prévu aux paragraphes 38.01(1) ou (2) qui n’a pas l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance, mais veut divulguer ou faire divulguer les renseignements qui ont fait l’objet de l’avis ou les faits visés aux alinéas 38.02(1)b) à d), peuvent, avant que cette personne présente une demande à la Cour fédérale au titre de l’alinéa 38.04(2)c), conclure un accord prévoyant la divulgation d’une partie des renseignements ou des faits ou leur divulgation assortie de conditions.

38.031 (1) The Attorney General of Canada and a person who has given notice under subsection 38.01(1) or (2) and is not required to disclose information but wishes, in connection with a proceeding, to disclose any facts referred to in paragraphs 38.02(1)(b) to (d) or information about which he or she gave the notice, or to cause that disclosure, may, before the person applies to the Federal Court under paragraph 38.04(2)(c), enter into an agreement that permits the disclosure of part of the facts or information or disclosure of the facts or information subject to conditions.

Exclusion de la demande à la Cour fédérale

No application to Federal Court

(2) Si un accord est conclu, la personne ne peut présenter de demande à la Cour fédérale au titre de l’alinéa 38.04(2)c) relativement aux renseignements ayant fait l’objet de l’avis qu’elle a donné au procureur général du Canada au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2).

(2) If an agreement is entered into under subsection (1), the person may not apply to the Federal Court under paragraph 38.04(2)(c) with respect to the information about which he or she gave notice to the Attorney General of Canada under subsection 38.01(1) or (2).

Demande à la Cour fédérale : procureur général du Canada

Application to Federal Court — Attorney General of Canada

38.04 (1) Le procureur général du Canada peut, à tout moment et en toutes circonstances, demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements à l’égard desquels il a reçu un avis au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4).

38.04 (1) The Attorney General of Canada may, at any time and in any circumstances, apply to the Federal Court for an order with respect to the disclosure of information about which notice was given under any of subsections 38.01(1) to (4).

Demande à la Cour fédérale : dispositions générales

Application to Federal Court — general

(2) Si, en ce qui concerne des renseignements à l’égard desquels il a reçu un avis au titre de l’un des paragraphes 38.01(1) à (4), le procureur général du Canada n’a pas notifié sa décision à l’auteur de l’avis en conformité avec le paragraphe 38.03(3) ou, sauf par un accord conclu au titre de l’article 38.031, n’a pas autorisé la divulgation des renseignements ou n’en a autorisé la divulgation que d’une partie ou a assorti de conditions son autorisation de divulgation :

(2) If, with respect to information about which notice was given under any of subsections 38.01(1) to (4), the Attorney General of Canada does not provide notice of a decision in accordance with subsection 38.03(3) or, other than by an agreement under section 38.031, does not authorize the disclosure of the information or authorizes the disclosure of only part of the information or authorizes the disclosure subject to any conditions,

a) il est tenu de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements si la personne qui l’a avisé au titre des paragraphes 38.01(1) ou (2) est un témoin;

(a) the Attorney General of Canada shall apply to the Federal Court for an order with respect to disclosure of the information if a person who gave notice under subsection 38.01(1) or (2) is a witness;

b) la personne — à l’exclusion d’un témoin — qui a l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance est tenue de demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements;

(b) a person, other than a witness, who is required to disclose information in connection with a proceeding shall apply to the Federal Court for an order with respect to disclosure of the information; and

c) la personne qui n’a pas l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre d’une instance, mais qui veut en divulguer ou en faire divulguer, peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance concernant la divulgation des renseignements.

(c) a person who is not required to disclose information in connection with a proceeding but who wishes to disclose it or to cause its disclosure may apply to the Federal Court for an order with respect to disclosure of the information.

Notification du procureur général

Notice to Attorney General of Canada

(3) La personne qui présente une demande à la Cour fédérale au titre des alinéas (2)b) ou c) en notifie le procureur général du Canada.

(3) A person who applies to the Federal Court under paragraph (2)(b) or (c) shall provide notice of the application to the Attorney General of Canada.

Dossier du tribunal

Court records

(4) Sous réserve de l’alinéa (5)a.1), toute demande présentée en application du présent article est confidentielle. Pendant la période durant laquelle la demande est confidentielle, l’administrateur en chef du Service administratif des tribunaux judiciaires peut, sous réserve de l’article 38.12, prendre les mesures qu’il estime indiquées en vue d’assurer la confidentialité de la demande et des renseignements sur lesquels elle porte.

(4) Subject to paragraph (5)(a.1), an application under this section is confidential. During the period when an application is confidential, the Chief Administrator of the Courts Administration Service may, subject to section 38.12, take any measure that he or she considers appropriate to protect the confidentiality of the application and the information to which it relates.

Procédure

Procedure

(5) Dès que la Cour fédérale est saisie d’une demande présentée au titre du présent article, le juge :

(5) As soon as the Federal Court is seized of an application under this section, the judge

a) entend les observations du procureur général du Canada — et du ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi — sur l’opportunité de rendre publique la demande;

(a) shall hear the representations of the Attorney General of Canada and, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, the Minister of National Defence, with respect to making the application public;

a.1) s’il estime que la demande devrait être rendue publique, ordonne qu’elle le soit;

(a.1) shall, if he or she decides that the application should be made public, make an order to that effect;

a.2) entend les observations du procureur général du Canada — et du ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi — sur l’identité des parties ou des témoins dont les intérêts sont touchés par l’interdiction de divulgation ou les conditions dont l’autorisation de divulgation est assortie et sur les personnes qui devraient être avisées de la tenue d’une audience;

(a.2) shall hear the representations of the Attorney General of Canada and, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, the Minister of National Defence, concerning the identity of all parties or witnesses whose interests may be affected by either the prohibition of disclosure or the conditions to which disclosure is subject, and concerning the persons who should be given notice of any hearing of the matter;

b) décide s’il est nécessaire de tenir une audience;

(b) shall decide whether it is necessary to hold any hearing of the matter;

c) s’il estime qu’une audience est nécessaire :

(c) if he or she decides that a hearing should be held, shall

(i) spécifie les personnes qui devraient en être avisées,

(i) determine who should be given notice of the hearing,

(ii) ordonne au procureur général du Canada de les aviser,

(ii) order the Attorney General of Canada to notify those persons, and

(iii) détermine le contenu et les modalités de l’avis;

(iii) determine the content and form of the notice; and

d) s’il l’estime indiqué en l’espèce, peut donner à quiconque la possibilité de présenter des observations.

(d) if he or she considers it appropriate in the circumstances, may give any person the opportunity to make representations.

Accord de divulgation

Disclosure agreement

(6) Après la saisine de la Cour fédérale d’une demande présentée au titre de l’alinéa (2)c) ou l’institution d’un appel ou le renvoi pour examen d’une ordonnance du juge rendue en vertu de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette demande, et avant qu’il soit disposé de l’appel ou de l’examen :

(6) After the Federal Court is seized of an application made under paragraph (2)(c) or, in the case of an appeal from, or a review of, an order of the judge made under any of subsections 38.06(1) to (3) in connection with that application, before the appeal or review is disposed of,

a) le procureur général du Canada peut conclure avec l’auteur de la demande un accord prévoyant la divulgation d’une partie des renseignements ou des faits visés aux alinéas 38.02(1)b) à d) ou leur divulgation assortie de conditions;

(a) the Attorney General of Canada and the person who made the application may enter into an agreement that permits the disclosure of part of the facts referred to in paragraphs 38.02(1)(b) to (d) or part of the information or disclosure of the facts or information subject to conditions; and

b) si un accord est conclu, le tribunal n’est plus saisi de la demande et il est mis fin à l’audience, à l’appel ou à l’examen.

(b) if an agreement is entered into, the Court’s consideration of the application or any hearing, review or appeal shall be terminated.

Fin de l’examen judiciaire

Termination of Court consideration, hearing, review or appeal

(7) Sous réserve du paragraphe (6), si le procureur général du Canada autorise la divulgation de tout ou partie des renseignements ou supprime les conditions dont la divulgation est assortie après la saisine de la Cour fédérale aux termes du présent article et, en cas d’appel ou d’examen d’une ordonnance du juge rendue en vertu de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3), avant qu’il en soit disposé, le tribunal n’est plus saisi de la demande et il est mis fin à l’audience, à l’appel ou à l’examen à l’égard de tels des renseignements dont la divulgation est autorisée ou n’est plus assortie de conditions.

(7) Subject to subsection (6), after the Federal Court is seized of an application made under this section or, in the case of an appeal from, or a review of, an order of the judge made under any of subsections 38.06(1) to (3), before the appeal or review is disposed of, if the Attorney General of Canada authorizes the disclosure of all or part of the information or withdraws conditions to which the disclosure is subject, the Court’s consideration of the application or any hearing, appeal or review shall be terminated in relation to that information, to the extent of the authorization or the withdrawal.

Rapport sur l’instance

Report relating to proceedings

38.05 Si la personne qui préside ou est désignée pour présider l’instance à laquelle est liée l’affaire ou, à défaut de désignation, la personne qui est habilitée à effectuer la désignation reçoit l’avis visé à l’alinéa 38.04(5)c), elle peut, dans les dix jours, fournir au juge un rapport sur toute question relative à l’instance qu’elle estime utile à celui‐ci.

38.05 If he or she receives notice of a hearing under paragraph 38.04(5)(c), a person presiding or designated to preside at the proceeding to which the information relates or, if no person is designated, the person who has the authority to designate a person to preside may, within 10 days after the day on which he or she receives the notice, provide the judge with a report concerning any matter relating to the proceeding that the person considers may be of assistance to the judge.

Ordonnance de divulgation

Disclosure order

38.06 (1) Le juge peut rendre une ordonnance autorisant la divulgation des renseignements ou des faits visés au paragraphe 38.02(1), sauf s’il conclut qu’elle porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.

38.06 (1) Unless the judge concludes that the disclosure of the information or facts referred to in subsection 38.02(1) would be injurious to international relations or national defence or national security, the judge may, by order, authorize the disclosure of the information or facts.

Divulgation avec conditions

Disclosure — conditions

(2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements ou des faits porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation l’emportent sur les raisons d’intérêt public qui justifient la non‐divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d’intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu’il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements ou des faits, d’un résumé des renseignements ou d’un aveu écrit des faits qui y sont liés.

(2) If the judge concludes that the disclosure of the information or facts would be injurious to international relations or national defence or national security but that the public interest in disclosure outweighs in importance the public interest in non-disclosure, the judge may by order, after considering both the public interest in disclosure and the form of and conditions to disclosure that are most likely to limit any injury to international relations or national defence or national security resulting from disclosure, authorize the disclosure, subject to any conditions that the judge considers appropriate, of all or part of the information or facts, a summary of the information or a written admission of facts relating to the information.

Confirmation de l’interdiction

Order confirming prohibition

(3) Dans le cas où le juge n’autorise pas la divulgation au titre des paragraphes (1) ou (2), il rend une ordonnance confirmant l’interdiction de divulgation.

(3) If the judge does not authorize disclosure under subsection (1) or (2), the judge shall, by order, confirm the prohibition of disclosure.

Prise d’effet de la décision

When determination takes effect

(3.01) L’ordonnance de divulgation prend effet après l’expiration du délai prévu ou accordé pour en appeler ou, en cas d’appel, après sa confirmation et l’épuisement des recours en appel.

(3.01) An order of the judge that authorizes disclosure does not take effect until the time provided or granted to appeal the order has expired or, if the order is appealed, the time provided or granted to appeal a judgment of an appeal court that confirms the order has expired and no further appeal from a judgment that confirms the order is available.

Preuve

Evidence

(3.1) Le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut fonder sa décision sur cet élément.

(3.1) The judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base his or her decision on that evidence.

Admissibilité en prévue

Introduction into evidence

(4) La personne qui veut faire admettre en preuve ce qui a fait l’objet d’une autorisation de divulgation prévue au paragraphe (2), mais qui ne pourra peut‐être pas le faire à cause des règles d’admissibilité applicables à l’instance, peut demander à un juge de rendre une ordonnance autorisant la production en preuve du fait, des renseignements, du résumé ou de l’aveu dans la forme ou aux conditions que celui‐ci détermine, dans la mesure où telle forme ou telles conditions sont conformes à l’ordonnance rendue au titre du paragraphe (2).

(4) A person who wishes to introduce into evidence material the disclosure of which is authorized under subsection (2) but who may not be able to do so in a proceeding by reason of the rules of admissibility that apply in the proceeding may request from a judge an order permitting the introduction into evidence of the material in a form or subject to any conditions fixed by that judge, as long as that form and those conditions comply with the order made under subsection (2).

Facteurs pertinents

Relevant factors

(5) Pour l’application du paragraphe (4), le juge prend en compte tous les facteurs qui seraient pertinents pour statuer sur l’admissibilité en preuve au cours de l’instance.

(5) For the purpose of subsection (4), the judge shall consider all the factors that would be relevant for a determination of admissibility in the proceeding.

Avis de la décision

Notice of order

38.07 Le juge peut ordonner au procureur général du Canada d’aviser de l’ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) toute personne qui, de l’avis du juge, devrait être avisée.

38.07 The judge may order the Attorney General of Canada to give notice of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) to any person who, in the opinion of the judge, should be notified.

Examen automatique

Automatic review

38.08 Si le juge conclut qu’une partie à l’instance dont les intérêts sont lésés par une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) n’a pas eu la possibilité de présenter ses observations au titre de l’alinéa 38.04(5)d), il renvoie l’ordonnance à la Cour d’appel fédérale pour examen.

38.08 If the judge determines that a party to the proceeding whose interests are adversely affected by an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) was not given the opportunity to make representations under paragraph 38.04(5)(d), the judge shall refer the order to the Federal Court of Appeal for review.

Appel à la Cour d’appel fédérale

Appeal to Federal Court of Appeal

38.09 (1) Il peut être interjeté appel d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) devant la Cour d’appel fédérale.

38.09 (1) An order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may be appealed to the Federal Court of Appeal.

Délai

Limitation period for appeal

(2) Le délai dans lequel l’appel peut être interjeté est de dix jours suivant la date de l’ordonnance frappée d’appel, mais la Cour d’appel fédérale peut le proroger si elle l’estime indiqué en l’espèce.

(2) An appeal shall be brought within 10 days after the day on which the order is made or within any further time that the Court considers appropriate in the circumstances.

Délai de demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada

Limitation periods for appeals to Supreme Court of Canada

38.1 Malgré toute autre loi fédérale :

38.1 Notwithstanding any other Act of Parliament,

a) le délai de demande d’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada est de dix jours suivant le jugement frappé d’appel, mais ce tribunal peut proroger le délai s’il l’estime indiqué en l’espèce;

(a) an application for leave to appeal to the Supreme Court of Canada from a judgment made on appeal shall be made within 10 days after the day on which the judgment appealed from is made or within any further time that the Supreme Court of Canada considers appropriate in the circumstances; and

b) dans les cas où l’autorisation est accordée, l’appel est interjeté conformément au paragraphe 60(1) de la Loi sur la Cour suprême, mais le délai qui s’applique est celui qu’a fixé la Cour suprême du Canada.

(b) if leave to appeal is granted, the appeal shall be brought in the manner set out in subsection 60(1) of the Supreme Court Act but within the time specified by the Supreme Court of Canada.

Règles spéciales : audience à huis clos

Special rules — hearing in private

38.11 (1) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) peut ordonner que l’audience, l’appel ou l’examen soit tenu à huis clos.

38.11 (1) The judge conducting a hearing under subsection 38.04(5) or the court hearing an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may make an order that the hearing be held, or the appeal or review be heard, in private.

Règles spéciales : audience dans la région de la capitale nationale

Special rules — hearing in National Capital Region

(1.1) À la demande soit du procureur général du Canada, soit du ministre de la Défense nationale dans le cas des instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, l’audience prévue au paragraphe 38.04(5) et l’audition de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) ont lieu dans la région de la capitale nationale définie à l’annexe de la Loi sur la capitale nationale.

(1.1) A hearing under subsection 38.04(5) or an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) shall, at the request of either the Attorney General of Canada or, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, the Minister of National Defence, be held or heard, as the case may be, in the National Capital Region, as described in the schedule to the National Capital Act.

Présentation d’arguments en l’absence d’autres parties

Ex parte representations

(2) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) donne au procureur général du Canada — et au ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi — la possibilité de présenter ses observations en l’absence d’autres parties. Il peut en faire de même pour les personnes qu’il entend en application de l’alinéa 38.04(5)d).

(2) The judge conducting a hearing under subsection 38.04(5) or the court hearing an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may give any person who makes representations under paragraph 38.04(5)(d), and shall give the Attorney General of Canada and, in the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, the Minister of National Defence, the opportunity to make representations ex parte.

Observations en l’absence d’autres parties : audience publique

Ex parte representations — public hearing

(3) Sont faites à huis clos les observations présentées en l’absence d’autres parties lors d’une audience, tenue en public, prévue au paragraphe 38.04(5) ou lors de l’audition, tenue en public, de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3).

(3) If a hearing under subsection 38.04(5) is held, or an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) is heard, in public, any ex parte representations made in that hearing, appeal or review shall be made in private.

Ordonnance de confidentialité

Protective order

38.12 (1) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) peut rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée en l’espèce en vue de protéger la confidentialité de tout renseignement sur lequel porte l’audience, l’appel ou l’examen.

38.12 (1) The judge conducting a hearing under subsection 38.04(5) or the court hearing an appeal or review of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) may make any order that the judge or the court considers appropriate in the circumstances to protect the confidentiality of any information to which the hearing, appeal or review relates.

Dossier

Court records

(2) Le dossier ayant trait à l’audience, à l’appel ou à l’examen tenu à huis clos ainsi que celui se rapportant aux observations présentées en l’absence d’autres parties sont confidentiels. Le juge ou le tribunal saisi peut ordonner que tout dossier ou partie d’un dossier ayant trait à une audience, un appel ou un examen tenus à huis clos ou en public soit placé sous scellé et gardé dans un lieu interdit au public.

(2) The court records relating to a hearing that is held, or an appeal or review that is heard, in private or to any ex parte representations are confidential. The judge or the court may order that the court records, or any part of them, relating to a private or public hearing, appeal or review be sealed and kept in a location to which the public has no access.

Certificat du procureur général du Canada

Certificate of Attorney General of Canada

38.13 (1) Le juge saisi d’une affaire au titre du paragraphe 38.04(5) ou le tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) donne au procureur général du Canada — et au ministre de la Défense nationale dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi — la possibilité de présenter ses observations en l’absence d’autres parties. Il peut en faire de même pour les personnes qu’il entend en application de l’alinéa 38.04(5)d).

38.13 (1) The Attorney General of Canada may personally issue a certificate that prohibits the disclosure of information in connection with a proceeding for the purpose of protecting information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act or for the purpose of protecting national defence or national security. The certificate may only be issued after an order or decision that would result in the disclosure of the information to be subject to the certificate has been made under this or any other Act of Parliament.

Instances militaires

Military proceedings

(2) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, le procureur général du Canada ne peut délivrer de certificat qu’avec l’assentiment du ministre de la Défense nationale donné personnellement par celui‐ci.

(2) In the case of a proceeding under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, the Attorney General of Canada may issue the certificate only with the agreement, given personally, of the Minister of National Defence.

Signification

Service of certificate

(3) Le procureur général du Canada fait signifier une copie du certificat :

(3) The Attorney General of Canada shall cause a copy of the certificate to be served on

a) à la personne qui préside ou est désignée pour présider l’instance à laquelle sont liés les renseignements ou, à défaut de désignation, à la personne qui est habilitée à effectuer la désignation;

(a) the person presiding or designated to preside at the proceeding to which the information relates or, if no person is designated, the person who has the authority to designate a person to preside;

b) à toute partie à l’instance;

(b) every party to the proceeding;

c) à toute personne qui donne l’avis prévu à l’article 38.01 dans le cadre de l’instance;

(c) every person who gives notice under section 38.01 in connection with the proceeding;

d) à toute personne qui, dans le cadre de l’instance, a l’obligation de divulguer ou pourrait divulguer ou faire divulguer les renseignements à l’égard desquels le procureur général du Canada a été avisé en application de l’article 38.01;

(d) every person who, in connection with the proceeding, may disclose, is required to disclose or may cause the disclosure of the information about which the Attorney General of Canada has received notice under section 38.01;

e) à toute partie aux procédures engagées en application du paragraphe 38.04(5) ou à l’appel d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) en ce qui concerne les renseignements;

(e) every party to a hearing under subsection 38.04(5) or to an appeal of an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in relation to the information;

f) au juge qui tient une audience en application du paragraphe 38.04(5) et à tout tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) en ce qui concerne les renseignements;

(f) the judge who conducts a hearing under subsection 38.04(5) and any court that hears an appeal from, or review of, an order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in relation to the information; and

g) à toute autre personne à laquelle, de l’avis du procureur général du Canada, une copie du certificat devrait être signifiée.

(g) any other person who, in the opinion of the Attorney General of Canada, should be served.

Dépôt du certificat

Filing of certificate

(4) Le procureur général du Canada fait déposer une copie du certificat :

(4) The Attorney General of Canada shall cause a copy of the certificate to be filed

a) auprès de la personne responsable des dossiers relatifs à l’instance;

(a) with the person responsible for the records of the proceeding to which the information relates; and

b) au greffe de la Cour fédérale et à celui de tout tribunal saisi de l’appel ou de l’examen d’une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3).

(b) in the Registry of the Federal Court and the registry of any court that hears an appeal from, or review of, an order made under any of subsections 38.06(1) to (3).

Effet du certificat

Effect of certificate

(5) Une fois délivré, le certificat a pour effet, malgré toute autre disposition de la présente loi, d’interdire, selon ses termes, la divulgation des renseignements.

(5) If the Attorney General of Canada issues a certificate, then, notwithstanding any other provision of this Act, disclosure of the information shall be prohibited in accordance with the terms of the certificate.

Exclusion

Statutory Instruments Act does not apply

(6) La Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas aux certificats délivrés au titre du paragraphe (1).

(6) The Statutory Instruments Act does not apply to a certificate issued under subsection (1).

Publication

Publication

(7) Dès que le certificat est délivré, le procureur général du Canada le fait publier dans la Gazette du Canada.

(7) The Attorney General of Canada shall, without delay after a certificate is issued, cause the certificate to be published in the Canada Gazette.

Restriction

Restriction

(8) Le certificat ou toute question qui en découle n’est susceptible de révision, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que sous le régime de l’article 38.131.

(8) The certificate and any matters arising out of it are not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with section 38.131.

Durée de validité

Expiry

(9) Le certificat expire dix ans après la date de sa délivrance et peut être délivré de nouveau.

(9) The certificate expires 10 years after the day on which it is issued and may be reissued.

Demande de révision du certificat

Application for review of certificate

38.131 (1) Toute partie à l’instance visée à l’article 38.13 peut demander à la Cour d’appel fédérale de rendre une ordonnance modifiant ou annulant un certificat délivré au titre de cet article pour les motifs mentionnés aux paragraphes (8) ou (9), selon le cas.

38.131 (1) A party to the proceeding referred to in section 38.13 may apply to the Federal Court of Appeal for an order varying or cancelling a certificate issued under that section on the grounds referred to in subsection (8) or (9), as the case may be.

Notification du procureur général du Canada

Notice to Attorney General of Canada

(2) Le demandeur en avise le procureur général du Canada.

(2) The applicant shall give notice of the application to the Attorney General of Canada.

Instance militaire

Military proceedings

(3) Dans le cas d’une instance engagée sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale, autre qu’une audience sommaire au sens du paragraphe 2(1) de cette loi, l’avis prévu au paragraphe (2) est donné à la fois au procureur général du Canada et au ministre de la Défense nationale.

(3) In the case of proceedings under Part III of the National Defence Act, other than a summary hearing as defined in subsection 2(1) of that Act, notice under subsection (2) shall be given to both the Attorney General of Canada and the Minister of National Defence.

Juge seul

Single judge

(4) Par dérogation à l’article 16 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale est constituée d’un seul juge de ce tribunal pour l’étude de la demande.

(4) Notwithstanding section 16 of the Federal Court Act, for the purposes of the application, the Federal Court of Appeal consists of a single judge of that Court.

Renseignements pertinents

Admissible information

(5) Pour l’étude de la demande, le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut se fonder sur cet élément pour rendre sa décision au titre de l’un des paragraphes (8) à (10).

(5) In considering the application, the judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base a determination made under any of subsections (8) to (10) on that evidence.

Règles spéciales et ordonnance de confidentialité

Special rules and protective order

(6) Les articles 38.11 et 38.12 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la demande présentée au titre du paragraphe (1).

(6) Sections 38.11 and 38.12 apply, with any necessary modifications, to an application made under subsection (1).

Traitement expéditif

Expedited consideration

(7) Le juge étudie la demande le plus tôt possible, mais au plus tard dans les dix jours suivant la présentation de la demande au titre du paragraphe (1).

(7) The judge shall consider the application as soon as reasonably possible, but not later than 10 days after the application is made under subsection (1).

Modification du certificat

Varying the certificate

(8) Si le juge estime qu’une partie des renseignements visés par le certificat ne porte pas sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité ni sur la défense ou la sécurité nationales, il modifie celui‐ci en conséquence par ordonnance.

(8) If the judge determines that some of the information subject to the certificate does not relate either to information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act, or to national defence or national security, the judge shall make an order varying the certificate accordingly.

Révocation du certificat

Cancelling the certificate

(9) Si le juge estime qu’aucun renseignement visé par le certificat ne porte sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, ni sur la défense ou la sécurité nationales, il révoque celui‐ci par ordonnance.

(9) If the judge determines that none of the information subject to the certificate relates to information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act, or to national defence or national security, the judge shall make an order cancelling the certificate.

Confirmation du certificat

Confirming the certificate

(10) Si le juge estime que tous les renseignements visés par le certificat portent sur des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, ou sur la défense ou la sécurité nationales, il confirme celui‐ci par ordonnance.

(10) If the judge determines that all of the information subject to the certificate relates to information obtained in confidence from, or in relation to, a foreign entity as defined in subsection 2(1) of the Security of Information Act, or to national defence or national security, the judge shall make an order confirming the certificate.

Caractère définitif de la décision

Determination is final

(11) La décision du juge rendue au titre de l’un des paragraphes (8) à (10) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d’appel ni de révision judiciaire.

(11) Notwithstanding any other Act of Parliament, a determination of a judge under any of subsections (8) to (10) is final and is not subject to review or appeal by any court.

Publication

Publication

(12) Dès que possible après la décision du juge, le procureur général du Canada fait publier dans la Gazette du Canada, avec mention du certificat publié antérieurement :

(12) If a certificate is varied or cancelled under this section, the Attorney General of Canada shall, as soon as possible after the decision of the judge and in a manner that mentions the original publication of the certificate, cause to be published in the Canada Gazette

a) le certificat modifié au titre du paragraphe (8);

(a) the certificate as varied under subsection (8); or

b) un avis de la révocation d’un certificat au titre du paragraphe (9).

(b) a notice of the cancellation of the certificate under subsection (9).

Protection du droit à un procès équitable

Protection of right to a fair trial

38.14 (1) La personne qui préside une instance criminelle peut rendre l’ordonnance qu’elle estime indiquée en l’espèce en vue de protéger le droit de l’accusé à un procès équitable, pourvu que telle ordonnance soit conforme à une ordonnance rendue en application de l’un des paragraphes 38.06(1) à (3) relativement à cette instance, a une décision en appel ou découlant de l’examen ou au certificat délivré au titre de l’article 38.13.

38.14 (1) The person presiding at a criminal proceeding may make any order that he or she considers appropriate in the circumstances to protect the right of the accused to a fair trial, as long as that order complies with the terms of any order made under any of subsections 38.06(1) to (3) in relation to that proceeding, any judgment made on appeal from, or review of, the order, or any certificate issued under section 38.13.

Ordonnances éventuelles

Potential orders

(2) L’ordonnance rendue au titre du paragraphe (1) peut notamment :

(2) The orders that may be made under subsection (1) include, but are not limited to, the following orders:

a) annuler un chef d’accusation d’un acte d’accusation ou d’une dénonciation, ou autoriser l’instruction d’un chef d’accusation ou d’une dénonciation pour une infraction moins grave ou une infraction incluse;

(a) an order dismissing specified counts of the indictment or information, or permitting the indictment or information to proceed only in respect of a lesser or included offence;

b) ordonner l’arrêt des procédures;

(b) an order effecting a stay of the proceedings; and

c) être rendue à l’encontre de toute partie sur toute question liée aux renseignements dont la divulgation est interdite.

(c) an order finding against any party on any issue relating to information the disclosure of which is prohibited.

Fiat du procureur général du Canada

Fiat

38.15 (1) Dans le cas où des renseignements sensibles ou des renseignements potentiellement préjudiciables peuvent être divulgués dans le cadre d’une poursuite qui n’est pas engagée par le procureur général du Canada ou pour son compte, il peut délivrer un fiat et le faire signifier au poursuivant.

38.15 (1) If sensitive information or potentially injurious information may be disclosed in connection with a prosecution that is not instituted by the Attorney General of Canada or on his or her behalf, the Attorney General of Canada may issue a fiat and serve the fiat on the prosecutor.

Effet du fiat

Effect of fiat

(2) Le fiat établit la compétence exclusive du procureur général du Canada à l’égard de la poursuite qui y est mentionnée et des procédures qui y sont liées.

(2) When a fiat is served on a prosecutor, the fiat establishes the exclusive authority of the Attorney General of Canada with respect to the conduct of the prosecution described in the fiat or any related process.

Dépôt auprès du juge ou du tribunal

Fiat filed in court

(3) L’original ou un double du fiat est déposé devant le tribunal saisi de la poursuite — ou d’une autre procédure liée à celle‐ci — engagée par le procureur général du Canada ou pour son compte.

(3) If a prosecution described in the fiat or any related process is conducted by or on behalf of the Attorney General of Canada, the fiat or a copy of the fiat shall be filed with the court in which the prosecution or process is conducted.

Preuve

Fiat constitutes conclusive proof

(4) Le fiat ou le double de celui‐ci :

(4) The fiat or a copy of the fiat

a) est une preuve concluante que le procureur général du Canada ou son délégué a compétence pour mener la poursuite qui y est mentionnée ou les procédures qui y sont liées;

(a) is conclusive proof that the prosecution described in the fiat or any related process may be conducted by or on behalf of the Attorney General of Canada; and

b) est admissible en preuve sans qu’il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du procureur général du Canada.

(b) is admissible in evidence without proof of the signature or official character of the Attorney General of Canada.

Instances militaires

Military proceedings

(5) Le présent article ne s’applique pas aux instances engagées sous le régime de la partie III de la Loi sur la défense nationale.

(5) This section does not apply to a proceeding under Part III of the National Defence Act.

Règlements

Regulations

38.16 Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre les mesures qu’il estime nécessaires à l’application des articles 38 à 38.15, notamment régir les avis, certificats et fiat.

38.16 The Governor in Council may make any regulations that the Governor in Council considers necessary to carry into effect the purposes and provisions of sections 38 to 38.15, including regulations respecting the notices, certificates and the fiat.

Rapport annuel

Annual report

38.17 Chaque année, le procureur général du Canada établit et fait déposer devant chaque chambre du Parlement un rapport portant sur l’application des articles 38.13 et 38.15 au cours de l’année précédente qui contient notamment le nombre de certificats et de fiats délivrés au titre de ces articles.

38.17 Each year the Attorney General of Canada shall prepare and cause to be laid before each House of Parliament a report for the previous year on the operation of sections 38.13 and 38.15 that includes the number of certificates and fiats issued under sections 38.13 and 38.15, respectively.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

DES‐5‐22

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c SAAD KHALID AL JABRI ET SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY, ALPHA STAR AVIATION SERVICES COMPANY, ENMA AL ARED REAL ESTATE INVESTMENT AND DEVELOPMENT COMPANY, KAFA’AT BUSINESS SOLUTIONS COMPANY, SECURITY CONTROL COMPANY, ARMOUR SECURITY INDUSTRIAL MANUFACTURING COMPANY, SAUDI TECHNOLOGY & SECURITY COMPREHENSIVE CONTROL COMPANY, TECHNOLOGY CONTROL COMPANY, NEW DAWN CONTRACTING COMPANY et SKY PRIME INVESTMENT COMPANY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 6 ET 7 DÉCEMBRE 2022

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 10 JANVIER 2023

 

COMPARUTIONS :

André Séguin

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Munaf Mohamed, c.r.

Jonathan G. Bell

Howard Krongold

 

POUR LES DÉFENDERESSES SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY ET AL.

 

John J. Adair

Anil Kapoor

 

POUR LE DÉFENDEUR SAAD AL JABRI

 

Colin Baxter

AMICUS CURIÆ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bennett Jones LLP

Toronto (Ontario)

AGP LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES SAKAB SAUDI HOLDING COMPANY ET AL.

 

Adair Goldblatt Bieber LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR SAAD AL JABRI

Kapoor Barristers

Toronto (Ontario)

 

 

Colin Baxter

Ottawa (Ontario)

 

AMICUS CURIÆ

 

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