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Date : 20240215

Dossiers : T-1790-17

T-416-19

 

Référence : 2023 CF 1749

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 février 2024

En présence de madame la juge St-Louis

Dossier : T-1790-17

ENTRE :

VALLEY BLADES LTD.

demanderesse/défenderesse reconventionnelle

et

USINAGE PRO‐24 INC. S/N LES LAMES NORDIK

défenderesse/demanderesse reconventionnelle

Dossier : T-416-19

ET ENTRE :

USINAGE PRO‐24 INC. S/N LES LAMES NORDIK

demanderesse/défenderesse reconventionnelle

et

VALLEY BLADES LTD.

défenderesse/demanderesse reconventionnelle

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Identique aux Jugement et Motifs émis le 22 décembre 2023)

I. Aperçu

[1] En 2017, Valley Blades Ltd. (Valley Blades) a intenté une action contre Usinage Pro‐24 Inc., faisant affaire sous le nom de « Les lames Nordik » (Lames Nordik). Valley Blades a demandé une ordonnance en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‐4 (la Loi sur les brevets), déclarant que le brevet canadien no 2 856 940 de Lames Nordik (le brevet 940) et chacune de ses revendications étaient invalides et sans effet, ainsi qu'une déclaration selon laquelle Lames Nordik avait fait des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l'entreprise, les produits et les services de Valley Blades, ce qu'interdit l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‐13.

[2] Lames Nordik a contesté l'action et a déposé une demande reconventionnelle afin d'obtenir une déclaration selon laquelle les revendications 1 à 12 du brevet 940 étaient valides et Valley Blades les avait contrefaites.

[3] En 2019, Lames Nordik a intenté une action contre Valley Blades pour obtenir une déclaration selon laquelle Valley Blades avait contrefait les revendications indépendantes 1, 20, 35 et 50 et les revendications dépendantes 2 à 14, 16 à 19, 21 à 28, 30 à 34, 36 à 43, 45 à 49, 51 à 62 et 64 du brevet canadien no 2 965 426 (le brevet 426), ainsi que la revendication indépendante 1 et les revendications dépendantes 2 à 14 du brevet canadien no 2 992 233 (le brevet 233), ainsi que pour obtenir diverses réparations.

[4] Valley Blades a contesté l'action et a déposé une demande reconventionnelle afin d'obtenir une déclaration selon laquelle les brevets 426 et 233, ainsi que chacune de leurs revendications, sont et ont toujours été invalides.

[5] La procédure a été disjointe et les présents jugement et motifs se rapportent à la question de la responsabilité dans les deux actions.

[6] Le 3 octobre 2022, les parties ont confirmé, dans leur énoncé commun des questions en litige, les questions dont la Cour était saisie : (1) la validité des brevets 940, 426 et 233 (pour ce qui est de la personne versée dans l'art, l'interprétation des revendications, l'évidence, la portée excessive et l'article 53 de la Loi sur les brevets); (2) la contrefaçon (c.‐à‐d. la question de savoir si les produits EconoFlex‐M de Valley Blades contrefont les revendications en cause dans les trois brevets); (3) la responsabilité de Lames Nordik en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce; (4) les dépens.

[7] Les parties se sont ensuite entendues sur le fait que la contrefaçon sera établie si les revendications en cause sont jugées valides; elles ont donc confirmé que la contrefaçon n'est plus une question à trancher.

[8] Lames Nordik est le titulaire inscrit des trois brevets canadiens en cause en l'espèce, qui se rapportent tous les uns aux autres et portent sur le même sujet, à savoir des lames segmentées de chasse‐neige : les brevets 940, 426 et 233 (les brevets de Nordik). Les brevets 426 et 233 sont des brevets divisionnaires.

[9] Conformément à une entente entre les parties, les seules revendications en cause sont : les revendications 1 à 12 du brevet 940, les revendications 1 à 8, 10 à 14, 16, 17, 19, 20 à 28, 31, 32, 34 à 37, 39 à 43, 45 à 47, 49 à 51, 54 à 62 et 64 du brevet 426, et les revendications 1, 2, 4, 5, 7 et 9 à 14 du brevet 233 (les revendications en cause). Toutefois, les parties reconnaissent maintenant que la revendication 35 du brevet 426 est évidente; l'avocat de Lames Nordik a reconnu que son propre expert, M. Harold Bouchard, l'avait indiqué dans son rapport d'expert et l'avait reconnu au procès.

[10] En bref, Valley Blades fait valoir ce qui suit :

i) les revendications en cause ne sont pas valides parce qu'elles sont évidentes;

ii) les revendications en cause ne sont pas valides pour cause de portée excessive, car elles revendiquent plus que ce que l'inventeur a fait en ce qui concerne la forme effilée des lames;

iii) les brevets de Nordik sont intégralement invalides en vertu de l'article 53 de la Loi sur les brevets en raison de déclarations fausses et trompeuses;

iv) Lames Nordik est responsable en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce pour les déclarations fausses et trompeuses qu'elle a faites aux clients de Valley Blades;

v) les parties devraient pouvoir présenter des observations sur une somme forfaitaire appropriée, si elles ne sont pas en mesure de s'entendre sur les dépens.

[11] Lames Nordik répond que Valley Blades ne s'est pas acquittée de son fardeau pour ce qui suit :

i) démontrer l'évidence, étant donné qu'aucune preuve d'expert qui permettrait à la Cour d'établir comment la personne versée dans l'art aurait été amenée à combiner les cinq éléments d'antériorité pour créer l'objet des brevets de Nordik n'a été présentée;

ii) démontrer que les revendications en cause ne sont pas valides pour cause de portée excessive, car les arguments de Valley Blades sur l'absence de restrictions en ce qui concerne la forme (c.‐à‐d. la forme effilée) des lames dans les revendications en cause sont dénués de sens;

iii) démontrer que Valley Blades satisfait au critère juridique rigoureux établi à l'article 53 de la Loi sur les brevets;

iv) prouver chacun des éléments nécessaires au fondement d'une réclamation en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce.

[12] Lames Nordik répond également que les dépens devraient être adjugés conformément au maximum de la colonne IV du tarif.

[13] Compte tenu des observations des parties, la Cour doit décider si Valley Blades s'est acquittée de son fardeau de démontrer ce qui suit :

i) les revendications en cause des brevets de Nordik ne sont pas valides pour cause d'évidence et de portée excessive;

ii) les brevets de Nordik sont nuls en vertu de l'article 53 de la Loi sur les brevets;

iii) Lames Nordik a enfreint l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce.

[14] La Cour doit également décider comment adjuger les dépens.

[15] Pour les motifs qui suivent, je conclus que Valley Blades a réussi à démontrer que les revendications en cause des brevets de Nordik sont évidentes. Toutefois, je conclus que Valley Blades n'a pas démontré que les revendications en cause ont une portée excessive, ni qu'elle a satisfait au critère de l'article 53 de la Loi sur les brevets pour que les brevets de Nordik soient nuls. Étant donné que l'évidence est un motif d'invalidité suffisant, les revendications en cause sont invalides. En outre, bien que je reconnaisse que les déclarations de Lames Nordik concernant les produits de Valley Blades étaient fausses, je conclus que Valley Blades n'a pas établi tous les éléments nécessaires pour justifier une réclamation en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce. Les dépens seront adjugés à Valley Blades; j'en établirai le montant après avoir reçu des observations supplémentaires des parties.

II. La preuve

A. La preuve produite par Valley Blades

(1) Les témoins des faits

(a) M. Brad Hunt

[16] M. Brad Hunt a commencé sa carrière à Valley Blades vers 2001 et en est maintenant vice‐président. Ses principales responsabilités sont la gestion des activités de Valley Blades et il continue de participer à la recherche et au développement des produits de Valley Blades.

[17] On a demandé à M. Hunt de fournir des éléments de preuve concernant : a) la conception et la commercialisation des produits PolarFlex par Valley Blades; b) la conception et la commercialisation des produits EconoFlex‐M par Valley Blades; c) les déclarations fausses et trompeuses faites par Lames Nordik aux clients de Valley Blades; d) les dossiers commerciaux de Valley Blades.

[18] M. Hunt a déposé 46 pièces. Il a notamment expliqué comment il a modifié les bagues de caoutchouc des produits PolarFlex de Valley Blades de deux façons. Dans une version, il a ajouté une dépression aux bagues en enlevant une partie du caoutchouc afin d'accroître la capacité de compression de la bague, ce qui a accru le mouvement des lames. Dans une deuxième version, il a remplacé les bagues elliptiques par des bagues rondes pour créer un vide d'air en dessous; puisque l'air est plus compressible que le caoutchouc, cette bague permet d'accroître encore plus le mouvement des lames. Valley Blades a livré environ 170 exemplaires de cette version avant la date de dépôt des brevets de Nordik. M. Hunt a également témoigné que, même si le brevet canadien no 2 717 986 (le brevet de Valley Blades) décrit un système comportant des pièces en caoutchouc distinctes couvrant le dessus et les côtés de la lame, la version commercialisée du PolarFlex intègre les pièces en caoutchouc en une seule.

[19] M. Hunt a également témoigné que les communications de Lames Nordik avec les clients de Valley Blades ont fait que Valley Blades a perdu des occasions commerciales avec les clients suivants, tout au moins : le gouvernement du Manitoba, le canton de Russell (le canton) et les comtés unis de Stormont, Dundas et Glengarry.

[20] Je conviens avec Valley Blades que M. Hunt était un témoin averti et attentif qui a établi qu'il connaissait les faits relatifs aux produits de Valley Blades et qui les a expliqués à la Cour sans hésitation.

(b) M. Jonathan Bourgon

[21] M. Jonathan Bourgon est un employé du canton de Russell, à titre de directeur de l'infrastructure. Il a fourni des éléments de preuve concernant l'incidence des communications de Lames Nordik sur la décision du canton de renvoyer les produits EconoFlex‐M de Valley Blades.

[22] À l'époque pertinente en 2017, il était gestionnaire de l'exploitation du canton et était responsable de l'approbation de l'achat de lames de chasse‐neige.

[23] M. Bourgon a témoigné qu'en 2017, le canton a commandé des produits EconoFlex‐M de Valley Blades. À la fin 2017, le canton a reçu un avis de contrefaçon de brevet de Lames Nordik, après quoi le canton a décidé de renvoyer les appareils EconoFlex‐M qu'il avait achetés. M. Bourgon a témoigné que le risque d'être impliqué dans un litige faisait partie de l'évaluation du risque effectuée par le canton.

[24] M. Bourgon m'est apparu comme un témoin fiable.

(2) Témoin expert : M. Gino Paonessa

[25] M. Gino Paonessa est le fondateur et directeur général d'Adepco Technologies Corp., qui fabrique du matériel de déneigement. Il a un diplôme d'études secondaires italiennes, a plus de 30 ans d'expérience dans l'industrie du déneigement, et a conçu et commercialisé un certain nombre de produits de déneigement.

[26] M. Paonessa a été reconnu comme expert dans la conception, le développement et la fabrication d'accessoires de déneigement. Il est expert de la conception et de la fabrication d'ensembles de lames de chasse-neige segmentées et de structures de montage pour lames de chasse-neige, ainsi que du choix et du rôle des matériaux, y compris l'acier et le caoutchouc, utilisés pour la fabrication d'ensembles de lames de chasse‐neige.

[27] Le 10 mai 2021, M. Paonessa a signé un rapport d'expert sur la validité des brevets de Nordik, et le 9 juillet 2021, il a signé un rapport d'expert en réponse sur la contrefaçon des brevets de Nordik par Valley Blades.

[28] Pour préparer son rapport d'expert sur la validité, M. Paonessa a reçu de l'information par étapes. Son rapport indique qu'il a d'abord reçu des avocats des copies du brevet américain no 5 746 017 (le brevet JOMA) et du brevet de Valley Blades qu'on lui avait demandé d'examiner et de résumer. Il s'agissait des deux premières des neuf tâches que l'avocat lui a confiées. Les sept autres tâches portaient sur chacun des brevets de Nordik et leur évidence (tâches 3 à 8) et le mouvement des lames de Lames Nordik (tâche 9).

[29] M. Paonessa a examiné le brevet de JOMA et le produit JOMA connexe, ainsi que le brevet de Valley Blades et les deux versions du produit PolarFlex, l'une comportant un moyen de fixation elliptique flexible avec une dépression, et l'autre un élément flexible de fixation rond qui laisse une couche d'air dans les ouvertures des lames. Il a donné son avis sur la compréhension qu'avait la personne versée dans l'art de chacun des brevets de Nordik et a cherché à savoir si les revendications en cause, tant indépendantes que dépendantes, étaient évidentes.

[30] En bref, M. Paonessa estime que chacune des revendications en cause des brevets de Nordik est évidente. Il affirme qu'il n'y a aucune différence importante entre les caractéristiques décrites dans les revendications en cause et l'état de la technique, notamment le brevet et les produits de JOMA (les antériorités de JOMA) et le brevet de Valley Blades et les deux versions des appareils PolarFlex (les antériorités de Valley Blades). Pour M. Paonessa, toute différence en est une d'apparence, et la personne versée dans l'art l'aurait atteinte directement et sans difficulté en se fondant sur l'état de la technique et les connaissances générales courantes (CGC) à la date pertinente. M. Paonessa estime en outre que la portée des mouvements verticaux ou angulaires des lames de Lames Nordik ne serait pas supérieure à celle des lames divulguées dans les antériorités de Valley Blades ou de JOMA. En fin de compte, la portée des mouvements verticaux ou angulaires de toutes les lames est limitée par la taille des ouvertures dans les lames ou la compression de la bague résistante qui y est insérée, ainsi que par la présence de lames adjacentes.

[31] M. Paonessa m'a semblé un témoin bien informé et honnête. Il a avoué avoir reçu de l'aide de l'avocat pour rédiger son affidavit, ce qui n'est ni rare ni importun (dTechs EPM Ltd c. British Columbia Hydro and Power Authority, 2023 CAF 115, aux par. 32 à 34; Moore v. Getahun, 2015 ONCA 55, 124 R.J.O. (3e) 321, au par. 55). L'avocat de Lames Nordik a soulevé cette question dans sa déclaration introductive, mais il ne semble pas avoir indiqué dans ses observations finales qu'il s'agissait encore d'un problème. Quoi qu'il en soit, cela n'a aucune incidence sur l'importance que je donne à l'opinion de M. Paonessa.

[32] M. Paonessa a été contesté vigoureusement en contre‐interrogatoire et était parfois confus et réticent à répondre aux questions qui lui avaient été posées; il semblait alors davantage vouloir suivre la thèse de son avocat qu'aider la Cour à comprendre les questions techniques.

B. La preuve présentée par Lames Nordik

(1) Témoin des faits : M. Hugo Michel

[33] M. Hugo Michel est le directeur général et fondateur de Lames Nordik. Il est aussi l'un des inventeurs des brevets de Nordik. M. Michel a témoigné au sujet de la conception, du développement et de la commercialisation des produits Nordik MOVE et de leurs brevets connexes. Il a témoigné que le mouvement angulaire de la lame ne venait pas de sa forme effilée.

[34] M. Michel a décrit comment il a conçu le produit Nordik MOVE. Valley Blades soutient que les arguments invoqués par M. Michel pour affirmer que son produit était inventif ont été affaiblis en contre-interrogatoire. En particulier, M. Michel a avoué qu'avant de développer le produit Nordik MOVE, il n'avait jamais effectué de recherche dans les textes spécialisés, n'avait jamais acheté le PolarFlex de Valley Blades pour l'ouvrir et vérifier ce qui se trouvait à l'intérieur, et ignorait qu'une version du PolarFlex comportait une bague elliptique (et une dépression) ou qu'une version comportait une bague ronde (transcription du contre‐interrogatoire de M. Michel, jour 3 (p. 109, ligne 19, à p. 110, ligne 2, et p. 134, ligne 15, à p. 135, ligne 1); pièce 4, no FC00603, section 22).

[35] Valley Blades ajoute qu'au cours de son interrogatoire préalable, en juillet 2020, M. Michel a clairement indiqué qu'il jugeait que la forme de la lame du produit Nordik MOVE (c.‐à‐d. effilée) faisait partie de sa prétendue invention, et qu'il a répondu le contraire lorsqu'on lui a posé la même question au procès. Valley Blades affirme qu'à la lumière de ses déclarations contradictoires, il est devenu clair que M. Michel a changé de point de vue après avoir discuté avec son avocat (pièce 4, no FC00603, section 22; contre‐interrogatoire de M. Michel, jour 3, p. 134, ligne 15, à p. 135, ligne 1, et p. 140, ligne 6, à p. 141, ligne 16). Lames Nordik soutient que le témoignage de M. Michel n'est pas concluant compte tenu de la différence entre les questions qu'on lui a posées lors de l'interrogatoire préalable et au procès.

[36] J'examinerai plus loin l'incidence de la réponse de M. Michel, mais il était clair au procès que M. Michel savait que son témoignage avait changé entre son interrogatoire préalable et le procès. Cela a une incidence défavorable sur le poids que je donne à son témoignage.

(2) Témoin expert : M. Harold Bouchard

[37] M. Bouchard a obtenu un baccalauréat en génie industriel de l'École Polytechnique de Montréal en 1988. Il possède plus de 30 ans d'expérience dans l'offre de conseils aux entreprises qui participent à la conception ou à l'amélioration de techniques afin de demander des crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental. M. Bouchard a acquis de l'expérience dans la compréhension, l'analyse et le développement technologique utilisés par les entreprises de l'industrie automobile pour établir s'il y a une amélioration des techniques connues existantes.

[38] Il a été reconnu comme expert en matière d'interprétation des revendications et de contrefaçon. Le 10 mai 2021, M. Bouchard a signé son rapport d'expert sur la contrefaçon et l'interprétation des brevets de Nordik qui contenait son avis sur l'interprétation des revendications. Le 12 juillet 2021, conformément à son mandat, il a signé son rapport d'expert en réponse au rapport d'expert de M. Paonessa sur la validité des brevets de Nordik.

[39] À la section 10.2 de son rapport d'expert, à la page 47, M. Bouchard conclut que toutes les revendications des brevets de Nordik supposaient une activité inventive non évidente. Toutefois, lors de son contre-interrogatoire, M. Bouchard a admis sans hésiter qu'il savait que la revendication 35 du brevet 426, à tout le moins, était évidente.

[40] Dans le rapport d'expert de M. Bouchard, en particulier dans le tableau qu'il a préparé afin de décrire les éléments essentiels de chacune des revendications indépendantes des brevets de Nordik pour ce qui est de la présence ou de l'absence d'antériorités, il confirme que tous les éléments essentiels des revendications se trouvent dans les brevets de JOMA ou de Valley Blades. Toutefois, étrangement, M. Bouchard n'a pas divulgué dans ses conclusions l'opinion selon laquelle la revendication 35 du brevet 426 était évidente. Malgré les arguments contraires avancés par Lames Nordik, il était clair pour la Cour que, jusqu'au témoignage de M. Bouchard en contre‐interrogatoire, la revendication 35 du brevet 426 figurait parmi les revendications en cause, que Lames Nordik défendait comme idées originales.

[41] En outre, dans sa déclaration d'ouverture (transcription, 17 octobre 2023, p. 96), Valley Blades a clairement fait valoir que M. Bouchard était d'accord pour dire que la revendication 35 du brevet 426, à tout le moins, était évidente, sans obtenir de Lames Nordik une réponse ou une reconnaissance selon laquelle la revendication en cause était effectivement évidente. Il est surprenant que M. Bouchard, qui a de l'expérience et de l'expertise en matière d'interprétation des revendications et de contrefaçon, n'ait pas fait ressortir cette conclusion pour la Cour dans son rapport d'expert et n'ait pas parlé de l'incidence d'un tel avis, s'il y a lieu, sur les autres revendications en cause.

[42] Dans son évaluation de l'évidence, M. Bouchard n'a examiné aucune des nombreuses revendications dépendantes de chacun des brevets de Nordik; il a limité son évaluation aux revendications indépendantes.

[43] M. Bouchard a reconnu qu'il y avait deux versions des produits de PolarFlex, celle qui comprend une bague elliptique (et une dépression) et celle qui comprend une bague ronde (rapport d'expert de M. Bouchard en réponse, sections 7.16 à 7.21), et les a toutes deux incluses dans l'état de la technique (rapport d'expert de M. Bouchard en réponse, sections 9.1 et 9.2). Il a décrit la dépression et les bagues rondes comme un « trou », mais estimait que le système de PolarFlex n'incluait pas de « trous de ventilation » et qu'il était difficile de soutenir que les caractéristiques du PolarFlex étaient des « trous de ventilation » (rapport d'expert de M. Bouchard en réponse, p. 37).

[44] Valley Blades a souligné que dans Hamel c. Les Lames Nordik (Usinage Pro‐24), 2021 QCCS 3405 (Hamel) (inf. par Les Lames Nordik (Usinage Pro‐24) c. Hamel, 2023 QCCA 874), qui portait sur le brevet canadien no 2 423 830 (le brevet de M. Hamel), M. Bouchard avait conclu qu'il n'y avait qu'une seule antériorité pour le brevet de M. Hamel, et ce, même si trois éléments essentiels manquaient dans cette antériorité, parce que les éléments manquants faisaient partie des connaissances générales courantes. En l'espèce, M. Bouchard a également relevé trois différences entre les revendications en cause et l'état de la technique : i) un dessus ouvert; ii) la présence de trous de ventilation dans les bagues en caoutchouc; iii) l'intégration de deux bagues de caoutchouc à la couche extérieure en caoutchouc. Même si chacune de ces différences fait partie des CGC (comme je l'explique ci‐dessous), M. Bouchard conclut que les revendications en cause sont inventives selon un critère moins rigoureux que l'antériorité.

[45] La différence entre l'évaluation de l'évidence faite par M. Bouchard en l'espèce et son évaluation de l'antériorité dans la décision Hamel, conjuguée au fait qu'il n'avait pas indiqué que la revendication 35 du brevet 426 est évidente, a une incidence défavorable sur le poids que je donne à son opinion.

III. Aperçu des brevets en cause

[46] Les inventeurs indiqués dans les brevets de Nordik sont Hugo Michel, Stéphane Michel et Marco Bergeron. Les brevets de Nordik sont des brevets connexes, puisque le brevet 426 est une demande divisionnaire pour le brevet 940 et le brevet 233 est une demande divisionnaire pour le brevet 426.

A. Le brevet 940

[47] Le brevet 940 s'intitule « Dispositif lame de balayage réglable et ensemble lame de balayage » [sic]. Les dates suivantes s'appliquent au brevet 940 : 1) date de dépôt du document établissant la priorité : 8 décembre 2010; 2) date de dépôt : 30 novembre 2011; 3) date de publication : 14 juin 2012; 4) date de délivrance : 4 juillet 2017; 5) date de péremption : 30 novembre 2031.

[48] Le brevet 940 indique qu'il est nécessaire d'améliorer le dispositif de lame de balayage et que l'invention vise à fournir un tel dispositif et un tel ensemble de lames fixées à des véhicules personnels ou commerciaux (brevet 940, par. 11 et 12). Selon l'abrégé du brevet, le brevet 940 décrit une lame de balayage à fixer à un véhicule pour balayer la surface du sol. L'appareil comprend un premier et un deuxième supports de lame fixés de manière parallèle et distante l'un de l'autre de sorte à créer un canal vertical. Une pluralité de lames de balayage comprend deux trous à bague et une bague compressible dans chacun des trous pour bague pour la fixation au premier support de lame ou au deuxième support de lame. La bague peut être faite d'un matériau résistant et peut comporter un trou d'aération afin d'améliorer sa capacité de compression. Ainsi, au contact d'un obstacle au sol, les bagues se compriment sous l'effet de la pression pour causer un mouvement vertical ou angulaire de la lame dans le canal.

[49] Le brevet 940 énonce les difficultés suivantes pour les lames pendant le déneigement : i) des surfaces routières inégales et différentes; ii) des impacts répétés aux lames; iii) des obstacles sur la route; iv) une erreur de l'opérateur; v) un contact métal contre métal; vi) le remplacement facile des lames. Le brevet 940 contient dix figures, qui comprennent un ensemble de lames de balayage et un dispositif de lame de balayage vu de plusieurs angles. La figure 2 présente une vue frontale de l'ensemble de lames de balayage :

[50] Comme on le voit, l'élément 10 est l'ensemble de lames de balayage, l'élément 12 est le premier support de lame à fixer à un véhicule, l'élément 14 est un dispositif de lame de balayage à fixer à un premier support de lame, et l'élément 16 est un deuxième support de lame qui s'attache aux dispositifs de lame de balayage.

[51] La figure 7 présente une vue frontale du dispositif de lame de balayage :

[52] Comme on le voit, l'élément 14 est le dispositif de lame de balayage, l'élément 18 est une couche de matériau résistant (comme le caoutchouc) qui recouvre la lame, l'élément 20 est une bague faite d'un matériau résistant qui est insérée dans un trou de bague elliptique et entièrement formé avec la couche extérieure (élément 18), l'élément 21 est une bague métallique, l'élément 23 est un trou d'aération dans la bague faite d'un matériau résistant (élément 20), et l'élément 32 est le bord inférieur de la lame.

[53] Le brevet 940 comporte 12 revendications. Seule la revendication 1 est une revendication indépendante. Conformément à une entente entre les parties, les revendications 1 à 12 du brevet 940 sont en cause.

[54] La revendication 1 est la suivante :

[TRADUCTION]

Un ensemble de lames de balayage comprenant :

un premier support de lame adapté pour être fixé à un véhicule; ledit support constitue une première surface plane;

un deuxième support de lame qui constitue une deuxième surface plane, le deuxième support de lame étant adapté pour être fixé parallèlement au premier support de lame et distant de celui‐ci, de sorte que la première surface plane et la deuxième surface plane forment un canal vertical pour y insérer des dispositifs de lame de balayage;

une pluralité de dispositifs de lame de balayage, où chaque dispositif de lame de balayage comprend :

une partie lame comprenant un bord inférieur pour balayer la surface du sol et un bord supérieur de l'autre côté du bord inférieur;

deux trous pour bague situés à des côtés opposés du dispositif de lame de balayage pour recevoir deux bagues;

une bague dans chaque trou à bague, de sorte que la bague comprend une bague métallique permettant de fixer le dispositif de lame de balayage au premier support de lame ou au deuxième support de lame, une bague faite d'un matériau résistant entourant la bague métallique, et un trou d'aération dans la bague faite de matériau résistant pour accroître la capacité de compression de la bague;

de sorte qu'une compression sensiblement égale des deux bagues provoque un mouvement vertical du dispositif de lame de balayage à travers le canal vertical, de sorte qu'une compression différentielle où une première bague est comprimée plus qu'une deuxième bague provoque un mouvement angulaire du dispositif de lame de balayage autour d'un axe de rotation défini par la bague métallique de la deuxième bague.

[55] Les revendications 2 à 12 sont reproduites en annexe.

B. Le brevet 426

[56] Le brevet 426, également intitulé « Dispositif lame de balayage réglable et ensemble lame de balayage », fait sensiblement la même divulgation que le brevet 940. Le brevet 426 contient dix figures ou photographies.

[57] Les dates suivantes s'appliquent au brevet 426 : 1) date de dépôt du document établissant la priorité : 8 décembre 2010; 2) date de dépôt : 30 novembre 2011; 3) date de publication : 14 juin 2012; 4) date de délivrance : 8 janvier 2019; 5) date de péremption : 30 novembre 2031.

[58] Le brevet 426 comporte 64 revendications. Les revendications 1, 20, 35 et 50 sont les seules revendications indépendantes, tandis que les revendications dépendantes ajoutent des restrictions.

[59] Conformément à une entente entre les parties, les revendications 1 à 8, 10 à 14, 16, 17, 19, 20 à 28, 31, 32, 34 à 37, 39 à 43, 45 à 47, 49 à 51, 54 à 62 et 64 sont en cause. Toutefois, on ne conteste plus que la revendication 35 du brevet 426 est évidente, puisque M. Bouchard l'a reconnu au procès.

[60] La revendication 1 est la suivante :

[TRADUCTION]

Un ensemble de lames de balayage à fixer à un véhicule ayant une lame de chasse-neige pour balayer la surface du sol; l'ensemble de lames de balayage comprend :

un premier support de lame adapté pour être fixé à la lame de chasse-neige du véhicule;

un deuxième support de lame adapté pour être fixé parallèlement au premier support de lame et distant de celui‐ci;

une pluralité de dispositifs de lame de balayage pour balayer la surface du sol, où chacun des dispositifs de lame de balayage comprend une partie lame ayant au moins deux trous à bague qui la transpercent et une bague compressible insérée dans chacun de ces trous à bague, chacun des dispositifs de lame de balayage comprend en outre une couche de matériau résistant enduite sur la partie lame, les bagues compressibles faisant partie intégrante de ladite couche de matériau résistant, de sorte que les dispositifs de lame de balayage sont fixés au premier support de lame ou au deuxième support de lame au moyen de bagues compressibles qui permettent un mouvement vertical des dispositifs de lame de balayage lorsque la surface du sol est inégale;

de sorte que le premier support à lame et le deuxième support à lame forment un canal dans lequel la pluralité des dispositifs de lame de balayage sont insérés, le deuxième support de lame s'étend en continu le long de la pluralité des dispositifs de lame de balayage montés dans une configuration adjacente, où chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame, de sorte que le canal est ouvert au‐dessus pour permettre aux dispositifs de lame de balayage de bouger librement à travers le canal lorsqu'au moins une des bagues compressibles est comprimée.

[61] La revendication 20 est la suivante :

[TRADUCTION]

Un ensemble de lames de balayage pour balayer la surface du sol comprenant :

un premier support de lame adapté pour être fixé à une lame de chasse-neige d'un véhicule, ledit premier support de lame constituant une première surface plane;

un deuxième support de lame constituant une deuxième surface plane, le deuxième support de lame étant adapté pour être fixé parallèlement au premier support de lame et distant de celui‐ci, de sorte que la première surface plane et la deuxième surface plane forment un canal vertical entre les deux;

une pluralité de dispositifs de lame de balayage installés dans le canal vertical, de sorte que le deuxième support à lame s'étend de façon continue le long de la pluralité de dispositifs de lame de balayage fixés dans une configuration adjacente, où chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame, les dispositifs de lame de balayage étant configurés pour balayer la surface du sol, chacun des dispositifs de lame de balayage comprenant une partie lame avec deux trous à bague dans chacun et une bague faite de matériau résistant insérée dans chacun des trous à bague, de sorte que chacun des dispositifs de lame de balayage comprend en outre une couche de matériau résistant enduite sur la partie lame, les bagues faites de matériau résistant faisant partie intégrante de ladite couche de matériau résistant, les dispositifs de lames de balayage étant fixés au premier support de lame ou au deuxième support de lame par des bagues de matériau résistant, les dispositifs de lame de balayage étant configurés pour se déplacer verticalement et de façon angulaire dans le canal vertical lorsque la surface du sol est inégale;

le canal vertical est ouvert au‐dessus et au‐dessous pour permettre le mouvement vertical et angulaire des dispositifs de lame de balayage à travers le canal vertical.

[62] La revendication 50 est la suivante :

[TRADUCTION]

Un ensemble de dispositifs de lame de balayage pouvant être lié à un ensemble de support de lame fixé à un véhicule et comprenant un premier support de lame et un deuxième support de lame, le deuxième support de lame s'étendant parallèlement et à distance du premier support de lame, les premier et deuxième supports de lame forment ensemble un canal à fond ouvert, de sorte qu'au moins une pluralité de dispositifs de lame de balayage comprenne :

une partie lame ayant une face avant, une face arrière, un bord inférieur pour balayer la surface du sol, et un bord supérieur de l'autre côté du bord inférieur, la partie lame ayant au moins deux trous à bague qui la transpercent de la face avant à la face inférieure et du bord supérieur au bord inférieur, la partie lame pouvant être insérée dans le canal entre le premier et le deuxième support de lame et pouvant être fixée au premier ou au deuxième support de lame par les trous à bague;

des bagues, où chacune des bagues comprend une partie résistante ayant une ouverture d'attache qui la transperce et chacune des bagues étant insérée dans l'un des trous à bague respectif;

une couche de matériau résistant enduite sur la partie lame pour la couvrir au moins en partie, de sorte que les parties bague faites de matériau résistant fassent partie intégrante de ladite couche de matériau résistant;

de sorte qu'au moins une des parties lame des dispositifs de lame de balayage puisse être déplacée au‐dessus du premier et du deuxième support de lame par le dessus ouvert.

[63] Les revendications dépendantes sont reproduites en annexe. Même si elles ne sont pas toutes en cause, je les reproduis par souci de clarté.

C. Le brevet 233

[64] Le brevet 233, également intitulé « Dispositif lame de balayage réglable et ensemble lame de balayage », fait sensiblement la même divulgation que les brevets 940 et 426. Il montre les mêmes dix figures et a 14 revendications, qui visent seulement la lame et non l'ensemble.

[65] Les dates suivantes s'appliquent au brevet 233 : 1) date de dépôt du document établissant la priorité : 8 décembre 2010; 2) date de dépôt : 30 novembre 2011; 3) date de publication : 14 juin 2012; 4) date de délivrance : 9 juillet 2019; 5) date de péremption : 30 novembre 2031.

[66] Seule la revendication 1 est une revendication indépendante. Conformément à une entente entre les parties, les revendications 1, 2, 4, 5, 7 et 9 à 14 du brevet 233 sont en cause.

[67] La revendication 1 est la suivante :

[TRADUCTION]

Une lame de balayage comprenant :

une partie lame ayant une face avant, une face arrière, un bord inférieur pour balayer la surface du sol et un bord supérieur de l'autre côté du bord inférieur; la partie lame a au moins deux trous à bague qui la transpercent de la face avant à la face inférieure et du bord supérieur au bord inférieur;

des bagues dont chacune comprend une partie résistante ayant une ouverture d'attache, où chacune des bagues est insérée dans l'un des trous à bague respectif;

une couche de matériau résistant enduite sur la partie lame pour la couvrir au moins en partie, de sorte que les bagues faites de matériau résistant fassent partie intégrante de ladite couche de matériau résistant.

[68] Les revendications dépendantes sont reproduites en annexe. Même si elles ne sont pas toutes en cause, je les reproduis par souci de clarté.

IV. Autres brevets ou produits pertinents

[69] Lames Nordik est également le titulaire actuel du brevet américain no 9 121 151 (le brevet américain 151) délivré à la suite de la demande au titre du Traité de coopération en matière de brevets no PCT/CA2011/001334. Les inventeurs nommés sont Hugo Michel, Stéphane Michel et Marco Bergeron. Les dates suivantes s'appliquent au brevet américain 151 : 1) date de dépôt de la demande provisoire no 61/421 185 : 8 décembre 2010; 2) date de dépôt de la demande au titre du traité : 30 novembre 2011; 3) date de publication : 14 juin 2012; 4) date d'enregistrement : 1er septembre 2015.

[70] Le 26 janvier 2017, Lames Nordik a déposé la demande au titre du traité no PCT/CA2017/050082 pour un dispositif de lame de balayage avec lames réglables. Les inventeurs nommés sont Hugo Michel, Stéphane Michel et Marco Bergeron. La date établissant la priorité de la demande est le 26 janvier 2016 pour la demande provisoire américaine no 62/287 139.

[71] Le produit Nordik MOVE se fonde sur le système décrit dans les brevets de Nordik. Le produit Nordik MOVE comprend deux éléments qui ne sont pas présents dans les brevets de Nordik : 1) la forme effilée de la lame du produit Nordik MOVE; 2) la taille idéale du trou d'aération. Après avoir testé le produit, l'inventeur, M. Michel, a conclu qu'une taille de 3/8 de pouce était idéale pour le trou d'aération.

[72] Je remarque également qu'en raison de la décision Hamel, Lames Nordik ne vend désormais que les produits Nordik MOVE avec des bagues entières. Avant août 2021, Lames Nordik ne vendait qu'environ 5 % à 10 % des produits Nordik MOVE avec bagues entières, et 90 % avec la bague dotée d'un trou d'aération.

V. Interprétation des revendications

A. Principes

[73] Dans une action en matière de brevets, la première étape est l'interprétation des revendications.

[74] Cette interprétation précède l'examen des questions de la validité et de la contrefaçon et est la même pour toutes les fins (Free World Trust c. Electro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, aux par. 33 à 50; Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, aux par. 42 et 43 (Whirlpool); AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CSC 36, [2017] 1 R.C.S. 943, au par. 31). On ne peut interpréter une revendication en tenant compte du dispositif qui la contreferait ou en tenant compte de l'état de la technique en ce qui concerne la validité afin d'en éviter l'effet (Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751).

[75] Comme l'a fait remarquer le juge Zinn dans Meridian Manufacturing Inc. c. Concept Industries Ltd., 2023 CF 20, au par. 44, on a récemment examiné les principes généraux de l'interprétation des revendications dans Tearlab Corporation c. I‐MED Pharma Inc., 2019 CAF 179, aux par. 31 à 34, et on peut les résumer comme suit :

La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications, qui favorise à son tour tant l'équité que la prévisibilité. La teneur d'une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l'objet, et par un esprit désireux de comprendre. Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l'invention sont essentiels, alors que d'autres ne le sont pas. Il incombe au juge appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l'essentiel et le non-essentiel et d'accorder au « champ » délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d'un brevet valide.

Pour déterminer ces éléments, la teneur des revendications doit être interprétée du point de vue du lecteur versé dans l'art, à la lumière des connaissances générales courantes de ce dernier. Comme il a été observé dans la décision Free World Trust :

[51] [...] Les mots choisis par l'inventeur seront interprétés selon le sens que l'inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d'une manière qui est favorable à l'accomplissement de l'objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l'inventeur qui s'exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Le public doit pouvoir s'en remettre aux termes employés à condition qu'ils soient interprétés de manière équitable et éclairée. [Souligné dans l'original.]

L'interprétation des revendications appelle l'examen de l'ensemble de la divulgation et des revendications « pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement, [...] sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public ». On peut alors tenir compte des spécifications du brevet pour comprendre la signification des termes utilisés dans les revendications. Il faut veiller, cependant, à ne pas interpréter ces termes de façon à « élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu'elle était écrite et, [...] interprétée ». La Cour suprême du Canada a récemment souligné que l'analyse de la validité est principalement axée sur les revendications; les spécifications seront pertinentes lorsque les revendications sont ambiguës.

Finalement, il est important de souligner que l'interprétation des revendications doit être la même qu'il soit question de validité ou de contrefaçon.

[Renvois omis]

B. La date pertinente pour l'interprétation des revendications

[76] La date pertinente pour l'interprétation des revendications est la date de publication (Whirlpool, au par. 56). En l'espèce, la date est le 14 juin 2012, lorsque le brevet 940 a été publié (exposé commun des faits, pièce 2).

C. La personne versée dans l'art

[77] Il n'y a guère de désaccord entre les deux experts quant à la personne versée dans l'art à laquelle les brevets de Nordik s'adressent. La principale différence réside dans le type et le niveau d'études requis, étant donné que l'expert de Lames Nordik, M. Bouchard, suggère que la personne versée dans l'art a une formation en génie, tandis que l'expert de Valley Blades, M. Paonessa, suggère qu'aucun niveau ou type d'études précis n'est nécessaire.

[78] De l'avis de Valley Blades, la personne versée dans l'art serait une équipe composée d'une ou de plusieurs personnes possédant les compétences suivantes acquises au cours de plusieurs années d'expérience professionnelle dans cette industrie : a) une connaissance de la conception des ensembles de lames de chasse‐neige; b) une connaissance des matériaux utilisés pour fabriquer les ensembles de lames de chasse-neige.

[79] De l'avis de Lames Nordik, la personne versée dans l'art à qui s'adressent les brevets de Nordik devrait avoir un diplôme technique ou universitaire en génie, environ cinq ans d'expérience dans la conception et la fabrication de pièces ou de systèmes liés à l'industrie automobile, et environ un an d'expérience dans le secteur du déneigement en particulier.

[80] Je suis prête à accepter la personne versée dans l'art proposée par M. Bouchard, c'est‐à‐dire l'expert de Lames Nordik.

[81] Les parties s'entendent sur le fait que les experts eux‐mêmes n'ont pas besoin de posséder les caractéristiques de la personne versée dans l'art. Ils doivent cependant pouvoir présenter à la Cour le point de vue de la personne versée dans l'art à la date de publication du brevet.

[82] Je ne suis toutefois pas d'accord avec Lames Nordik quand elle affirme que la personne versée dans l'art évite le risque en cas d'incertitude pour arriver aux différences alléguées entre les revendications en cause des brevets de Nordik et l'état de la technique. La jurisprudence indique clairement que la personne versée dans l'art n'évite pas le risque : « Je ne souscris pas à la thèse selon laquelle la personne versée dans l'art évite le risque » (Leo Pharma Inc. c. Teva Canada Limited, 2015 CF 1237, au par. 105; voir aussi Amgen Inc. c. Pfizer Canada ULC, 2020 CF 522 (Amgen), aux par. 327 à 330). La personne versée dans l'art peut faire face à un certain degré d'incertitude en cours de route : « Mais, parallèlement, on ne peut pas présumer, selon moi, qu'il devait y avoir quelque part un certain degré d'inventivité, juste parce que l'on aurait pu miser sur un succès fort incertain » (Amgen Canada Inc. c Apotex Inc., 2015 CF 1261, au par. 101).

D. Les connaissances générales courantes le 14 juin 2012

[83] Les connaissances générales courantes ne sont pas la totalité des renseignements publics. Les connaissances générales courantes sont plutôt les connaissances généralement connues au moment pertinent par la personne versée dans l'art ou la science auquel le brevet se rapporte (Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219, aux par. 63 à 65 (Bell Helicopter Textron)). Autrement dit, comme indiqué dans Eli Lilly Canada Inc. c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2016 CAF 119, [2017] 2 R.C.F. 280 (Mylan Pharmaceuticals) : « Les connaissances générales courantes [...] s'entendent des ‟connaissances que possède généralement une personne versée dans l'art en cause au moment considéré » (par. 24).

[84] Contrairement aux antériorités, qui sont une catégorie générale regroupant tous les renseignements précédemment divulgués dans le domaine, un renseignement ne fait partie des connaissances générales courantes que si la personne versée dans l'art en serait informée et reconnaîtrait cette information comme constituant « un bon fondement pour les actions à venir » (Mylan Pharmaceuticals, au par. 24). Les connaissances générales courantes influent la façon dont on doit lire les revendications et le mémoire descriptif, car le brevet s'adresse à la personne versée dans l'art. Tout examen en droit des brevets effectué du point de vue d'une personne versée dans l'art tiendra donc compte des connaissances générales courantes. On ne peut pas supposer les connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art; celles‐ci doivent plutôt être établies par des éléments de preuve factuels selon la prépondérance des probabilités (Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., 2009 CF 991, au par. 100). Aux fins de l'interprétation des revendications, la date pertinente pour interpréter les connaissances générales courantes est la date de la publication, c.‐à‐d. le 14 juin 2012.

[85] M. Paonessa décrit les connaissances générales courantes le 14 juin 2012 à la page 43 de son rapport d'expert, dans lequel il inclut la version du produit PolarFlex de Valley Blades dotée d'une bague ronde qui crée une couche d'air. Sa description est la suivante :

[TRADUCTION]

a) Connaissance du brevet de Valley Blades et de l'ensemble de lames de balayage qu'il décrit et revendique; b) connaissance du produit PolarFlex (à la fois la version dotée de la bague elliptique et la version dotée de la bague ronde qui crée une couche d'air) et de ses caractéristiques; c) connaissance du brevet de JOMA et de l'ensemble de lames de balayage qu'il décrit et réclame; d) connaissance du produit JOMA 6000 et ses caractéristiques.

En outre, la personne versée dans l'art connaît et comprend généralement l'utilisation de matériaux résistants (comme le caoutchouc) dans les structures afin : a) de permettre la compression ou le mouvement; b) d'entourer certains composants pour éviter le contact métal contre métal; c) d'absorber les vibrations et les sons. [Non souligné dans l'original.]

[86] M. Bouchard, quant à lui, indique aux pages 9 à 12 de son rapport d'expert (sur l'interprétation et la contrefaçon) que les connaissances générales courantes le 14 juin 2012 ne comprennent que les trous de forme allongée ou oblongue (en renvoyant au brevet américain no 2 116 351 de 1938 et au brevet de M. Hamel de 2003).

[87] Les experts ne sont donc pas d'accord sur la question de savoir si le produit PolarFlex doté d'une bague ronde qui crée une couche d'air faisait partie des connaissances générales courantes le 14 juin 2012, mais cela n'a pas d'incidence sur l'interprétation des revendications. Je note toutefois que le brevet de M. Hamel de 2003 indique également la présence d'une couche d'air.

E. L'interprétation des revendications

[88] Il n'y a pas de différend entre les experts quant à l'interprétation des revendications. MM. Paonessa et Bouchard ont tous deux cerné les mêmes éléments essentiels des revendications en cause. Le libellé des revendications en cause est reproduit dans la présente décision et joint en annexe.

(1) Le brevet 940

(a) Revendication 1

[89] Les deux experts conviennent des éléments essentiels de la revendication indépendante 1 du brevet 940.

[90] Lames Nordik affirme, dans ses observations finales, que le trou d'aération soulève une question en litige puisque M. Paonessa exigerait qu'elle transperce. Je suppose que Lames Nordik conclut que M. Paonessa exigeait que le trou d'aération transperce complètement. Toutefois, je suis convaincue qu'il n'y a pas de question en litige à cet égard. Premièrement, je ne crois pas que M. Paonessa juge essentiel que le trou d'aération transperce entièrement la bague de caoutchouc. Deuxièmement, au contraire, selon l'interprétation qu'en font les deux experts, le trou d'aération n'a ni forme, ni profondeur, ni position précise (observations finales de Valley Blades à la page 14; rapport d'expert de M. Paonessa en réponse, à la page 12; rapport d'expert de M. Bouchard (interprétation et contrefaçon), à la page 123).

[91] Les éléments essentiels de la revendication 1 sont les suivants :

(1) Fixé à un véhicule : il y a un premier support de lame qui est fixé à un véhicule.

(2) Canal vertical : il existe un deuxième support de lame parallèle au premier support de lame et distant de celui‐ci, ce qui crée un canal vertical pour y insérer des dispositifs de lame de balayage.

(3) Partie lame : il y a une pluralité de dispositifs de lames de balayage; chaque dispositif comprend un bord inférieur pour balayer le sol et un bord supérieur de l'autre côté.

(4) Trous pour bague : il y a deux trous pour bague situés à des côtés opposés du dispositif de lame de balayage pour recevoir deux bagues.

(5) Bagues : il y a une bague dans chaque trou à bague pour permettre le mouvement vertical ou angulaire du dispositif de lame de balayage.

Chaque bague comprend les éléments suivants :

i) une bague métallique qui fixe le dispositif de lame de balayage au premier ou au deuxième support de lame;

ii) une bague faite d'un matériau résistant qui entoure la bague métallique;

iii) un trou d'aération dans la bague faite de matériau résistant pour accroître sa capacité de compression.

(b) Revendications 2 à 12

[92] Chacune des revendications dépendantes 2 à 12 est en cause et ajoute les limites suivantes à la demande 1 :

– partie lame : la partie lame est constituée de matériau composite, d'acier, de carbure, d'aluminium, d'alliage, de polymère ou de plastique (revendication 2); a une insertion dans le bord inférieur (revendication 3) en carbure (revendication 4); et est couverte d'une couche de matériau résistant (revendication 5).

– bague faite de matériau résistant : la bague faite de matériau résistant est faite de caoutchouc (revendication 6).

– fixation au véhicule : l'appareil est fixé au véhicule de sorte qu'on peut l'enlever (revendication 7); le véhicule est un camion, une voiture, un motoquad, un tracteur, un véhicule personnel, un véhicule commercial, un chasse‐neige ou une fourgonnette (revendication 8); et la fixation peut se trouver à l'avant, au côté, à l'arrière ou en dessous du véhicule (revendication 9).

– canal vertical : le deuxième support de lame qui forme le canal vertical est plus étroit que les dispositifs de lames de balayage (revendication 10); a une partie supérieure ouverte adjacente au bord supérieur de la partie lame (revendication 11); et a un fond ouvert adjacent au bord inférieur de la partie lame (revendication 12).

(2) Le brevet 426

(a) Revendication 1

[93] La revendication 1 du brevet 426 revendique un ensemble de lame de balayage comportant les éléments essentiels suivants :

(1) Fixé à un véhicule : il y a un premier support de lame qui est fixé à la lame de chasse‐neige du véhicule.

(2) Canal vertical : il existe un deuxième support de lame parallèle au premier support de lame et distant de celui‐ci, ce qui crée un canal vertical pour la réception des dispositifs de lame de balayage. Le deuxième support de lame s'étend en continu le long des dispositifs de lame de balayage; chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame.

(3) Dessus ouvert : le canal vertical créé par le premier support de lame et le deuxième support de lame pour recevoir les lames de balayage est ouvert au‐dessus pour permettre aux lames de balayage de bouger librement.

(4) Partie lame : il y a une pluralité de dispositifs de lame de balayage, chaque dispositif comprenant une partie lame.

(5) Trous à bague : il y a au moins deux trous pour bague qui transpercent la partie lame.

(6) Bagues : il y a une bague compressible dans chaque trou à bague pour permettre un mouvement vertical du dispositif de lame de balayage (n'exige pas de trou d'aération).

(7) Revêtement intégré : il y a une couche de matériau résistant enduite sur la partie lame; les bagues compressibles font partie intégrante de la couche de matériau résistant.

(b) Revendications 2 à 19

[94] Les revendications dépendantes 2 à 8, 10 à 14, 16, 17 et 19 sont en cause. Certaines restrictions relatives à la partie lame (revendications 3 à 5) et à la bague faite de matériau résistant (revendication 7) sont sensiblement les mêmes que les limites connexes imposées à la revendication 1 du brevet 940, comme je l'ai décrit ci‐dessus. Les autres revendications dépendantes ajoutent les restrictions suivantes à la revendication 1 :

– support de lame : le deuxième support de lame est plus étroit que le dispositif de lame de balayage (revendication 2).

– partie lame : la partie lame est en acier (revendication 11) et les bords inférieurs s'étendent vers le bas au-delà des premier et deuxième supports de lame (revendication 14).

– bague faite de matériau résistant : la bague faite de matériau résistant couvre la majorité des faces avant et arrière de la partie lame (revendication 16), au moins le bord supérieur de la partie lame (revendication 19), et est liée à la partie lame (revendication 17).

– bague métallique : une bague métallique est insérée dans la bague faite de matériau résistant qui définit une ouverture d'attache (revendication 10).

– trou d'aération : chaque bague compressible contient un trou d'aération pour en augmenter la capacité de compression (revendication 8) qui est aligné avec une ouverture d'attache, de sorte que chacun soit plus près du bord inférieur que les bagues métalliques (revendication 13).

– trou pour bague : le trou pour bague est elliptique (revendication 12).

(c) Revendication 20

[95] La revendication 20 du brevet 426 chevauche de façon importante la revendication 1 du brevet 426. Les éléments essentiels sont les suivants :

(1) Fixé à un véhicule : il y a un premier support de lame qui est fixé à la lame de chasse‐neige du véhicule.

(2) Canal vertical : il existe un deuxième support de lame parallèle au premier support de lame et distant de celui‐ci qui constitue une deuxième surface plane, ce qui crée un canal vertical pour la réception des dispositifs de lame de balayage. Le deuxième support de lame s'étend en continu le long des dispositifs de lame de balayage; chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame.

(3) Partie lame : il y a une pluralité de dispositifs de lame de balayage, chaque dispositif comprenant une partie lame.

(4) Trous à bague : il y a deux trous pour bague qui transpercent la partie lame.

(5) Bague : il y a une bague compressible insérée dans chaque bague, de sorte que les bagues peuvent provoquer un mouvement vertical et angulaire du dispositif de lame de balayage.

(6) Revêtement intégré : il y a une couche de matériau résistant enduite sur la partie lame; les bagues compressibles font partie intégrante de la couche de matériau résistant.

(7) Dessus et dessous ouverts : le canal vertical créé par le premier support de lame et le deuxième support de lame pour recevoir les lames de balayage est ouvert au‐dessus et en dessous pour permettre le mouvement vertical et angulaire des lames de balayage.

(d) Revendications 21 à 34

[96] Les revendications dépendantes 21 à 28, 31, 32 et 34 sont en cause. Certaines limites relatives au support de lame (revendication 22), à la partie lame (revendications 25, 27 et 28), à la bague faite de matériau résistant (revendications 25, 31, 32 et 34), au trou d'aération (revendications 21 et 27), au trou pour bague (revendication 26) et à la bague métallique (revendication 24) sont sensiblement les mêmes que les limites connexes imposées à la revendication 1 du brevet 426 comme décrit ci‐dessus. Les autres revendications ajoutent les restrictions suivantes à la revendication 20 :

– support de lame : le dispositif de lame de balayage s'attache au premier ou au deuxième support de lame à travers la bague faite de matériau résistant (revendication 21) et le premier support de lame est solidement fixé à une lame de chasse-neige, mais de sorte qu'on peut l'enlever (revendication 23).

(e) Revendication 35 et revendications dépendantes 36 à 49

[97] Au cours du procès et dans ses observations de clôture, Lames Nordik a reconnu que la revendication 35, qui décrit un ensemble de lames de balayage, est évidente et n'est donc plus en litige.

[98] Les revendications dépendantes à la réclamation 35 doivent toujours être examinées, car elles sont présumées valides même si elles dépendent d'une réclamation non valide. Les revendications dépendantes 36, 37, 39 à 43, 45 à 47 et 49 sont en cause. Certaines limites relatives au support de lame (revendication 37), à la partie lame (revendications 40, 42 et 43), à la bague faite de matériau résistant (revendications 40, 46, 47 et 49), au trou d'aération (revendications 36 et 42), au trou pour bague (revendication 41) et à la bague métallique (revendication 39) sont sensiblement les mêmes que les limites connexes imposées à la revendication 20 du brevet 426 comme je l'ai décrit ci-dessus. La revendication restante ajoute la limite suivante à la revendication 35 :

– support de lame : les premier et deuxième supports de lame sont plus longs que le dispositif de lame de balayage (revendication 45).

(f) Revendication 50

[99] La revendication 50 du brevet 426 chevauche aussi de façon importante la revendication 1 du brevet 426. Les éléments essentiels sont les suivants :

(1) Fixation à un véhicule : il y a un premier support de lame qui est fixé à la lame de chasse-neige du véhicule.

(2) Canal vertical : il existe un deuxième support de lame parallèle au premier support de lame et distant de celui‐ci qui constitue une deuxième surface plane, ce qui crée un canal vertical pour la réception des dispositifs de lame de balayage. Le deuxième support de lame s'étend en continu le long des dispositifs de lame de balayage; chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame.

(3) Partie lame : il y a une pluralité de dispositifs de lame de balayage, chaque dispositif comprenant une partie lame.

(4) Trous à bague : il y a deux trous pour bague qui transpercent la partie lame.

(5) Bagues : les bagues comprennent une partie bague résistante qui doit avoir une « ouverture d'attache qui la transperce ».

(6) Revêtement intégré : la couche de matériau résistant doit « couvrir au moins en partie » la partie lame.

(7) Dessus et dessous ouverts : le canal vertical est ouvert au‐dessus et au‐dessous.

(g) Revendications 51 à 64

[100] Les revendications dépendantes 51, 54 à 62 et 64 sont en cause. Certaines limites relatives au support de lame (revendications 56 et 64), à la partie lame (revendications 57 à 59 et 62), à la bague faite de matériau résistant (revendication 59), au trou d'aération (revendications 51 et 61) et au trou pour bague (revendication 60) sont sensiblement les mêmes que les limites connexes imposées aux revendications 20 et 35 du brevet 426 comme je l'ai décrit ci‐dessus. Les autres revendications ajoutent les limites suivantes :

– bague métallique : une bague métallique est insérée dans l'ouverture d'attache et est entourée par la bague faite de matériau résistant (revendication 55).

– partie lame : la partie lame a un bord supérieur couvert par la couche de matériau résistant (revendication 54).

(3) Le brevet 233

[101] Le brevet 233 porte sur une seule lame de balayage plutôt qu'un ensemble de lames de balayage.

(a) Revendication 1

[102] La revendication 1 du brevet 233 revendique une lame de balayage comportant les éléments essentiels suivants :

(1) Partie lame : il y a une partie lame ayant une face avant, une face arrière, un bord inférieur pour balayer la surface du sol et un bord supérieur de l'autre côté du bord inférieur.

(2) Trous à bague : il y a au moins deux trous à bague qui transpercent la partie lame.

(3) Bagues : il y a une bague faite de matériau résistant avec une ouverture d'attache insérée dans chaque trou pour bague.

(4) Revêtement intégré : il y a une couche de matériau résistant enduite au moins en partie sur la partie lame, de sorte que les bagues faites de matériau résistant sont une partie intégrante de la couche de matériau résistant.

(b) Revendications 2 à 14

[103] Les revendications dépendantes 2, 4, 5, 7 et 9 à 14 sont en cause. Certaines restrictions relatives à la partie lame (revendications 10 et 11), à la bague faite de matériau résistant (revendications 4, 5 et 7), au trou d'aération (revendications 2, 13 et 14), au trou pour bague (revendication 12) et à la bague métallique (revendication 9) sont sensiblement les mêmes que les limites connexes imposées aux revendications indépendantes en cause du brevet 426 comme je l'ai décrit ci‐dessus.

VI. Évidence

A. Principes

[104] Un brevet ne peut être délivré pour une invention qui était évidente, à la date de dépôt du document établissant la priorité, pour la personne versée dans l'art dont relève l'objet, conformément à l'article 28.3 de la Loi sur les brevets. Les experts s'entendent sur le fait que l'évidence en l'espèce doit être évaluée le 8 décembre 2010 (date de dépôt du document établissant la priorité des brevets de Nordik).

[105] Dans Apotex Inc. c. Shire LLC, 2021 CAF 52, [2021] 3 R.C.F. 46 (Shire), la Cour d'appel fédérale a confirmé que, comme dans le cas de l'anticipation, l'analyse relative à l'évidence appelle à une évaluation de chaque revendication (en renvoyant à Zero Spill Systems (Int'l) Inc. c. Heide, 2015 CAF 115, aux par. 83 et 85). Si la Cour estime qu'une revendication indépendante est évidente, elle doit ensuite poursuivre et examiner chacune des revendications dépendantes en cascade, plus étroites, afin d'en déterminer l'évidence. Chaque revendication est évaluée à la lumière du critère à quatre volets énoncé dans Apotex Inc. c Sanofi‐Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265 (Sanofi), au par. 67 :

(1) a) Identifier la « personne versée dans l'art ».

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2) Définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation;

(3) Recenser les différences, s'il en est, entre ce qui ferait partie de « l'état de la technique » et l'idée originale qui sous‐tend la revendication ou son interprétation;

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l'invention revendiquée, ces différences constituent‐elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l'art ou dénotent‐elles quelque inventivité?

[106] Le quatrième volet de l'enquête peut faire que l'on se demande si les étapes pour atteindre l'invention revendiquée constituaient un « essai allant de soi » pour la personne versée dans l'art (Sanofi, aux par. 68 à 71). Lorsqu'on examine la question de l'évidence, toute analyse rétrospective est interdite.

B. La personne versée dans l'art

[107] Comme je l'ai indiqué plus haut au paragraphe 78 des présents motifs, la personne versée dans l'art à qui s'adressent les brevets de Nordik est une personne possédant un diplôme technique ou universitaire en génie, environ cinq ans d'expérience dans la conception et la fabrication de pièces ou de systèmes liés à l'industrie automobile, et environ un an d'expérience dans le secteur du déneigement en particulier.

C. Le connaissances générales courantes le 8 décembre 2010

[108] Les parties s'entendent sur le fait que les documents et les produits énumérés dans leur exposé commun des faits faisaient partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art le 8 décembre 2010. Plus précisément, les parties étaient d'accord pour dire que les éléments suivants faisaient partie des connaissances générales courantes : i) le brevet de M. Hamel, ii) le brevet de JOMA; iii) le produit JOMA; iv) le brevet de Valley Blades; v) le produit PolarFlex de Valley Blades avec les bagues allongées ou elliptiques.

[109] Lames Nordik conteste que les bagues rondes qui créent des « couches d'air » dans l'autre version du produit PolarFlex faisaient partie des connaissances générales courantes à la date pertinente, puisque peu de produits ayant cette caractéristique avaient été vendus avant le 8 décembre 2010. En revanche, M. Hunt, pour Valley Blades, a expliqué que les [TRADUCTION] « échantillons d'essai » initiaux des bagues rondes étaient envoyés aux distributeurs (qui vendent le produit aux clients finaux) avant la date de dépôt du document établissant la priorité. M. Hunt a expliqué qu'il arrive souvent dans l'industrie que les représentants commerciaux montrent aux clients les diverses pièces, y compris les bagues rondes, pour expliquer le fonctionnement du système. Encore une fois, je remarque que, de toute façon, le brevet de M. Hamel comporte des bagues qui créent des couches d'air.

[110] Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, je conclus que les bagues rondes qui créent des couches d'air figurant dans une version des produits PolarFlex faisaient partie des connaissances générales courantes à la date pertinente. Toutefois, comme on le voit ci-dessous, cela n'a aucune incidence sur ma conclusion sur l'évidence.

D. Antériorité

[111] Les antériorités « s'entendent de l'ensemble du savoir dans le domaine du brevet en cause » et « comprennent tout enseignement accessible au public, aussi obscur ou peu accepté soit‐il » (Mylan Pharmaceuticals, au par. 23). Dans Ciba Specialty Chemicals Water Treatment Limited c. SNF Inc, 2017 CAF 225, [2018] 3 R.C.F. F‐1 (Ciba), au par. 56, la Cour d'appel fédérale a confirmé que l'antériorité n'est qu'un autre terme utilisé pour désigner l'état de la technique, et je peux utiliser l'un ou l'autre terme dans les présents motifs. La CAF a récemment déclaré qu'il est erroné de ne pas tenir compte d'antériorités accessibles au public à la date pertinente simplement parce qu'une recherche raisonnablement diligente ne les aurait pas révélées (Corporation de soins de la santé Hospira c. The Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30, par. 86).

[112] Valley Blades affirme qu'il n'y a pas de différend entre les parties quant à l'état de la technique pertinent. Il comprend : i) le brevet de M. Hamel; ii) le brevet de JOMA; iii) le produit JOMA; iv) le brevet de Valley Blades; v) le produit PolarFlex de Valley Blades (à la fois celui avec des bagues elliptiques avec dépressions et celui avec des bagues rondes et des couches d'air).

[113] Étrangement, tant au paragraphe 55 du plan de plaidoirie qu'elle a présenté en conclusion que dans ses observations orales finales, Lames Nordik a soutenu que le produit PolarFlex doté de bagues rondes ne devrait pas être considéré comme une antériorité (transcription du 25 octobre 2022, observations finales, p. 166 et 167). Cependant, au cours du procès, Lames Nordik a confirmé clairement que le produit PolarFlex doté de bagues rondes faisait partie de l'état de la technique (transcription du 25 octobre 2022, observations finales, p. 37, 38 et 167). M. Bouchard l'a même considéré comme une antériorité dans son analyse de l'évidence.

[114] La Cour d'appel fédérale nous rappelle ce qui suit dans Ciba, au par. 60 :

[...] Ce qui fait partie de l'état de la technique est simplement l'art antérieur qu'invoque la partie qui prétend qu'il y avait évidence. L'évidence n'est pas déterminée par rapport à l'état de la technique en général. La personne invoquant l'évidence doit renvoyer à un ou plusieurs éléments de l'art antérieur qui rend l'invention contestée évidente. Le choix des éléments de l'état de la technique relève entièrement de la partie invoquant l'évidence, sous réserve de l'article 28.3 de la Loi, qui établit la date limite pour l'état de la technique. En fait, la partie contestant le brevet peut se fonder sur plusieurs éléments de l'état de la technique selon la théorie de la « mosaïque » quant à l'évidence : Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National‐Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, [2014] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 87.

[115] Valley Blades a démontré que la version du produit PolarFlex dotée de bagues rondes qui créent des couches d'air a été vendue pour la première fois le 27 janvier 2010; par conséquent, elle a été rendue publique avant la date limite du 8 décembre 2010 (affidavit de M. Hunt, au paragraphe 28). En outre, et comme il a été mentionné plus tôt, Lames Nordik a confirmé que cette version du produit PolarFlex faisait partie de l'état de la technique dans ses observations finales, et M. Bouchard, l'expert de Lames Nordik, a affirmé la même chose dans son rapport d'expert. Je suis convaincue que le produit PolarFlex de Valley Blades qui comprend des bagues rondes qui créent des couches d'air fait partie de l'état de la technique.

[116] Le brevet de JOMA révèle une lame segmentée qui est conçue pour être fixée à une charrue pour enlever la neige, la neige fondante et la glace de la surface sous‐jacente. Le produit JOMA est un mode de réalisation de l'invention revendiquée dans le brevet de JOMA.

[117] La lame segmentée divulguée dans le brevet de JOMA comprend une masse élastomère (en caoutchouc) qui enferme les lames mobiles multiples, et les lames de l'invention revendiquée sont insérées entre deux supports métalliques (une barre de serrage et une lame arrière de support) qui forment un canal ouvert où les diverses lames peuvent se déplacer.

[118] Les principales caractéristiques du brevet de JOMA comprennent l'intégration de la bague à la couche extérieure de caoutchouc : 1) une masse d'élastomère (en caoutchouc) enferme les lames multiples; 2) le caoutchouc empêche le contact métal sur métal qui pourrait causer une usure précoce et des dommages structuraux aux pièces et aux parties métalliques adjacentes de la charrue; 3) la présence du caoutchouc absorbe et atténue les sons et vibrations causés par la friction entre les lames et la surface de la route; 4) il y a au moins un trou pour bague dans chaque lame qui est rempli de caoutchouc et intégré au caoutchouc extérieur.

[119] Le produit JOMA a été commercialisé pour la première fois en Scandinavie et est offert en Amérique du Nord depuis le début des années 2000 (rapport d'expert de M. Paonessa, pièce 7, au paragraphe 68; annexe II, onglet 3, par. 71, figure 5). Le produit JOMA contient tous les éléments du chasse‐neige segmenté divulgués dans le brevet de JOMA, y compris le fait que chaque lame comprend une bague intégrée à la couche de caoutchouc extérieure. Les lames du produit JOMA sont insérées entre deux supports métalliques (une barre de serrage et une lame de support arrière) qui forment un canal ouvert où les diverses lames peuvent se déplacer. L'unité entière est fixée à un véhicule à l'aide de boulons de charrue qui traversent la barre de serrage, les bagues métalliques dans le caoutchouc, la lame de support arrière et le versoir lui‐même.

[120] Le brevet de JOMA enseigne les avantages de la vulcanisation des lames métalliques à la masse de caoutchouc qui les entoure. Les experts sont d'accord que le caoutchouc à l'intérieur des lames en « U » de l'invention revendiquée dans le brevet de JOMA constitue au moins une bague intégrée (pièce 6, no FC00192, col. II, lignes 59 à 64, et pièce 74, no FC00264, p. 43; transcription du contre-interrogatoire de M. Bouchard, jour 4 (p. 44, lignes 17 à 22); pièce 73, no FC00246, p. 43).

[121] Le brevet de Valley Blades décrit un système amélioré de lames détachables qui peut être utilisé pour fixer une lame à un véhicule pour le déneigement. Les deux versions des produits PolarFlex sont des modes de réalisation du système de lames divulgué dans le brevet de Valley Blades. Le système comprend : i) un ensemble de montage; ii) au moins une lame; iii) un amortisseur souple (c.‐à‐d. en caoutchouc) composé d'une ou de plusieurs pièces; iv) un moyen d'attache.

[122] Comme il en a été question, Valley Blades vend ses produits PolarFlex avec deux versions différentes des bagues en caoutchouc : des bagues elliptiques et des bagues rondes.

[123] La version du PolarFlex qui a été vendue pour la première fois le 8 mai 2008 comportait deux bagues de caoutchouc elliptiques. Les bagues elliptiques ont toujours eu une dépression, c.‐à‐d. une section avec moins de caoutchouc. La version du produit PolarFlex dotée de bagues rondes a été vendue pour la première fois le 27 janvier 2010. Comme l'a expliqué M. Hunt, lorsqu'une lame PolarFlex est dotée de bagues rondes, il y a une couche d'air entre l'extérieur de la bague ronde et le trou pour bague.

E. Le brevet 940

(1) Revendication 1

(a) Idée originale

[124] Il ne semble pas y avoir de désaccord quant aux idées originales des revendications en cause. M. Bouchard n'utilise pas l'expression « idée originale » lorsqu'il examine l'évidence dans son rapport, mais il compare chaque élément essentiel des revendications indépendantes des brevets de Nordik à l'état de la technique pour déterminer l'inventivité des revendications indépendantes (rapport d'expert de M. Bouchard, aux sections 9.2 et 10.2). M. Paonessa estime que l'idée originale n'est pas différente de la compréhension qu'aurait la personne versée dans l'art (rapport d'expert de M. Paonessa aux paragraphes 144, 190, 217, 244, 265 et 269) et compare également chaque élément essentiel des revendications à l'état de la technique. Selon les deux experts, l'idée originale est évidente ici et correspond aux éléments essentiels des revendications. Elle n'a pas besoin d'être interprétée de façon indépendante (Shire, au par. 67).

[125] Dans le plan de plaidoirie qu'elle a présenté en conclusion et dans ses observations orales finales (transcription du 25 octobre 2023, p. 136 et 137), Lames Nordik a laissé entendre, quoique pas tout à fait clairement, que l'idée originale des revendications peut être fondée sur autre chose que les éléments essentiels des revendications. Je ne suis pas d'accord et je conclus, comme l'ont fait les experts, que l'idée originale de chaque revendication se trouve dans ses éléments essentiels.

[126] Lames Nordik a également mentionné, en particulier dans ses observations finales, que les brevets de Nordik sont des « brevets de combinaison » et a renvoyé à la jurisprudence relative aux brevets de combinaison (voir, par exemple, Bridgeview Manufacturing Inc. c. 931409 Alberta Ltd (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188 (Bridgeview)). Les brevets de combinaison sont ceux qui combinent des éléments de plusieurs éléments brevetés; l'inventivité se trouve dans la sélection et la combinaison de ces éléments. Rien n'indique que les brevets de Nordik sont des brevets de combinaison ou qu'ils se rapportent à une invention de combinaison, qu'on a revendiqué une combinaison ou qu'une combinaison était un élément essentiel. Les experts n'ont pas non plus estimé que les brevets de Nordik se rapportaient à une « invention de combinaison » (Bridgeview, aux par. 51 et 52). Je ne considère donc pas les brevets de Nordik comme des brevets de combinaison.

(b) Différence entre l'idée originale de la revendication 1 du brevet 940 et l'état de la technique

[127] Les experts s'entendent sur le fait qu'il n'y a pas de différence entre la plupart des éléments de la revendication 1 du brevet 940 et l'état de la technique (pour ce qui est de la fixation au véhicule, du canal vertical, de la partie lame et du trou pour bague). Ces éléments se retrouvent dans la plupart des revendications en cause. Les experts s'entendent également sur le fait que les deux premiers composants de la bague (c.‐à‐d. la bague métallique et la bague en caoutchouc) faisaient partie de l'état de la technique.

[128] Le désaccord des experts concernant la revendication 1 du brevet 940 se rapporte au trou d'aération dans la bague. M. Bouchard soutient que l'état de la technique ne comprend pas un trou d'aération dans la bague de caoutchouc. Il mentionne que le produit PolarFlex de Valley Blades a soit une dépression dans la bague de caoutchouc, soit un espace vide sous la bague de métal, et qu'il est difficile de soutenir que ces caractéristiques comprennent des trous d'aération qui permettent une déformation plus importante de la bague pour la même contrainte (c.‐à‐d. pour augmenter la compression de la bague) (rapport d'expert de M. Bouchard en réponse, section 9.2).

[129] M. Paonessa soutient que dans la première version du produit PolarFlex, les dépressions dans l'attache elliptique augmentent la déformabilité et la compression de la bague résistante, ce qui augmente le mouvement vertical ou angulaire de la lame lorsqu'elle rencontre une surface de route inégale (la couche d'air permet plus de mouvement). Les couches d'air dans l'attache ronde de la deuxième version du produit PolarFlex permettent une gamme encore plus grande de mouvements verticaux ou angulaires. Ainsi, ces caractéristiques ont la même fonction que le trou d'aération. M. Paonessa estime par conséquent qu'il n'y a pas de différence significative entre la caractéristique de la bague de la revendication 1 du brevet 940 et l'état de la technique de Valley Blades (rapport d'expert de M. Paonessa, aux paragraphes 168 et 169).

[130] Je suis d'accord avec Valley Blades (voir les observations finales de Valley Blades, aux par. 89 à 92) pour dire que la conclusion de M. Bouchard ne résiste pas à un examen détaillé, pour les raisons suivantes :

· Lorsqu'ils ont interprété la revendication 1 du brevet 940, les deux experts ont conclu que le terme « trou d'aération » n'en limitait pas la forme, la profondeur ou la position. Un trou d'aération pourrait ainsi inclure une dépression dans le matériau élastique, comme celle de la version du produit PolarFlex avec la bague en caoutchouc elliptique (oblongue).

· Lors de son analyse sur la contrefaçon, M. Bouchard n'a eu aucune difficulté à faire valoir qu'une couche de caoutchouc à l'intérieur des bagues en caoutchouc du produit EconoFlex‐M de Valley Blades demeurait un « trou de ventilation » (rapport d'expert de M. Bouchard, à la section 6.22). Le produit PolarFlex doté de la bague elliptique possède également une couche de caoutchouc.

· Dans son rapport d'expert, M. Bouchard a estimé que le trou d'aération a pour objet de remplacer une partie du caoutchouc par de l'air, ce qui permet une compression plus importante de la bague de caoutchouc. Dans son rapport sur la validité, M. Bouchard décrit les dépressions des bagues du PolarFlex de la même manière : « Ces dépressions auront un impact sur le contrôle du mouvement puisqu'ils [sic] permettront un déplacement plus facile de la matière élastique, facilitant ainsi la compressibilité de chacun des éléments flexibles de fixation » (rapport d'expert de M. Bouchard, en réponse à la section 7.16).

· M. Hunt a décrit l'objet de l'ajout de dépressions aux bagues du produit PolarFlex de la même façon que M. Bouchard l'a fait dans son interprétation initiale.

· La revendication elle-même précise que l'objectif du trou d'aération est d'augmenter la compression de la bague.

[131] Je conclus qu'il n'y a pas de différence entre l'idée originale (c'est‐à‐dire les éléments essentiels) de la revendication 1 du brevet 940 et l'état de la technique. En particulier, en ce qui concerne la fonction du trou d'aération en cause, je suis convaincue qu'il n'y a pas de différence entre le trou d'aération et le produit PolarFlex doté d'une bague elliptique comprenant une dépression dans le caoutchouc, ce qui est en soi un trou d'aération. Comme il a été dit plus haut, le brevet de M. Hamel, divulgué avant les brevets de Nordik et le brevet de Valley Blades, comprenait également des couches d'air.

(c) Combler l'écart entre l'état de la technique et l'idée originale de la revendication 1

[132] Subsidiairement, s'il y a des différences entre l'idée originale de la revendication 1 du brevet 940 et l'état de la technique lié au trou d'aération, la personne versée dans l'art aurait facilement comblé cet écart. Je fais remarquer en particulier que les deux parties acceptent que la version du produit PolarFlex comprenant une dépression elliptique dans la bague faisait partie des connaissances générales courantes à la date pertinente.

[133] Il aurait été évident pour la personne versée dans l'art de retirer plus de caoutchouc, et de savoir comment le faire. La personne versée dans l'art savait que la réduction du caoutchouc de la bague augmenterait la compression de celle-ci, ce qui augmenterait le mouvement. Pour la personne versée dans l'art, il était, à tout le moins, évident d'essayer de réduire le caoutchouc pour obtenir plus de mouvement, même si rien ne garantissait que le mouvement augmenterait.

(d) Conclusion sur la revendication 1 du brevet 940

[134] La revendication 1 du brevet 940 est évidente. Il n'y a pas de différence entre l'idée originale de la revendication et l'état de la technique; les deux envisagent un trou d'aération. Quoi qu'il en soit, il aurait été évident pour la personne versée dans l'art, avec les connaissances générales courantes, d'essayer d'enlever plus de caoutchouc pour augmenter la compression de la bague.

(e) Revendications dépendantes 2 à 12

[135] La seule preuve déposée à la Cour sur la validité des revendications dépendantes 2 à 12 du brevet 940 est qu'elles sont évidentes (rapport d'expert de M. Paonessa, p. 63 à 68).

[136] M. Paonessa est d'avis qu'il n'y a pas de différences importantes entre l'état de la technique et les restrictions décrites dans les revendications dépendantes restantes 2 à 12 du brevet 940, qui se rapportent à la partie lame, à la bague faite de matériau résistant, à la fixation au véhicule et au canal vertical. Il ajoute que toute différence est superficielle et que la personne versée dans l'art l'aurait atteinte directement et sans difficulté en raison de l'état de la technique et des connaissances générales courantes à la date pertinente (rapport d'expert de M. Paonessa, au par. 191). Il a fourni un tableau détaillé comparant les éléments essentiels des revendications 2 à 12 à l'état de la technique; on n'a pas contesté ce tableau (rapport d'expert de M. Paonessa, p. 63 à 66). M. Bouchard n'a pas donné d'avis sur l'inventivité des revendications dépendantes.

[137] J'accepte la preuve d'expert de M. Paonessa et je conclus qu'il n'y a pas de différence entre l'idée originale (c'est‐à‐dire les éléments essentiels) des revendications 2 à 12 du brevet 940 et l'état de la technique. Les revendications 2 à 12 du brevet 940 sont donc évidentes.

F. Le brevet 426

(1) Revendication 1

(a) Idée originale

[138] Comme je l'ai indiqué ci‐dessus, l'idée originale, selon les experts des deux parties, correspond aux éléments essentiels de la revendication telle qu'elle a été interprétée.

(b) Différence entre l'idée originale de la revendication 1 du brevet 426 et l'état de la technique

[139] Deux éléments de la revendication 1 sont en litige entre les experts : 1) le dessus ouvert, c'est‐à‐dire que le canal vertical créé par les premier et deuxième supports de lame pour recevoir les lames de balayage a un dessus ouvert pour permettre le libre mouvement des lames de balayage; 2) le revêtement intégré, c'est‐à‐dire qu'une couche de matériau résistant est enduite sur la partie lame qui fait partie intégrante des bagues compressibles.

[140] Les experts s'entendent sur le fait qu'il n'y a pas de différence entre les autres éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 426 et l'état de la technique.

[141] En ce qui concerne le dessus ouvert, M. Bouchard a d'abord semblé d'avis dans son rapport d'expert en réponse (p. 40) que ni l'état de la technique de JOMA ni celui de Valley Blades ne présentaient cette caractéristique, quoiqu'il ne s'exprimait pas de façon très précise. Toutefois, en contre‐interrogatoire, M. Bouchard a confirmé sans équivoque qu'il y avait un dessus ouvert dans l'état de la technique de JOMA et que l'idée d'un dessus ouvert faisait même partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l'art au moment où Lames Nordik a déposé ses demandes de brevet (transcription, contre‐interrogatoire de M. Bouchard, 20 octobre 2022, p. 72 et 73).

[142] Les parties s'entendent donc en fin de compte sur le fait qu'il n'y a pas de différence entre le dessus ouvert revendiqué dans la revendication 1 du brevet 426 et l'état de la technique. En outre, puisque le dessus ouvert faisait même partie des CGC, comme l'a reconnu M. Bouchard, il ne peut être inventif que Lames Nordik revendique cette caractéristique.

[143] En ce qui concerne le revêtement intégré, cette caractéristique nécessite une couche de matériau résistant (c.‐à‐d. du caoutchouc) enduite sur la partie lame et intégrée aux bagues compressibles. M. Paonessa estime que 1) le brevet de Valley Blades décrit précisément cette caractéristique, ainsi qu'une variante sans importance de cette caractéristique, à la revendication 1, qui prévoit que la couche extérieure de caoutchouc et les bagues internes de caoutchouc peuvent être une seule pièce intégrée (voir aussi la figure 2 du brevet de Valley Blades); 2) le brevet de JOMA a déjà révélé le concept d'une lame de chasse-neige recouverte d'une seule pièce de caoutchouc intégrée. Il fait référence à la figure 2 du brevet de JOMA, qui montre une série de trois lames en « U » complètement recouvertes d'une couche de matériau résistant ou intégrées à celle‐ci.

[144] M. Bouchard est d'accord avec M. Paonessa pour dire que le concept de l'intégration était connu dans l'état de la technique (c.‐à‐d. l'état de la technique de JOMA) pour au moins une bague. Nous pouvons constater que, lorsqu'il a évalué la revendication 35 du brevet 426, qui indique au moins un trou pour bague, M. Bouchard était d'accord pour dire que le produit de JOMA révélait au moins une bague intégrée à la couche extérieure de caoutchouc (rapport d'expert de M. Bouchard en réponse, p. 43). M. Bouchard reconnaît donc que l'intégration d'un trou pour bague se trouvait dans l'état de la technique et était donc évidente.

[145] Toutefois, M. Bouchard est d'avis que 1) les antériorités de JOMA sont différentes en ce sens que les bagues compressibles ne peuvent pas faire partie intégrante de la couche de matériau enduite sur la partie lame puisqu'il n'y a pas deux bagues; 2) les antériorités de Valley Blades sont différentes parce que le nombre de pièces détachables diffère, ce qui fait que les couches de matière enduite ne sont pas intégrées aux bagues compressibles.

[146] La question ici se limite donc à décider si l'intégration de deux bagues plutôt que d'une était évidente. Dans son rapport d'expert, M. Bouchard n'a fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle la personne versée dans l'art qui ajoute une autre bague intégrée à la lame aurait fait preuve d'inventivité.

[147] Comme le souligne Valley Blades, en ce qui a trait à l'intégration, l'opinion de M. Bouchard revient à faire valoir que la bague unique intégrée dans la lame en « U » des antériorités de JOMA ne correspond pas aux deux bagues intégrées revendiquées dans les brevets de Nordik. Toutefois, en contre‐interrogatoire, M. Bouchard a reconnu que, dans l'affaire Hamel, il avait conclu que le trou pour bague dans la lame en « U » du brevet JOMA correspondait bel et bien aux deux trous pour bague de la lame du brevet de M. Hamel (ce qu'il avait alors appelé des « slip gaps »). Il a cependant indiqué que la comparaison qu'il fait en l'espèce entre le brevet de JOMA (une bague intégrée) et la revendication du brevet 426 (deux bagues intégrées) est différente, puisqu'il essaie de comprendre le fonctionnement du système, ce qui n'était pas son but dans la décision Hamel. Il ne m'a pas convaincue que la distinction est significative ou qu'elle explique l'apparente contradiction.

[148] Je reconnais néanmoins qu'il existe une différence entre la revendication 1 du brevet 426 et l'état de la technique, soit l'intégration de deux bagues plutôt qu'une.

(c) Combler l'écart entre l'état de la technique et l'idée originale de la revendication 1

[149] Je suis d'accord avec Valley Blades pour dire que toute différence entre l'intégration d'une bague et l'intégration de deux bagues est évidente, puisque la personne versée dans l'art aurait facilement comblé l'écart. Les éléments de preuve révèlent qu'il n'y avait rien d'inventif à fusionner le caoutchouc à la lame ou aux bagues de caoutchouc et que (1) l'idée qu'il y ait deux bagues faisait partie des connaissances générales courantes; (2) l'idée de l'intégration du caoutchouc à au moins une bague et la lame faisait partie des connaissances générales courantes; (3) même le produit PolarFlex commercialisé différait du brevet de Valley Blades, parce que la plupart des pièces de caoutchouc étaient fusionnées.

[150] J'accepte la preuve de M. Paonessa. La personne versée dans l'art n'aurait besoin d'aucune inventivité pour ajouter une nouvelle bague intégrée ou pour fusionner le caoutchouc à la lame. Je suis convaincue que les étapes d'intégration de deux bagues plutôt qu'une constituent des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l'art, qui a un diplôme en génie et qui connaît les connaissances générales courantes.

(d) Conclusion sur la revendication 1 du brevet 426

[151] La revendication 1 du brevet 426 est évidente. Même s'il y a une différence entre la revendication et l'état de la technique, en raison de l'intégration de deux bagues plutôt qu'une, il s'agit d'une différence qu'aurait pu facilement combler la personne versée dans l'art sans aucune inventivité.

(e) Revendications dépendantes 2 à 19

[152] Les autres caractéristiques décrites dans les revendications dépendantes 2 à 8, 10 à 14, 16, 17 et 19 en cause sont également évidentes à la lumière de l'état de la technique, et la Cour n'a pas reçu de preuve du contraire de Lames Nordik. Il s'agit notamment du type de véhicule (et de l'emplacement sur le véhicule) auquel le chasse‐neige se fixe, de l'emplacement des trous d'aération et des bagues métalliques, de la question de savoir si les trous pour bague sont remplis de caoutchouc en tout ou en partie, du recouvrement partiel ou complet de la lame par la couche extérieure de caoutchouc, de la longueur de la lame par rapport aux supports du véhicule, et du type de matériau dont sont faites la lame et l'insertion inférieure. Ces caractéristiques étaient déjà accessibles au public dans l'état de la technique à la date pertinente.

(2) Revendication 20

(a) Idée originale

[153] Encore une fois, l'idée originale, selon les experts des deux parties, correspond aux éléments essentiels de la revendication telle qu'elle a été interprétée. La revendication 20 chevauche de façon importante la revendication 1, et mes conclusions sur les revendications identiques s'appliquent donc ici.

[154] Les différences entre les revendications 1 et 20 sont les suivantes : (1) la revendication 20 exige qu'il y ait exactement deux trous pour bague, tandis que la revendication 1 exige [TRADUCTION] « au moins deux » trous pour bague; (2) la revendication 20 précise que les bagues peuvent provoquer des mouvements verticaux et angulaires du dispositif de lame de balayage, tandis que la revendication 1 ne mentionne que le mouvement vertical; (3) la revendication 20 précise que le canal vertical est ouvert au‐dessus et au‐dessous pour permettre le mouvement vertical et angulaire des lames de balayage, tandis que la revendication 1 ne fait référence qu'au dessus ouvert.

(b) Différence entre l'idée originale de la revendication 20 du brevet 426 et l'état de la technique

[155] M. Paonessa est d'avis que les trois changements entre les revendications 1 et 20 sont tous des modifications de caractéristiques qui existent dans les produits de JOMA et les produits PolarFlex de Valley Blades. Plus précisément, M. Paonessa soutient que : (1) le brevet de Valley Blades indique que la lame de balayage a exactement deux trous pour bague; (2) le mouvement vertical et angulaire du dispositif de lame de balayage a la même fonction que les bagues indiquées dans le brevet de Valley Blades (et vendu en tant que produit PolarFlex); il joint un extrait d'une publicité sur le produit PolarFlex qui explique cette caractéristique des lames du produit PolarFlex; (3) le haut et le bas ouverts correspondent au canal vertical présent dans les produits JOMA et PolarFlex.

[156] M. Bouchard répond que la différence entre la revendication 20 et l'état de la technique est l'intégration de deux bagues, qui ne se trouve pas dans l'état de la technique (rapport d'expert de M. Bouchard, p. 41). J'ai déjà examiné cette réponse dans l'évaluation de la revendication 1 des 426 brevets ci-dessus.

(c) Combler l'écart entre l'état de la technique et l'idée originale de la revendication 20

[157] Comme je l'ai indiqué dans mon analyse de la revendication 1, je suis d'accord avec Valley Blades pour dire que toute différence entre l'intégration d'une bague et de deux bagues est évidente, puisque la personne versée dans l'art aurait facilement comblé l'écart.

[158] En ce qui concerne les trois différences entre la revendication 1 et la revendication 20, j'accepte la preuve de M. Paonessa selon laquelle la personne versée dans l'art n'aurait pas besoin de faire preuve d'inventivité pour combler l'écart, s'il en est, entre la revendication et l'état de la technique. La revendication 1 a déjà révélé qu'il faut au moins deux trous pour bague, et donc aucune ingéniosité n'est requise pour en utiliser exactement deux. La personne versée dans l'art qui possède les connaissances générales courantes pourrait aussi déduire que, comme les bagues ont un mouvement vertical, elles peuvent aussi avoir un mouvement angulaire puisque le fond est ouvert; quoi qu'il en soit, cet essai irait de soi.

(d) Conclusion sur la revendication 20 du brevet 426

[159] La revendication 20 du brevet 426 est évidente.

(e) Revendications dépendantes 21 à 34

[160] Les autres caractéristiques décrites dans les revendications dépendantes 21 à 28, 31, 32 et 34 en cause sont également évidentes à la lumière de l'état de la technique, et la Cour n'a pas reçu de preuve du contraire de Lames Nordik.

(3) Revendication 50

(a) Idée originale

[161] La revendication 50 chevauche de façon importante la revendication 1, et mes conclusions sur les revendications identiques s'appliquent donc ici.

[162] Les changements entre les revendications 1 et 50 sont les suivants : (1) la revendication 50 précise que les bagues doivent avoir une [TRADUCTION] « ouverture d'attache qui la transperce », tandis que la revendication 1 ne dit rien à ce sujet; (2) la revendication 50 précise que la couche de matériau résistant doit [TRADUCTION] « couvrir au moins en partie » la partie lame, tandis que la revendication 1 exige que toute la lame soit enduite; (3) la revendication 50 précise que le canal vertical est ouvert au‐dessus et au‐dessous, tandis que la revendication 1 ne mentionne qu'un dessus ouvert.

(b) Différence entre l'idée originale de la revendication 50 du brevet 426 et l'état de la technique

[163] M. Paonessa est d'avis que les trois différences entre les revendications 1 et 50 existent toutes dans les antériorités de Valley Blades et de JOMA. Premièrement, en ce qui concerne les bagues, la revendication 50 précise que les bagues doivent avoir une [TRADUCTION] « ouverture d'attache qui la transperce ». Il s'agit de la bague métallique qui transperce la bague en caoutchouc, ce qui, selon M. Paonessa, est la même caractéristique que dans le brevet de Valley Blades (voir la figure 4 du brevet de Valley Blades). Deuxièmement, en ce qui concerne le revêtement intégré, la revendication 50 précise que la couche de matériau résistant doit [TRADUCTION] « couvrir au moins en partie » la partie lame; le produit de JOMA est entièrement recouvert de caoutchouc, tout comme la plus grande partie du produit PolarFlex. Troisièmement, en ce qui concerne le dessus et le dessous ouverts, la revendication 50 précise que le canal vertical est ouvert au‐dessus et au‐dessous. De même, le produit JOMA a un dessus ouvert et les produits PolarFlex et JOMA ont un dessous ouvert. Il n'y a donc pas de différence entre les ensembles de lames décrits dans la revendication 50 et le produit JOMA.

[164] M. Bouchard est d'avis que la couche de matériau résistant enduite sur la partie lame pour la couvrir au moins en partie et qui est partie intégrante des parties de la bague couvertes de matériau résistant ne se trouvait pas dans l'état de la technique. Il a fait valoir que (1) dans le produit JOMA, la couche ne peut pas être intégrée à la bague en caoutchouc, étant donné l'absence de trous dans la bague; (2) le système PolarFlex de Valley Blades est différent du produit Nordik MOVE parce que le nombre de pièces détachables est plus élevé, et parce que le matériau n'est pas intégré aux bagues. Toutefois, M. Bouchard est aussi d'accord avec M. Paonessa pour dire que le concept de l'intégration faisait partie de l'état de la technique (c.‐à‐d. l'état de la technique de JOMA) pour au moins une bague (rapport d'expert de M. Bouchard sur la validité, p. 43).

[165] M. Bouchard n'a pas expliqué comment l'intégration de deux bagues plutôt qu'une serait une idée originale. Je préfère l'avis de M. Paonessa, car les éléments de preuve révèlent que le produit JOMA est entièrement recouvert de caoutchouc et que le produit PolarFlex l'est aussi en grande partie; ce revêtement couvre donc la lame au moins en partie, comme le prévoit la revendication 50.

(c) Combler l'écart entre l'état de la technique et l'idée originale de la revendication 50

[166] Quoi qu'il en soit, en supposant qu'il y ait une différence entre l'intégration d'une ou de deux bagues, je suis d'accord avec Valley Blades pour dire que la personne versée dans l'art aurait pu facilement combler l'écart; il n'y a rien d'inventif à revêtir la lame ou les bagues de caoutchouc. Comme le soutient Valley Blades, le brevet de JOMA enseigne expressément une méthode de vulcanisation (c.‐à‐d. d'intégration) des lames à la couche de caoutchouc extérieure, ce qui est la même caractéristique que celle du produit Nordik MOVE. Valley Blades note en outre que l'un des trois brevets de Nordik, le brevet 940, ne revendique même pas l'intégration du caoutchouc avec les bagues ou la lame. Enfin, Valley Blades affirme que, même si le caoutchouc qui couvre la lame de son produit PolarFlex n'est pas intégré aux bagues, M. Hunt a expliqué en contre‐interrogatoire que cela pourrait facilement se faire en fusionnant les bagues à un seul côté de la bague de caoutchouc.

(d) Conclusion sur la revendication 50 du brevet 426

[167] Je conclus que la revendication 50 du brevet 426 est évidente. S'il y a des différences entre les caractéristiques indiquées dans la revendication et l'état de la technique, il est évident pour la personne versée dans l'art de les combler.

(e) Revendications dépendantes 51 à 64

[168] Les autres caractéristiques décrites dans les revendications dépendantes 51, 54 à 62 et 64 en cause sont également évidentes à la lumière de l'état de la technique, et la Cour n'a pas reçu de preuve du contraire de Lames Nordik.

G. Le brevet 233

(1) Revendication 1

(a) Idée originale

[169] À mon avis, l'idée originale de la revendication 1 n'est pas différente de la façon dont la personne versée dans l'art comprendrait la revendication. En résumé, la revendication 1 porte sur une seule lame de balayage ayant les caractéristiques suivantes : (i) une partie lame; (ii) des trous pour bague; (iii) des bagues; (iv) un revêtement intégré.

(b) Différence entre l'idée originale de la revendication 1 du brevet 233 et l'état de la technique

[170] La revendication 1 du brevet 233 est presque la même que la revendication 50 du brevet 426. Par conséquent, il n'y a pas non plus de différence entre l'état de la technique et l'idée originale de la revendication 1 du brevet 233.

(c) Combler l'écart entre l'état de la technique et l'idée originale de la revendication 1

[171] S'il y a des différences, il aurait été évident pour la personne versée dans l'art de les combler, comme il est décrit dans mon analyse de l'évidence pour la revendication 50 du brevet 426.

(d) Conclusion sur la revendication 1 du brevet 233

[172] Pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles la revendication 50 du brevet 426 est évidente, la revendication 1 du brevet 233 est évidente.

(e) Revendications dépendantes 2 à 14

[173] Les autres caractéristiques décrites dans les revendications dépendantes 2, 4, 5, 7 et 9 à 14 en cause sont également évidentes à la lumière de l'état de la technique, comme l'affirme l'expert de Valley Blades, et la Cour n'a pas reçu de preuve du contraire de Lames Nordik.

H. Conclusion sur l'évidence

[174] Valley Blades s'est acquittée de son fardeau en démontrant que les revendications en cause des brevets de Nordik sont évidentes et donc invalides.

VII. Portée excessive

A. Principes

[175] La règle de la portée excessive est ancrée dans le marché du brevet; l'inventeur ne peut récolter les avantages d'un monopole élargi sans une divulgation correspondante suffisante au public (Seedlings Life Science Ventures, LLC c. Pfizer Canada ULC, 2020 CF 1, au par. 167). Plus précisément, la portée excessive en tant que motif d'invalidité porte sur deux limites fondamentales du monopole d'un inventeur tel que défini par les revendications. Premièrement, le monopole ne peut pas excéder l'invention faite. Deuxièmement, le monopole ne peut pas excéder l'invention décrite dans le mémoire descriptif (Pfizer Canada Inc. c. Ministre de la Santé, 2007 CAF 209, [2007] 4 R.C.F. F‐9, sub nom. M.K. Plastics Corp. c. Plasticair Inc., au par. 115; Seedlings Life Science Ventures, LLC c. Pfizer Canada ULC, 2021 CAF 154 (Seedlings (C.A.F.)), au par. 50; Western Oilfield Equipment Rentals Ltd. c. M‐I L.L.C., 2021 CAF 24 (Western Oilfield (C.A.F.)); Hoffman‐Laroche Limited c. Sandoz Canada Inc., 2021 CF 384, au par. 222).

[176] Si une revendication du brevet omet un élément essentiel au fonctionnement de l'invention, la revendication n'est pas valide pour cause de portée excessive :

Il est évident que l'exercice de déterminer si une caractéristique d'une invention est essentielle n'est pas le même lorsqu'il s'agit de juger de la portée excessive et lorsqu'il s'agit d'interpréter les revendications. En ce qui concerne la portée excessive, il n'est pas important de savoir si le fait d'omettre ou de modifier la caractéristique contourne la revendication (comme c'est le cas pour l'interprétation des revendications), mais plutôt de savoir si cette caractéristique est si essentielle à l'invention décrite dans la divulgation qu'une revendication qui l'omettrait viserait des réalisations qui n'étaient pas envisagées dans la divulgation [...] (Seedlings (C.A.F.), au par. 54).

[177] La Cour d'appel fédérale indique ensuite que la détermination du caractère essentiel lors de l'examen de la portée excessive est un exercice différent de l'interprétation de la revendication :

[...] pour établir qu'une caractéristique est essentielle, il faut renvoyer à la divulgation, et non aux revendications. Il s'agit d'une difficulté, car ce sont les revendications qui définissent la portée du monopole que revendique l'inventeur et ce sont elles qui sont généralement examinées pour établir les caractéristiques essentielles de l'invention aux fins d'interprétation des revendications [...]. Le recours à la divulgation pour interpréter les revendications n'est approprié que dans certaines situations. [...] En conséquence, on pourrait raisonnablement se demander comment une caractéristique peut être jugée essentielle si elle ne figure pas dans la revendication (Seedlings (C.A.F.), au par. 52).

[178] Afin de déterminer si un élément est « au cœur de l'invention », la Cour devrait se demander si on pourrait fabriquer l'invention sans ces éléments et sans une quelconque inventivité (Seedlings (C.A.F.), au par. 63).

[179] La question de savoir ce que l'inventeur a fait est une question de fait et « une comparaison s'impose avec les revendications en cause afin d'établir si la « portée » de la revendication est ou non plus large que ce que l'inventeur ou les inventeurs ont véritablement créé » (Pfizer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) et Novopharm Limitée, 2008 CF 11, [2008] 4 R.C.F. 189 (Novopharm), au par. 46). Valley Blades renvoie à la décision de la Cour fédérale Western Oilfield Equipment Rentals Ltd. c. M‐I LLC, 2019 CF 1606 (Western Oilfield (C.F.), aux par. 230 à 234, pour affirmer que la Cour examinera la preuve de l'inventeur pour trancher cette question. Il s'agit également de la preuve privilégiée mentionnée au paragraphe 46 de la décision Novopharm, bien que cette dernière indique également qu'on pourrait examiner des éléments de preuve secondaires disponibles et satisfaisants. Je note que, dans Western Oilfields (C.F.), la Cour a noté que l'expert de Western avait soulevé les questions (par. 230) et que, dans Seedlings (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a mentionné qu'il « existe dans la jurisprudence peu d'analyses utiles sur la façon dont le caractère essentiel d'une caractéristique devrait être évalué lorsqu'il s'agit de juger de la portée excessive » (par. 54).

B. Décision

[180] Valley Blades n'invoque qu'un seul aspect de la portée excessive, faisant valoir que les revendications en cause ont une portée plus large que l'invention réellement créée par M. Michel. Elle soutient qu'il en est ainsi parce que la forme affilée des lames de Lames Nordik n'est revendiquée dans aucune des revendications en cause.

[181] Valley Blades affirme que les témoignages d'experts ne sont ni utiles ni pertinents, car il s'agit d'une question de fait. Valley Blades s'appuie donc sur le témoignage de M. Michel. Elle mentionne qu'au cours de son interrogatoire préalable, en juillet 2020, M. Michel a clairement indiqué qu'il jugeait que la forme des lames de Lames Nordik faisait partie de sa prétendue invention, mais qu'il a affirmé le contraire en contre‐interrogatoire.

[182] Au cours de son interrogatoire préalable, en juillet 2020, M. Michel a indiqué ce qui suit :

978 Q. Okay. Is it your understanding that the shape of the blade was part of your invention? L'INTERPRÈTE : Est-ce que vous compreniez que la forme de la lame faisait partie de votre invention?

R. Oui. Yes.

[183] En contre-interrogatoire, M. Michel a indiqué que son opinion avait changé :

Bien indirectement oui, elle a changé parce qu'ils me l'ont dit, mais à cette époque je pensais que la lame c'était un tout, tout était inclus dedans, effectivement, à cette époque quand vous m'avez interrogé. Aujourd'hui, bien je sais la réponse, donc c'est difficile de vous dire oui encore aujourd'hui parce que je le sais que la réponse c'est pas oui, ça fait que... Mais effectivement à cette époque je croyais que l'ensemble de la lame c'était un tout, tout était dans le brevet, c'était inclus, c'est dans mes revendications, c'est dans mes brevets. Dans ma tête, c'était inclus. La forme de la lame, la forme de ma lame est dessinée dans le brevet, ça fait que pour moi ça inclut la lame, elle est dessinée dans le brevet. Donc, pour moi c'est le brevet en entier, là, t'sais.

[184] Il a indiqué qu'il avait changé d'avis entre son interrogatoire préalable et le procès à la lumière de conversations avec ses avocats. Valley Blades insiste donc sur le fait que même si M. Michel a peut-être cru que la forme de la lame faisait partie des revendications contestées, les revendications omettent clairement cette caractéristique.

[185] En outre, Valley Blades soulève la demande WO 2017/127928 de Lames Nordik en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (la demande en vertu du TCMB), faisant valoir qu'elle fournit une preuve contemporaine selon laquelle la forme effilée des lames était la clé de l'invention revendiquée dans les brevets de Nordik. M. Michel est l'un des inventeurs désignés dans la demande en vertu du TCMB qui avait été déposée à l'origine le 26 janvier 2016, soit environ un an et demi avant la délivrance du premier brevet de Nordik. La demande au titre du TCMB porte sur un nouveau produit de lame de balayage de Lames Nordik où les lames sont rectangulaires et superposées afin d'éviter les écarts entre elles. Selon Valley Blades, la description de la demande en vertu du TCMB indique clairement que M. Michel considérait la forme effilée comme un élément clé de sa prétendue invention dans le brevet 940 (pièce 63, no FC00116, par. 69).

[186] Lames Nordik répond qu'on n'avait pas démontré que les revendications en cause avaient une porte plus large que l'invention présumée réellement créée par M. Michel. Elle affirme que Valley Blades ne peut pas s'appuyer uniquement sur la demande en vertu du TCMB pour invoquer la portée excessive et que la forme effilée des lames n'est pas l'invention réellement créée et revendiquée dans les brevets de Nordik. Elle ajoute que rien ne démontre que la forme effilée est un élément essentiel pour que l'invention puisse fonctionner, comme on le prétendait dans les brevets de Nordik. En fait, Lames Nordik fait valoir que la preuve indique le contraire puisque, essentiellement, (1) les seuls endroits où les brevets de Nordik indiquent une forme effilée se trouvent dans les figures 4 et 7, simplement comme l'un des modes de réalisation possibles de l'invention; (2) M. Michel a confirmé que la cause du mouvement angulaire n'était pas la forme effilée de la lame (transcription, 9 octobre 2022, p. 48); (3) M. Bouchard a affirmé que la forme de la lame n'est pas un élément essentiel du mouvement; (4) M. Paonessa a affirmé que la forme effilée pourrait être remplacée par d'autres moyens.

[187] Lames Nordik soutient donc que Valley Blades ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer que les revendications en cause ne sont pas valides en raison de portée excessive.

[188] Je suis d'accord avec la thèse de Lames Nordik. D'abord, il ne ressort pas clairement de la lecture du contre-interrogatoire que la forme des lames au sujet de laquelle M. Michel a été interrogé était la forme « effilée ». En outre, M. Bouchard a confirmé, en contre-interrogatoire, que la forme effilée n'était pas essentielle et qu'une forme rectangulaire pouvait donner les mêmes résultats avec des adaptations. Il est regrettable que M. Michel n'ait pas été bien au fait de sa propre invention, et le changement de son témoignage est quelque peu préoccupant. Toutefois, lorsque je prends en compte tous les éléments de preuve, je ne suis pas convaincue, dans l'ensemble, que la forme effilée des lames était un élément essentiel omis de l'invention et que les revendications ne sont pas valides parce qu'elles revendiqueraient plus que l'invention qui a été créée.

VIII. Article 53 de la Loi sur les brevets

A. Article 53 de la Loi sur les brevets et critère juridique

[189] L'article 53 de la Loi sur les brevets est ainsi rédigé :

53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n'est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu'il n'est nécessaire pour démontrer ce qu'ils sont censés démontrer, et si l'omission ou l'addition est volontairement faite pour induire en erreur.

53. (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.

(2) S'il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d'une erreur involontaire, et s'il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l'invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

(2) Where it appears to a court that the omission or addition referred to in subsection (1) was an involuntary error and it is proved that the patentee is entitled to the remainder of his patent, the court shall render a judgment in accordance with the facts, and shall determine the costs, and the patent shall be held valid for that part of the invention described to which the patentee is so found to be entitled.

[190] Comme l'a déclaré le juge Southcott au paragraphe 434 de la décision Amgen, « l'application du paragraphe 53(1) comporte deux volets : a) des déclarations non conformes à la vérité dans la pétition; et b) des déclarations qui induisent en erreur dans le mémoire descriptif. Selon le deuxième volet, sur lequel Pfizer s'appuie, un brevet est nul si : a) le mémoire descriptif contient une omission ou un ajout important qui n'est pas conforme à la vérité; et b) les déclarations fausses ont été volontairement faites dans l'intention d'induire en erreur. La date pertinente pour l'interprétation du paragraphe 53(1) est celle de la délivrance, quoique des allégations non conformes à la vérité faites antérieurement à la délivrance qui ne sont pas corrigées à la date de la délivrance puissent être incluses (voir l'arrêt Corlac Inc. c Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228 [arrêt Corlac C.A.F.], au par. 119) ».

[191] Par conséquent, un brevet est nul en vertu de l'article 53 de la Loi sur les brevets si (1) le mémoire descriptif contient une omission ou un ajout important qui n'est pas conforme à la vérité; (2) les déclarations fausses ont été volontairement faites dans l'intention d'induire en erreur. La date pertinente pour l'interprétation de l'article 53 est celle de la délivrance, quoique des allégations non conformes à la vérité faites antérieurement à la délivrance qui ne sont pas corrigées à la date de la délivrance puissent être incluses.

B. Décision

[192] Valley Blades soutient que Lames Nordik a fait dans le mémoire descriptif des brevets de Nordik plusieurs déclarations qui exagèrent les avantages des inventions, même si elle savait que les déclarations étaient fausses. Avant la délivrance de l'un ou l'autre des brevets de Nordik, Lames Nordik a déposé sa demande au titre du Traité de coopération en matière de brevets, qui met en évidence plusieurs lacunes du système décrit dans le brevet américain 151, qui, comme nous l'avons dit, équivaut au brevet 940. Valley Blades affirme ainsi qu'avant la délivrance des brevets de Nordik, les inventeurs savaient ou auraient dû savoir que le système qui y est décrit : i) avait un mouvement limité; ii) ne permettait pas d'enlever efficacement la neige; iii) avait une usure accrue de la lame.

[193] Elle ajoute que les brevets de Nordik omettent toute discussion de ces questions et affirment plutôt que la prétendue invention résout un certain nombre de problèmes que l'état de la technique n'avait pas résolus et que l'amélioration du mouvement des lames est attribuable aux bagues et aux trous d'aération.

[194] Valley Blades fait valoir qu'étant donné qu'un inventeur avouera rarement qu'il avait l'intention de tromper, on peut déduire une intention de tromper (Ratiopharm Inc. c. Pfizer Ltd., 2009 CF 711 (Ratiopharm), au par. 203). Elle fait valoir que lors de la poursuite du brevet 940, on avait affirmé que le brevet de Valley Blades (et d'autres brevets) faisaient que l'invention de Lames Nordik était évidente. Valley Blades soutient que, pour surmonter l'objection, les agents de brevets de M. Michel ont induit en erreur l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) en prétendant que sa lame de chasse‐neige et son ensemble pouvaient bouger librement et s'usaient moins que ceux indiqués dans le brevet de Valley Blades (pièce 67, no FC00273, p. 60), tout en sachant que le système ne pouvait en fait bouger que de façon limitée en raison de la forme effilée des lames, comme il est expliqué dans la demande au titre du Traité de coopération en matière de brevets.

[195] Lames Nordik répond en soulignant que l'article 53 de la Loi sur les brevets « est une disposition qui implique la notion de fraude. Une partie ne devrait pas simplement se livrer à des conjectures ou imputer des motifs d'une façon insouciante ou sans avoir une preuve suffisante justifiant une conviction raisonnable quant à leur exactitude » (Eli Lilly Canada Inc. c Apotex Inc., 2008 CF 142, au par. 62, conf. par 2009 CAF 97). Elle ajoute que la partie qui allègue une violation de l'article 53 affronte un lourd fardeau.

[196] Lames Nordik ajoute que les allégations de Valley Blades ne sont pas fondées et que, essentiellement, la demande au titre du Traité de coopération en matière de brevets déposée six ans après le dépôt de la demande de brevet 940 porte sur une invention différente, n'est pas pertinente et ne peut servir de preuve de l'invention indiquée dans le brevet 940. Elle prétend que le mouvement angulaire ne dépend pas de la forme effilée des lames. Lames Nordik fait remarquer qu'elle a répondu aux préoccupations de l'OPIC sans faire de fausse déclaration dans les mémoires descriptifs des brevets de Nordik.

[197] La partie qui soulève une allégation en vertu de l'article 53 de la Loi sur les brevets a effectivement un fardeau très lourd. Les allégations doivent s'apparenter à une allégation de fraude (Ratiopharm, au par. 196). Le fait que Valley Blades ait affirmé que Lames Nordik a exagéré tout en se fondant sur Ratiopharm semble déplacé; les fausses déclarations mentionnées dans Ratiopharm semblent beaucoup plus graves — d'autant plus qu'elles portent sur des produits pharmaceutiques — que celles soulevées contre Lames Nordik; on peut donc établir une distinction (voir Ratiopharm, au par. 197). En l'espèce, même en supposant que Lames Nordik ait exagéré d'une façon ou d'une autre le mouvement de la lame, l'efficacité du système et l'usure de la lame, je ne vois rien qui satisfasse au seuil requis pour qu'une déclaration enfreigne l'article 53.

[198] Valley Blades ne s'est pas acquittée de son lourd fardeau d'établir que l'article 53 de la Loi sur les brevets s'applique et rend les brevets de Nordik non valides.

IX. Alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce

A. Alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce et critère juridique

[199] L'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce est ainsi rédigé :

Concurrence déloyale et marques interdites

Interdictions

7 Nul ne peut :

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l'entreprise, les produits ou les services d'un concurrent;

[...]

Unfair Competition and Prohibited Marks

Prohibitions

7 No person shall

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor;

. . .

[200] Le paragraphe 53.2(1) de la Loi sur les marques de commerce est ainsi rédigé :

Pouvoir du tribunal d'accorder une réparation

53.2 (1) Lorsqu'il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu'un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu'il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d'injonction ou par recouvrement de dommages‐intérêts ou de profits, pour l'imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction ou autrement des produits, emballages, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de tout équipement employé pour produire ceux-ci.

Power of court to grant relief

53.2 (1) If a court is satisfied, on application of any interested person, that any act has been done contrary to this Act, the court may make any order that it considers appropriate in the circumstances, including an order providing for relief by way of injunction and the recovery of damages or profits, for punitive damages and for the destruction or other disposition of any offending goods, packaging, labels and advertising material and of any equipment used to produce the goods, packaging, labels or advertising material.

[201] Dans S&S Industries Inc. v. Rowell, [1966] R.C.S. 419, à la page 424, la Cour suprême du Canada a affirmé ceci :

[TRADUCTION]

L'effet combiné de l'alinéa 7a) et de l'article 52 de la Loi sur les marques de commerce est de créer une cause d'action légale par laquelle on peut adjuger des dommages‐intérêts si une personne est lésée par les déclarations fausses ou trompeuses d'un concurrent tendant à discréditer l'entreprise, les produits ou les services du demandeur. Les éléments essentiels d'une telle action sont les suivants :

1. une déclaration fausse ou trompeuse;

2. tendant à discréditer l'entreprise, les produits ou les services d'un concurrent;

3. qui cause un préjudice.

[202] La Cour suprême a comparé les causes d'action en mensonges préjudiciables et en libelle commercial en common law et a ajouté ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il n'y a pas d'exigence expresse que les déclarations fausses ou trompeuses soient faites alors qu'on sait qu'elles sont fausses ou qu'elles doivent être faites de manière malveillante. Le fait d'interpréter ces dispositions comme si ces éléments étaient implicites signifierait qu'elles ne font qu'énoncer à nouveau des règles de droit qui existaient déjà (S&S, à la p. 425).

[203] Voir aussi MacDonald c. Vapor Canada Limited, [1977] 2 R.C.S. 134, à la page 147; E. Mishan & Sons, Inc. c. Supertek Canada Inc., 2016 CF 986 (Supertek); Excalibre Oil Tools Ltd. c. Advantage Products Inc., 2016 CF 1279 (Excalibre); Yiwu Thousand Shores E‐Commerce Co. Ltd. c. Lin, 2021 CF 1040, au par. 57; Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada c. CICC The College of Immigration and Citizenship Consultants Corp., 2021 CF 1434, au par. 36; Fluid Energy Group Ltd. c. Exaltexx Inc., 2020 CF 81, au par. 49 (Fluid Energy).

[204] Il n'est pas non plus nécessaire qu'un concurrent soit expressément nommé dans les déclarations fausses ou trompeuses lorsqu'il est raisonnablement possible de déduire que le concurrent est la cible (Daniel R. Bereskin, The Canadian Law of Unfair Competition, Toronto, Thomson Reuters, 2020, p. 123).

[205] Dans Supertek, au par. 7, le juge Hughes a confirmé que le préjudice causé est un élément essentiel d'une revendication en vertu de l'alinéa 7a). Les préjudices doivent découler de la déclaration fausse ou trompeuse, c'est‐à‐dire qu'il doit y avoir un lien de causalité entre la déclaration faite et les préjudices subis.

[206] Valley Blades et Lames Nordik sont des concurrents directs dans l'industrie des pièces de chasse‐neige.

[207] Valley Blades soulève deux incidents. Le premier concerne une déclaration faite par Lames Nordik dans une lettre envoyée à Valley Blades et au gouvernement du Manitoba avant la délivrance du brevet 940. Le deuxième concerne une déclaration distincte faite par Lames Nordik dans un avis envoyé à des tiers après la délivrance du brevet 940. Je les examinerai l'un après l'autre.

B. Déclaration avant la délivrance du brevet 940 : la mise en demeure

(1) Déclaration fausse ou trompeuse

[208] Le 24 novembre 2016, Valley Blades a reçu une lettre de l'avocat de Lames Nordik concernant la demande pour le brevet canadien 940 et le brevet américain 151. La lettre (la mise en demeure) est jointe à l'affidavit de M. Hunt en tant que pièce 29 et indique essentiellement ce qui suit :

1) l'avocat a reçu de Lames Nordik la directive de présenter un avis officiel;

2) Lames Nordik est en voie d'obtenir un brevet pour le produit communément appelé les lames « Nordik MOVE », qui est décrit et revendiqué dans la demande de brevet canadien no 2 856 940;

3) il a récemment été porté à son attention que Valley Blades faisait de la publicité et vendait des produits qui semblent être des copies exactes des lames « Nordik MOVE » et qui, en principe, seraient visés par la demande de brevet canadien no 2 856 940;

4) le brevet des États-Unis a été délivré et comporte des revendications d'une portée similaire;

5) même si la demande de brevet canadien en question n'a pas encore été accordée, la loi canadienne accorde au breveté une indemnité pour les préjudices subis avant la délivrance du brevet, par exemple aux termes du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets;

(6) Valley Blades doit cesser immédiatement d'utiliser, de vendre, de promouvoir ou de mentionner dans le marché canadien tout produit, notamment la lame « ECONOFLEX‐M » de Valley Blades, qui entre dans le champ de la demande de Nordik;

7) en cas de non-respect de la lettre, sa cliente la tiendra responsable de tous les préjudices subis en raison de sa violation délibérée des droits de Lames Nordik et elle n'aura d'autre choix que d'engager la procédure judiciaire nécessaire contre Valley Blades Ltd. sans préavis ou délai supplémentaire.

[209] Le 30 novembre 2016, Lames Nordik a envoyé une copie de la mise en demeure à un agent d'approvisionnement de la direction des achats du gouvernement du Manitoba.

[210] Le 12 septembre 2017, Lames Nordik a envoyé une deuxième lettre à Valley Blades afin de l'informer que le brevet 940 avait été délivré et de répéter les demandes faites dans la mise en demeure.

[211] Valley Blades fait valoir que l'affirmation de Lames Nordik selon laquelle elle pouvait engager immédiatement une procédure en contrefaçon contre Valley Blades à l'égard d'une demande de brevet en instance (c'est‐à‐dire la déclaration selon laquelle [TRADUCTION] « nous n'aurons d'autre choix que d'engager la procédure judiciaire nécessaire contre Valley Blades Ltd. sans préavis ou délai supplémentaire ») est une déclaration fausse, que la Cour estime ou non que les revendications en cause du brevet 940 sont valides. Valley Blades ajoute que l'affirmation selon laquelle Lames Nordik pourrait intenter une poursuite contre Valley Blades en vertu de droits à l'égard de brevets qu'elle n'avait pas était trompeuse (transcription, observations finales, p. 108).

[212] Lames Nordik reconnaît que le brevet n'avait pas encore été délivré en novembre 2016 et qu'il y a eu une certaine confusion. Cependant, elle affirme que le brevet a été publié et que la lettre de demande indique clairement pourquoi elle avait été envoyée. Lames Nordik ajoute que la Loi sur les brevets prévoit un recours pour une indemnisation raisonnable pour les ventes effectuées entre la date de publication d'un brevet et sa délivrance (par. 55(2)) et affirme qu'il est parfaitement normal d'envoyer une lettre à quelqu'un pendant la période d'ouverture (transcription, 17 octobre 2023, p. 91). Lames Nordik affirme ainsi qu'aucune des déclarations de la mise en demeure n'était fausse.

[213] Comme il est indiqué plus haut, pour évaluer ce premier élément du critère juridique à trois volets : [TRADUCTION] « Il n'y a pas d'exigence expresse que les déclarations fausses ou trompeuses soient faites alors qu'on sait qu'elles sont fausses ou qu'elles doivent être faites de manière malveillante » (S&S, p. 425).

[214] Il semble exact de dire qu'en vertu de l'article 55 de la Loi sur les brevets, on peut être responsable des actes commis avant la délivrance du brevet. Toutefois, le libellé du paragraphe 55(2) de la Loi sur les brevets indique qu'on ne peut intenter d'action à cet égard que si le brevet est délivré et lorsqu'il l'est. La mise en demeure est trompeuse parce qu'elle sous‐entend qu'en 2016, avant la délivrance d'un quelconque des brevets de Nordik, Lames Nordik avait des droits de brevet qui existaient déjà et pourraient constituer le fondement d'une action en contrefaçon de brevet. En outre, l'affirmation de Lames Nordik selon laquelle elle pouvait engager immédiatement une action en contrefaçon contre Valley Blades à l'égard d'une demande de brevet en instance est fausse et trompeuse.

[215] Valley Blades a démontré que Lames Nordik avait fait une déclaration fausse ou trompeuse dans la mise en demeure et elle a donc satisfait au premier élément du critère.

(2) Tendant à discréditer l'entreprise, les produits ou les services d'un concurrent

[216] Valley Blades a fusionné ses observations sur les deux premiers éléments du critère juridique (p. ex. aux pages 43 et 44 de ses observations finales), ce qui est malheureux et peu utile.

[217] Valley Blades souligne que la mise en demeure fait planer la menace d'une action en contrefaçon de brevet contre Valley Blades, car elle indique : [TRADUCTION] « En cas de NON‐RESPECT de la présente lettre, notre cliente vous tiendra responsable de tous les préjudices subis en raison de votre violation délibérée des droits de Lames Nordik et nous n'aurons d'autre choix que d'engager la procédure judiciaire nécessaire contre Valley Blades Ltd. sans préavis ou délai supplémentaire ».

[218] Valley Blades souligne que M. Michel a affirmé en contre‐interrogatoire que, même si Lames Nordik ne voulait pas nécessairement empêcher Valley Blades de remporter la demande de propositions du gouvernement du Manitoba, elle voulait bel et bien remporter la demande elle‐même. M. Michel a reconnu qu'il serait exact de supposer que la mise en demeure empêcherait indirectement Valley Blades de remporter la demande de propositions (transcription du procès, jour 3, p. 149).

[219] Dans ses observations orales finales, Valley Blades a fait valoir que le fait que Lames Nordik a envoyé au gouvernement du Manitoba les déclarations faites dans la mise en demeure donnait l'impression fausse que Valley Blades offrait à tort de fournir des produits EconoFlex‐M et que cet énoncé tendait à discréditer un produit et l'entreprise de Valley Blades.

[220] Lames Nordik répond que M. Hunt lui-même a confirmé en contre‐interrogatoire que son affidavit n'a fourni aucune preuve que les clients de Valley Blades ont eu une mauvaise impression de Valley Blades après que Lames Nordik a distribué la mise en demeure.

[221] On ne sait trop si la jurisprudence sur la forme de la mise en demeure (c.‐à‐d. menaçante ou informative) antérieure à la délivrance du brevet 940 est déterminante en l'espèce. La jurisprudence invoquée à cet égard porte sur les mises en demeure envoyées lorsqu'un brevet a déjà été délivré. Compte tenu de cette incertitude et du fait que les témoignages de M. Michel et de M. Hunt ne fournissent pas de clarté — le témoignage de M. Michel n'est pas convaincant, tandis que M. Hunt n'a fourni aucune preuve selon laquelle les clients de Valley Blades ont eu une opinion défavorable de Valley Blades à la suite des actions de Lames Nordik — Valley Blades ne m'a pas convaincue que la mise en demeure tendait à discréditer son produit ou son entreprise.

(3) Préjudice qui en découle

[222] Valley Blades soutient que la preuve incontestée de M. Hunt est que la mise en demeure a causé un préjudice à Valley Blades en ce qui concerne la demande de propositions du Manitoba. Elle fait remarquer que, le 27 mars 2017, le gouvernement du Manitoba a informé Valley Blades qu'il avait adjugé le contrat à Lames Nordik malgré le fait que Valley Blades offrait une importante remise.

[223] Cela est vrai, mais il s'agit d'une preuve insuffisante pour me convaincre que, selon la prépondérance des probabilités, le contrat n'a pas été adjugé à Valley Blades en raison des déclarations fausses et trompeuses de Lames Nordik dans la mise en demeure. On n'a présenté aucune preuve du gouvernement du Manitoba, et M. Hunt a indiqué qu'il ne savait pas exactement ce qui l'avait motivé à adjuger le contrat à Lames Nordik plutôt qu'à Valley Blades. L'affirmation de Valley Blades selon laquelle la mise en demeure lui a causé un préjudice est purement spéculative.

(4) Conclusion relative à la déclaration faite avant la délivrance du brevet 940

[224] Les éléments de preuve présentés par les parties ne montrent pas, dans l'ensemble, que la mise en demeure tendait à discréditer Valley Blades ou que la déclaration fausse ou trompeuse a causé un préjudice quelconque. Je conclus que Valley Blades ne s'est pas acquittée de son fardeau d'établir que Lames Nordik a contrevenu à l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce relativement à la mise en demeure.

C. Déclaration après la délivrance du brevet 940 : l'« avis de contrefaçon de brevet »

(1) Déclaration fausse et trompeuse

[225] Le 4 octobre 2017, donc après la délivrance du brevet 940 (le 4 juillet 2017), Lames Nordik a envoyé une autre communication à un certain nombre de clients de Valley Blades, c.‐à‐d. les utilisateurs finaux. La communication, intitulée « Avis de contrefaçon de brevet », était signée par l'avocat de Lames Nordik et de M. Michel. Le 16 novembre 2017 ou avant cette date, M. Zoltan Nemeth de Lames Nordik s'est rendu au canton pour informer M. Jonathan Goulet que Lames Nordik avait un brevet pour le produit Nordik MOVE et pour remettre l'avis.

[226] L'avis de contrefaçon est joint à l'affidavit de M. Hunt en tant que pièce 30. En bref, il indique ce qui suit :

1. Lames Nordik a appris qu'une copie de son produit « Nordik MOVE » visé par le brevet canadien no 2 856 940 et le brevet américain no 9 121 151 est commercialisée et vendue sans son consentement.

2. Ces actes vont à l'encontre des bonnes pratiques commerciales et pourraient aussi constituer une contrefaçon de brevet en vertu des lois sur les brevets du Canada et des États‐Unis.

3. Ces lois accordent au titulaire d'un brevet le droit exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres l'objet de l'invention décrite dans ce brevet.

4. Les achats et ventes de copies du produit Nordik MOVE sont donc strictement interdits.

5. Lames Nordik prendra toutes les mesures juridiques nécessaires contre toutes les personnes qui achètent ou vendent des copies du produit Nordik MOVE.

[227] En ce qui a trait à l'avis envoyé après la délivrance du brevet 940, Valley Blades fait valoir que les déclarations figurant dans une mise en demeure menaçante peuvent fonder une revendication en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce (Excalibre, par. 283). Valley Blades affirme que cela s'applique également aux déclarations faites dans l'avis de contrefaçon qui, en fait, servait à atteindre exactement le même objectif.

[228] Valley Blades soutient également que si la Cour accepte que les revendications en cause du brevet 940 ne sont pas valides, il s'ensuit que Lames Nordik a fait des déclarations fausses et trompeuses au sujet de Valley Blades et de son produit EconoFlex‐M au canton et à tout autre client qui a reçu l'avis. Valley Blades affirme que, dans l'avis, Lames Nordik a fait des déclarations fausses et trompeuses, notamment qu'elle détient des droits de brevet valides et que Valley Blades s'est livrée à de [TRADUCTION] « mauvaises pratiques commerciales » en contrefaisant le brevet de Lames Nordik.

[229] Valley Blades affirme que si Lames Nordik menaçait des tiers d'une action en contrefaçon de brevet fondée sur des droits qu'elle détenait en vertu d'un brevet qui a été invalidé par la suite, la déclaration devient fausse. Valley Blades fait donc valoir que la menace d'un litige sur des droits conférés par le brevet 940 qui est ensuite déclaré invalide est devenue une déclaration fausse, même si Lames Nordik s'est fondée sur la présomption de validité du brevet au moment où la déclaration a été faite.

[230] Elle ajoute que Lames Nordik n'a en fait poursuivi ni le canton ni aucune autre personne à laquelle elle avait envoyé l'avis, et que l'avocat de Lames Nordik a même laissé entendre que Lames Nordik n'aurait jamais poursuivi les destinataires de l'avis par crainte [TRADUCTION] « d'éveiller l'hostilité de tous les clients éventuels » (transcription du 17 octobre 2022, jour 1 du procès, p. 91 et 92). Valley Blades affirme que le fait de laisser entendre qu'elle allait poursuivre les clients qui ont reçu l'avis constituait une déclaration trompeuse si elle n'avait pas l'intention réelle de le faire (transcription du 25 octobre 2022, p. 110).

[231] Lames Nordik répond que la réclamation en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce ne peut être prise en compte que si la Cour conclut que le brevet 940 est invalide et qu'aucune des déclarations de la mise en demeure n'est fausse ou trompeuse.

[232] J'ai conclu plus tôt que les revendications en cause du brevet 940 ne sont pas valides pour cause d'évidence.

[233] Dans Fluid Energy, le juge McHaffie a affirmé : « Il est reconnu depuis longtemps qu'une fausse allégation selon laquelle un concurrent contrefait un brevet peut relever de l'alinéa 7a) : S&S Industries Inc. c Rowell, [1966] R.C.S. 419 [S&S Industries], aux p. 422, 424, 425 et 429 à 432. C'est le cas même si la fausseté de l'allégation ne peut pas être établie avant une date ultérieure, par exemple, après une conclusion selon laquelle le brevet est invalide : S&S Industries, à la p. 425 » (au par. 49).

[234] Dans l'arrêt S&S, l'appelante avait soutenu que même si le brevet sur lequel elle s'appuyait était jugé invalide, on ne pouvait intenter une action en dommages‐intérêts. Plus précisément, l'appelante soutenait qu'en vertu de l'article 46 de la Loi sur les brevets, le brevet est réputé valide et que les mesures qu'elle avait prises pour protéger sa position visaient à protéger ses propres droits de propriété. L'appelante soutenait aussi qu'aucune faute juridique n'avait été commise tant qu'elle avait agi de bonne foi pour protéger son brevet, et ce, même si on conclut dans une instance ultérieure que le brevet est invalide. Toutefois, la Cour suprême a rejeté cet argument et a confirmé que les circonstances de l'affaire faisaient que l'intimée était effectivement visée par les dispositions de l'alinéa 7a). Dans son analyse, la Cour suprême a fait observer que la défenderesse n'avait pas engagé les poursuites judiciaires comme elle le menaçait et qu'elle s'était plutôt tournée vers d'autres méthodes pour protéger son brevet (S&S, p. 431).

[235] La Cour suprême n'a pas fait de distinction entre une mise en demeure informative et une mise en demeure menaçante. Il semble que cette distinction ait été introduite pour la première fois par la Cour fédérale dans la décision M&I Door Systems Ltd. c. La compagnie des portes industrielles Indoco Ltée, no T‐1661‐87, 5 juillet 1989, 25 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.) (M&I Door Systems), à la page 523. Dans M&I Door Systems, la Cour fédérale a conclu que les lettres étaient en fait plus informatives que menaçantes et a conclu en fin de compte que le défendeur n'avait pas établi qu'il avait droit à un redressement en vertu de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce. Il n'est pas clair si la Cour a tenu compte de cette distinction afin de décider si la déclaration était fausse ou trompeuse, ou si elle tendait à discréditer le produit ou l'entreprise d'un concurrent.

[236] Dans M&I Door Systems, la Cour a notamment affirmé : « La demande de dommages‐intérêts est également influencée par le fait que, lorsqu'une entreprise possède un brevet enregistré, celui‐ci est valide à première vue et le titulaire du brevet a le droit d'agir en se fondant sur cette validité. » À première vue, cela semble aller à l'encontre de la conclusion de la Cour suprême dans S&S, qui a rejeté la thèse de l'appelante selon laquelle elle était protégée par la présomption de validité du brevet jusqu'à ce qu'il soit jugé invalide. Toutefois, dans la décision S&S, le titulaire du brevet n'avait pas engagé de poursuites contre le contrefacteur présumé et avait plutôt pris des mesures à l'égard de tiers. La Cour suprême a clairement indiqué que ces actions précises allaient trop loin, et elle a même jugé qu'elles étaient malveillantes même s'il n'était pas nécessaire de prouver la malveillance. Compte tenu des faits, il n'était probablement pas nécessaire que la Cour suprême établisse une distinction.

[237] Le juge Hughes a fait une comparaison précise des faits de S&S et de M&I Door Systems aux paragraphes 8 à 10 de Supertek avant de conclure que : « Il peut être conclu de ces affaires que l'affirmation d'un brevet ou d'une autre propriété intellectuelle, comme un dessin industriel, qui pourrait subséquemment être déclarée invalide ne sera pas toujours réputée constituer une déclaration fausse ou trompeuse. La Cour doit s'informer de la nature et des circonstances des affirmations et de toute conduite subséquente de la partie faisant les affirmations » (au par. 11).

[238] Dans Supertek, la Cour a clairement examiné la distinction entre une lettre menaçante et informative et les actions subséquentes afin de déterminer si la déclaration était fausse ou trompeuse. Il n'est pas clair si elle a tenu compte de cette distinction afin de déterminer si la déclaration tendait à discréditer l'entreprise ou le produit d'un concurrent.

[239] Dans Excalibre (au par. 283) et Fluid Energy (aux par. 51 et 52), la Cour a utilisé la distinction entre les lettres menaçantes et les lettres informatives pour déterminer si la déclaration tendait à discréditer l'entreprise ou les produits d'un concurrent.

[240] En l'espèce, je suis convaincue que l'avis contient des déclarations fausses ou trompeuses parce que j'ai invalidé les revendications en cause du brevet 940. En outre, si la forme de la déclaration peut être prise en considération dans le premier élément du critère, il ne fait aucun doute que l'avis n'est pas seulement informatif, mais qu'il est menaçant; il allègue directement une contrefaçon, interdit les achats et les ventes et menace une action en justice (Fluid Energy, au par. 99).

[241] Le premier élément du critère est satisfait.

(2) Tendant à discréditer l'entreprise, les produits ou les services d'un concurrent

[242] Valley Blades soutient que les énoncés dans la mise en demeure ont discrédité ses produits. Elle ajoute que ce qui importe ici, c'est que son produit EconoFlex‐M a été discrédité. Valley Blades invoque la décision Excalibre comme exemple pour démontrer qu'il suffit que le produit fasse l'objet des déclarations ou en soit victime, même si les mêmes clients continuent d'acheter d'autres produits du même fournisseur.

[243] Valley Blades ajoute que les déclarations fausses et trompeuses contenues dans la mise en demeure tendaient à discréditer Valley Blades et son produit EconoFlex‐M, car elles donnaient aux clients qui les ont vues l'impression que Valley Blades pourrait produire et vendre à tort des produits EconoFlex‐M. Valley Blades soutient également que la mise en demeure a donné à tort l'impression que ces clients pourraient être poursuivis par Lames Nordik s'ils achetaient des produits EconoFlex‐M, et souligne que M. Michel a même avoué que Lames Nordik, quand elle a diffusé la mise en demeure, voulait que les clients éventuels sachent qu'ils seront poursuivis s'ils achètent ce que Lames Nordik considérait comme une réplique. Elle fait valoir que c'est aussi ce que les clients ont compris; une fois que le canton a reçu la mise en demeure, M. Bourgon a [TRADUCTION] « pensé qu'il y avait un risque d'avoir un litige avec Lames Nordik ».

[244] J'ai déjà conclu que le libellé de la mise en demeure était effectivement menaçant. Suivant le même raisonnement que mes collègues dans Excalibre et Fluid Energy, je conclus donc que la mise en demeure tendait à discréditer le produit de Valley Blades.

(3) Le préjudice qui en découle

[245] Valley Blades a indiqué que M. Hunt avait expliqué que les déclarations dans la mise en demeure ont eu une incidence sur les activités de Valley Blades, puisque le canton a renvoyé les lames EconoFlex‐M qu'il avait reçues de Valley Blades afin d'éviter tout risque de litige. Valley Blades ajoute qu'en dépit de l'absence d'une facture à l'appui, selon les souvenirs de M. Bourgon, les lames EconoFlex‐M qu'on a renvoyées avaient d'abord été achetées par le canton. Il n'a acheté aucun produit EconoFlex‐M de Valley Blades depuis ces événements.

[246] Le 16 novembre 2017, le canton a informé Valley Blades de sa décision d'examiner à nouveau s'il devait conserver ou renvoyer les lames EconoFlex‐M qu'il avait reçues. Le 20 décembre 2017, M. Derrick Mayhew, de Valley Blades, a envoyé un courriel à M. Bruno Montesano, de Valley Blades, indiquant que M. Goulet avait informé M. Mayhew que le canton avait décidé de renvoyer les deux systèmes Econoflex‐M qu'il avait achetés.

[247] Lames Nordik répond que les éléments de preuve révèlent que la mise en demeure envoyée au canton n'a causé aucun préjudice à Valley Blades : a) Valley Blades n'a produit aucune preuve documentaire confirmant que le canton avait effectivement payé les deux systèmes EconoFlex‐M; b) Valley Blades n'a produit aucune preuve documentaire confirmant qu'elle avait remboursé le canton; c) Valley Blades a remis au canton deux systèmes PolarFlex pour remplacer les systèmes EconoFlex‐M; d) ni Valley Blades ni le canton n'ont pu confirmer que le canton avait effectivement cessé d'acheter des produits de Valley Blades.

[248] Dans Uview Ultraviolet Systems Inc c. Brasscorp Ltd., 2009 CF 58, la Cour a importé dans l'analyse de l'alinéa 7a) les principes énoncés par la C.A.F. dans BMW Canada Inc. c. Nissan Canada Inc., 2007 CAF 255, [2007] 4 R.C.F. F‐8, en ce qui concerne l'exigence relative au préjudice (au par. 35). En l'absence de preuve de préjudice réel ou éventuel découlant de la mise en demeure, la Cour ne peut conclure qu'il y a responsabilité. Comme l'a mentionné Lames Nordik, la preuve ne me convainc pas, dans l'ensemble, que Valley Blades a subi un préjudice en raison de la mise en demeure.

(4) Conclusion relative à la déclaration faite après la délivrance du brevet 940

[249] Valley Blades n'a pas prouvé sa revendication en vertu du paragraphe 7a) de la Loi sur les marques de commerce.

X. Dépens

[250] Valley Blades a demandé à la Cour une somme forfaitaire, plutôt que des dépens selon le tarif de la Cour fédérale, et l'occasion de présenter des observations supplémentaires sur ce que devrait être le montant réel.

[251] Lames Nordik a demandé à la Cour d'établir les dépens conformément au maximum de la colonne IV du tarif.

[252] Je donnerai aux parties la possibilité de présenter des observations supplémentaires, d'un maximum de dix pages, afin de traiter de la question des dépens.

JUGEMENT dans les dossiers T-1790-17 et T-416-19

LA COUR ORDONNE :

1. Les revendications 1 à 12 du brevet no 2 856 940, les revendications 1 à 8, 10 à 14, 16, 17, 19, 20 à 28, 31, 32, 34 à 37, 39 à 43, 45 à 47, 49 à 51, 54 à 62 et 64 du brevet canadien no 2 965 426, et les revendications 1, 2, 4, 5, 7 et 9 à 14 du brevet canadien no 2 992 233 ne sont pas valides au motif de l'évidence.

2. Les parties peuvent déposer des observations supplémentaires, d'un maximum de dix pages, sur la question des dépens dans les 30 jours qui suivent.

4. Les parties disposent de 30 jours à compter de la publication des motifs confidentiels pour présenter des observations sur le caviardage à faire avant la publication d'une version publique.

« Martine St-Louis »

Juge

 


XI. Annexe : les revendications dépendantes

[TRADUCTION]

Le brevet 940

Revendications 2 à 12

2. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 1, dans lequel chaque partie lame est constituée de matériau composite, d'acier, de carbure, d'aluminium, d'alliage, de polymère ou de plastique.

3. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 1 ou 2, dans lequel chaque partie lame comprend une insertion dans le bord inférieur.

4. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 3, dans lequel l'insertion est faite de carbure.

5. L'ensemble de lames de balayage d'une des revendications 1 à 4, dans lequel la partie lame est couverte d'une couche de matériau résistant.

6. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 5, dans lequel la couche de matériau résistant et la bague faite d'un matériau résistant sont faites de caoutchouc.

7. L'ensemble de lames de balayage d'une des revendications 1 à 6, dans lequel le premier support de lame est fixé au véhicule de sorte qu'on peut l'enlever.

8. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 7, dans lequel le véhicule est un camion, une voiture, un motoquad, un tracteur, un véhicule personnel, un véhicule commercial, un chasse‐neige ou une fourgonnette.

9. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 8, dans lequel le premier support de lame est fixé à l'avant, au côté, à l'arrière ou au‐dessous du véhicule, de sorte qu'on peut l'enlever.

10. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 9, dans lequel le deuxième support de lame est plus étroit que les dispositifs de lames de balayage.

11. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 10, dans lequel le canal vertical a une partie supérieure ouverte adjacente au bord supérieur de la partie lame.

12. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 11, dans lequel le canal vertical a un fond ouvert adjacent au bord inférieur de la partie lame.

Le brevet 426

Revendications 2 à 19

2. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 1, dans lequel le deuxième support de lame est plus étroit que le dispositif de lame de balayage.

3. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 1 ou 2, dans lequel la partie lame est constituée de matériau composite, d'acier, de carbure, d'aluminium, d'alliage, de polymère ou de plastique.

4. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 3, dans lequel la partie lame a un bord inférieur destiné à toucher la surface du sol et chacun des dispositifs de lame de balayage a une insertion dans ledit bord inférieur.

5. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 4, dans lequel l'insertion comprend du carbure.

6. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 5, dans lequel les dispositifs de lame de balayage comprennent en outre des trous d'aération dans la couche de matériau résistant et les bagues compressibles.

7. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 5 ou 6, dans lequel le matériau résistant comprend un matériau en caoutchouc.

8. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 5, dans lequel chaque bague compressible contient un trou d'aération pour augmenter la capacité de compression d'une des bagues compressibles correspondantes.

9. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 6 ou 8, dans lequel les trous d'aération transpercent la bague compressible correspondante.

10. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 9, dans lequel chacun des dispositifs de lame de balayage comprend en outre une bague métallique insérée dans la bague compressible qui définit une ouverture de fixation.

11. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 10, dans lequel la partie lame est en acier.

12. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 11, dans lequel le trou pour bague est elliptique.

13. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 6, dans lequel la partie lame comprend un bord inférieur pour balayer la surface du sol et dans lequel chacun des dispositifs de lame de balayage comprend en outre des bagues métalliques insérées dans les bagues compressibles et les ouvertures d'attache et dans lequel chacun des trous d'aération est aligné avec une ouverture d'attache, de sorte que chacun soit plus près du bord inférieur que la bague métallique correspondante.

14. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 4, dans lequel les bords inférieurs des parties lame s'étendent vers le bas au-delà des premier et deuxième supports de lame.

15. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 14, dans lequel chacune des parties lame comprend un bord supérieur et dans lequel les bords supérieurs des parties lame s'étendent vers le haut jusqu'au deuxième support de lame, ou davantage.

16. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 15, dans lequel la couche de matériau résistant couvre la majorité des faces avant et arrière de la partie lame.

17. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 16, dans lequel la couche de matériau résistant est liée à la partie lame.

18. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 17, dans lequel la partie lame comprend un bord supérieur et la couche de matériau résistant s'étend tout au plus jusqu'au bord supérieur de la partie lame.

19. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 18, dans lequel la couche de matériau résistant couvre le bord supérieur de la partie lame.

Revendications 21 à 34

21. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 20, dans lequel les bagues faites de matériau résistant comprennent un trou d'aération et dans lequel l'un des dispositifs de lame de balayage s'attache au premier ou au deuxième support de lame à travers les bagues faites de matériau résistant.

22. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 20 ou 21, dans lequel le deuxième support de lame est plus étroit que les dispositifs de lame de balayage.

23. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 22, dans lequel le premier support de lame est fixé à une lame de chasse-neige située à l'avant, au côté, à l'arrière ou au‐dessous du véhicule, de sorte qu'on peut l'enlever.

24. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 21, dans lequel au moins l'un des dispositifs de lame de balayage comprend en outre une bague métallique insérée dans la bague faite de matériau résistant et définit une ouverture d'attache, de sorte que la bague métallique est alignée avec le trou d'aération défini dans la même bague faite de matériau résistant.

25. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 24, dans lequel la partie lame est faite d'acier et le matériau résistant est fait de caoutchouc.

26. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 25, dans lequel les deux trous pour bague sont elliptiques.

27. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 24, dans lequel la partie lame comprend un bord inférieur pour balayer la surface du sol et le trou d'aération est plus près du bord inférieur que la bague métallique.

28. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 27, dans lequel la partie lame comprend un bord inférieur pour balayer la surface du sol et le bord inférieur de la partie lame s'étend davantage vers le bas que les premier et deuxième supports de lame.

29. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 28, dans lequel la partie lame comprend un bord supérieur et le bord supérieur de la partie lame s'étend vers le haut jusqu'au deuxième support de lame, ou davantage.

30. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 21, dans lequel le trou d'aération transperce l'une des bagues faites de matériau résistant respectives.

31. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 30, dans lequel la couche de matériau résistant couvre la majorité des faces avant et arrière de la partie lame.

32. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 31, dans lequel la couche de matériau résistant est liée à la partie lame.

33. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 20 à 32, dans lequel la partie lame comprend un bord supérieur et la couche de matériau résistant s'étend jusqu'au bord supérieur de la partie lame tout au plus.

34. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 33, dans lequel la couche de matériau résistant couvre le bord supérieur de la partie lame.

Revendications 36 à 49

36. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 35, dans lequel la bague faite de matériau résistant comprend un trou d'aération pour augmenter la capacité de compression de la bague faite de matériau résistant respective.

37. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 et 36, dans lequel le premier ensemble de support de lame est fixé à une lame de chasse‐neige située à l'avant, au côté, à l'arrière ou au‐dessous d'un véhicule, de sorte qu'on peut l'enlever.

38. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 36, où le trou d'aération transperce la couche de matériau résistant et la bague faite de matériau résistant.

39. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 36, dans lequel chacun des dispositifs de lame de balayage comprend en outre une bague métallique insérée dans la bague faite de matériau résistant et une ouverture d'attache, de sorte que la bague métallique est alignée avec le trou d'aération dans la même bague faite de matériau résistant.

40. L'ensemble de lames de balayage d'une des revendications 35 à 39, dans lequel la partie lame est faite d'acier et le matériau résistant est fait de caoutchouc.

41. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 40, dans lequel au moins un trou pour bague est elliptique.

42. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 39, dans lequel la partie lame comprend un bord inférieur pour balayer la surface du sol et le trou d'aération est plus près du bord inférieur que la bague métallique.

43. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 42, dans lequel la partie lame comprend un bord inférieur pour balayer la surface du sol et le bord inférieur de la partie lame s'étend davantage vers le bas que les premier et deuxième supports de lame.

44. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 43, dans lequel la partie lame comprend un bord supérieur, le premier support de lame peut être fixé à la lame de chasse-neige d'un véhicule, le deuxième support de lame peut être monté de façon parallèle au premier support de lame et éloigné de celui‐ci, et le bord supérieur de la partie lame s'étend vers le haut jusqu'au deuxième support de lame ou au‐delà.

45. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 44, dans lequel chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame.

46. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 45, dans lequel la couche de matériau résistant couvre une majorité des faces avant et arrière de la partie lame.

47. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 46, dans lequel la couche de matériau résistant est liée à la partie lame.

48. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 35 à 47, dans lequel la partie lame comprend un bord supérieur et la couche de matériau résistant s'étend tout au plus jusqu'au bord supérieur de la partie lame.

49. L'ensemble de lames de balayage de la revendication 48, dans lequel la couche de matériau résistant couvre le bord supérieur de la partie lame.

Revendications 51 à 64

51. L'ensemble revendiqué dans la revendication 50, dans lequel chacune des parties de bagues résistantes comprend en outre un trou d'aération qui augmente la capacité de compression de l'une des bagues respectives et où le trou d'aération est aligné avec l'une des ouvertures d'attache correspondantes.

52. L'ensemble revendiqué dans la revendication 51, dans lequel le trou d'aération transperce la couche de matériau résistant et la partie de la bague résistante.

53. L'ensemble revendiqué dans l'une des revendications 50 à 52, dans lequel la couche de matériau résistant couvre la majorité des faces avant et arrière de la partie lame et dans lequel la couche de matériau résistant s'étend tout au plus au bord supérieur de la partie lame et est liée à la partie lame.

54. L'ensemble de la revendication 52, dans lequel la couche de matériau résistant couvre le bord supérieur de la partie lame.

55. L'ensemble revendiqué dans l'une des revendications 50 à 54, dans lequel chacune des bagues comprend en outre une bague métallique insérée dans l'ouverture d'attache et dans lequel la bague métallique est entourée à l'extérieur par une des parties de bague résistante correspondante.

56. L'ensemble revendiqué dans l'une des revendications 50 à 55, dans lequel le deuxième support de lame est plus étroit que les dispositifs de lame de balayage.

57. L'ensemble revendiqué dans l'une des revendications 50 à 56, dans lequel la partie lame est faite de matériau composite, d'acier, de carbure, d'aluminium, d'alliage, de polymère ou de plastique.

58. L'ensemble revendiqué dans l'une des revendications 50 à 57, dans lequel la partie lame comprend en outre une insertion de carbure dans le bord inférieur.

59. L'ensemble de l'une des revendications 50 à 58, dans lequel la partie lame est faite d'acier et la partie bague résistante est faite de caoutchouc.

60. L'ensemble de l'une des revendications 50 à 59, dans lequel au moins deux trous pour bague sont elliptiques.

61. L'ensemble de la revendication 51, dans lequel chacune des bagues comprend en outre une bague métallique insérée dans l'ouverture d'attache et dans lequel le trou d'aération est plus près du bord inférieur que la bague métallique.

62. L'ensemble de l'une des revendications 50 à 61, dans lequel le bord inférieur de la partie lame s'étend vers le bas au‐dessous des premier et deuxième supports de lame.

63. L'ensemble de l'une des revendications 50 à 62, dans lequel le premier support de lame est fixé à une lame de chasse-neige du véhicule et le bord supérieur de la partie de la lame s'étend vers le haut jusqu'au deuxième support de lame ou au‐delà.

64. L'ensemble de l'une des revendications 50 à 63, dans lequel chacun des dispositifs de lame de balayage est plus court que les premier et deuxième supports de lame.

Le brevet 233

Revendications 2 à 14

2. La lame de balayage revendiquée dans la revendication 1, dans laquelle chacune des parties de bagues résistantes comprend en outre un trou d'aération de sorte à augmenter la capacité de compression de l'une des bagues respectives.

3. La lame de balayage revendiquée dans la revendication 2, dans laquelle le trou d'aération et l'ouverture d'attache transperce la partie de bague résistante et la couche de matériau résistant.

4. La lame de balayage revendiquée dans l'une des revendications 1 à 3, dans laquelle la couche de matériau résistant couvre la majorité des faces avant et arrière de la partie lame.

5. La lame de balayage revendiquée dans l'une des revendications 1 à 4, dans laquelle une couche de matériau résistant est liée à la partie lame.

6. La lame de balayage revendiquée dans la revendication 2 ou 4, dans laquelle la couche de matériau résistant s'étend tout au plus au bord supérieur de la partie lame.

7. La lame de balayage revendiquée dans la revendication 6, dans laquelle la couche de matériau résistant couvre le bord supérieur de la partie lame.

8. La lame de balayage de la revendication 2 ou 3, dans laquelle les trous d'aération des bagues transpercent la couche de matériau résistant.

9. La lame de balayage revendiquée dans l'une des revendications 1 à 8, dans laquelle les bagues comprennent en outre une bague métallique exposée dans l'ouverture d'attache et où la bague métallique est entourée à l'extérieur par l'une des parties bague résistante correspondantes.

10. La lame de balayage revendiquée dans l'une des revendications 1 à 9, dans laquelle la partie lame est constituée de matériau composite, d'acier, de carbure, d'aluminium, d'alliage, de polymère ou de plastique et dans laquelle la partie lame comprend en outre une insertion de carbure dans le bord inférieur.

11. La lame de balayage de l'une des revendications 1 à 10, dans laquelle la partie lame est faite d'acier et la partie lame comprend en outre une insertion en carbure dans le bord inférieur.

12. L'ensemble de lames de balayage de l'une des revendications 1 à 11, dans laquelle les deux trous pour bague sont elliptiques.

13. La lame de balayage de la revendication 2 ou 3, dans laquelle chacun des trous d'aération est plus près du bord inférieur qu'une ouverture d'attache correspondante.

14. La lame de balayage de la revendication 2 ou 3, dans laquelle la partie lame a un axe transversal s'étendant entre le bord inférieur et le bord supérieur et dans laquelle chacun des trous d'aération est aligné avec l'ouverture d'attache respective le long de l'axe transversal.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1790-17

INTITULÉ :

VALLEY BLADES LTD. c. USINAGE PRO-24 INC. S/N LES LAMES NORDIK

ET DOSSIER :

T-416-19

INTITULÉ :

USINAGE PRO-24 INC. S/N LES LAMES NORDIK c. VALLEY BLADES LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 17 OCTOBRE 2022

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ST-LOUIS

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS ÉMIS :

LE 22 DÉCEMBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS ÉMIS :

LE 15 FÉVRIER 2024

COMPARUTIONS :

Daniel Daniele

William Chalmers

Fortunat Nadima Nadima

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Bob Sotiriadis

Catherine Thall-Dubé

Samuel Ross

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEmANDERESSE RECONVENTIONNELLE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

Robic, SENCRL

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

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