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Date: 20240222

Dossier: IMM-3900-23

Référence: 2024 CF 296

Ottawa (Ontario), le 22 février 2024

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE :

RAUL ANDRES GONZALEZ PASTRANA et MARIANA ISABEL GONZALEZ PASTRANA

Demandeurs

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs sont citoyens du Mexique. Ils demandent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR], datée du 28 février 2023, confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR], datée du 22 septembre 2022, qui a rejeté leur demande d’asile. La SAR a conclu qu’ils ne sont pas reconnus comme ayant la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], puisque les demandeurs ont une possibilité de refuge intérieur [PRI] viable dans les villes de Mexico ou de Campeche.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La décision de la SAR est claire, justifiée, et intelligible au regard de la preuve soumise (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 [Mason] au para 8; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 99). Les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer que la décision de la SAR était déraisonnable.

I. Contexte factuel

[3] Les demandeurs, Raul Andres Gonzalez Pastrana et Mariana Isabel Gonzalez Pastrana [demandeur et demanderesse, conjointement les demandeurs], sont citoyens du Mexique. Ils sont frère et sœur, et ont environ 27 et 28 ans. Ils ont demandé l’asile au Canada par crainte de l’ex-conjoint de leur mère [agent de persécution].

[4] La mère des demandeurs est arrivée au Canada en 2004 et y a obtenu asile. Les demandeurs, qui étaient mineurs à l’époque, sont demeurés au Mexique avec leur père.

[5] La mère des demandeurs était mariée à l’agent de persécution (qui n’est pas le père des demandeurs), de qui elle s’est éventuellement séparée. Aussi un ressortissant mexicain, ce dernier a été emprisonné au Canada pour tentative de meurtre contre la mère des demandeurs entre 2006 et 2018. Il a été renvoyé au Mexique suite à sa libération. Les demandeurs allèguent qu’il cherche maintenant à se venger contre eux pour avoir été emprisonné au Canada.

[6] En mars 2019, le demandeur habitait au Mexique lorsqu’il allègue avoir reçu un appel téléphonique menaçant, et avoir été suivi de son école jusqu’à son domicile. Il a demandé de l’aide de la police, en vain. Le demandeur est ensuite venu au Canada, et puis retourné au Mexique en août 2019. À son retour, il a continué à recevoir des menaces. Il décida donc de quitter le Mexique vers le Canada pour de bon le 30 décembre 2020.

[7] La demanderesse, pour sa part, vivait aux États-Unis. Elle est retournée au Mexique, et a commencé à recevoir des menaces en octobre 2020. Elle a aussi été harcelée et menacée avec des lettres laissées sur sa voiture et au pas de sa porte en juin et juillet 2021. Elle a finalement quitté le Mexique le 4 septembre 2021.

[8] La demande d’asile des demandeurs a été entendue par la SPR le 6 septembre 2022. Dans sa décision du 22 septembre 2022, la SPR a conclu que les demandeurs ne font pas face à un risque sérieux de persécution dans les villes proposées de PRI. La décision a été portée en appel auprès de la SAR, qui a rejeté la demande d’asile et a confirmé la conclusion de la SPR.

II. Décision contestée

[9] En premier lieu, les demandeurs ont tenté de soumettre de la nouvelle preuve auprès de la SAR. Ces nouveaux éléments de preuve sont les suivants :

  • A-1 : Photos de la voiture de la demanderesse prises en juin 2021 et avant;

  • A-2 : Copie du dossier médical et psychosocial de la mère des demandeurs datée du 13 octobre 2022;

  • A-3 : Lettres datées de 2004 et de 2005;

  • A-4 : Captures d’écran du téléphone cellulaire de la demanderesse du 5 janvier et 9 avril 2022;

  • A-5 : Article de journal « Un homme sort de prison et tue la femme qu'il menaçait il y a 22 ans » 9 décembre 2021;

  • A-6 : Article de journal « Le sujet a été libéré de prison et a assassiné la jeune femme qu'il avait harcelée pendant deux ans » 22 août 2021;

  • A-7 : Lettre de Me Gerardo PINTO DAGER datée du 9 novembre 2022.

[10] La SAR n’a pas admis les nouveaux éléments de preuve, car elle a jugé qu’elles étaient accessibles au moment de la décision de la SPR. Toutes les pièces, sauf les pièces A-2 et A-7, étaient disponibles avant la décision de la SPR. Le dossier médical à la pièce A-2 est daté après la décision de la SPR, mais les éléments de preuve constituant ce dossier médical datent d’avant la décision de la SPR. Quant à la pièce A-7, il s’agit d’une opinion juridique datée après la décision de la SPR, mais l’opinion porte sur des principes juridiques et la situation d’insécurité au Mexique qui existait avant la décision de la SPR. Bref, la SAR n’était pas convaincue que ces éléments de preuve n’étaient pas accessibles au moment de la décision de la SPR.

[11] Les demandeurs ont allégué que la SPR a violé leur droit à l’équité procédurale puisqu’elle a omis de leur expliquer quels éléments de preuve pourraient être pertinents et de les informer qu’ils pouvaient déposer de la preuve supplémentaire après l’audience (constitué des pièces que les demandeurs ont tenté de déposer devant la SAR). La SAR a conclu qu’il n’y avait pas de violation à l’équité procédurale par la SPR puisque les demandeurs ont choisi de ne pas être représentés lors de l’audience; et ce n’était pas le devoir de la SPR de leur expliquer quelles preuves seraient pertinentes à leur demande d’asile. Au contraire, la SPR a expliqué la procédure aux demandeurs, et leur a accordé deux semaines après l’audience pour soumettre toutes preuves supplémentaires. Les demandeurs ont eu la pleine opportunité de faire valoir leur cause devant la SPR. En somme, la SAR a statué que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles, car elles ne satisfont pas aux critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR.

[12] En deuxième lieu, la SAR a traité de la question de la raisonnabilité des villes de PRI proposées, soit Mexico et Campeche. Sur le premier volet du test, la SAR a conclu que la SPR n’a pas erré dans son analyse de la motivation et la capacité de l’agent de persécution à poursuivre les demandeurs. Les menaces subies par les demandeurs étaient limitées à des appels téléphoniques et des lettres; l’agent de persécution n’a pas tenté, selon la preuve, de contacter ou menacer les demandeurs en personne. De plus, les demandeurs ont pu retourner au Mexique depuis les premières menaces de l’agent de persécution, ce qui n’est pas compatible avec leurs prétentions sur le profil violent de l’agent de persécution.

[13] Sur le deuxième volet du test, la SAR a conclu qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs trouvent refuge dans les villes de PRI proposées de Mexico et Campeche. La SAR a entamé une analyse holistique des conditions des demandeurs et a conclu qu’ils sont en bonne position pour s’établir dans l’une de ces villes, et que les conditions de ces villes ne mettraient pas leur vie ni leur sécurité en péril. Ils devront certes faire preuve de prudence dans leur usage des médias sociaux, mais cette constatation en soi ne rend pas la relocalisation déraisonnable.

[14] La SAR a ultimement rejeté la demande d’asile des demandeurs et a confirmé la décision défavorable de la SPR.

III. Norme de contrôle et questions en litige

[15] Les questions en litige devant la Cour sont les suivantes :

  1. La décision de la SAR refusant d’admettre la nouvelle preuve soumise par les demandeurs est-elle raisonnable?

  2. La décision de la SAR, concluant que les demandeurs ont une PRI dans les villes de Mexico ou de Campeche, est-elle raisonnable?

[16] La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Vavilov aux para 10, 25; Mason aux para 7, 39–44). Une décision raisonnable est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85; Mason au para 8); et qui est justifiée, transparente et intelligible (Vavilov au para 99; Mason au para 59). Un contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas qu’une « simple formalité »; c’est une forme de contrôle rigoureuse (Vavilov au para 13; Mason au para 63). Une décision peut être déraisonnable si le décideur s’est fondamentalement mépris sur la preuve qui lui a été soumise ou n’en a pas tenu compte (Vavilov aux para 125–126; Mason au para 73). Finalement, il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov au para 100).

IV. Analyse

A. La SAR a raisonnablement conclu que la nouvelle preuve est inadmissible

[17] Pour qu’une nouvelle preuve soit admissible devant la SAR, elle doit satisfaire aux critères du paragraphe 110(4) de la LIPR, qui sont énumérés comme suit :

Éléments de preuve admissibles

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

Evidence that may be presented

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[18] Il importe de noter que ces critères « [...] ne laissent place à aucune discrétion de la part de la SAR » (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 96 [Singh] au para 35).

[19] Si la nouvelle preuve satisfait aux critères énumérés ci-dessus, elle doit par la suite satisfaire aux critères dégagés dans la jurisprudence, soient la crédibilité, la pertinence et la nouveauté (Singh au para 38, citant Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385 au para 13).

[20] Les demandeurs plaident que la nouvelle preuve soumise auprès de la SAR aurait dû être admise, en vertu du paragraphe 110(4) de la LIPR, car il s’agit de preuves qu’ils n’auraient pas normalement présentées, dans les circonstances, devant la SPR. Les circonstances en question font référence aux instructions données par la SPR aux demandeurs lors de l’audience indiquant qu’ils pouvaient déposer une preuve additionnelle dans les deux semaines suivantes. Selon les demandeurs, la SPR ne les a pas suffisamment bien informés qu’ils pouvaient admettre toutes preuves pertinentes, et pas seulement la preuve explicitement demandée par la SPR. En d’autres mots, ils n’ont pas suffisamment compris la nature de l’instance et de la procédure, rendant l’audience inéquitable.

[21] De plus, les demandeurs allèguent que la nouvelle preuve est pertinente, contrairement à la conclusion de la SAR. La nouvelle preuve sert à établir la capacité de la mère des demandeurs à les représenter (puisque c’est la mère qui a guidé les demandeurs dans le processus de demande d’asile), le profil de l’agent de persécution sur son usage de la violence, et l’allégation que l’agent de persécution a la motivation de poursuivre les demandeurs puisqu’il a potentiellement tenté de pirater les comptes de réseaux sociaux de la demanderesse.

[22] En appliquant les critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR, les demandeurs ne m’ont pas satisfait que leur nouvelle preuve ne pouvait pas raisonnablement être présentée devant la SPR. Comme souligné par la SAR, les nouveaux éléments de preuve étaient tous disponibles avant l’audience devant la SPR, et ceux qui ne l’étaient pas contiennent des renseignements sur des faits qui existaient avant l’audience devant la SPR.

[23] De plus, selon moi, la procédure suivie par la SPR n’a pas violé le droit des demandeurs à l’équité procédurale. Il est établi que ce n’est pas le devoir de la SPR d’agir à titre de procureur des demandeurs quand ceux-ci ont choisi de procéder sans avocat (Law c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1006 [Law] au para 16; Turton c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1244 au para 74). Dans les situations où un demandeur d’asile n’est pas représenté, la SPR est sous l’obligation de veiller à ce que l’audience soit équitable (Law au para 17), ce qu’elle a effectivement fait en l’instance. La SPR a bien pris le temps d’expliquer la procédure aux demandeurs, et leur a même accordé deux semaines suivant l’audience pour soumettre de la preuve supplémentaire. La SPR a effectivement demandé aux demandeurs de soumettre certaines preuves précises, mais elle ne les a pas induits à croire que c’est la seule preuve qu’ils pouvaient soumettre.

[24] De plus, la preuve est inadmissible puisqu’elle ne faisait qu’affirmer des propositions que la SPR avait déjà crues, qui n’étaient pas contestées, ou qui ne sont pas suffisamment crédibles. Par exemple, la preuve sur les tentatives de connexion aux comptes de réseaux sociaux de la demanderesse ne lie pas définitivement l’agent de persécution à ces tentatives. Les propositions des demandeurs sont spéculatives, et le simple fait que les tentatives de connexion aux réseaux sociaux proviennent de la région de Merida, où réside l’agent de persécution, ne suffit pas pour démontrer qu’il en est bien l’auteur, surtout que la famille et les amis de la demanderesse s’y trouvent aussi.

[25] Quant à la pertinence du dossier médical et psychosocial de leur mère, qui démontrerait, selon les demandeurs, qu’elle n’avait pas la capacité de les soutenir ou de les représenter adéquatement lors du processus de demande d’asile, cet argument n’est pas persuasif. La mère des demandeurs n’est pas leur représentante ni leur procureur. Les demandeurs sont adultes et âgés de 27 et 28 ans. Ils pouvaient se représenter eux-mêmes, ou retenir les services d’un avocat.

[26] En somme, les conclusions de la SAR sur l’inadmissibilité de la nouvelle preuve sont raisonnables. Les demandeurs ne m’ont pas convaincu que la SAR aurait commis une erreur à cet égard, justifiant l’intervention de la Cour (Vavilov au para 100).

B. La SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs ont une PRI

[27] Le test pour déterminer s’il y a une PRI est élaboré dans les arrêts Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, 1991 CanLII 13517 (CAF) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, 1993 CanLII 3011 (CAF). Il s’agit d’un test à deux volets : (i) le décideur administratif doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté dans la région de la PRI, et (ii) les conditions de la proposition de PRI sont telles qu’il n’est pas déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, pour un individu d’y trouver refuge (Reci c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 833 au para 19; Titcombe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1346 au para 15). Pour conclure à l’existence d’une PRI, chacun des deux volets doit être rempli (Feboke c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 155 au para 15).

[28] Le fardeau de démontrer qu’une PRI est déraisonnable incombe au demandeur d’asile, et il s’agit d’un fardeau très élevé (Huenalaya Murillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 396 au para 13; Mora Alcca c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 236 au para 14). En l’espèce, les demandeurs ne se sont pas acquittés de ce fardeau.

[29] Les arguments des demandeurs sont principalement basés sur l’analyse de la SAR au premier volet du test de la PRI, et plus spécifiquement sur la motivation de l’agent de persécution. Les demandeurs avancent que la SAR s’est déraisonnablement appuyée sur l’absence de contact personnel entre l’agent de persécution et les demandeurs pour conclure que l’agent n’aurait pas suffisamment de motivation pour les poursuivre. Ils font aussi valoir qu’il était déraisonnable pour la SAR de s’attendre à ce que l’agent de persécution fasse appel au crime organisé pour les localiser alors qu’il n’y a pas de preuve supportant cette allégation.

[30] Les demandeurs soutiennent aussi que la décision est déraisonnable, car la SAR y reconnait le degré d’extrême violence subie par la mère, mais souligne que l’agent de persécution n’a pas infligé ce même niveau de violence sur les demandeurs. Les demandeurs expriment que l’agent de persécution n’a pas adopté un comportement d’extrême violence avec leur mère du jour au lendemain et, par conséquent, la SAR ne peut pas s’attendre à ce qu’il le fasse envers les demandeurs. Les demandeurs soutiennent que la même chose pourrait raisonnablement leur arriver s’ils sont renvoyés au Mexique.

[31] De plus, les demandeurs reprochent à la SAR d’avoir déraisonnablement conclu que, malgré sa connaissance du profil de violence de l’agent de persécution et les menaces téléphoniques contre son frère, la demanderesse est retournée au Mexique en octobre 2020 et n’a pas quitté le pays avec son frère en décembre 2020. Les demandeurs arguent qu’ils n’avaient pas connaissance du profil de violence de l’agent de persécution depuis longtemps; ils ont seulement appris les détails de l’agression contre leur mère dans leur adolescence.

[32] Finalement, sur le deuxième volet du test de la PRI, les demandeurs ont simplement soutenu que leur relocalisation serait déraisonnable, car ils auront à couper tout contact avec leur demi-sœur et tout autre membre de leur famille et que, puisque leur demi-sœur est jeune, elle ne sera pas en mesure de garder leur emplacement secret.

[33] À mon avis, la SAR s’est raisonnablement fiée à la preuve dans le dossier pour évaluer la motivation de l’agent de persécution à faire du mal aux demandeurs dans les villes proposées de PRI. La SAR a déterminé que les menaces contre les demandeurs ont toutes été faites par téléphone ou à distance, ou avec des messages écrits, et que l’agent de persécution n’a pas tenté de les approcher ni de les menacer en personne. De plus, l’agent de persécution n’a pas tenté de retrouver les demandeurs depuis qu’ils ont quitté pour le Canada. De fait, à une question spécifique de la SPR à savoir si l’agent de persécution avait contacté des membres de la famille des demandeurs qui demeurent encore dans la même maison familiale où l’agent de persécution avait harcelé les demandeurs, ceux-ci ont répondu « non ».

[34] Ensuite, il était raisonnable pour la SAR de conclure que le comportement des demandeurs était incompatible avec leurs prétentions qu’ils craignent le profil extrêmement violent de l’agent de persécution. La preuve démontre que les demandeurs étaient pleinement conscients de l’agression subie par leur mère, mais ont tout de même choisi de vivre au Mexique, et ce dans la même ville que l’agent de persécution. De plus, la demanderesse, en étant informée des menaces reçues par son frère, a quand même décidé de retourner vivre au Mexique, dans la même résidence, alors que le demandeur avait déjà quitté pour faire une demande d’asile au Canada. Bref, il était raisonnable pour la SAR de conclure que les demandeurs n’ont pas agi en vertu des craintes alléguées, et ce, en pleine connaissance du profil de violence extrême de l’agent de persécution.

[35] Au sujet de l’argument des demandeurs que la SAR a erré en suggérant que l’agent de persécution n’a pas fait appel au crime organisé pour localiser les demandeurs, à mon avis, la SAR n’a pas erré à cet égard. La SAR a simplement mentionné que lorsque quelqu’un est motivé à retrouver des gens, plusieurs options peuvent être disponibles, notamment en vérifiant les anciennes adresses des gens, en questionnant les membres de leur famille ou leurs amis. La SAR a donc simplement mentionné que des gens pourraient aussi faire appel au crime organisé, mais qu’il n’y a aucune preuve à cet effet en l’espèce. Selon moi, les motifs de la SAR au sujet de la motivation de l’agent de persécution sont raisonnables puisqu’ils sont étoffés et basés sur les faits et la preuve dans le dossier.

[36] Quant au deuxième volet du test de la PRI, la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’ont pas prouvé qu’ils auraient à dissimuler leur lieu de relocalisation de leur famille et amis. Sur ce point, il n’y a pas de preuve démontrant que l’agent de persécution forcerait la famille et les amis des demandeurs à divulguer leur nouvel emplacement. La preuve est plutôt au contraire; elle démontre que l’agent de persécution n’a jamais fait d’effort pour questionner la famille et les amis des demandeurs depuis qu’ils ont quitté pour le Canada. D’ailleurs, la jurisprudence dicte qu’il faudrait une preuve que les membres de la famille ciblés soient en danger s’ils refusent de dévoiler l’emplacement des demandeurs pour que la PRI soit jugée déraisonnable (Singh v Canada (Citizenship and Immigration), 2023 FC 1715 au para 47; Singh v Canada (Immigration, Refugees and Citizenship), 2024 FC 122 au para 20). Cette preuve n’existe pas en l’espèce.

[37] En outre, la SAR a conseillé aux demandeurs de faire preuve de vigilance et de discrétion dans leur utilisation des médias sociaux advenant leur retour au Mexique, ce qui est une observation tout à fait raisonnable, et ne constitue pas une erreur (Iwuanyanwu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 837 au para 10).

[38] En l’espèce, la décision de la SAR est raisonnée, cohérente et logique. Les demandeurs n’ont pu s’acquitter de leur fardeau afin de démontrer que la décision est déraisonnable.

V. Conclusion

[39] Je suis de l’avis que la décision de la SAR est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques du dossier (Mason au para 8; Vavilov au para 99).

[40] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[41] Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification, et la Cour est d’avis que cette cause n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3900-23

LA COUR STATUE:

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Guy Régimbald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER:

IMM-3900-23

INTITULÉ:

RAUL ANDRES GONZALEZ PASTRANA et al. c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE:

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE:

LE 8 FÉVRIER 2024

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE DES MOTIFS:

LE 22 FÉVRIER 2024

COMPARUTIONS:

Carol Fabiola Ferreyra

POUR LES DEMANDEURS

Patricia Nobl

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Roa Services Juridiques

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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