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Date : 20060412

Dossier : IMM-4301-05

Référence : 2006 CF 478

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2006

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Shore

ENTRE :

WILIAN JOSE ACEVEDO BEZA

ANA RUTH MALDONADO MARTINEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]                Il appartient à la personne qui demande le statut de réfugié d'établir les éléments subjectifs et objectifs requis pour satisfaire à la définition de réfugié au sens de la Convention. (Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1984), 55 N.R. 129 (F.C.A.), [1984] A.C.F. no 601 (QL); Zambo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 414, [2002] A.C.F. no 539 (QL), au paragraphe 22)

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi) de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission d'immigration et de statut de réfugié (Commission), datée du 14 juin 2005, selon laquelle les demandeurs n'ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

FAITS

[3]                La décision vise trois personnes, à savoir : le demandeur principal devant la Commission, monsieur Bonifacio Aceve Acevedo, son fils, monsieur Wilian Jose Acevedo Beza, et sa belle-fille, madame Ana Ruth Maldonado Martinez. Seuls ces deux derniers sont demandeurs dans la présente demande de contrôle judiciaire. Monsieur Bonifacio Aceve Acevedo a présenté une demande distincte dans le dossier portant le numéro IMM-4365-05 du greffe de cette Cour. Monsieur Acevedo Beza et madame Maldonado Martinez fondent leurs revendications sur celles de monsieur Aceve Acevedo.

[4]                Tous trois sont citoyens du Guatemala.

[5]                Monsieur Aceve Acevedo a été exclu du bénéfice de la Convention aux termes de la section 1Fa) parce qu'il s'était rendu coupable par association de crimes contre l'humanité commis en tant que collaborateur volontaire de l'armée guatémaltèque, de 1983 à 1997, comme Commissaire militaire dans la région de Chiquimula, où huit massacres ont été perpétrés par l'armée.

[6]                Monsieur Aceve Acevedo a reçu une première menace de mort le 22 août 2000 lorsqu'un groupe de personnes portant des cagoules lui aurait crié, devant chez lui, de quitter sa maison. Trois ans plus tard, soit le 5 décembre 2003, des coups de feu ont été tirés sur sa maison par des personnes armées portant des cagoules et qu'il n'a donc pu identifier.

[7]                Monsieur Aceve Acevedo n'a pas avisé les autorités locales de ces incidents car les agresseurs l'avaient menacé de tuer toute sa famille.

[8]                Il s'est réfugié chez son ami Antonio Guerra, maire de la ville de Concepcion las Minas, dans le district de Chiquimula, à Quetzaltepeque. Monsieur Guerra lui a fourni une voiture et un chauffeur, ce qui lui a permis de fuir au Mexique avec son fils et sa belle-fille, d'où ils se sont dirigés vers le Canada.

DÉCISION CONTESTÉE

[9]                La Commission a conclu que monsieur Aceve Acevedo, dont le témoignage était évasif, non convaincant et non crédible, n'avait pas établi de lien entre sa crainte et l'un des motifs de la Convention.

[10]            Son témoignage, quant à l'identité de ses agresseurs et les motifs de leurs menaces, était vague et peu concluant. La Commission a conclu que les vengeances personnelles ne sont pas inclues dans les motifs de persécution prévus à la Convention.

[11]            Cette conclusion s'applique également à monsieur Acevedo Beza et madame Maldonado Martinez qui fondent leur revendication sur celle de monsieur Aceve Acevedo.

[12]            De surcroît, la Commission a conclu que monsieur Aceve Acevedo, son fils et sa belle-fille, qui n'ont pas, par ailleurs, demandé la protection des autorités, pourraient vivre ailleurs au Guatemala où les autres membres de leur famille se sont déjà installés. La Commission a constaté qu'il n'avait pas été établi que les autres membres de la famille étaient en danger au Guatemala.

[13]            La Commission a donc conclu que monsieur Aceve Acevedo, son fils et sa belle-fille, n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, qu'ils pouvaient trouver un refuge raisonnable ailleurs dans leur pays et qu'ils ne seraient pas exposés à des traitements cruels et inusités.

QUESTIONS EN LITIGE

[14]            La décision de la Commission est-elle raisonnable?

ANALYSE

[15]            Puisque monsieur Acevedo Beza et madame Maldonado Martinez fondent leur revendication sur celle de monsieur Aceve Acevedo, demandeur principal devant la Commission, c'est donc sous l'angle de la conclusion relative au bien fondé de la crainte alléguée par ce dernier qu'il faut apprécier le caractère raisonnable de la décision de la Commission.

Le cadre législatif

[16]            L'article 96 de la Loi décrit les motifs pour lesquels un individu peut être reconnu comme étant un réfugié :

96.      A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinion politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96.      A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries or nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[17]            Le paragraphe 97(1) de la Loi porte sur les critères afin d'être reconnu comme étant une personne à protéger :

97.     (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i)       elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii)      elle y est exposée en tout lieu dans ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii)     la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnées par elles,

(iv)    la menace ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournier des soins médicaux ou de santé adéquats.

97.     (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i)       the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii)       the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii)     the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv)     the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

La norme de contrôle

[18]            Les questions de fait, ce qui inclue les questions de crédibilité, sont sujettes au contrôle judiciaire selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. La Commission détient une expertise dans l'analyse des questions de fait et de crédibilité, cette Cour doit donc faire preuve d'un haut degré de retenue judiciaire. (Harb. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (QL), au paragraphe 14; Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732, au paragraphe 4)

[19]            En matière de la protection de l'État, c'est la norme du caractère manifestement déraisonnable qui s'applique. (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Elbarnes, 2005 CF 70, [2005] A.C.F. no 98 (QL), au paragraphe 9)

L'absence de lien avec les motifs de la Convention

[20]            La Commission a conclu à l'absence de lien entre la crainte de persécution et l'un des motifs énumérés à la définition de réfugié au sens de la Convention.

[21]            Monsieur Acevedo Beza et madame Maldonado Martinez soutiennent qu'il était déraisonnable, pour la Commission, de qualifier les menaces proférées à monsieur Aceve Acevedo de vengeance personnelle et que même si tel était le cas, ils revendiquaient en tant que membre du groupe social de la famille et étaient donc, eux, visés par la Convention.

[22]            La Commission a conclu que monsieur Aceve Acevedo a collaboré avec l'armée et a cherché à cacher le rôle qu'il a joué en tant que collaborateur militaire et que son témoignage, à ce titre, était peu transparent sur ses connaissances générales des événements de la guerre civile et des activités dans sa propre région.

[23]            La Commission a souligné que les autorités militaires lui avaient remis, à la fin de la guerre, un diplôme d'honneur en reconnaissance de ses loyaux services. Elle a également noté que bien que le gouvernement ait mis fin aux patrouilles civiles et aux fonctions de Commissaires militaire en 1995, monsieur Aceve Acevedo n'a quitté l'organisation qu'en 1997 parce qu'elle a été abolie par le gouvernement à cette époque.

[24]            Compte tenu de son manque de crédibilité, eu égard à ses allégations de persécution, la Commission a conclu que monsieur Aceve Acevedo n'avait pas établi de lien avec la Convention et qu'il craignait une vengeance éventuelle de la part des victimes d'actes commis en sa qualité de Commissaire militaire.

[25]            La Commission a conclu que les réponses de monsieur Aceve Acevedo, quant à l'identité des agresseurs et des motifs de leurs menaces, étaient vagues et peu concluantes, d'où sa conclusion que faute d'explications claires et pertinentes, elle ne pouvait croire ses allégations de persécution.

[26]            L'appréciation de la preuve objective relève du mandat de la Commission. (Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (QL), au paragraphe 5) Il lui appartient d'apprécier la plausibilité du témoignage des demandeurs et d'en tirer des inférences. Celles-ci doivent être maintenues dans la mesure où elles ne sont pas déraisonnables au point de nécessiter l'intervention de la Cour. (Aguebor, ci-dessus)

[27]            Cette conclusion de la Commission est, dans les circonstances, des plus raisonnables et conforme aux principes qui devaient la guider.

[28]            Dans Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] CF 768, [2005] A.C.F. no 960 (QL), au paragraphe 25, le juge Edmond Blanchard a rappelé que la crainte de représailles motivées par la vengeance ou le fait d'être victime d'un acte criminel ne constitue pas un motif de persécution tel que prévu par l'article 96 de la Loi.

[29]            L'appréciation du risque de persécution est une question de fait qui appelle une grande retenue judiciaire. (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, [1998] A.C.S. no46 (QL))

[30]            Il appartient à la personne qui demande le statut de réfugié d'établir les éléments subjectifs et objectifs requis pour satisfaire à la définition de réfugié au sens de la Convention. (Rajudeen, ci-dessus; Zambo, ci-dessus, au paragraphe 22)

[31]            En l'espèce, la crainte de monsieur Acevedo Beza et madame Maldonado Martinez, étant fondée sur les faits relatés par monsieur Aceve Acevedo, devait être appréciée suivant les conclusions de fait de la Commission quant au fondement de cette crainte, à savoir une crainte de vengeance éventuelle des victimes des actes commis par monsieur Aceve Acevedo en tant que Commissaire militaire.

[32]            Monsieur Acevedo Beza et madame Maldonado Martinez, n'ayant pas établi que monsieur Aceve Acevedo, le demandeur principal devant la Commission, répondait à la définition de réfugié au sens de la Convention, leur demande connexe ne peut être accordée, faute de lien avec les motifs de persécution établis à l'article 96 de la Loi.

[33]            Dans l'affaire Asghar, ci-dessus, le juge Blanchard a rappelé que lorsque la victime principale de persécution ne répond pas à la définition de réfugié au sens de la Convention, toute revendication connexe fondée sur l'appartenance au groupe de la famille ne saurait être accueillie. Il s'est exprimé comme suit, aux paragraphes 30-31 :

Tel que le souligne la juge Dawson dans Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 456, 2002 CFPI 345; lorsque la victime principale d'une persécution ne répond pas à la définition de réfugié au sens de la Convention, toute revendication connexe fondée sur l'appartenance au groupe de la famille ne saurait être accueillie. Conclure autrement résulterait en une anomalie.

Conclure autrement reviendrait à conclure qu'un acte de persécution contre des membres de la famille qui ne serait nullement lié à un motif de discrimination ou à des droits humains fondamentaux donnerait ouverture à la protection de la Convention. Par exemple, si des enfants étaient victimes d'un acte de persécution parce qu'un de leurs parents n'a pas renoncé à une occasion d'affaire ou à tricher lors d'un événement sportif, je ne crois pas qu'on avait prévu de s'en remettre à la Convention pour assurer la protection des enfants. Cela ne veut pas dire qu'aucune protection ne devrait être consentie ou qu'on ne consentirait pas à une telle protection, mais simplement que la Convention ne devrait pas en constituer le fondement.

Cette façon d'interpréter l'expression « groupe social » évite en outre l'anomalie de la situation dans laquelle, en tant que victimes du crime, les parents de Mme Gonzalez ne pourraient invoquer la protection de la Convention alors que Mme Gonzalez le pourrait du seul fait de sa relation avec ses parents.

Ces propos sont particulièrement pertinents en l'espèce. Le demandeur n'a pas rencontré le fardeau d'établir que la victime principale, son père, répond à la définition de réfugié au sens de la Convention. Ainsi, la demande connexe du demandeur ne peut être accordée, faute de lien avec les motifs de persécution établis à l'article 96 de la LIPR. Il en résulte de la décision de la Commission, que le père du demandeur n'était pas persécuté au sens de l'article 96 de la LIPR et que, conséquemment, la crainte de persécution du demandeur en raison de ses liens familiaux n'était pas fondée, n'est entachée d'aucune erreur susceptible de révision par cette Cour.

[34]            Selon la Commission, M. Aceve Acevedo, le demandeur principal devant la Commission, n'était pas persécuté pour un des motifs énumérés à l'article 96 de la Loi. La crainte de persécution de M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez en raison de leurs liens familiaux n'était donc pas fondée et la décision de la Commission n'est entachée d'aucune erreur susceptible de révision par cette Cour.

La protection de l'État

[35]            En l'espèce, M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez, tout comme M. Aceve Acevedo, n'ont pas demandé la protection de l'État et la Commission se devait d'en tenir compte. Au paragraphe 9 de la déclaration contenue à son Formulaire de renseignements personnels, M. Aceve Acevedo déclare :

Nous n'avons pas averti la police, parce qu'ils nous ont obligé de nous taire, parce qu'ils nous avaient dit que, si nous le faisions, ils tueraient toute la famille. (Dossier des demandeurs, à la page 36.)

[36]            De même, lors de l'entrevue au point d'entrée, M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez, auxquels on a demandé s'ils avaient porté plainte à la police, ont répondu :

Non, parce qu'ils ont dit que quant ils nous ont menacé on devait en parler à personne.

Vous en parlez aujourd'hui alors pourquoi ne pas être allé voir la police?

Ils nous ont dit d'en parler à personne alors on n'en parle à personne. (Dossier des demandeurs, à la page 88.)

[37]            Le fait qu'ils aient demandé et obtenu l'aide de leur ami, le maire de Concepcion Las Minas, pour quitter le pays ne satisfait pas à la demande de protection qui leur incombait. De leur propre aveu, tel que mentionné plus haut, ils n'ont pas rapporté les incidents en question ou demandé la protection aux autorités policières.

[38]            Il appartient à la personne qui demande le statut de réfugié d'établir les éléments subjectifs et objectifs requis pour satisfaire à la définition de réfugié au sens de la Convention. (Rajudeen, précité; Zambo, précité.)

[39]            La question de la protection de son propre pays, dont doit se prévaloir le revendicateur avant de se réclamer celle d'un autre pays, fait partie intégrante de la définition de réfugié au sens de la Convention. (De Baez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 785, [2003] A.C.F. no 1020 (QL), au paragraphe 12.)

[40]            Plus le pays d'un revendicateur jouit d'institutions démocratiques, plus celui-ci doit épuiser les recours qui lui sont offerts dans ce pays avant de demander la protection d'un autre pays. (Kadenko c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996) 206 N.R. 272 (A.C.F.), [1996] A.C.F. no 1376 (QL), au paragraphe 5.)

[41]            La conclusion de la Commission, quant à la protection, est donc bien fondée.

Le refuge interne

[42]            Il ressort des notes au point d'entrée que la mère, les frères et soeurs et les enfants de M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez se trouvent toujours au Guatemala et sont en sécurité.

[43]            Interrogés à ce sujet, ils ont répondu :

Pourquoi votre père a quitté sans son épouse et vous sans vos trois enfants?

Parce que nous considérons que où ils sont ils sont en sécurité.

Alors les menaces ne doivent pas être si grandes?

Nous pensions qu'ils étaient en sécurité, alors nous sommes venus. Avec eux, ça aurait été trop de monde, ça coûte énormément d'argent pour venir ici.

[...]

Ont-ils l'intention de venir vous rejoindre?

Je ne sais pas peut-être un jour. Si on a les papiers peut-être qu'on pourrait aller les voir ou bien les faire venir avec nous. [...] (Dossier des demandeurs, aux pages 89-90.)

[44]            M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez soutiennent que la Commission a ignoré les pièces P-5 et P-6 (Dossier des demandeurs, aux pages 64, 66.), à savoir deux lettres qui font état du fait que la mère de M. Acevedo Beza a reçu un message anonyme l'informant que l'on recherchait son époux et, qu'ayant peur, elle avait demandé l'aide de M. Rigoberto Espinosa qui l'avait logée chez lui avec toute sa famille, dans un autre village.

[45]            La présomption voulant que la Commission ait examiné toute la preuve doit prévaloir en l'espèce. De plus, les pièces P-5 et P-6 n'ont pas d'incidence sur la conclusion de la Commission relative à la protection de l'État. En effet, ces pièces n'indiquent pas que la famille a sollicité la protection des autorités.

[46]            Il est permis de croire qu'en concluant que M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez n'avaient pas indiqué que les autres membres de leur famille étaient en danger dans leur pays, la Commission a tenu compte des pièces P-5 et P-6 qui ne sont pas concluantes eu égard à la sécurité des membres de la famille.

[47]            Les extraits précités des notes au point d'entrée soutiennent la conclusion de la Commission que M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez pouvaient se re-localiser dans une autre région du pays. Cette conclusion n'est donc pas manifestement déraisonnable.

L'analyse selon le paragraphe 97(1) de la Loi

[48]            M. Acevedo Beza et Mme Maldonado Martinez soutiennent que la Commission a erré en expurgeant la notion de menaces à la vie prévue au paragraphe 97(1) de la Loi.

[49]            Il est important de noter qu'une analyse distincte sous l'article 97 n'est pas toujours requise et qu'elle ne l'était pas en l'espèce.

[50]            Dans Soleimanian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1660, [2004] A.C.F. no 2013 (QL), au paragraphe 22, M. le juge Richard Mosley s'est ainsi exprimé :

La Cour semble être arrivée à un consensus selon lequel une analyse séparée de l'article 97 n'est pas requise lorsqu'il n'y a pas de preuve pouvant démontrer que le demandeur a la qualité de personne à protéger : voir les décisions Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 635, Islam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1391, Nyathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1119, et Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1008.

[51]            De plus, l'omission de la Commission de faire une analyse distincte, en l'espèce, n'est pas déterminante compte tenu des autres conclusions qu'elle a tirées et qui, elles, sont concluantes.

[52]            Dans Thuraisingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1604, au paragraphe 13, Madame la juge Judith Snider a ainsi conclu sur ce point :

Il aurait été préférable que la Commission déclare clairement qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve convaincant lié aux motifs de l'article 97. Toutefois, son omission de le faire en l'espèce ne constitue pas, à mon avis, une erreur. Cependant, même si la Commission avait commis une erreur, je conclurais que cette erreur était sans importance (Athansius c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] F.C.J. no 915 (C.F.) (QL) et Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1540 (C.F.) (QL)).

CONCLUSION

[53]            La décision de la Commission n'est pas manifestement déraisonnable. Ainsi, puisque rien ne justifie l'intervention de cette Cour, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La requête soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4301-05

INTITULÉ :                                        WILIAN JOSE ACEVEDO BEZA

                                                            ANA RUTH MALDONADO MARTINEZ

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 4 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SHORE

DATE DESMOTIFS :                       le 12 avril 2006

COMPARUTIONS:

Me Michel Le Brun

POUR LES DEMANDEURS

Me Sylviane Roy

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

MICHEL LE BRUN

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS C.R.                                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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