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Date : 20240326


Dossier : T-1046-23

Référence : 2024 CF 476

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2024

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

ABDERRAHIM HARRA

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] M. Abderrahim Harra présente une seule demande de contrôle judiciaire relativement à trois décisions rendues par des représentants de l’Agence du revenu du Canada au nom du ministre de l’Emploi et du Développement social, qui est le ministre responsable des programmes dont il est ici question. La demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.

[2] Les trois décisions sont relatives à des prestations offertes durant la pandémie COVID‐19. Ces prestations étaient disponibles en vertu de trois programmes :

  • la Prestation canadienne d’urgence [PCU];

  • la Prestation canadienne de relance économique [PCRE];

  • la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique [PCMRE].

[3] Ces programmes ont été créés par législation. Pour la PCU, c’est la Loi sur la prestation canadienne d’urgence, LC 2020, c 5, art 8, qui prévoit les paramètres du programme offert. Quant aux deux autres programmes, concernant la PCRE et la PCMRE, ils procèdent de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, LC 2020, c 12, art 2. La partie 1 de cette Loi concerne la PCRE, alors que la partie 2 traite de la PCMRE.

[4] Dans les trois cas, ce qui a fait défaut au dire du décideur administratif est l’absence de preuve satisfaisante que le demandeur a effectivement touché des revenus de travailleur autonome du montant requis par la Loi, soit 5 000 $. Il s’agit d’une des conditions essentielles à l’obtention de prestations. Les trois décisions disent que le contribuable « n’a pas les revenus $5000 pour son admissibilité soit en 2019, 2020, et/ou avant la date de sa demande ».

I. Question liminaire

[5] La Cour a soulevé proprio motu au début de l’audition que la règle 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [règles], prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire « ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. » En notre espèce, il y a trois décisions rendues la même journée.

[6] Le défendeur ne s’est pas objecté à ce que la Cour entende les trois affaires qui font l’objet de contestation puisque la règle 302 permet une ordonnance pour entendre dans un seul contrôle judiciaire les trois contestations. En notre espèce, le demandeur n’est pas représenté par avocat. De plus, les trois décisions procèdent essentiellement de la même assise factuelle et le refus du décideur administratif est fondé essentiellement sur les mêmes motifs. On pourrait même prétendre que les décisions, toutes rendues par le même décideur administratif, participent d’actes continus relevant de la même conduite. Enfin, il n’y a aucun préjudice. Les trois contestations feront donc l’objet d’une seule décision.

II. La question qui se pose

[7] Le demandeur a cherché à bénéficier de trois types de prestations, qui couvrent des périodes différentes. Elles étaient en l’espèce :

  • PCU : du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020;

  • PCRE : du 27 septembre 2020 au 9 octobre 2021;

  • PCMRE : du 31 octobre au 27 novembre 2021.

Dans tous les cas, le décideur administratif, celui qui a procédé au deuxième examen tel que requis par le demandeur, a conclu à l’inadmissibilité du demandeur. Les lettres de décision portent toutes la date du 18 avril 2023.

[8] Pour être admissible à la PCU, l’article 2 de la Loi sur la prestation canadienne d’urgence décrète que le travailleur autonome doit avoir gagné un revenu de 5 000 $ pour l’année 2019 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle la demande de prestations était faite. Pour la PCRE, il en est de même en vertu de l’article 3 de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique pour les demandes faites pour 2020; par ailleurs pour les périodes débutant en 2021, les revenus de 5 000 $ pourront provenir des années 2019, 2020 ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle la demande de prestations est faite. Enfin, pour la PCMRE, la période au cours de laquelle 5 000 $ ont été gagnés pourra être les années 2019, 2020 et 2021 (des prestations pouvaient être touchées du 27 septembre 2020 au 7 mai 2022; de là la pertinence de revenus gagnés en 2021), ou au cours des douze mois précédant la date à laquelle la demande est faite.

[9] Le décideur administratif a rejeté l’admissibilité du demandeur sur la foi de la preuve offerte par celui-ci pour justifier sa demande de prestation. Aux trois lettres de décision toutes émises le 18 avril 2023, on déclare explicitement que le demandeur n’a pas gagné la somme requise durant la période prévue par les lois selon le type de prestations demandées.

[10] L’explication plus complète des refus se retrouve aux trois rapports de deuxième examen, tous portant la date du 13 avril 2023. On apprend que M. Harra a soumis :

  • des contrats avec une entreprise marocaine, Univers des Porteurs d’Espoir Privé (services éducatifs et parascolaires) selon lesquels il fournissait des services de consultation;

  • trois factures (28 décembre 2019, pour un total de 8 000 $; 14 mars 2020, pour 5 000 $; et 16 mars 2021, pour 5 000 $);

  • un « état de compte Univers des Porteurs d’Espoir/M. Abderrahim Harra ».

Le décideur administratif déclare à son affidavit du 22 septembre 2023 avoir été en possession des informations contenues aux déclarations de revenus de M. Harra pour les années 2018 à 2021. Cependant les avis de cotisation pour les années 2019 et 2020 n’étaient pas devant le décideur lorsque la décision a été rendue (affidavit, para 20 et 28).

[11] Les rapports de deuxième examen ont essentiellement la même teneur :

  • PCU : les factures ne font pas la preuve d’un paiement pour services rendus et rien ne démontre un paiement reçu. En plus, pour l’année 2020, le revenu d’entreprise net est inférieur à 5 000 $. Il appert que M. Harra « ne présente pas un historique d’entreprise avant 2019 » : de 2014 à 2018, il recevait des revenus d’assistance sociale. Enfin, le rapport note qu’il a été impossible de rejoindre M. Harra pour obtenir d’autres informations et « valider les autres critères ». Le décideur spécule que le demandeur aurait pu être à l’extérieur du pays puisque les contrats de consultation semblent référer à l’utilisation de billets pour déplacement au Maroc;

  • PCRE : les mêmes commentaires se retrouvent au rapport du deuxième examen;

  • PCMRE : trois prestations étaient demandées au titre de la PCMRE. Encore ici, l’absence de preuve de paiement est la raison principale donnée pour le refus. L’impossibilité de rejoindre le demandeur est aussi évoquée, rendant impossible la validation des critères d’admissibilité. L’absence d’historique de revenu d’entreprise (travailleur autonome) est présentée à nouveau pour justifier le refus d’accorder les prestations.

[12] Il y a lieu de noter que Mme Pineault, celle qui a rendu les décisions sous contrôle judiciaire, déclare qu’aucune prestation n’a été payée au demandeur au titre du programme de PCMRE (affidavit de Mme Pineault, para 11 et 13).

III. La position des parties

[13] Le demandeur conteste les trois décisions sous deux rapports. Quant à sa demande de contrôle judiciaire, elle est courte : elle requiert de la Cour que les décisions soient annulées au regard des documents soumis. Son affidavit n’est pas plus explicite. La seule nouvelle information est que l’Agence du revenu du Canada a accepté ses déclarations de revenu, mais n’accepte pas son revenu comme lui donnant droit aux prestations que les lois confèrent. D’ailleurs, cela deviendra son cheval de bataille à l’audience.

[14] C’est dans son mémoire des faits et du droit, et à l’audience, que les raisons du contrôle judiciaire apparaissent mieux. Ainsi, M. Harra soumet que la preuve est claire et incontournable qu’il aurait droit aux prestations : la décision administrative adopterait le standard de la preuve hors de tout doute raisonnable plutôt que de décider selon la balance des probabilités. Il dit aussi qu’il y a eu vice à l’équité procédurale en ce qu’il n’aurait pas eu l’opportunité de répondre.

[15] Selon le demandeur, on comprend que sa déclaration d’impôt devrait faire preuve de sommes gagnées et reçues. Il concède à son factum qu’il aurait été payé en espèces. Par ailleurs, le demandeur ne dit pas comment une entreprise au Maroc pouvait dans les faits le payer en espèces. Il se plaint aussi que la déclaration de 2018, où les seuls revenus proviennent de l’assistance sociale, « n’est pas concernée par les conditions d’admissibilité au lieu de se concentrer sur l’année 2019 » (mémoire, para 3). C’est ainsi que j’ai demandé au demandeur si une absence d’historique de revenu d’entreprise n’avait pas une certaine pertinence. C’est qu’il déclare des revenus d’entreprise pour la première fois vers la fin de 2019, sans en avoir déclaré avant. On aurait pu penser que des explications auraient été de bon aloi dans la mesure où le demandeur ne prouve pas des paiements pour ce qui serait du travail à titre de travailleur autonome avant cette soudaine activité. Pour le demandeur, les documents qu’il a fournis suffisent.

[16] Au plan de l’équité procédurale, le demandeur suggère que le décideur administratif changeait les critères d’évaluation, ce qui constituerait une atteinte aux principes de justice naturelle ou à l’équité procédurale. Il dit que le critère aura été « pas gagnée au moins 5 000 $ », « documents insuffisants », « CT n’a pas gagné 5 000 $ avant la date de la demande » (mémoire, para 4).

[17] Le défendeur met en exergue six tentatives infructueuses de rejoindre le demandeur en 2022 et 2023 : trois tentatives ont été faites au stade du premier examen et trois autres au stade du deuxième examen, par le décideur administratif lui-même. Le demandeur n’a pas même cherché à contester la possibilité que l’ARC ait tentée de communiquer avec lui. Aucune tentative d’explication pourquoi les tentatives ont été infructueuses n’a été offerte. On doit donc accepter que de réelles tentatives ont eu lieu. De toute façon, le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer quelque violation des principes d’équité procédurale.

[18] Quant aux décisions prises, le défendeur argue que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, ce qui emporte selon la formule consacrée que le demandeur fonde sa décision sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle justifiée en fonction des contraintes juridiques et factuelles.

[19] La décision est raisonnable parce que les documents fournis par le demandeur n’établissent pas que les paiements pour services fournis ont été faits. Le demandeur relève aussi l’absence de revenu d’entreprise avant 2019, n’ayant déclaré que des revenus d’assistance sociale. La preuve était déficiente et ne pouvait rencontrer le fardeau sur les épaules du demandeur de satisfaire la balance des probabilités.

IV. Analyse

[20] Je commence avec l’allégation de violation de l’équité procédurale. Ce qui est invoqué par le demandeur ne constitue aucunement une violation d’un principe d’équité procédurale.

[21] C’est que ce que le demandeur soulève, que le décideur a changé les critères d’évaluation, n’a pas eu lieu. Les expressions qu’on a reprochées désignent toutes une seule réalité qui se retrouve au fil des trois décisions. Le demandeur n’aura pas établi que des paiements ont été faits. C’est pourquoi on dit que M. Harra n’a pas gagné au moins 5 000 $, ce qui constitue le seuil légal : la raison en est que les documents sont insuffisants pour démontrer un revenu parce qu’une facture n’établit pas un paiement en soi. La preuve circonstancielle selon sa qualité pourrait améliorer les choses, y compris comment des paiements en espèces à hauteur de 2 000 $/mois par une entreprise marocaine ont pu être exécutés, mais en l’espèce il n’y en a pas. Enfin, la référence au fait de ne pas avoir gagné 5 000 $ avant la date de la demande ne fait que référer à ce que le texte de loi requiert : cette alternative n’est d’ailleurs que l’une des possibilités pour être admissible à l’une ou l’autre des prestations disponibles durant la pandémie COVID-19. Il n’y a donc aucune violation de l’équité procédurale démontrée par le demandeur. Les critères d’évaluation n’ont pas changé.

[22] Quant à l’autre argument avancé par le demandeur, il devait satisfaire la Cour, selon la balance des probabilités, que la décision de lui refuser les prestations parce qu’il n’avait pas fait la preuve de revenu d’entreprise à hauteur d’au moins 5 000 $ lors des périodes prévues par la Loi n’était pas raisonnable. C’est que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, comme le plaidait le défendeur. À ma connaissance, toutes les décisions en matière de prestations offertes à cause de la pandémie ont conclu que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable : Aryan c Canada (Procureur général), 2022 CF 139; He c Canada (Procureur général), 2023 CF 1504; Lavigne c Canada (Procureur général), 2023 CF 1182. C’est la norme qui doit être retenue.

[23] Contrairement à ce qu’on pense populairement, l’utilisation de la norme de la décision raisonnable à un sens précis en droit administratif. Ainsi, lorsque c’est la norme applicable, la cour de révision n’est pas appelée à substituer son avis sur le mérite de l’affaire. C’est la tâche du décideur administratif que la cour de révision ne peut usurper. La tâche en révision est de contrôler la légalité de la décision administrative. Comme le réitérait encore tout récemment la Cour suprême du Canada, le rôle de la cour de révision est limité. Dans Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest c Territoires du Nord-Ouest (Éducation, Culture et Formation), 2023 CSC 31, une cour unanime écrivait au paragraphe 71 :

[71] En règle générale, une cour de révision ne doit pas, dans l’évaluation du caractère raisonnable d’une décision, procéder à une nouvelle pondération des facteurs qui sous‐tendent cette décision ni se livrer à un examen de novo des questions soulevées. Si le décideur a tenu compte de toutes les considérations pertinentes selon le contexte, la cour de révision doit confirmer sa décision (Vavilov, par. 83; Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, par. 38; Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 2, [2002] 1 R.C.S. 72, par. 16; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, par. 42; Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, [2008] 1 R.C.S. 761, par. 39; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 64; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, par. 91; Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, [2019] 4 R.C.S. 900, par. 40).

[24] L’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653, établit le cadre d’analyse qui préside lors de l’examen d’une décision administrative selon la norme de la décision raisonnable. Pour nos fins, il suffit de rappeler que qui recherche un contrôle judiciaire a le fardeau de démontrer (para 100) que la décision n’a pas les caractéristiques de la décision raisonnable que sont la justification, la transparence et l’intelligibilité, la justification étant évaluée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes au cas (para 99). Pour ce faire, la cour de révision est tenue au principe de la retenue judiciaire (para 13) et adopte une attitude de respect (para 14) à l’égard de la décision sous étude.

[25] Comme dit plus tôt, la cour de révision s’abstient de trancher la question elle-même (para 83 et 125) alors que son rôle n’est que de réviser la décision administrative pour en évaluer le caractère raisonnable. Ainsi, la cour de révision examine la décision administrative avec une « attention respectueuse » (para 84) pour en comprendre le raisonnement. Si l’analyse est intrinsèquement cohérente et rationnelle, étant justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles, elle bénéficiera d’une déférence certaine (para 85). Bien sûr si le décideur administratif fait abstraction d’une certaine preuve administrée, la décision pourrait être déraisonnable. Il en sera de même s’il y a fondamentalement méprise sur la preuve soumise (para 126).

[26] Ceci dit avec égards, il n’y a rien de tel dans notre cas d’espèce. Essentiellement, le décideur administratif a constaté qu’il n’y a pas preuve de paiement de la part de l’entreprise avec laquelle le demandeur dit avoir fait affaire. Tout ce qui a été soumis était des factures sans documentation supplémentaire. Il n’est pas déraisonnable de considérer qu’il ne s’agit pas d’une preuve suffisante que des sommes mensuelles de 2 000 $ ont été payées par une entreprise, entreprise qui par surcroît n’opère pas au Canada. Le décideur n’avait même pas de relevés bancaires démontrant des réceptions de fonds quelconques, une trace de sommes payées pour des services rendus, ou même que des services ont été rendus. Comme dans Hayat c Canada (Procureur général), 2022 CF 131, je ne peux que constater une absence de circonstances qui auraient pu mener à la vraisemblance de preuve de paiement.

[27] On ajoute à cela une absence d’historique de revenu d’entreprise du demandeur qui, depuis 2014, recevait des prestations d’assurance sociale, pour ajouter à la cohérence de la décision rendue. Qui plus est, on ne retrouve aucune explication de comment des paiements en espèces, comme le prétend le demandeur, peuvent être accomplis à partir du Maroc. S’ajoute à cela l’impossibilité de rejoindre le demandeur pour peut-être obtenir des informations supplémentaires. Le dossier est ce qu’il est.

[28] Essentiellement, l’affaire se résume à ceci. D’un côté, le décideur conclut que la preuve de paiements est inexistante. Il est aussi considéré que le demandeur n’a aucun historique de travail autonome alors qu’il a touché des prestations d’aide sociale depuis 2014. Pour contrer cette preuve, ou absence de preuve, le demandeur se tourne vers ses déclarations d’impôt qui, prétend-il, font preuve des montants gagnés. Or, comme il est dit dans Lavigne c Canada (Procureur général), 2023 CF 1182, cela ne suffit pas :

[43] Toutefois, comme l’a mentionné le PGC, la Cour a conclu à de nombreuses reprises, qu’en matière d’admissibilité à la Prestation Canadienne d’Urgence ou à la PCRE, un avis de cotisation ne constitue pas une preuve irréfutable pour établir qu’un demandeur a gagné et reçu le montant inscrit dans sa déclaration de revenus pour une année d’imposition, ni que ce revenu détermine l’admissibilité aux prestations (Aryan au para 35).

[44] Le fardeau incombait à Mme Lavigne d’établir qu’elle satisfait, selon la prépondérance des probabilités, les critères de la Loi sur la PCRE (Cantin c Canada (Procureur général), 2022 CF 939 au para 15; Walker v Canada (Attorney General), 2022 CF 381 aux para 37, 55). L’Agente de troisième examen a conclu que les documents et explications fournies par Mme Lavigne ne permettaient pas d’établir son admissibilité à la PCRE.

[29] C’est que, d’une part, les lois qui créent les trois programmes relèvent du ministre de l’Emploi et du Développement social, pas du ministre du Revenu national : ces lois ont leurs propres critères d’admissibilité qui n’ont rien à voir avec la Loi de l’impôt sur le revenu. D’autre part, et de manière beaucoup plus importante, une déclaration de revenu ne peut constituer une preuve irréfutable de revenu gagné. En l’absence d’une preuve de paiement, outre que la prétention que le demandeur a été payé en espèces dans des circonstances qui n’ont jamais été expliquées, pour du travail qui lui non plus n’a pas fait l’objet de quelque preuve, la conclusion tirée par le décideur administratif ne saurait être mise en danger. Or, le fardeau n’était pas de suggérer qu’une autre conclusion aurait pu être possible. Il était plutôt que la décision n’avait pas les apanages de la décision raisonnable parce qu’incohérente ou non justifiée eu égard aux contraintes factuelles ou juridiques.

[30] À mon avis, le demandeur n’a pu se décharger de son fardeau de démontrer que la décision rendue était déraisonnable. L’absence de toute preuve de paiements, en espèces, faits prétendument à partir du Maroc sans laisser de trace, suffisait, avec l’absence d’historique de revenu d’entreprise et l’impossibilité de valider auprès du demandeur les réceptions de paiements, à conclure que le seuil de revenu d’entreprise du demandeur n’était pas atteint. C’est le fardeau dont devait se décharger le demandeur et la cour de révision ne peut que constater que la décision prise remplit les conditions de la décision raisonnable.

V. Conclusions

[31] La demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

[32] Le défendeur n’a pas demandé ses dépens. Il n’y en aura donc pas qui seront adjugés.


JUGEMENT au dossier T-1046-23

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire relative aux décisions rejetant l’admissibilité du demandeur à la Prestation canadienne d’urgence, la Prestation canadienne de relance économique et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique est rejetée.

  2. Aucun dépens ne sont adjugés.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1046-23

 

INTITULÉ :

ABDERRAHIM HARRA c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 mars 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE Roy

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 MARS 2024

 

COMPARUTIONS :

M. Abderrahim Harra

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Emmanuelle Rochon

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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