Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041001

Dossier : T-1035-02

Référence : 2004 CF 1349

ENTRE :

                                                    ABBOTT LABORATORIES et

                                             LABORATOIRES ABBOTT LIMITÉE

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             

                                                                             et

                                                  LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

                                                        PHARMASCIENCE INC.

                                                                                                                                          défendeurs

DEMANDE présentée en vertu de l'article 55.2 de la Loi sur les brevets et de l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), mod. par le Règlement modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                Par leur avis de demande déposé le 5 juillet 2002, Abbott Laboratories (Abbott U.S.) et les Laboratoires Abbott Limitée (Abbott Canada), (les demanderesses), réclament les réparations suivantes :


1)         une ordonnance interdisant au défendeur, le ministre de la Santé (le ministre) de délivrer à la défenderesse Pharmascience Inc. (Pharmascience) un avis de conformité pour la clarithromycine - en comprimés de 250 mg et de 500 mg - jusqu'à l'expiration du brevet canadien no 2261732;

2)         les dépens de la demande;

3)          toute autre réparation que les avocats peuvent juger bon de réclamer et que la Cour peut juger à propos d'accorder.

[2]                La demande a été déposée conformément à l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)[1] (le Règlement) en réponse à un avis d'allégation signifié le 21 mai 2002 par Pharmascience à Abbott Canada conformément à l'article 5 du Règlement. L'avis d'allégation précisait que Pharmascience avait déposé, relativement à des comprimés de 250 mg et de 500 mg de clarithromycine, une présentation abrégée de drogue nouvelle qui faisant mention de la marque de clarithromycine de Abbott Canada se présentant sous les mêmes concentrations pour lesquelles Abbott Canada avait obtenu un avis de conformité du ministre.

[3]                L'avis d'allégation de Pharmascience présente très succinctement le « fondement factuel » :

[TRADUCTION]

La clarithromycine de PMS [Pharmascience] est produite au moyen d'un procédé qui ne recristallise pas ou ne cristallise pas directement la clarithromycine (sous toutes ses formes) dans la forme II de la clarithromycine et qui ne fait pas appel à un solvant ni à un mélange de solvants. Le procédé utilisé pour produire la forme II de la clarithromycine est une mise en suspension de cristaux de la forme 0 dans l'eau. Le processus de mise en suspension est divulgué dans la demande de PCT n º PCT/US 00/33845 (WO 01/44262).

[4]                Sur la base de ce fondement factuel, Pharmascience explique, dans son avis d'allégation, que le procédé utilisé pour fabriquer la forme II de sa clarithromycine ne contrefait pas le brevet canadien no 2261732 et, à titre subsidiaire, que si sa clarithromycine est visée par les revendications 16 à 21 du brevet, les revendications en question ont une portée plus large que l'invention réalisée et divulguée et que le brevet est par conséquent invalide.

[5]                N'eut été la prorogation du délai de vingt-quatre (24) mois prévu à l'alinéa 7(1)e) du Règlement au cours duquel il était interdit au ministre de délivrer un avis de conformité à Pharmascience, ce délai de vingt-quatre (24) mois courant à partir de « la date de réception de la preuve de présentation de la demande [...] » des demanderesses, il aurait été loisible au ministre de délivrer à Pharmascience un avis de conformité en vertu du Règlement à compter du 5 juillet 2004. En vertu de l'alinéa 7(5)b) du Règlement, la protonotaire Aronovitch a, le 25 juin 2004, prorogé de cent cinq (105) jours le délai de vingt-quatre (24) mois, soit jusqu'au 18 octobre 2004. L'ordonnance de la protonotaire Aronovitch a été portée en appel. Cet appel a été rejeté par ordonnance datée du 9 juillet 2004. L'interdiction faite au ministre de délivrer un avis de conformité à Pharmascience est donc toujours en vigueur.


LES PARTIES

[6]                Abbott U.S. est le propriétaire du brevet canadien no 2261732 (le brevet 732), qui porte sur des composés pharmaceutiques spécifiques préparés ou produits au moyen de certaines méthodes ou de certains procédés et sur ces méthodes ou procédés. Le brevet 732 expire le 28 juillet 2017. Abbott U.S. est la société mère d'Abbott Canada.

[7]                Abbott Canada est un fabricant canadien innovateur de produits pharmaceutiques. Elle a la permission d'Abbott U.S., en vertu du brevet 732, de fabriquer et de vendre du BIAXIN BID® au Canada. Abbott Canada est le fabriquant, au Canada, du BIAXIN BID®, un antibiotique. Le BIAXIN BID® est vendu au Canada en comprimés de 250 mg et de 500 mg en vertu d'avis de conformité qui ont été délivrés à l'origine à Abbott Canada le 8 mai 1992 et le 25 août 1994 respectivement. L'ingrédient médicamenteux actif du BIAXIN BID® est la clarithromycine. Abbott Canada a fait inscrire le brevet 732 concernant le BIAXIN BID® au registre des brevets prévu par le Règlement.


[8]                Pharmascience est une « société fabriquant des médicaments génériques » , c'est-à-dire un fabricant et un commerçant de médicaments au Canada qui, pour reprendre les termes du juge Nadon dans la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)[2] « commercialis[e] une drogue sans avoir à établir, de façon distincte, la sécurité et l'efficacité de cette drogue [...] » . Comme il a déjà été signalé, Pharmascience cherche à obtenir un avis de conformité du ministre pour pouvoir commercialiser un médicament équivalent au BIAXIN BID®.

[9]                Le ministre de la Santé est le ministre chargé de l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Aucun élément n'a été soumis à la Cour au nom du ministre lors de l'instruction de la présente demande. De plus, le ministre n'était pas représenté à l'audience.

LE BREVET EN LITIGE

[10]            La demande à l'origine du brevet 732 a été déposée le 28 juillet 1997 et elle revendiquait la priorité à cause du brevet américain équivalent obtenu le 29 juillet 1996. La demande est intitulée « Préparation de la forme II cristalline de la clarithromycine » . L'abrégé du brevet se lit comme suit :

[traduction]

La présente invention fournit une méthode de préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A comportant une transformation de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A et le traitement de la 6-O-méthylérythromycine A avec un certain nombre de solvants organiques courants ou de mélanges de solvants organiques courants.

La demande renferme quarante-quatre (44) revendications. Les revendications qui nous intéressent en l'occurrence sont les revendications 1, 2 et 3 et 15 à 21. Ces revendications sont présentées intégralement dans une annexe jointe à ces motifs.

[11]            Dans l'exposé de l'invention, l'invention revendiquée est résumée dans les termes suivants :

[traduction]

Nous avons découvert que la 6-O-méthylérythromycine A peut exister sous au moins deux formes cristallines distinctes que nous appellerons, pour les différencier, « forme I » et « forme II » . Les formes cristallines sont identifiées par leur spectre infrarouge, leur thermogramme obtenu à la calorimétrie à balayage différentiel et leur profil de diffraction de rayons X sur poudre. Les investigations menées dans notre laboratoire ont révélé que la 6-O-méthylérythromycine A, lorsqu'elle est recristallisée à partir de l'éthanol, du tétrahydrofurane, de l'acétate d'isopropyle et de l'alcool isopropylique, ou de mélanges d'éthanol, de tétrahydrofurane, d'acétate d'isopropyle ou l'alcool isopropylique avec d'autres solvants organiques courants entraîne la formation exclusive de cristaux de la forme I, non encore identifiée jusqu'à présent. La forme I de la 6-O-méthylérythromycine A est divulguée dans la demande de brevet américain en coinstance n º 5858986, déposée à la même date le 29 juillet 1996.

Les médicaments couramment sur le marché sont formulés à partir de la forme II, qui est thermodynamiquement plus stable. Ainsi, la préparation de l'entité commerciale actuelle nécessite la transformation des cristaux de la forme I en forme II. Habituellement, cela se fait par chauffage des cristaux de la forme I sous vide à une température supérieure à 80 ° C. Un processus de préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A qui ne nécessite pas un traitement à haute température permettrait donc de réaliser des économies importantes.

Bien que la recristallisation dans l'éthanol, le tétrahydrofurane, l'alcool isopropylique ou l'acétate d'isopropyle entraîne la formation exclusive de cristaux de la forme I, la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A peut être isolée directement en utilisant un certain nombre d'autres solvants organiques courants, ou de mélanges de solvants organiques courants, ce qui élimine ainsi l'étape additionnelle de transformation.

La présente invention fournit ainsi un mode de préparation de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A qui comporte les étapes suivantes :

a)             la transformation de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A;


b)             le traitement de la 6-O-méthylérythromycine A préparée à l'étape a) avec un solvant choisi dans le groupe comprenant (i) un alcanol possédant de 1 à 5 atomes de carbone, à la condition que ledit alcanol ne soit ni de l'éthanol ni de l'alcool isopropylique, (ii) un hydrocarbure possédant de 5 à 12 atomes de carbone, (iii) une cétone possédant de 3 à 12 atomes de carbone, (iv) un carboxylate possédant de 3 à 12 atomes de carbone, à la condition que ledit carboxylate ne soit pas de l'acétate d'isopropyle, (v) un éther possédant de 4 à 10 atomes de carbone, (vi) du benzène, (vii) du benzène substitué avec un ou plusieurs groupements choisis parmi un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone, un alcoxy possédant de un à quatre atomes de carbone, un groupement nitro, un halogène, (viii) un solvant aprotique polaire, (ix) un composé de formule HNR1R2, dans laquelle R1 et R2 sont de l'hydrogène ou un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone, à la condition que R1 et R2 ne soient pas tous les deux de l'hydrogène, (x) de l'eau et un solvant miscible à l'eau choisi dans le groupe comprenant un solvant organique miscible à l'eau, et un alcanol miscible à l'eau, (xi) du méthanol et un second solvant choisi dans le groupe comprenant un hydrocarbure possédant de 5 à 12 atomes de carbone, un alcanol possédant de 2 à 5 atomes de carbone, une cétone possédant de 3 à 12 atomes de carbone, un carboxylate possédant de 3 à 12 atomes de carbone, un éther possédant de 4 à 10 atomes de carbone, du benzène, et du benzène substitué par un ou plusieurs groupements choisis parmi un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone, un alcoxy possédant de un à quatre atomes de carbone, un groupement nitro et un halogène, et (xii) un hydrocarbure possédant de 5 à 12 atomes de carbone et un second solvant choisi dans le groupe comprenant une cétone possédant de 3 à 12 atomes de carbone, un carboxylate possédant de 3 à 12 atomes de carbone, un éther possédant de 4 à 10 atomes de carbone, du benzène, du benzène substitué par un ou plusieurs groupements choisis parmi un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone, un alcoxy possédant de un à quatre atomes de carbone, un groupement nitro, et un halogène, un solvant aprotique polaire;

c)             la séparation de cristaux de la forme II de la 6-O-méthylérythromycine A.

[12]            Dans le cas qui nous occupe, le terme « traitement » à la première ligne de l'alinéa b) du quatrième paragraphe de la citation ci-dessus et l'option (x) dans le même paragraphe, à savoir « de l'eau et un second solvant choisi dans le groupe comprenant un solvant organique miscible à l'eau, et un alcanol miscible à l'eau » , sont d'une importance cruciale. Le terme « traitement » est défini dans la « description détaillée » contenue dans l'exposé de l'invention :

[traduction]

Le terme « traitement » désigne la cristallisation ou la recristallisation de la 6-0-méthylérythromycine A telle que définie ci-dessus dans un des systèmes de solvants décrits plus haut.

[13]            L'option (x) mentionnée dans le paragraphe déjà cité associe de l'eau et un solvant organique miscible à l'eau ou un alcanol miscible à l'eau qui peut, entre autres, être de l'éthanol. Un solvant à base d'éthanol et d'eau est expressément mentionné à la revendication 15.

[14]            Les revendications 15 et 16 renvoient expressément à la revendication 2. La revendication 17 mentionne une préparation faite conformément à la revendication 3 qui renvoie elle-même à la revendication 2. De même, la revendication 18 renvoie à une préparation faite selon la revendication 9, laquelle renvoie à son tour à la revendication 2. De même encore, la revendication 19 fait état d'une préparation faite selon le procédé défini à la revendication 13 qui mentionne elle-même un procédé conforme à la revendication 2.

LE PROCÉDÉ ET LE PRODUIT DE PHARMASCIENCE

[15]            Pharmascience ne se propose pas de fabriquer sa forme II de clarithromycine; elle compte plutôt l'acheter à un fournisseur étranger. Il n'a pas été contesté devant la Cour que le produit final est le même. Pharmascience prétend plutôt que le procédé par lequel la clarithromycine II qu'elle cherche à faire approuver déborde le cadre du brevet 732 en ce que le procédé du fournisseur ne comporte pas de cristallisation ni de recristallisation mais plutôt une « transformation à l'état solide » obtenue par une mise en suspension dans l'eau. Autrement dit, le procédé du fournisseur de Pharmascience ne comporterait pas la réduction d'une forme cristalline en une forme différente, suivie d'une recristallisation, mais plutôt une transformation directe d'une forme cristalline en une forme cristalline différente, obtenue par mise en suspension.


[16]            Plus haut dans les présents motifs, j'ai reproduit un paragraphe de l'avis d'allégation de Pharmascience à l'origine de la présente instance. Je répète ce paragraphe ici pour en faciliter la consultation. Sous la rubrique « Fondement factuel » , Pharmascience a informé Abbott Canada dans les termes suivants :                                                       

[traduction]

La clarithromycine de PMS [Pharmascience] est produite au moyen d'un procédé qui ne recristallise pas ni ne cristallise directement la clarithromycine (sous quelque forme que ce soit) dans la forme II de la clarithromycine et qui ne fait pas appel à un solvant ni à un mélange de solvants. Le procédé utilisé pour produire la forme II de la clarithromycine est une mise en suspension de cristaux de la forme 0 dans l'eau. Le processus de mise en suspension est divulgué dans la demande PCT n º PCT/US 00/33845 (WO 01/44262).

[17]            Un peu plus loin dans son avis d'allégation, à la rubrique « Fondement juridique » et la sous-rubrique « Revendications 16 à 21 » , Pharmascience écrit :

[traduction]

Les revendications 16 à 21 ne sont pas contrefaites parce qu'elles traitent de la forme cristalline II de la clarithromycine lorsqu'elle est préparée par « traitement » de la 6-0-méthylérythromycine A avec un solvant, ou un mélange de solvants. Le brevet 732 définit le « traitement » comme étant un processus de cristallisation ou de recristallisation... Le terme 6-0-méthylérythromycine A (ou la clarithromycine) désigne un solide, un semi-solide ou un sirop contenant des solvants résiduels (du processus de fabrication de la clarithromycine à partir de l'érythromycine).

La forme II de la clarithromycine de PMS est fabriquée par mise en suspension de la forme 0 de la clarithromycine dans de l'eau pour transformer les cristaux dans la forme II.

[...]

Le procédé de PMS ne comporte pas de cristallisation directe de la forme II à partir de la clarithromycine ni de recristallisation de la forme I ou de mélanges de la forme I et de la forme II. Comme il est divulgué dans la demande PCT, la forme II de PMS est fabriquée à partir de la forme 0 qui est mélangée ou mise en suspension dans l'eau. La forme 0 n'est pas dissoute, puis cristallisée ou recristallisée.

[...]

Les revendications 16 à 21 traitent de la forme II de la clarithromycine préparée suivant le procédé décrit à la revendication 1. Les autres procédés mentionnés dans les revendications 16 à 21, notamment 2, 3, 9, 13 et 15, dépendent tous, soit directement ou indirectement, de la revendication 1.

La revendication 1 concerne un procédé de fabrication de la forme II de la clarithromycine qui comporte tout d'abord une transformation de l'érythromycine A en 6-0-méthylérythromycine, puis un traitement de la 6-0-méthylérythromycine A (clarithromycine) avec « un solvant choisi dans le groupe formé des groupes énumérés en (i) à (xii) » .


Le procédé de PMS ne produit pas la forme II en traitant la clarithromycine avec un des groupes de solvants énumérés à la revendication 1(b)(i) à (xii). Il est entendu que le procédé de PMS ne soumet pas la clarithromycine à un traitement par des groupes de solvants énumérés aux revendications 3, 9, 13 ou 15 pour préparer la forme II de la clarithromycine.

                     [sous-rubriques omises]

[18]            Une description plus utile du procédé de fabrication de la clarithromycine II de Pharmascience a été communiquée à Abbott par lettre datée du 19 novembre 2002. Les pièces jointes à cette lettre consistaient en trois (3) pages extraites de la présentation abrégée de drogue nouvelle de Pharmascience. Pharmascience revendiquait et continue de revendiquer la confidentialité de ces pages[3]. Bien que les pages communiquées fournissent beaucoup de détails supplémentaires au sujet du procédé de fabrication de la clarithromycine II de Pharmascience, elles révèlent également que le fournisseur de Pharmascience fabrique lui aussi de la clarithromycine II par un second procédé. Il est acquis aux débats que ce second procédé est visé par le brevet 732. Pharmascience a déposé des éléments de preuve dans le cadre de la présente instance pour révéler l'existence d'une entente conclue avec son fournisseur projeté. Suivant cette entente, la clarithromycine II fournie à Pharmascience ne serait produite que par la méthode de « mise en suspension » déjà décrite. Je reviendrai plus loin sur cet aspect dans les présents motifs.

LES EXPERTS DÉPOSANTS

[19]            Les demanderesses se fondent sur le témoignage de trois experts qui ont souscrit des affidavits et qui ont été contre-interrogés. La transcription de leur contre-interrogatoire a été soumise à la Cour. Voici un très bref rappel des titres et qualités de chacun des experts des demanderesses.

[20]            M. Jerry Atwood est titulaire d'un baccalauréat en chimie et en mathématiques de l'Université Southwest Missouri State ainsi que d'un doctorat en chimie de l'Université de l'Illinois. Depuis 1994, il est professeur et directeur du département de chimie à l'Université de Missouri-Columbia. De 1968 à 1994, il a travaillé à l'Université de l'Alabama, où il a successivement détenu les titres de professeur adjoint, de professeur agrégé et de professeur et chercheur universitaire. En 1999, il a été nommé à une chaire d'enseignement supérieur à l'Université de Missouri-Columbia.

[21]          Entre 1985 et 1998, M. Atwood était rédacteur en chef du Journal of Chemical Crystallography. En 1999, il a été nommé rédacteur consultant pour le Journal of Chemical Crystallography. Il publie le Journal of Supramolecular Chemistry depuis 2000, et il est rédacteur en chef adjoint de Chemical Communications depuis 1996. Entre 1992 et 2000, il a été rédacteur en chef de la revue Supramolecular Chemistry.


[22]            Entre 1985 et 1993, M. Atwood était rédacteur en chef régional du Journal of Coordination Chemistry. Il est toujours corédacteur en chef des collections Inclusion Compounds (en cinq volumes) et Comprehensive Supramolecular Chemistry (en dix volumes). Il fait présentement partie du comité de rédaction de cinq revues scientifiques. Il affirme qu'il a publié plus de 570 articles dans des revues scientifiques à comité de lecture anonyme. Il est l'auteur de dix brevets.

[23]            M. Atwood affirme qu'il est expert dans le domaine de la cristallisation, de la cristallogénie et de la chimie des polymères[4]. Cette affirmation n'a pas été contestée.

[24]            M. Stephen Byrn a obtenu un doctorat en chimie de l'Université de l'Illinois en 1970 et a obtenu une bourse de recherche postdoctorale de l'UCLA entre 1970 et 1972. En 1972, il a commencé à enseigner à l'école de pharmacie de l'Université Purdue. Il était directeur du département de chimie médicale et de pharmacognose à l'Université Purdue, à l'école de pharmacie et de sciences pharmaceutiques de 1988 à 1994. Il a été directeur du Centre de recherches sur le SIDA de l'Université Purdue de 1988 à 1998, et depuis 1994, il est chef du département de pharmacie industrielle et physique. En 1992, Il est devenu professeur de chimie médicale Charles B. Jordan.


[25]            M. Byrn est l'auteur d'une centaine d'articles approuvés par des collègues qui ont été publiés dans des revues scientifiques sur des sujets relatifs à la chimie des états solides. Il est également le coauteur d'un ouvrage intitulé Solid Chemistry of Drugs, et il est l'auteur de deux chapitres du livre. Il a également donné un grand nombre de communications lors de conférences ainsi que des cours sur le polymorphisme. Il a enseigné à la Federal Food and Drug Administration des États-Unis et a été conseiller industriel auprès de diverses sociétés pharmaceutiques innovatrices qui fabriquent des médicaments génériques, en plus de présider de nombreux comités prestigieux.

[26]            Sans se prétendre un expert, M. Byrn affirme que les avis qu'il exprime dans les affidavits qui ont été soumis à la Cour [traduction] « [...] sont fondés sur ma formation et mon expérience et notamment sur les trente-trois ans d'expérience professionnelle que j'ai accumulée dans l'étude, la qualification et l'analyse des produits organiques solides [...][5] » . Les qualifications et les compétences de M. Byrn n'ont pas été contestées.


[27]            M. Allan S. Myerson est professeur de génie chimique et vice-recteur à l'enseignement et à la recherche et directeur général adjoint à l'Illinois Institute of Technology de Chicago. Il occupe ce poste depuis janvier 2003. De janvier 2000 à décembre 2002, il était professeur de génie chimique et doyen de l'Armour College of Engineering and Science de l'Illinois Institute of Technology. De janvier 1985 à décembre 1999, il faisait partie du corps professoral à la Polytechnic University (Brooklyn, NY) où il a exercé diverses fonctions, y compris celles de professeur de génie chimique Joseph et Violet J. Jacobs, chef du département de génie chimique, doyen de l'École des sciences chimiques et de la science des matériaux et vice-recteur à la recherche et aux études supérieures. Entre septembre 1979 et décembre 1984, M. Myerson faisait partie du corps professoral du Georgia Institute of Technology à titre de professeur adjoint de génie chimique dont il est par la suite devenu professeur agrégé. Avant de travailler au Georgia Institute of Technology, M. Myerson avait enseigné à l'Université de Dayton en tant que professeur adjoint de génie chimique.

[28]            M. Myerson a obtenu son baccalauréat ès sciences en génie chimique de l'Université Columbia. L'Université de Virginie lui a décerné une maîtrise et un doctorat en génie chimique. Il est un ingénieur professionnel agréé dans les États de New York et de l'Ohio.

[29]            M. Myerson est l'auteur de nombreuses publications et il a donné des cours sur la cristallisation aux États-Unis, en Europe et au Japon. Il a conseillé des sociétés pharmaceutiques ou de produits chimiques aux États-Unis, en Europe et au Japon.

[30]            M. Myerson déclare ce qui suit :

[traduction] Grâce à mon expérience et à mes compétences, j'estime être devenu un expert dans le domaine du génie chimique et de la cristallisation, notamment la cristallisation industrielle et le polymorphisme. Ce sont précisément les questions qui sont soulevées en l'espèce[6].

[31]            Là encore, les compétences de M. Myerson à titre d'expert n'ont pas été contestées.

[32]            Pharmascience se fonde sur l'avis des deux experts qui ont souscrit des affidavits. On peut résumer brièvement leurs titres et qualités.


[33]            M. Frank Brown fils a obtenu un doctorat en chimie organique de l'Université Purdue en 1969. Pendant la plus grande partie de sa carrière, il a travaillé chez Lilly Research Laboratories, une division d'Eli Lilly and Company, où il a occupé plusieurs postes, en commençant par celui de chimiste des services techniques, chercheur, attaché de recherche, chercheur scientifique principal et chef d'équipe et conseiller à la recherche, ce qui, à ses dires, constitue [traduction] « le degré scientifique le plus élevé que l'on peut atteindre chez Lilly » .

[34]            En 2000, M. Brown a pris une retraite anticipée de la société Eli Lilly pour aller travailler à l'Université Purdue où il mène des recherches fondamentales en sciences pharmaceutiques. Il est devenu directeur du Programme de sciences pharmaceutiques à l'Université Perdue. M. Brown atteste ce qui suit :

[traduction]

Grâce à mon expérience, je suis devenu un expert en chimie des procédés industriels, ayant mis à l'échelle de nombreux procédés chimiques pour une production à pleine échelle associée à la fabrication pharmaceutique de produits de santé pour les humains et les animaux. Mon expérience m'a permis d'acquérir les connaissances pratiques pour exécuter un procédé pharmaceutique et régler tous les problèmes liés à un procédé appliqué à l'échelle industrielle. Par exemple, mon expérience me permettrait de résoudre des problèmes de cristallisation à l'échelle industrielle[7].

[35]            Bien que l'expérience et les compétences de M. Brown ne soient pas contestées, l'avocat des demanderesses a exprimé certaines réserves au sujet de son expérience et de ses compétences en ce qui concerne les procédés et les substances en litige dans la présente instance.

[36]            M. Mark D. Hollingsworth est professeur agrégé de chimie à l'Université d'État du Kansas. Il a obtenu son baccalauréat du Collège Carleton en 1979. Entre 1979 et 1985, il a suivi des études en vue d'obtenir un doctorat en chimie organique à l'Université Yale. De 1985 à 1987, il a poursuivi ses études postdoctorales à l'Université de Cambridge, ses travaux portant sur la caractérisation des réactions chimiques des matières cristallines, y compris les polymorphes. Il a commencé à enseigner la chimie en 1987 et a poursuivi ses recherches sur la chimie des états solides et les polymorphes. Il certifie ce qui suit :

[traduction]

Mes recherches à titre de spécialiste en chimie organique des états solides ont porté sur les aspects suivants :

(i)            les procédés pour isoler les composés organiques cristallins;

(ii)           les techniques d'analyse pour caractériser les matières cristallines et leurs processus internes;

(iii)           la chimie des états solides (définie comme l'étude des diverses formes solides des composés chimiques);

(iv)          des études mécanistes de la croissance des cristaux, y compris l'effet du solvant utilisé;

(v)            des études mécanistes des transitions de phase et de changements de phase dans des études portant sur les cristaux.

Mon domaine de spécialisation est l'étude des formes cristallines et les transformations que subissent ces formes. Au cours des 22 dernières années, j'ai mis au point et utilisé régulièrement des procédés pour cristalliser des composés chimiques. J'ai eu recours à la cristallisation comme technique de purification (pour éliminer les impuretés du composé désiré) et à l'isolement (pour créer une certaine forme cristalline, où un composé peut exister sous une des nombreuses formes cristallines possibles).

[37]            M. Hollingsworth a de nombreuses publications à son actif. Il atteste qu'il a travaillé comme consultant pour des sociétés pharmaceutiques dans le domaine de l'analyse des cristaux et de la préparation de formes cristallines.


[38]            M. Hollingsworth déclare de plus ce qui suit :

[traduction]

Grâce à l'expérience que j'ai acquise [...], je connais bien (i) la façon de mettre au point des procédés pour fabriquer différentes formes cristallines; (ii) l'étude des changements chimiques et structuraux dans un cristal durant la transformation d'une forme cristalline en une autre; et (iii) la caractérisation et l'analyse des matières cristallines à l'aide des techniques de laboratoire usuelles[8].

[39]            Les compétences de M. Hollingsworth n'ont pas été contestées mais l'avocat des demanderesses a fait valoir que ses titres et qualités et son expérience n'équivalaient pas à celles des experts des demanderesses.

TÉMOIGNAGES DES EXPERTS ET PREUVES D'EXPÉRIMENTATION

M. JERRY ATWOOD


[40]            M. Atwood affirme, dans le premier affidavit qu'il a souscrit en l'espèce, que pour pouvoir répondre à l'avis d'allégation produit par Pharmascience, il a pris connaissance de l'avis d'allégation, du brevet 732, de six (6) brevets des États-Unis, de publications internationales connexes et de divers articles de revues scientifiques non identifiées portant sur la synthèse de la clarithromycine, ainsi que d'extraits de la présentation abrégée de drogue nouvelle de Pharmascience, dont la fiche maîtresse du médicament du fournisseur proposé de Pharmascience. Voici le résumé de son opinion[9] :

[traduction]

L'objet du brevet 732 et les allégations de M. Neirinck (l'avis d'allégation) tablent beaucoup sur la discipline de la chimie organique. Pour pouvoir formuler un avis clair et concis sur les questions en litige dans le présent procès, j'ai proposé [...] un bref survol des principaux aspects de ce domaine de la chimie.

Pharmascience affirme que son procédé projeté et ses procédés existants ne contrefont pas le brevet 732 et que, s'il y a contrefaçon, le brevet 732 est invalide au motif que les revendications du brevet ont une portée plus vaste que l'invention réalisée et divulguée.

À mon avis, les allégations articulées dans l'avis d'allégation ne reposent sur aucune preuve scientifique et elles sont dénuées de tout fondement. Dans les paragraphes qui suivent, j'explique mon opinion sous la forme abrégée suivante :

a)             L'exposé de l'invention laisse entendre que le fournisseur de Pharmascience fabrique la forme II de la clarithromycine [...] et que la présumée étape de la mise en suspension est même commencée;

b)             l'étape de la mise en suspension de Pharmascience consiste en une cristallisation [...] et de l'eau;

c)             l'exposé de l'invention prévoit un procédé de rechange qui permet de produire la forme II [...];

d)             les revendications du brevet 732 telles qu'elles seraient interprétées par une personne versée dans l'art sont bien appuyées par l'exposé de l'invention du brevet 732 et elles englobent de toute évidence le procédé qu'aurait employé Pharmascience[10].

[41]            Dans le même affidavit, M. Atwood a émis l'opinion suivante :


[traduction]

Une personne ayant des compétences moyennes dans l'art dont relève le brevet 732 est un chimiste ou un ingénieur chimiste ayant deux à cinq années d'expérience dans les procédés de cristallisation.

Premièrement, il est de pratique courante, pratique bien connue d'une personne versée dans l'art dont relève le brevet 732, d'utiliser une suspension lorsqu'on pratique l'art de la cristallisation industrielle. Pharmascience fait l'erreur de citer à ce sujet des textes de chimie qui traitent de méthodes de laboratoire pour la purification des composés organiques (p. ex. Vogel, Textbook of Practical Organic Chemistry, pp 105-113, publié en 1978). Ce manuel ne fait pas autorité dans le domaine de la cristallisation industrielle. La lecture des pages 105 à 113 de l'ouvrage de Vogel nous amène à conclure que cet ouvrage de référence s'adresse au spécialiste de la chimie organique synthétique travaillant dans un laboratoire avec une petite quantité de composé non purifié. Il ne s'agit pas de l'ouvrage auquel se référerait une personne ayant des compétences moyennes dans l'art lorsqu'elle veut obtenir des renseignements sur le traitement de la clarithromycine pour produire la forme II cristalline à l'échelle industrielle.

Il serait plus juste de se référer notamment à d'autres ouvrages de référence courants qui montrent clairement que la mise en suspension est une méthode fréquente et bien connue de cristallisation[11].

[42]            Dans un affidavit supplémentaire fait sous serment le 5 septembre 2003, M. Atwood souligne qu'il a eu l'occasion d'examiner deux (2) affidavits déposés dans la présente instance par M. Hollingsworth, un affidavit de M. Leonard Neirinck, vice-président aux Affaires scientifiques de Pharmascience, l'affidavit de M. Frank Brown fils et deux (2) affidavits de Patrick Taylor, technicien juridique travaillant pour le cabinet d'avocats représentant Pharmascience. Il réfère globalement à ce qui précède comme étant la « preuve de Pharmascience » . Il termine son second affidavit par les propos suivants :

[traduction]

Dans mon affidavit daté du 1er mai 2003 [qui a déjà été mentionné], j'ai émis l'opinion sommaire suivante :

a)              Le procédé de Pharmascience utilise la cristallisation pour fabriquer la forme II de la clarithromycine;


b)             Plus particulièrement, l'étape de mise en suspension en est une de cristallisation;

c)             Les cristallisations effectuées dans le procédé de Pharmascience se font toutes dans des solvants comprenant de [...] et de l'eau;

d)             En particulier, la concentration « moyenne » de [...] dans la masse de la suspension atteint [...] mais la composition de [...] dans le solvant à la surface des cristaux est beaucoup plus élevée;

e)             L'utilisation de [...] dans les solvants est un aspect important des étapes du procédé de cristallisation de Pharmascience;

f)             Une personne versée dans l'art comprendrait facilement et clairement que l'invention d'Abbott et la divulgation du brevet 732 inclut une cristallisation par une méthode de mise en suspension qui était bien connue comme technique de cristallisation à la date de la publication du brevet 732 [...] et, de fait, bien avant. La portée des revendications ne dépasse pas celle de l'invention réalisée ou divulguée dans le brevet 732.

Après avoir soigneusement examiné les affidavits présentés par les experts de Pharmascience, je réitère sans réserve mes opinions initiales.

M. Hollingsworth présente des expériences non scientifiques et déficientes dans le but de démontrer que le procédé de mise en suspension utilisé par le fournisseur de clarithromycine de Pharmascience est une transformation de phase solide-solide. Tel n'est pas le cas. Les expériences scientifiques de M. Chyall réfutent complètement les expériences tentées par M. Hollingsworth[12].

[43]            M. Atwood a subi un contre-interrogatoire serré. Bien que l'avocat de Pharmascience m'ait cité, au cours de l'instruction de la présente demande, plusieurs passages de la transcription de ce contre-interrogatoire, je suis convaincu que M. Atwood n'a pas été ébranlé dans les opinions qu'il a exprimées dans son affidavit. La lecture de l'ensemble de la transcription de son contre-interrogatoire m'amène à conclure qu'il n'avait effectivement aucune raison d'être ébranlé. Je ne retiendrai ici qu'un seul des passages auxquels l'avocat m'a renvoyé. Voici donc cet extrait, qui se trouve à la toute fin de la transcription :

[traduction]


Q.            Si j'ai bien compris, elle a fait faire les analyses par M. Chyall [qui a procédé aux analyses au nom des demanderesses], comme nous l'avons vu. Vous ne savez pas. C'est un débat théorique. Nous pourrions en discuter en nous fondant sur des faits, n'est-ce pas?

R.            J'aimerais bien avoir des faits sur lesquels me fonder. Mais je ne dis pas que le procédé [employé par le fournisseur de Pharmascience] ... si j'ai bien compris - Je ne puis rien affirmer avec certitude au sujet du procédé [employé par le fournisseur de Pharmascience]. Je crois qu'il se peut fort bien qu'il produise la forme II [de la clarithromycine]. Mais, selon ce que j'en sais, ce n'est pas au moyen d'une transition solide-solide, mais par une cristallisation continue[13].

[44]            L'avocat des demanderesses m'a signalé le passage suivant du même contre-interrogatoire :

[traduction]

Q.            Une transformation solide-solide est-elle possible dans une suspension?

R.            Une transformation solide-solide peut se produire dans une suspension. Afin de vérifier qu'il s'agit bien d'une transformation solide-solide, on doit effectuer certaines expériences.

Tout d'abord, si le composé est si tant soit peu solide dans une solution, on devrait écarter le fait que c'est une simple recristallisation. Il s'agit en d'autres termes d'une transformation qui se produit en solution.

Une transformation solide-solide est relativement peu fréquente. Un phénomène beaucoup plus fréquent serait ce que j'appelle dans mon affidavit une cristallisation continue où la solution ou le solvant médie la transformation par un processus de cristallisation[14].

[45]            Tant l'avocat des demanderesses que celui de Pharmascience reprochent à la partie adverse de ne pas avoir procédé à des analyses ou des expériences plus poussées et plus fiables. Je reviendrai sur la question dans la partie « Analyse » des présents motifs où je vais aborder la question du fardeau de la preuve s'agissant d'une allégation d'absence de contrefaçon.


M. STEPHEN BYRN

[46]            Dans son premier affidavit, M. Byrn affirme qu'on lui a demandé au nom des demanderesses d'examiner l'avis d'allégation de Pharmascience sur lequel repose la présente demande. Il explique qu'on lui a demandé d'examiner les allégations contenues dans l'avis d'allégation et de donner son avis sur les allégations suivant lesquelles le brevet 732 n'est pas contrefait ou est invalide. Voici en quels termes il résume son opinion :

[traduction]

Le procédé de PMS [Pharmascience] qui est expliqué dans l'avis d'allégation est un procédé de cristallisation qui est visé par les revendications du brevet 732. Le procédé de PMS contrefait de toute évidence le brevet 732.

Les allégations de PMS suivant lesquelles le brevet 732 est invalide sont mal fondées. Les revendications du brevet ont une portée plus vaste que l'invention réalisée et divulguée. Le procédé de « mise en suspension » de PMS est un procédé de cristallisation. Les personnes versées dans l'art comprendraient que la mise en suspension - en tant que méthode de cristallisation - est une méthode de « traitement » au sens du brevet 732[15].

[47]            Dans les deux affidavits subséquents qui ont été versés au dossier, M. Byrn ne remet pas en question cette opinion.


[48]            À l'instar de M. Atwood, M. Byrn a été contre-interrogé à fond au sujet de ses affidavits. Lors de l'instruction de la présente affaire, l'avocat m'a cité plusieurs extraits du témoignage que M. Byrn a donné lors de son contre-interrogatoire. Ayant examiné la transcription de son contre-interrogatoire dans son ensemble, je n'en dégage qu'une seule conclusion globale : à l'instar de M. Atwood, M. Byrn n'a pas été ébranlé au sujet des éléments de preuve avancés dans les affidavits. Au contraire, il a confirmé de nouveau les opinions en question et l'impression créée par sa formation et son expérience au sujet de ses connaissances spécialisées.

M. ALLAN MYERSON

[49]            M. Myerson n'a produit qu'un seul affidavit en l'espèce. Dans cet affidavit, il résume comme suit son opinion :

[traduction]

L'invention révélée dans le brevet 732 d'Abbott concerne une méthode de préparation de la forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A, (la clarithromycine) directement par cristallisation avec une liste de solvants brevetés.

Pour les raisons ci-après expliquées, il est évident que les procédés de fabrication de la clarithromycine proposés par PMS [Pharmascience] et par [son fournisseur] font partie des procédés revendiqués par les revendications 1b)x), 2, 3 et 15 du brevet 732. La clarithromycine fabriquée selon ces procédés par [Pharmascience] et par [son fournisseur] est visée par les revendications 16, 17, 20 et 21 du brevet 732.

Les allégations d'absence de contrefaçon de [Pharmascience] sont carrément contredites par ses propres renseignements sur ses procédés de fabrication et elles sont entièrement injustifiées.

L'allégation subsidiaire d'invalidité que formule [Pharmascience] repose sur une incompréhension fondamentale des concepts fondamentaux de la cristallisation et elle est mal fondée. L'allégation subsidiaire d'invalidité est sans fondement et elle est entièrement injustifiée[16].


[50]            En toute déférence, une grande partie de ce qui précède constitue, tout comme les extraits du premier affidavit de M. Byrn cités au paragraphe [46] des présents motifs, une opinion sur les questions en litige dans la présente affaire et la question des compétences spécialisées que possède ou non la Cour à cet égard est une question qui doit être tranchée par la Cour. Ce à quoi la Cour s'attend de la part d'experts comme MM. Myerson et Byrn, c'est la formulation d'une opinion professionnelle pour l'aider à rendre la décision qu'elle est appelée à rendre et non un avis sur ce que cette décision devrait être.

[51]            Les paragraphes suivants extraits de l'affidavit de M. Myerson sont beaucoup plus utiles :

[traduction]

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, le terme transformation médiée par une solution désigne la transformation d'un polymorphe moins stable (métastable) en un polymorphe plus stable lorsqu'il est mis en suspension dans un solvant. Dans ce cas, la forme 0 et la forme I sont moins stables que la forme II.

Les polymorphes (ou solvates) d'une substance donnée ont une solubilité différente. La forme la plus stable a la solubilité la plus faible. La forme la moins stable a la solubilité la plus forte. De plus, la plupart des substances ont une solubilité définie dans tous les solvants (même si cette solubilité est très faible). Ainsi, lorsqu'une matière est mise en suspension dans un solvant, une partie de la substance se dissout jusqu'à la formation d'une solution saturée, c'est-à-dire une solution qui ne peut pas permettre la dissolution d'une plus grande quantité de la forme solide initialement ajoutée.

Si la substance mise en suspension est un polymorphe métastable comme la forme I ou la forme 0, elle est plus soluble que la forme II, dans un solvant donné. La solution est saturée en polymorphe métastable parce que celui-ci se dissout dans la solution plus facilement; mais la forme plus stable (comme la forme II) a une plus faible solubilité dans le même solvant : la solution (saturée en cristaux de la forme I) est en même temps sur-saturée en cristaux de la forme II.

Pour simplifier, disons qu'une petite quantité de la forme 0 (ou de la forme I) se dissout en solution. À cause de la différence de solubilité entre la forme 0 et la forme II, les molécules se déposent hors de la solution (cristallisent) sous la forme II. Il reste alors de la « place » ou une « capacité » dans le solvant pour permettre à une quantité additionnelle de la forme I de se dissoudre, ce qui fait qu'une plus grande quantité de la forme II cristallise. Le processus continue jusqu'à ce que toute la forme I se soit transformée en forme II. C'est une transformation médiée par une solution.

Il est important de noter qu'une transformation médiée par une solution constitue un processus de cristallisation. Toute la quantité du polymorphe métastable initialement présent dans la suspension se dissout et puis se cristallise en polymorphe stable.


La forme initiale ne se dissout pas toute à la fois mais peu à peu avec le temps. Si, comme c'est le cas ici, la suspension initiale contient un mélange de forme cristalline stable (forme II) et métastable (forme I), le processus se produira à un rythme accéléré vu qu'aucune étape de nucléation primaire n'est nécessaire. La vitesse de cette transformation dépend de la différence de solubilité entre les deux formes cristallines dans le solvant choisi et dépend du degré général de solubilité dans la solution.

Le procédé de mise en suspension [de Pharmascience] est de toute évidence une transformation médiée par une solution, qui constitue une cristallisation ou une recristallisation[17].

                                                       [Souligné dans l'original]

[52]            Tout comme MM. Atwood et Byrn, M. Myerson a subi un contre-interrogatoire passablement serré au sujet de son affidavit. Bien que l'avocat de Pharmascience ait appelé mon attention sur un nombre limité d'extraits de ce contre-interrogatoire, je suis convaincu que ces extraits, ainsi que le contre-interrogatoire en général, n'ont pas influencé sensiblement l'avis d'expert donné par M. Myerson.

M. FRANK BROWN fils

[53]            Un seul affidavit de M. Brown a été déposé dans la présente affaire au nom de Pharmascience. Dans cet affidavit, M. Brown compare le brevet 732 et le procédé utilisé par le fournisseur de Pharmascience qui est révélé par l'avis d'allégation et, avec plus de détails, dans les divulgations confidentielles soumises à la Cour. Il aborde aussi la question de savoir si les revendications du brevet 732 ont une portée plus grande que l'invention révélée dans ce brevet et il répond aux affidavits déposés au nom des demanderesses.

[54]            Après avoir analysé l'exposé de l'invention du brevet 732, les exemples fournis et les revendications, de même que le procédé utilisé par le fournisseur de Pharmascience, M. Brown conclut :

[traduction] À mon avis, le brevet d'Abbott [le brevet 732] ne vise pas [le procédé utilisé par le fournisseur de Pharmascience] ou la forme II [clarithromycine] fabriquée au moyen du procédé [du fournisseur]. J'ai analysé les revendications. Les revendications que j'ai n'ai pas spécifiquement analysées (à savoir les revendications 5, 6, 9-15, 18 et 19) ne sont pas clairement contrefaites car elles utilisent d'autres solvants que ... le mélange d'eau visé par le brevet d'Abbott[18].

Suit un tableau en trois colonnes dont la première colonne énumère les numéros des revendications du brevet 732, la deuxième colonne précisant « ce que le brevet vise » et la troisième contenant des observations au sujet des rapports entre le brevet 732 et le procédé utilisé par le fournisseur de Pharmascience.

[55]            Sur la question des « revendications dont la portée déborde la cadre de l'invention révélée » , M. Brown déclare ce qui suit :

[traduction]

J'ai examiné les revendications contenues dans le brevet d'Abbott et j'estime qu'elles ne visent pas un procédé de fabrication de la forme II par la mise en suspension de la forme 0 dans l'eau.

Les inventeurs nommés dans le brevet d'Abbott n'avaient pas l'intention de viser un procédé de mise en suspension. Si un procédé de mise en suspension avait été envisagé, il en aurait été explicitement question dans le brevet et on en aurait donné un exemple. Malgré le fait que je connaissais bien la transformation médiée par une solution lorsque j'ai lu le brevet d'Abbott, selon mon interprétation, le brevet n'englobe pas de procédé de mise en suspension parce qu'un tel procédé diffère considérablement de ceux qui sont décrits dans le brevet d'Abbott.


Dans l'industrie, les transformations qui ont lieu indépendamment de la cristallisation (par ex. dans la mise en suspension en vue de préparer des formes posologiques) sont considérées comme problématiques. Elles ne sont pas considérées comme faisant partie du processus normal de fabrication d'ingrédients pharmaceutiques actifs. Ainsi, si une mise en suspension dans l'eau était censée faire partie du brevet d'Abbott, il aurait fallu que cela soit clairement précisé dans le brevet d'Abbott [...][19].                                   

[56]            Tout comme dans le cas de la réponse de chacun des autres experts, je ne vais commenter la réponse de M. Brown que dans la mesure où je l'estime nécessaire dans la partie des présents motifs consacrés à mon analyse.

[57]            Tout comme les témoins experts des demanderesses, M. Brown a longuement été contre-interrogé au sujet de son affidavit. L'avocat des demanderesses m'a cité plusieurs passages de la transcription de ce contre-interrogatoire pour démontrer la formation limitée de M. Brown en transformation médiée par solvant ainsi que son manque d'expérience industrielle en ce qui concerne ce genre de procédé. Voici l'échange qui a eu lieu au sujet du procédé employé par le fournisseur de Pharmascience (que je vais désormais appeler le procédé) et d'un document qui a été soumis à la Cour et que je vais ci-après appeler le document :

[traduction]

Q.            Eh bien, je songe uniquement au [document]. Je vais donc formuler autrement mon intervention.

Nous ne disposons que des renseignements contenus dans le [document] [...] c'est [le procédé] soit une transformation à l'état solide ou un procédé comportant une certaine dissolution et une cristallisation.

R.             Si nous nous en tenons au [document], je dirais que ce [document] qualifie ces opérations de mise en suspension...

Q.            C'est exact.

R.            ... et c'est la seule explication qu'il en donne. Je ne sais pas. Je n'ai pas vu [le fournisseur] le décrire en partant d'autres hypothèses.


Q.            D'accord. Et vous serez d'accord avec moi pour dire qu'une solution, ou une transformation médiée par un solvant peut avoir lieu dans une mise en suspension?

R.            Oui, c'est possible.

Q.            Tout comme une transformation médiée par une solution?

R.            J'emploie les deux termes de façon interchangeable pour ainsi dire.

Q.             Moi aussi. Ainsi, d'après vous, il n'y a pas de différence significative entre les deux?

R.            Pas que je sache, mais, vous savez, je ne suis pas la personne la plus qualifiée pour vous l'affirmer[20].   

[58]            M. Brown semble en fait reconnaître que le procédé utilisé par le fournisseur de Pharmascience pourrait être une transformation médiée par une solution permettant d'obtenir une cristallisation ou une recristallisation plutôt qu'une transformation solide-solide.

M. MARK HOLLINGSWORTH

[59]            On a déposé devant la Cour deux affidavits souscrits par M. Hollingsworth à titre d'expert. Le premier relate certains faits et expose les opinions du déposant, qui répond à la totalité, sauf un, des affidavits déposés au nom des demanderesses. Le second est une simple réponse au second affidavit supplémentaire de M. Byrn. Comme dans le cas du témoignage donné en réponse par d'autres experts, j'examinerai, dans la mesure où je le juge nécessaire, le témoignage donné en réponse par M. Hollingsworth plus loin dans les présents motifs.

[60]            M. Hollingsworth résume son opinion de la façon suivante :

[traduction]

Le procédé d'Abbott pour la préparation de la forme 2 de la clarithromycine nécessite une recristallisation de la clarithromycine pour obtenir la forme 2. Cela est mentionné expressément dans la description générale de l'invention et il s'agit du processus utilisé dans chacun des exemples du brevet [732]. Le brevet d'Abbott propose un procédé pour la préparation de la forme 2 de la clarithromycine qui nécessite une étape de dissolution de la clarithromycine avant que la forme 2 solide ne se dépose hors de la solution.

Le [procédé du fournisseur de Pharmascience] ne contrefait pas le brevet d'Abbott pour les raisons suivantes :

(1) Un chimiste organicien (défini ci-dessous) reconnaîtrait immédiatement que le procédé de mise en suspension [documentation du fournisseur de Pharmascience] diffère du procédé de cristallisation ou de recristallisation requis dans le brevet d'Abbott. La mise en suspension consiste à mettre en suspension un solide dans un liquide. Pour une cristallisation ou une recristallisation, il faut qu'un solide se dissolve avant qu'il ne précipite sous une forme cristalline particulière. Le brevet d'Abbott ne mentionne que la cristallisation ou la recristallisation pour la fabrication de la forme 2. Même si de tels procédés étaient connus en 1998, on ne mentionne pas de mise en suspension, de transformation médiée par un solvant ni de transformation médiée par une solution.

(2)           De plus :

(a)            Rien n'indique qu'il y ait un degré important de dissolution durant le procédé de mise en suspension [du fournisseur de Pharmascience] pour produire la forme II. D'après mes propres études expérimentales, [ce] processus comporte une transformation solide-solide de la forme 0 à la forme II et ce processus est facilité par l'eau.

(b)           Le procédé de mise en suspension [des fournisseurs de Pharmascience] est effectué à partir de cristaux de la forme 0 de la clarithromycine, qui ne sont pas inclus comme matériel de départ de la clarithromycine pour le processus de recristallisation d'Abbott.

(c)            L'étape de mise en suspension [des fournisseurs de Pharmascience] se fait dans l'eau; en particulier, le solvant pour la mise en suspension a environ [...]. Le brevet [732] divulgue un procédé où la substance est dissoute d'abord dans [...], puis de l'eau est ajoutée pour cristalliser le matériel. La quantité de [...] dans ce mélange d'eau 97 :3 et [...] serait insuffisante pour dissoudre la clarithromycine comme dans le brevet [732]. Ainsi, selon l'utilisation qui est faite du terme mélange « ... » dans le brevet [732], on ne pourrait pas considérer qu'il s'agit d'un système de solvants mélangés[21].

[61]            M. Hollingsworth était le seul des experts ayant déposé un affidavit à avoir effectué des expériences et à émettre des opinions quant aux résultats de ces expériences. Voici ce qu'il dit :

[traduction]

On m'a demandé de suivre le [procédé du fournisseur de Pharmascience décrit dans le matériel examiné par la Cour ( « le procédé » )]. J'ai également effectué une série d'expériences pour examiner les changements subis par la clarithromycine lorsqu'elle se transforme de la forme 0 à la forme II durant le procédé de mise en suspension [du fournisseur de Pharmascience]. [...] Comme on peut le voir dans le rapport [joint à l'affidavit du Dr Hollingsworth], j'ai également mené des études sur le mécanisme de la transformation de la forme 0 à la forme II en présence d'eau.

Plus particulièrement, mes expériences visaient les objectifs suivants :

(i)            préparer la forme 0 en suivant les étapes décrites dans le [...] procédé [...];

(ii)           déterminer la vitesse de transformation de la forme 0 à la forme II par mise en suspension, ce qui comportait une mise en suspension dans un laps de temps extrêmement court [...];

(iii)           déterminer la quantité de [...] dans les cristaux de la forme 0 après avoir effectué [...] et déterminé la quantité de [...] qui restait dans le cristal après diverses méthodes de mise en suspension [...];

(iv)          examiner les cristaux de la forme 0 au microscope après les avoir exposés à l'eau, afin de déterminer si ces cristaux conservent leur position ou leur orientation durant la transformation de la forme 0 à la forme II. [...][22].

[62]            Après avoir décrit brièvement les expériences qu'il a effectuées, M. Hollingsworth en est arrivé aux conclusions suivantes :

[traduction]

Encore une fois, ces expériences sont caractéristiques d'une transformation à l'état solide facilitée par l'eau qui, peut-être dans les premiers stades de la transformation, brise le lien [...] des cristaux de la forme 0 et stabilise l'interface entre la clarithromycine dissoute et la forme II qui est produite. [...]

Ces résultats ne sont pas compatibles avec une transformation médiée par une solution, où l'on s'attendrait à ce que la position (et probablement l'orientation) des cristaux de la forme II soit différente de la position (et de l'orientation) du cristal initial de la forme 0.


[...]

D'après les résultats de mes expériences [...], je suis d'avis que le procédé [du fournisseur de Pharmascience] qui transforme la forme 0 en forme II est une transformation solide-solide[23].

M. LEONARD J. CHYALL

[63]            M. Chyall n'a pas déposé d'affidavit d'expert dans la présente affaire. Les avocats des demanderesses ont toutefois recouru à ses services [traduction] « [...] pour mener certaines expériences sur la clarithromycine et sa cristallisation » .

[64]            M. Chyall est un scientifique qui travaille pour un laboratoire d'essai indépendant. Il affirme être un chimiste organique possédant une vaste expérience dans la technologie de cristallisation. Il est titulaire d'un doctorat en chimie. Il atteste aussi qu'il a travaillé pendant environ trois (3) ans comme chimiste dans le domaine de la chimie organique des états solides, que son principal champ d'activité professionnelle est la recherche scientifique sur la cristallisation des produits pharmaceutiques, qu'il est l'auteur de dix-huit (18) publications scientifiques, l'inventeur de trois brevets et conférencier lors de diverses rencontres.


[65]            M. Chyall affirme avoir reçu des demanderesses des échantillons d'une substance se présentant sous forme de poudre blanche. Dans un cas, il s'agissait d'un échantillon de clarithromycine et, dans l'autre, il s'est révélé après analyse qu'il s'agissait de la forme II de la clarithromycine. Il décrit les expériences qu'il a menées et joint à chacun de ses affidavits une copie de pages extraites de ses carnets de notes de laboratoires, qui, selon lui, reflètent avec précision les matériaux, appareils, méthodes utilisés lors des expériences qu'il a menées ainsi que les observations qu'il en a tirées.

[66]            M. Chyall n'a émis aucune opinion sur l'incidence des résultats de ses expériences.

[67]            M. Chyall a été contre-interrogé au sujet de ses affidavits et une transcription de ce contre-interrogatoire a été soumise à la Cour. On n'a pas reporté la Cour à cette transcription lors de l'instruction de la présente demande.

QUESTIONS EN LITIGE

[68]                La demande soulève deux questions préalables qui sont liées entre elles et qui concernent toutes les deux la question de savoir si l'avis d'allégation de Pharmascience est suffisant ou non. La première question est celle de savoir si l'avis d'allégation de Pharmascience est insuffisant à sa face même et la seconde est celle de savoir si le fait que Pharmascience se soit fondée sur des éléments de preuve qui constitueraient du ouï-dire constitue une preuve suffisante pour évaluation de l'allégation.


[69]            Les questions de fond concernent l'absence de contrefaçon du brevet 732 et, à titre subsidiaire, si la Cour conclut à la contrefaçon, l'invalidité du brevet 732 en raison du fait que les revendications du brevet ont une portée plus vaste que l'invention qui a été réalisée et divulguée. Cette dernière question implique que l'on précise qui est la « personne versée dans l'art » à laquelle le brevet 732 se rapporte ainsi que la date effective d'interprétation du brevet.

[70]            Dans la partie des présents motifs consacrés à mon analyse, j'aborderai en premier lieu la question de la présumée insuffisance de l'avis d'allégation ainsi que l'allégation connexe du recours par Pharmascience à une preuve par ouï-dire pour renforcer son allégation. Deuxièmement, j'aborderai très brièvement la question des principes d'interprétation des revendications de brevet, celle de la définition de la « personne versée dans l'art » et celle de la date effective d'interprétation du brevet. Troisièmement, j'examinerai l'interprétation du brevet 732, quatrièmement, le fardeau de persuasion et le fardeau de la preuve qui s'appliquent dans le cas d'une demande comme celle-ci, cinquièmement, l'allégation d'absence de contrefaçon et, finalement, la question de l'invalidité pour cause de portée trop large des revendications.

[71]            Normalement, la Cour serait portée à examiner la question de l'invalidité du brevet en premier lieu avant d'aborder la question de la contrefaçon. Toutefois, vu les faits de l'affaire, l'allégation d'invalidité constitue une allégation « subsidiaire » qui ne se pose que si l'on conclut à la contrefaçon. Compte tenu du fait que l'allégation d'invalidité est soulevée à titre subsidiaire, il me semble qu'il est préférable d'examiner l'allégation d'absence de contrefaçon avant de passer à la question de l'invalidité.


ANALYSE

1)         Insuffisance de l'avis d'allégation

a)         Introduction

[72]                Un avis d'allégation signifié par une « première personne » , en l'occurrence Pharmascience, à une « seconde personne » , en l'occurrence Abbott Canada, doit exposer tous les faits que la seconde personne entend invoquer pour le cas où une instance comme celle dont la Cour est saisie serait introduite. La première personne ne peut se fonder sur des faits qui ne sont pas articulés dans l'avis d'allégation, qui doit renfermer un énoncé détaillé des faits[24]. Faute d'énoncé détaillé des faits conforme au Règlement, les demanderesses ont le droit de se prévaloir de la présomption de contrefaçon[25].


[73]            Les demanderesses soutiennent que Pharmascience a sollicité l'approbation de commercialiser la forme II de la clarithromycine fabriquée selon l'un ou l'autre des deux procédés, dont l'un n'est pas mentionné dans l'avis d'allégation de Pharmascience. Ce n'est que par des éléments de preuve présentés beaucoup plus tard dans la présente instance que Pharmascience a appuyé son allégation que son fournisseur de forme II de clarithromycine ne fournirait ce produit que lorsqu'il serait fabriqué selon l'une ou l'autre des méthodes de production, cette méthode étant présumée être une méthode non contrefaite[26].

[74]            L'avocat de Pharmascience invoque le jugement Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc.[27], dans lequel ma collègue la juge Snider écrit, au paragraphe [32] :

Pour évaluer le caractère suffisant de l'avis d'allégation, on peut se servir des indications suivantes tirées de nombreux arrêts de la Cour d'appel fédérale [...] :- Une simple affirmation d'absence de contrefaçon ne suffit pas.- Il est loisible à la seconde personne de retenir certains renseignements concernant sa formulation tant qu'une ordonnance de confidentialité n'est pas prononcée.- L'avis d'allégation sera suffisant si d'autres détails sont donnés pour expliquer les raisons pour lesquelles l'allégation d'absence de contrefaçon constituait une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation.

(Renvois omis)


[75]            En l'espèce, sous réserve de ce qui suit au sujet de la preuve par ouï-dire, selon le troisième principe cité par la juge Snider, « [...] d'autres détails [ont été] donnés pour expliquer les raisons pour lesquelles l'allégation d'absence de contrefaçon constituait une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation » . Ceci étant dit, cette « preuve suffisante » n'a été communiquée aux demanderesses que presqu'un an après l'introduction de la présente instance. En conséquence, bien que je sois convaincu que les demanderesses auraient probablement introduit l'instance de toute façon, je suis également persuadé qu'elles ont subi un grave préjudice, d'autant plus que les éléments de preuve suivants lesquels la forme II de clarithromycine ne serait fournie à Pharmascience que lorsqu'elle est produite selon le procédé de la mise en suspension, ce qui ne donne absolument aucun moyen aux demanderesses, au ministre de la Santé ou même à Pharmascience elle-même de vérifier si l'engagement donné a été respecté.

[76]            J'ai décidé de ne trancher cette question qu'après avoir examiné plus à fond l'allégation que l'avis d'allégation de Pharmascience, en plus d'être insuffisant, est inexact et trompeur et qu'il induit en erreur.

b)         Avis d'allégation inexact, trompeur et induisant en erreur

[77]            L'avocat des demanderesses affirme que les éléments de preuve présentés par Pharmascience à l'appui de son allégation que la forme II de la clarithromycine lui sera fournie constitue du ouï-dire, n'est pas digne de foi à sa face même parce qu'il s'agit uniquement de copies papier de courriels échangés par des personnes dont le pouvoir d'engager le fournisseur de Pharmascience n'a pas été clairement établi et est vague à l'extrême. L'avocat affirme en conséquence que l'avis d'allégation de Pharmascience est entaché d'irrégularités, étant donné qu'il est inexact et trompeur et qu'il induit en erreur.


[78]            Les éléments de preuve concernant ce point ont été fournis sous forme d'annexes à l'affidavit de M. Leonard Neirinck qui atteste qu'à la date de son affidavit, le 29 mai 2003, il était vice-président des Affaires scientifiques chez Pharmascience Inc. Les annexes de l'affidavit de M. Neirinck sont constituées, premièrement, d'une description des procédés de fabrication de la forme II de la clarithromycine utilisés par son fournisseur [...] suivis par une mise en suspension en présence de l'eau puis du séchage; deuxièmement, de l'avis d'allégation du 21 mai 2002 de Pharmascience qui indique à sa face même que sa clarithromycine est produite [traduction] « au moyen d'un procédé qui ne recristallise pas ou ne cristallise pas directement la clarithromycine (sous toutes ses formes) dans la forme II de la clarithromycine et qui ne fait pas appel à un solvant ni à un mélange de solvants » , mais plutôt au moyen d'un procédé de mise en suspension; troisièmement, de copies papier de deux courriels remontant à une dizaine de mois après la date de l'avis d'allégation qui indiquent que le « service des brevets » du fournisseur de Pharmascience a recommandé à Pharmascience d'informer le TPD [...] » (on ignore ce que cet acronyme désigne) que la clarithromycine obtenue par une société américaine qui pourrait être le distributeur exclusif de la clarithromycine en Amérique du Nord, au nom du fournisseur de Pharmascience, [traduction] « [...] ne sera fabriquée que selon le "procédé de mise en suspension" et, finalement, un document qui, selon ce qui est affirmé, a été [...] » transmis par Pharmascience à Santé Canada au sujet de la « méthode de la remise en suspension » . On trouve la phrase suivante dans ce document :

[traduction]

Veuillez prendre note que notre fournisseur de substances pharmaceutiques [...] nous a informé que les substances pharmaceutiques ne seront fabriquées qu'au moyen du procédé de remise en suspension prévu à la troisième étape du procédé.

[79]            J'ai beaucoup de sympathie pour la thèse défendue par les demanderesses. Les éléments de preuve présentés pour le compte de Pharmascience à l'appui de son allégation que la forme II de clarithromycine qu'elle utilisera sera produite exclusivement par la « méthode de la remise en suspension » alors que son fournisseur utilise de toute évidence une méthode de production de rechange, sont en fait à l'abri du contre-interrogatoire. De plus, en s'en remettant aux courriels dont nous venons de faire état, elles recourent à des preuves pour le moins vagues. Rien ne permet de penser que la source de ces renseignements a le pouvoir de donner les assurances qui ont été fournies. De plus, il n'y a absolument rien qui permette de penser comment il pourrait être possible de vérifier si ces assurances ont été respectées.

3)         Conclusion sur la validité de l'avis d'allégation de Pharmascience

[80]            Aux termes de l'article 5 du Règlement, l'avis d'allégation doit contenir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels son auteur se fonde, ce qui ne veut pas dire que l'énoncé détaillé du droit et des faits à l'appui de l'allégation doit être complet à tous les égards. À défaut d'ordonnance de confidentialité, il n'est pas déraisonnable de retenir les détails concernant à tout le moins le fondement factuel de l'allégation. L'avis d'allégation sera suffisant si d'autres détails sont donnés, souvent sinon toujours à la suite du prononcé d'une ordonnance de confidentialité, pour expliquer les raisons pour lesquelles l'allégation d'absence de contrefaçon constitue une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation. Je répète, par souci de commodité, le fondement factuel exposé dans l'avis d'allégation de Pharmascience qui sous-tend la présente instance :


[traduction]

La clarithromycine de PMS [Pharmascience] est produite au moyen d'un procédé qui ne recristallise pas ou ne cristallise pas directement la clarithromycine (sous toutes ses formes) dans la forme II de la clarithromycine et qui ne fait pas appel à un solvant ni à un mélange de solvants. Le procédé utilisé pour produire la forme II de la clarithromycine est une mise en suspension de cristaux de la forme 0 dans l'eau. Le processus de mise en suspension est divulgué dans la demande de PCT n º PCT/US 00/33845 (WO 01/44262).

[81]            La Cour ne dispose d'aucun élément de preuve qui révélerait qu'à la date de l'avis d'allégation, le 21 mai 2002, Pharmascience savait, ou même ignorait, que son fournisseur avait reconnu qu'il employait deux méthodes différentes pour produire la forme II de la clarithromycine, dont une seule comportait la mise en suspension. L'autre procédé pouvait bien [traduction] « [...] recristalliser ou cristalliser directement de la clarithromycine (sous toutes ses formes) dans la forme II de la clarithromycine [...] » en faisant appel à un solvant ou à un mélange de solvants. Par ailleurs, la Cour ne dispose toujours d'aucun élément de preuve tendant à démontrer que ce n'est pas le cas. Autrement dit, Pharmascience n'a pas donné d'autres détails pour expliquer les raisons pour lesquelles l'allégation d'absence de contrefaçon constituait une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation.

[82]            Ce n'est qu'une dizaine de mois après la signification de l'avis d'allégation que Pharmascience a soumis des éléments de preuve suivant lesquels la forme II de clarithromycine qui lui serait fournie par son fournisseur ne serait produite que par la « méthode de la remise en suspension » et, pour les motifs déjà mentionnés, je suis convaincu que ces éléments de preuve sont tout à fait insuffisants.

[83]            Vu l'ensemble des faits de la présente affaire, le troisième critère que la juge Snider a dégagé de la jurisprudence et qui a déjà été cité[28] n'a tout simplement pas été respecté. Bien qu'en l'espèce, les détails complémentaires donnés étaient censés expliciter les faits sur lesquels reposait l'allégation d'absence de contrefaçon, ces autres détails ne constituaient pas une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation. Dix mois après la signification de l'avis d'allégation, alors que la Cour avait rendu une ordonnance de confidentialité, Pharmascience a communiqué des éléments de preuve qui visaient à renforcer son allégation d'absence de contrefaçon. J'estime que ces éléments de preuve son entièrement insatisfaisants. En d'autres termes, les détails supplémentaires qui ont été donnés pour expliquer les raisons justifiant l'allégation d'absence de contrefaçon ne constituaient pas une preuve suffisante pour permettre à la Cour d'évaluer l'allégation.


[84]            Je conclus donc que, lorsqu'on le rapproche des détails communiqués par Pharmascience après le prononcé de l'ordonnance de confidentialité, le fondement factuel contenu dans l'avis d'allégation de Pharmascience est tout simplement insuffisant pour justifier l'avis d'allégation. En d'autres termes, je conclus que, compte tenu du fait que les détails supplémentaires qui ont été communiqués ultérieurement au cours de la présente instance étaient insuffisants, l'avis d'allégation de Pharmascience s'approche d'un abus de procédure et d'un manquement à l'économie du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Les demanderesses obtiendront donc gain de cause sur ce seul moyen. La Cour ne dispose tout simplement d'aucun élément qui lui permettrait de conclure que la forme II de la clarithromycine que Pharmascience utiliserait si un avis de conformité lui était délivré serait fabriqué en totalité au moyen d'un procédé qui ne contrefait pas le brevet 732.

[85]            Bien que je sois convaincu que la conclusion que je viens de tirer scelle le sort de la présente affaire, je vais quand même poursuivre brièvement mon analyse en examinant les questions relatives aux allégations d'absence de contrefaçon et, si la Cour conclut à la contrefaçon, celles concernant l'invalidité du brevet 732 pour cause de portée excessive. Je suis convaincu que la réponse à ces deux questions dépend entièrement de la conclusion qui sera tirée au sujet de la crédibilité des témoins experts des demanderesses, d'une part, et des témoins experts de Pharmascience, d'autre part.

2)         Principes d'interprétation des revendications de brevet

[86]            Dans l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc.[29], le juge Binnie écrit ce qui suit, au nom de la Cour, sous la rubrique « Les principes d'interprétation des revendications d'un brevet » :


Le contenu du mémoire descriptif d'un brevet est régi par l'art. 34 de la Loi sur les brevets. La première partie est une « divulgation » dans laquelle le breveté doit fournir une description de l'invention « comportant des détails assez complets et précis pour qu'un ouvrier, versé dans l'art auquel l'invention appartient, puisse construire ou exploiter l'invention après la fin du monopole » [...] La divulgation est ce que l'inventeur fournit en contrepartie d'un monopole de 17 ans (maintenant 20 ans) sur l'exploitation de l'invention. On peut faire respecter le monopole au moyen de toute une gamme de recours en droit et en equity, de sorte qu'il importe que le public sache ce qui est interdit et ce qu'il peut faire sans risque lorsque le brevet est encore en vigueur. Les revendications qui concluent le mémoire descriptif servent d'avis public et doivent énoncer « distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif » [...] L'inventeur n'est pas tenu de revendiquer un monopole sur tout élément nouveau, ingénieux et utile qui est divulgué dans le mémoire descriptif. La règle habituelle veut que ce qui n'est pas revendiqué soit considéré comme ayant fait l'objet d'une renonciation.

Dans des poursuites en matière de brevet, la première étape consiste donc à interpréter les revendications. L'interprétation des revendications précède l'examen des questions de validité et de contrefaçon.

[renvois omis]

[87]            Les revendications doivent être interprétées selon la méthode téléologique. Le juge Binnie poursuit en déclarant ce qui suit, au paragraphe [45] de ses motifs :

L'interprétation téléologique repose donc sur l'identification par la cour, avec l'aide du lecteur versé dans l'art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l'inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention.

[88]            Il est acquis aux débats que l' « ouvrier » , pour employer le terme retenu par le juge Binnie, ou encore la personne « versée dans l'art auquel l'invention appartient » est, en l'espèce, un chimiste titulaire d'un diplôme de premier cycle en chimie ou en génie chimique qui possède entre deux et cinq ans d'expérience, y compris au niveau de la maîtrise, dans l'élaboration de processus pharmaceutiques. Il est également acquis aux débats que la date déterminante pour l'interprétation du brevet 732 est celle à laquelle le brevet est devenu « accessible au public » ou a été « publié » [30], c'est-à-dire le 5 février 1998.

3)         Interprétation du brevet 732

a)         Introduction

[89]            Les parties devant la Cour divergent d'opinion quant à l'interprétation du mot « traitement » , quant à ce que comprend le matériel de départ (à part le fait qu'on reconnaisse qu'il doit s'agir de la clarithromycine) et quant à toute limite concernant le ratio des constituants du système de solvants lorsqu'il est formé d'éthanol et d'eau. Je traiterai de chacune de ces questions d'interprétation à tour de rôle.

b)         « Traitement »

[90]            L'avocat des demanderesses souligne que le terme « traitement » est défini expressément dans le brevet 732 comme étant « [...] la cristallisation ou la recristallisation de la 6-O-méthylérythromycine A, qui est [aussi] définie dans n'importe lequel des systèmes de solvants décrits [dans la divulgation] » [31]. La 6-O-méthylérythromycine A (clarithromycine, BIAXIN BID®) est définie et décrite dans les termes suivants : [traduction] « [...] un antibiotique semi-synthétique de la classe des macrolides dont la formule est la suivante



6-O-méthylérythromycine A



et qui présente une excellente activité antibactérienne contre les bactéries à Gram positif, certaines bactéries à Gram négatif, certaines bactéries anaérobies, Mycoplasma et Chlamydia. Elle est stable dans des conditions acides et est efficace lorsqu'elle est administrée par voie orale. La clarithromycine est utile contre les infections des voies respiratoires supérieures chez les enfants et les adultes » [32].


[91]            Les systèmes de solvants auxquels on fait référence dans la définition du mot « traitement » sont nombreux et sont cités plus haut dans les présents motifs. Qu'il suffise de dire que l'un des systèmes de solvants auxquels il est fait référence est un mélange éthanol-eau. Les experts des demanderesses définissent la « cristallisation » comme tout procédé utilisé pour arranger ou réarranger les atomes en un solide cristallin. Il n'a pas été vraiment contesté devant la Cour qu'une personne versée dans l'art aurait alors su qu'un tel procédé était une « mise en suspension » , même si c'était par ailleurs un fait connu que la mise en suspension était souvent utilisée à d'autres fins que la purification. On n'a pas contesté non plus le fait que peut-être la méthode la plus courante de cristallisation ou de recristallisation à l'époque dont il est question consistait à dissoudre un solide dans un solvant ou un système de solvants, brisant ainsi complètement la structure cristalline et forçant la molécule résultante à « se déposer hors de la solution » sous une forme solide cristalline différente.

[92]            L'argumentation de Pharmascience reposait sur une définition beaucoup plus restrictive du terme « cristallisation » , qui nécessiterait un refroidissement après la dissolution des cristaux initiaux. Les experts des demanderesses s'accordent pour dire que la cristallisation peut être obtenue de bien d'autres façons que celles décrites dans les textes de chimie de base pour les étudiants de premier cycle sur lesquels s'appuient les experts de Pharmascience. En fait, en contre-interrogatoire, les experts de Pharmascience ont concédé que des personnes versées dans l'art auraient compris à l'époque en cause que la cristallisation pourrait se produire de bien des façons non enseignées dans les textes de base et sans refroidissement. Les experts des demanderesses incluent la « mise en suspension » comme étant l'une de ces façons dont pourrait se faire la cristallisation sans refroidissement.


[93]            À cet égard et tout en reconnaissant les compétences des experts de Pharmascience, je préfère le témoignage des experts des demanderesses et je conclus que le terme « traitement » , pour les besoins de la présente demande, englobe toute méthode de cristallisation de la clarithromycine qui comporte une dissolution dans un des solvants ou systèmes de solvants énumérés dans le brevet 732. Je conclus donc que le terme « traitement » , tel que défini dans le brevet 732, englobe la mise en suspension de la clarithromycine dans n'importe lequel des solvants ou systèmes de solvants énumérés lorsque la forme II de la clarithromycine est la forme cristalline résultante. J'accepte la déposition des experts des demanderesses qui soutiennent qu'un tel procédé aboutit à une transformation médiée par la solution ou à une transformation médiée par le solvant. En dernière analyse, je n'interprète pas les réponses des experts de Pharmascience durant le contre-interrogatoire comme des arguments qui contredisent fondamentalement cette conclusion.

c)         Le composé de départ

[94]            Dans la divulgation du brevet 732 figure la définition suivante :

[traduction]

[...] Le terme « 6-O-méthylérythromycine A » tel qu'il est utilisé ici inclut la forme I ou II de la 6-O-méthylérythromycine A à n'importe quel degré de pureté ou dans tout mélange de cette dernière[33].

           [Non souligné dans l'original]


[95]            Cela étant dit, les revendications en litige ont trait au composé de départ comme étant l'érythromycine A qui est convertie en 6-O-méthylérythromycine A sans que la méthylérythromycine A ne se limite à la forme I ou II. Les demanderesses s'appuient sur l'utilisation du terme « inclut » dans la définition citée plus haut pour étendre l'acception à la méthylérythromycine A dans les revendications concernant toute forme de méthylérythromycine A, qu'il s'agisse de la forme I ou II ou de toute autre forme. Le terme « inclut » utilisé est distingué du terme « signifie » .

[96]            Les experts de Pharmascience reconnaissent qu'une personne versée dans l'art qui lirait le brevet 732 comprendrait qu'il « pourrait y avoir même un plus grand nombre de formes cristallines » que la forme I et la forme II mais ils interprètent, quant à eux, le brevet 732 comme se limitant à la forme I et à la forme II comme matériel de départ.

[97]            Les revendications en litige, en particulier la revendication 1 dont dérivent, soit directement ou indirectement, toutes les autres revendications contestées s'appuient, comme première étape, sur la transformation de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A, telle que définie, mais cette définition est plutôt « inclusive » qu' « exclusive » . Encore une fois, je conclus en faveur de l'interprétation qu'on a fait valoir au nom des demanderesses, à savoir que la référence à la méthylérythromycine A dans les revendications en litige ne se limite pas aux formes I et II, et inclut ce qu'on a désigné au nom de Pharmascience comme étant la « Clarithromycine - brute » .

d)         Les systèmes de solvants

[98]            L'avocat des demanderesses et les experts des demanderesses soulignent que le brevet 732 revendique expressément une cristallisation dans un solvant ou un système de solvants comprenant de [...] et de l'eau sans limiter les ratios des constituants.


[99]            L'avocat de Pharmascience et les experts de Pharmascience indiquent que l'eau, bien qu'elle soit certainement énumérée comme constituant d'un système de solvants, n'est pas elle-même un solvant revendiqué, ce qui constitue une différence par rapport au procédé de mise en suspension du fournisseur de Pharmascience, qui est censé être réalisé dans de l'eau seulement.

[100]        À cet égard, je préfère la position de l'avocat de Pharmascience et des experts de Pharmascience. Je n'interprète pas le brevet 732 comme revendiquant l'usage exclusif de l'eau comme solvant mais son usage possible dans le procédé breveté.

4)          Fardeau de persuasion et fardeau de présentation de la preuve

a)         Concernant l'allégation de contrefaçon

[101]        Lorsque, comme en l'espèce, le brevet en litige est produit selon un brevet de procédé, le paragraphe 6(6) du Règlement présume que le brevet des demanderesses sera contrefait « en l'absence d'une preuve contraire » . Ainsi, bien que, comme elles ont pris l'initiative de la présente demande, les demanderesses aient la charge de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, que le ministre ne devrait pas délivrer d'avis de conformité à Pharmascience, celle-ci a pour sa part la charge de démontrer que son allégation d'absence de contrefaçon est fondée.

b)          L'allégation d'invalidité       


[102]        Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets[34] dispose :


43.(2) Une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionnée aux articles 44 ou 45.


43.(2) After the patent is issued, it shall, in the absence of any evidence to the contrary, be valid and avail the patentee and the legal representatives of the patentee for the term mentioned in section 44 or 45, whichever is applicable.


[103]        Dans le jugement McPhar Engineering Co. of Canada Ltd. c. Sharpe Instruments Ltd.[35], le président Thorson écrit, à la page 129 :

[traduction]

Il faut déduire de la disposition de la Loi [une disposition sur le prédécesseur ayant le même effet que le paragraphe 43(2)] qu'un brevet accordé en vertu de cette Loi « est par la suite prima facie valide » et accorde au breveté et à ses représentants légaux, pendant la durée du brevet, un avantage, à savoir que la charge de prouver que le brevet est invalide incombe à la personne qui conteste le brevet, quel que soit le motif de contestation, et que la présomption légale de validité subsiste tant qu'il n'a pas été clairement prouvé que le brevet est invalide.

Cela ne signifie pas que le brevet ne peut être attaqué, ni que le titulaire du brevet s'est libéré des obligations qui lui incombent du fait que son produit a été examiné aux fins de l'octroi du brevet qui lui assure le monopole, mais il semble clair que le Parlement, ayant délibérément conféré une présomption de validité pour les brevets accordés aux termes de la Loi, n'a pas eu l'intention de faciliter la tâche à ceux qui tentent de prouver l'invalidité de ce brevet.

[104]        Dans le jugement SmithKline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc.[36], après avoir cité la décision qui précède, j'ai écrit, au paragraphe [14] :


Dans cette perspective, je conclus ceci : le « fardeau de présentation de la preuve » qui incombe à Apotex [en l'espèce, à Pharmascience] étant d'établir que chacune des questions que soulève son avis d'allégation est mise en jeu, si elle s'acquitte de cette charge, le « fardeau de persuasion » repose ensuite sur SmithKline [en l'espèce, sur les demanderesses]. Dans l'hypothèse où Apotex parvient à établir que la validité du brevet 637 est mise en jeu, SmithKline a le droit de s'appuyer sur la présomption de validité du brevet prévue au paragraphe 43(2) de la Loi.

c)         Conclusion sur le fardeau de persuasion et sur le fardeau de présentation de la preuve

[105]        Vu l'ensemble de la preuve dont je dispose, je suis convaincu, en tenant pour acquis, pour le moment, que l'avis d'allégation de Pharmascience est suffisant, que Pharmascience a réussi à démontrer que la question de l'absence de contrefaçon et celle de la portée excessive sont « mises en jeu » et que, suivant l'interprétation que j'ai donnée au brevet 732 plus haut dans les présents motifs, le témoignage de ses experts a permis aux demanderesses de se décharger du « fardeau de persuasion » ou du « fardeau de présentation de la preuve » qui leur incombait. Je suis donc persuadé que le « fardeau de présentation de la preuve » revient à Pharmascience en ce qui concerne chacune des questions relatives à l'absence de contrefaçon et à la portée excessive.

[106]        Pour les brefs motifs qui suivent, je suis convaincu que Pharmascience ne s'est pas déchargée de son fardeau de présentation de la preuve en ce qui concerne l'une ou l'autre de ses allégations.

5)         L'allégation d'absence de contrefaçon : transformation à l'état solide ou transformation solide-solide, ou cristallisation ou recristallisation

[107]        Au paragraphe 6 du mémoire des faits et du droit déposé au nom des demanderesses, l'avocat écrit :


[traduction]

Une « suspension » est simplement un mélange de solide et de liquide. En l'occurrence, [Pharmascience] dit que le procédé [de son fournisseur] comporte une mise en suspension de cristaux de la forme 0 pour produire la forme II [clarithromycine]. Bien qu'il y ait un certain nombre d'autres questions incidentes, la principale question est celle de savoir si la transformation des cristaux dans la suspension [de Pharmascience] comporte une cristallisation (qui serait une contrefaçon) ou une transformation à l'état solide (qui ne serait pas une contrefaçon).

[108]        J'estime que le paragraphe qui précède constitue une bonne synthèse de la question de la contrefaçon ou de l'absence de contrefaçon que soulève la présente demande. Compte tenu de l'interprétation du brevet 732 que j'ai déjà donnée dans les présents motifs, le sort de cette question dépend entièrement de l'évaluation du témoignage des experts qui ont été appelés à la barre par les demanderesses et par Pharmascience.

[109]        Pharmascience soutient dans son avis d'allégation que [traduction] « [...] il ressort clairement des textes de base en chimie que la cristallisation et la recristallisation comportent une dissolution de la matière brute puis un refroidissement du mélange de façon que le soluté cristallise » [37].


[110]        À l'appui de la proposition qui précède, Pharmascience cite ce que l'expert des demanderesses appelle des « textes de base » publiés en 1973 et en 1978, un ouvrage publié en 1987 intitulé Condensed Chemical Dictionary, Eleventh Edition, et un ouvrage publié en 1996, le Ready Reference Handbook, 4th edition. L'avocat des demanderesses affirme qu'il s'agit de traités élémentaires et que tous les experts qui ont témoigné au procès, de même que M. Leonard Chyall, qui a mené les essais au nom des demanderesses, s'entendent pour dire que la cristallisation est un concept beaucoup plus vaste que ce que prétend Pharmascience dans son avis d'allégation.

[111]        Les experts des demanderesses décrivent la mise en suspension comme une méthode de recristallisation « continue » souvent décrite comme une « transformation médiée par une solution » ou « transformation médiée par un solvant » parce que la recristallisation se fait par dissolution partielle dans le solvant pour former une solution qui mène à son tour à une recristallisation, ce qui laisse « place » à une dissolution et à une recristallisation subséquente et ainsi de suite.

[112]        Les experts de Pharmascience reconnaissent qu'une transformation médiée par une solution est une « cristallisation » telle que revendiquée dans le brevet 732.

[113]        Comme je l'ai énoncé précédemment dans ces motifs, je suis persuadé, d'après la preuve présentée à la Cour, qu'à la date en question, les transformations médiées par une solution ou les transformations par mise en suspension seraient des procédés connus par les personnes ayant des compétences moyennes dans l'art et le fait que la mise en suspension ou les transformations médiées par une solution ne sont pas expressément décrites dans le brevet 732 n'exclut pas ces procédés de la portée du brevet 732.

[114]        L'argument présenté au nom de Pharmascience selon lequel la transformation dans le procédé du fournisseur a lieu dans l'eau et non dans un solvant ou un système de solvants divulgué dans le brevet 732 n'est tout simplement pas défendable. On n'a pas contesté que la matière cristalline de départ utilisée par le fournisseur de Pharmascience contenait [...] et que ce [...] se mélangerait avec l'eau utilisée par le fournisseur de Pharmascience dans le procédé de mise en suspension, ce qui produirait un solvant ou un système de solvants divulgué dans le brevet 732, c'est-à-dire un système de solvants composé d'eau et [...]. Le brevet 732 ne mentionne aucune limite pour les proportions d'eau et de [...] dans le système de solvants divulgué. Bien que les experts de Pharmascience aient accordé beaucoup d'importance à la quantité limitée de [...] qui formerait une partie du système de solvants dans le procédé de mise en suspension, je suis convaincu qu'il ne s'agit pas d'une question pertinente et que, quelle que soit la proportion de [...], elle serait suffisante pour que la matière mise en suspension utilisée par le fournisseur de Pharmascience entre dans la gamme des solvants et des systèmes de solvants divulgués dans le brevet 732.


[115]        Bien que l'avocat de Pharmascience table beaucoup sur le témoignage donné par un de ses experts au sujet des essais qu'il a menés en vue de démontrer le bien-fondé de la théorie de la transformation à l'état solide et de la transformation solide-solide, je suis convaincu que les éléments de preuve présentés en réponse à ces essais, le contre-interrogatoire de l'expert de Pharmascience au sujet de ces essais et le témoignage donné en réponse par M. Chyall relativement à ces essais sont suffisants pour justifier la conclusion qu'il est beaucoup plus probable que la présumée transformation à l'état solide ou la transformation solide-solide soit une cristallisation ou une recristallisation médiée par une solution.

[116]        En conséquence, compte tenu de l'ensemble des témoignages des experts et des éléments de preuve relatifs aux essais cliniques qui ont été portés à la connaissance de la Cour, je suis persuadé que l'allégation d'absence de contrefaçon du fait que le procédé du fournisseur de Pharmascience implique une transformation à l'état solide ou une transformation solide-solide plutôt qu'une cristallisation ou une recristallisation tombant sous le coup du brevet 732 n'a tout simplement pas été établie. Il s'ensuit que je suis également convaincu que Pharmascience ne s'est pas acquitté de son fardeau de présentation de la preuve qui l'obligeait à démontrer le bien-fondé de son allégation d'absence de contrefaçon.

6)         L'allégation d'invalidité : portée excessive

[117]        On trouve ce qui suit dans l'avis d'allégation de Pharmascience :

[traduction]

À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour conclurait que les produits de [Pharmascience] sont visés par les revendications 16 à 21 du brevet 732, les revendications du brevet ont une portée plus large que l'invention réalisée et divulguée[38].


[118]        Je conclus que, s'ils sont lancés sur le marché canadien, les « produits [de Pharmascience] » contreferaient le brevet 732 ou, en d'autres termes, qu'ils « sont visés par les revendications 16 à 21 du brevet 732 [...] » . Je vais donc me pencher brièvement sur l'allégation d'invalidité pour cause de portée excessive.

[119]        L'allégation d'invalidité repose sur la définition du terme « traitement » que l'on trouve dans le brevet 732, sur l'allégation que le brevet 732 se limite à une cristallisation et à une recristallisation comportant une dissolution de la matière brute, suivie d'un refroidissement du mélange de façon que les solutés cristallisent, et enfin sur l'allégation que l'eau seule ne se trouve pas parmi les solvants ou les systèmes de solvants visés par le brevet 732. En conséquence, on soutient que, si les produits de Pharmascience sont visés par les revendications 16 à 21, et c'est ce que j'ai conclu, ces revendications ont alors une portée plus large que l'invention réalisée et divulguée.

[120]        Plus tôt dans les présents motifs, j'ai interprété le brevet 732 d'une manière qui se rapproche davantage de l'interprétation que préconisent les demanderesses que de celle que propose Pharmascience. J'ai conclu que, sans en dénaturer le sens courant, le mot « traitement » devait être interprété de façon plutôt large. J'ai aussi accepté le témoignage des experts des demanderesses suivant lequel la cristallisation et la recristallisation peuvent être réalisées au moyen d'une gamme assez vaste de techniques et que la personne raisonnablement versée dans l'art saurait que la mise en suspension est au nombre de ces techniques.


[121]        Finalement, j'ai déjà conclu que le procédé de mise en suspension utilisé par le fournisseur de Pharmascience ne consiste pas en une simple mise en suspension dans l'eau, mais qu'il s'agit d'une mise en suspension dans un mélange d'eau et de solvants ou de mélange de solvants visés par le brevet 732.

[122]        Vu ce qui précède, je suis convaincu qu'une interprétation de la divulgation du brevet 732 qui serait assez large pour englober le procédé que le fournisseur de Pharmascience utilise ou se propose d'utiliser est tout à fait acceptable et que les revendications du brevet ne déborde pas de ce fait le cadre de l'exposé de l'invention ou des revendications sur lesquelles il repose. Autrement dit, je suis convaincu, d'après la preuve soumise à la Cour, que Pharmascience ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer le bien-fondé de l'allégation d'invalidité des revendications 16 à 21 du brevet 732 pour cause de portée excessive.

CONCLUSION


[123]        En résumé, je conclus que les demanderesses se sont acquittées du fardeau qui leur incombait de démontrer que l'avis d'allégation de Pharmascience ne satisfait pas aux exigences du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et qu'en conséquence, l'avis d'allégation ne suffit pas pour permettre à Pharmascience d'obtenir gain de cause dans la présente demande. Je conclus également que les demanderesses se sont déchargées du fardeau qui leur incombait de démontrer que les allégations de Pharmascience suivant lesquelles ses comprimés de 250 mg et de 500 mg de clarithromycine qu'elle a demandé l'autorisation de commercialiser au Canada dans une présentation abrégée de drogue nouvelle se traduirait, si cette autorisation était accordée, par une contrefaçon du brevet 732, auquel cas, le brevet ne serait pas invalide en raison de la portée excessive des revendications 16 à 21 du brevet. En d'autres termes, et plus simplement, les demanderesses obtiennent gain de cause sur tous les aspects de la présente demande. La Cour prononcera donc une ordonnance interdisant au défendeur, le ministre de la Santé, de délivrer à Pharmascience un avis de conformité pour ses comprimés de 250 mg et de 500 mg de clarithromycine jusqu'à l'expiration du brevet canadien no 2261732.

Dépens

[124]        En ce qui concerne les demanderesses et Pharmascience, sauf disposition contraire de toute autre ordonnance de la Cour, les demanderesses ont droit à leurs dépens, qui devront être calculés selon l'échelle ordinaire, à moins que, dans les quatorze (14) jours de la date de la présente ordonnance, les demanderesses s'adressent à la Cour pour lui demander d'ordonner que leurs dépens soient taxés selon une autre méthode. Si une telle demande est présentée, Pharmascience aura le droit de déposer et de signifier une réponse, et les demanderesses auront le droit de déposer et de signifier une réplique, le tout en conformité avec les Règles de la Cour. Cette demande peut être présentée conformément à l'article 369 ou être présentable au lieu et à la date jugés satisfaisants par la Cour et les avocats.

[125]        Aucuns dépens ne sont adjugés pour ou contre le ministre de la Santé défendeur.

« Frederick E. Gibson »


______________________________

             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 1er octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                          ANNEXE

                               (Revendications 1, 2 et 3 et 15 à 21 du brevet canadien

                                                n º 2 261 732; voir le paragraphe 10 des motifs)

1.              Une méthode de préparation de la forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A, qui comporte les étapes suivantes :

a)             la transformation de l'érythromycine A en 6-O-méthylérythromycine A;

b)             le traitement de la 6-O-méthylérythromycine A préparée à l'étape a) avec un solvant choisi dans le groupe comprenant :

(i)            un alcanol possédant de 1 à 5 atomes de carbone, à la condition que ledit alcanol ne soit ni de l'éthanol ni de l'alcool isopropylique,

(ii)           un hydrocarbure possédant de 5 à 12 atomes de carbone,

(iii)          une cétone possédant de 3 à 12 atomes de carbone,

(iv)          un carboxylate possédant de 3 à 12 atomes de carbone, à la condition que ledit carboxylate ne soit pas de l'acétate d'isopropyle,

(v)           un éther possédant de 4 à 10 atomes de carbone,

(vi)          du benzène,

(vii)         du benzène substitué avec un ou plusieurs groupements choisis parmi :

un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone,

un alcoxy possédant de un à quatre atomes de carbone,

un groupement nitro,

un halogène,

(viii)        un solvant aprotique polaire,

(ix)           un composé de formule HNR1R2, dans laquelle R1 et R2 sont de l'hydrogène ou un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone, à la condition que R1 et R2 ne soient pas tous les deux de l'hydrogène,

(x)            de l'eau et un solvant miscible à l'eau choisi dans le groupe comprenant :

un solvant organique miscible à l'eau, et


un alcanol miscible à l'eau,

(xi)           du méthanol et un second solvant choisi dans le groupe comprenant :

un hydrocarbure possédant de 5 à 12 atomes de carbone,

un alcanol possédant de 2 à 5 atomes de carbone,

une cétone possédant de 3 à 12 atomes de carbone,

un carboxylate possédant de 3 à 12 atomes de carbone,

un éther possédant de 4 à 10 atomes de carbone,

du benzène, et

du benzène substitué par un ou plusieurs groupements choisis parmi :                                                                                               

un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone,

un alcoxy possédant de un à quatre atomes de carbone,

un groupement nitro,

un halogène, et

(xii)          un hydrocarbure possédant de 5 à 12 atomes de carbone et un second solvant choisi dans le groupe comprenant :

une cétone possédant de 3 à 12 atomes de carbone,

un carboxylate possédant de 3 à 12 atomes de carbone,

un éther possédant de 4 à 10 atomes de carbone,

du benzène,

du benzène substitué par un ou plusieurs groupements choisis parmi :

un alkyle possédant de un à quatre atomes de carbone,

un alcoxy possédant de un à quatre atomes de carbone,

un groupement nitro, et

un halogène, et

un solvant aprotique polaire;


(c)            la séparation des cristaux de la forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A.

2.             Le procédé cité à l'étape (a) de la revendication I comprend

(i)            la transformation de l'érythromycine A en érythromycine A 9-oxime

(ii)           la protection des groupes hydroxy des positions 2' et 4" du dérivé obtenu à l'étape (i);

(iii)           la réaction du produit de l'étape (ii) avec un agent méthylant;

(iv)           l'élimination des groupements protecteurs des groupes hydroxy des positions 2' et 4" et la désoximation du produit de l'étape (iii) pour former la 6-O-méthylérythromycine A.

3.             Une méthode selon la revendication 2 où le solvant comprend de l'eau et un solvant organique miscible à l'eau ou un alcanol miscible à l'eau.

[...]

15.           Une méthode selon la revendication 2 où le solvant est choisi dans le groupe comprenant :

acétone,

heptane,

toluène,

oxyde de tert-butyle et de méthyle,

N,N.-diméthylformamide,

acétate d'éthyle,

xylène,

mélange alcool isopropylique-eau,

mélange tétrahydrofurane-eau,

mélange éthanol-eau,

éther,

acétate de pentyle,

mélange acétate d'isopropyle-méthanol,


oxyde de diisopropyle,

butaavis d'allégationte d'isopropyle,

isopropylamine,

mélange méthanol-éthanol.

16.           La forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A préparée selon le procédé cité à la revendication 2.

17.            La forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A préparée selon le procédé cité à la revendication 3.

18.           La forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A préparée selon le procédé cité à la revendication 9.

19.           La forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A préparée selon le procédé cité à la revendication 13.

20.            La forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A préparée selon le procédé cité à la revendication 15.

21.            La forme II cristalline de la 6-O-méthylérythromycine A préparée selon le procédé cité à la revendication 1.


                                                                     COUR FÉDÉRALE

                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-1035-02

INTITULÉ :               LABORATOIRES ABBOTT ET AL. c. MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL.

                                                                 

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 8 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                   Le 1er octobre 2004

COMPARUTIONS :

William Richardson

Steven G. Mason

Marcus Klee

POUR LA DEMANDERESSE

C. Hitchman

P. Bremner

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE              

HITCHMAN & SPRINGINGS

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



[1]         DORS/93 - 133.

[2]         (1997), 74 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), à la page 314.

[3]         Voir le dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 15B, aux pages 305 à 309.

[4]         Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 13, aux pages 098 et 099.

[5]         Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 14, à la page 198.

[6]       Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 15, à la page 255.

[7]       Dossier de Pharmascience, volume 1, onglet 3, page 111.

[8]       Dossier de Pharmascience, volume II, onglet 4, aux pages 240 et 241.

[9]         Une copie des motifs ne portant pas de signature a été remise aux avocats pour leur permettre de formuler des observations au sujet du respect de l'ordonnance de confidentialité relativement à cette question. Les avocats ont formulé des observations que la Cour a reçues. Certains passages ont donc été expurgés de ces motifs aux paragraphes 40, 42, 54, 60, 61, 62, 78, 98, 114 et 121. Une copie signée non expurgée de ces motifs a été versée au dossier dans une enveloppe scellée.

[10]      Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 13, aux pages 100 et 101.

[11]      Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 13, pages 101 et 102.

[12]      Dossier de la demande des demanderesses, volume IV, onglet 21, aux pages 684 et 685.

[13]      Dossier des défendeurs, volume IV, onglet 7, aux pages 941 et 942.

[14]      Dossier des défendeurs, volume IV, onglet 7, à la page 750.

[15]      Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 14, à la page 201.

[16]      Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 15, à la page 256.

[17]      Dossier de la demande des demanderesses, volume II, onglet 15, aux pages 272 et 273.

[18]      Dossier de Pharmascience, volume I, onglet 3, à la page 140.

[19]      Dossier de Pharmascience, volume I, onglet 3, à la page 143.

[20]      Dossier de la demande des demanderesses, volume IV, onglet 23, aux pages 793 et 794.

[21]      Dossier de Pharmascience, volume II, onglet 4, aux pages 242 et 243.

[22]      Dossier de Pharmascience, volume II, onglet 4, aux pages 263 et 264.

[23]      Dossier de Pharmascience, volume II, onglet 4. Les deux premiers extraits cités sont tirés des paragraphes 94 et 95, page 267. Le troisième paragraphe cité est le paragraphe 81 de la page 263.

[24]       Voir Compagnie pharmaceutique Proctor & Gamble Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 1 C.F. 402, aux paragraphes [21] à [26] (C.A.F.).

[25]       Voir AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.).

[26]       Voir l'affidavit de M. Leonard Neirinck, dossier de Pharmascience, volume I, onglet 2, paragraphes 5 à 9, aux pages 87 et 88 et annexes connexe. M. Neirinck a souscrit son affidavit le 19 mai 2003.

[27]       [2004] A.C.F. no 326 (Q.L.).

[28]       Supra, paragraphe [74] et note 26.

[29]       [2000] 2 R.C.S. 1067, à la page 1088.

[30]       Voir : Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, au paragraphe [54], à la page 1055.

[31]       Dossier de la demande des demanderesses, volume III, onglet 16A, à la page 347.

[32]       Dossier de la demande des demanderesses, volume III, onglet 16A, à la page 345.

[33]      Dossier de la demande des demanderesses, volume III, onglet 16A, à la page 347.

[34]       L.R.C. 1985, ch. P-4.

[35]       (1961), 35 C.P.R. 105 (Cour de l'Éch.).

[36]       [2002] 4 C.F. 518, (2001), 14 C.P.R. (4th) 76, confirmé à [2003] 1 C.F. 118, (2002), 21 C.P.R. (4th) 129.

[37]       Dossier de la demande des demanderesses, volume 3, onglet 16B, à la page 395.

[38]      Dossier de la demande des demanderesses, volume III, onglet 16B, à la page 394.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.