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Date : 20060222

Dossier : T-2192-04

Référence : 2006 CF 236

Ottawa (Ontario), le 22 février 2006

En présence de monsieur le juge Blanchard

ENTRE :

ABDELHAMID ABDESSADOK

Demandeur

- et -

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU

CANADA AVANT APPELÉE AGENCE

DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Défenderesse

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

1.          Introduction

[1]                Il s'agit d'une demande de prorogation du délai de 90 jours prévu à l'article 129 de la Loi sur les douanes, L.R. (1985) ch. 1 (2e suppl), (la Loi). Cette demande de prorogation de délai est fondée sur l'article 129.2 de la Loi, et vise à permettre au demandeur, Abdelhamid Abdessadok, de présenter une demande au Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le Ministre) en vue de lui faire rendre la décision prévue à l'article 131 de la Loi.

[2]                Il est demandé à la Cour fédérale :

1)       De déclarer que les droits linguistiques du demandeur ont été violes;

2)       De rejeter la décision de Mme Lemay, Gestionnaire à la Section de l'arbitrage (Est) pour le Ministre, refusant d'accorder la prorogation de délai au nom du Ministre, en vertu de l'article 129.1 de la Loi;

3)       D'octroyer au demandeur un délai raisonnable lui permettant de déposer la demande ministérielle prévue aux articles 129 et 131 de la Loi;

4)       De réserver les recours du demandeur en ce qui a trait aux dommages subis par celui-ci en conséquence des présentes; et

5)       Le tout avec dépens.

2.          Les Faits

[3]                En mars 2000, l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada, maintenant appelée l'Agence des Services frontaliers du Canada (ci-après, l'Agence), a entrepris une enquête sur des déclarations de valeurs qu'une compagnie, Canadian Sunrise, aurait faites lors de l'importation d'équipement satellite. Yehia Ahmad est le propriétaire inscrit de la compagnie, mais le demandeur a présenté et a signé plusieurs formulaires intitulés « Douanes Canada - formule de codage » (Customs B3 Coding Forms) au nom de la compagnie.

[4]                Le 27 février 2003, Curtis Young, l'enquêteur de l'Agence, et son collègue, Georges Routhier, ont visité le demandeur à sa résidence pour lui remettre une assignation à comparaître relative à des accusations criminelles concernant ces importations. M. Routhier est bilingue et il s'est adressé au demandeur en français lors de la visite.

[5]                Le 10 juin 2003, M. Young a envoyé une lettre à M. Ahmad et au demandeur les informant qu'ils ont commis une infraction à la Loi et qu'en conséquence, ils doivent payer à Sa Majesté la somme de $34 155,24. La page introductive est rédigée uniquement en anglais. Cependant, l'envoi comprend divers documents, notamment un « avis de confiscation compensatoire » . Ce document est également rédigé en anglais mais le formulaire contient de l'information dans les deux langues officielles, dont les mots suivants en français : « Le paiement de $34,155.24 est par ces présentes demandé » . Les renseignements relatifs au droit d'appel sont rédigés dans les deux langues officielles.

[6]                Le 3 novembre 2003, Mme S. Phelps, une agente dans le bureau de « Recouvrement des douanes » de l'Agence a envoyé une lettre au demandeur, dans laquelle elle lui explique que le délai pour interjeter appel de l'avis de confiscation compensatoire a expiré et que la somme de $34 572,75 doit être payée immédiatement. La lettre est uniquement en anglais et est adressée seulement au demandeur et non pas à M. Ahmad.

[7]                Le 16 avril 2004, l'épouse du demandeur, Seloua Askri, appelle M. Young pour lui demander pourquoi le retour d'impôt du demandeur a été retenu. M. Young lui explique que son retour d'impôt pouvait être retenu pour compenser la dette due à l'État. Il recommande aussi que le demandeur loge un appel le plus tôt possible puisqu'il avait déjà dépassé le délai de 90 jours pour faire une demande aux termes de l'article 129 de la Loi.

[8]                Le 4 juin 2004, l'avocat du demandeur fit parvenir une lettre à l'Agence, requérant au Ministre la prorogation du délai en vertu de l'article 129.1 de la Loi. Dans cette lettre, écrite en anglais, son avocat soutient que le demandeur n'a pas présenté une demande auprès du Ministre dans le délai prescrit car toutes les correspondances envoyées par l'Agence au demandeur sont en anglais, et il ajoute que le demandeur ne comprend pas l'anglais.

[9]                Dans une lettre datée le 8 septembre 2004 et écrite en français, Mme Michèle Lemay, Gestionnaire à la Section de l'arbitrage (Est), Direction des appels des douanes et Direction générale de l'admissibilité pour le Ministre, fait part au demandeur de la décision du Ministre de rejeter sa demande de prorogation du délai. Mme Lemay explique que, après avoir étudié les exposés que le demandeur a fournis ainsi que les rapports de l'Agence, elle a décidé de ne pas faire droit à la demande de prorogation car le demandeur n'a pas respecté les critères régissant l'octroi d'une prorogation tels qu'énoncés au paragraphe 129.1(5). À titre de renseignement additionnel, elle a joint une copie de l'article 129.2 qui explique comment le demandeur peut en appeler de la décision auprès la Cour fédérale incluant l'avis « que vous devez déposer un appel auprès de la Cour fédérale dans les 90 jours suivant la date de cet avis » .

[10]            Le demandeur a déposé son avis de demande à la Cour fédérale le mercredi 8 décembre 2004.

3.          Questions Litigieuses

[11]            Les questions en litige peuvent être formulées comme suit :

1)       La Cour a-t-elle compétence pour entendre la demande fondée sur l'article 129.2 de la Loi?

2)       Est-ce que les droits linguistiques du demandeur ont été violés?

3)       Le demandeur, rencontre-t-il les conditions du paragraphe 129.2(4) de la Loi sur les douanes?

4.          Les Dispositions Législatives Pertinentes

[12]            Le montant réclamé dans l'avis de confiscation compensatoire constitue une créance de Sa Majesté, laquelle est définitive et n'est pas susceptible de révision sauf en présentant une demande aux termes de l'article 129 en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l'article 131.

[13]            Selon l'article 129.1, une personne qui n'a pas présenté sa demande dans le délai prescrit par l'article 129 peut demander au Ministre une prorogation de délai pour faire une demande en vertu de l'article 131. L'article 129.1 se lit comme suit :

129.1 (1) La personne qui n'a pas présenté la demande visée à l'article 129 dans le délai qui y est prévu peut demander par écrit au ministre de proroger ce délai, le ministre étant autorisé à faire droit à la demande.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles la demande visée à l'article 129 n'a pas été présentée dans le délai prévu.

(3) Il incombe à la personne qui affirme avoir présenté la demande de prorogation visée au paragraphe (1) de prouver qu'elle l'a présentée.

(4) Dès qu'il a rendu sa décision, le ministre en avise par écrit la personne qui a demandé la prorogation.

(5) Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l'année suivant l'expiration du délai prévu à l'article 129;

b) l'auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l'article 129, il n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention de demander une décision,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

129.1 (1) If no request for a decision of the Minister is made under section 129 within the time provided in that section, a person may apply in writing to the Minister for an extension of the time for making the request and the Minister may grant the application.

(2) An application must set out the reasons why the request was not made on time.

(3) The burden of proof that an application has been made under subsection (1) lies on the person claiming to have made it.

(4) The Minister must, without delay after making a decision in respect of an application, notify the applicant in writing of the decision.

(5) The application may not be granted unless

(a) it is made within one year after the expiration of the time provided in section 129; and

(b) the applicant demonstrates that

(i) within the time provided in section 129, the applicant was unable to request a decision or to instruct another person to request a decision on the applicant's behalf or the applicant had a bona fide intention to request a decision,

(ii) it would be just and equitable to grant the application, and

(iii) the application was made as soon as circumstances permitted.

[14]            Même si le Ministre rejette la demande de prorogation, la personne peut demander à la Cour fédérale de proroger le délai. L'avis de demande doit être déposé au Greffe de la Cour dans les 90 jours suivant le rejet de la demande par le Ministre, et la Cour ne doit accueillir la demande que si les conditions énoncées au paragraphe 129.2(4) sont réunies.

129.2 (1) La personne qui a présenté une demande de prorogation en vertu de l'article 129.1 peut demander à la Cour fédérale d'y faire droit :

a) soit après le rejet de la demande par le ministre;

b) soit à l'expiration d'un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la présentation de la demande, si le ministre ne l'a pas avisée de sa décision.

La demande fondée sur l'alinéa a) doit être présentée dans les quatre-vingt-dix jours suivant le rejet de la demande.

(2) La demande se fait par dépôt auprès du ministre et de l'administrateur de la Cour d'une copie de la demande de prorogation présentée en vertu de l'article 129.1 et de tout avis donné à son égard.

(3) La Cour peut rejeter la demande ou y faire droit. Dans ce dernier cas, elle peut imposer les conditions qu'elle estime justes ou ordonner que la demande soit réputée avoir été présentée à la date de l'ordonnance.

(4) Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande de prorogation a été présentée en vertu du paragraphe 129.1(1) dans l'année suivant l'expiration du délai prévu à l'article 129;

b) l'auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l'article 129, il n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention de demander une décision,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

129.2 (1) A person may apply to the Federal Court to have their application under section 129.1 granted if

(a) the Minister dismisses that application; or

(b) ninety days have expired after the application was made and the Minister has not notified the person of a decision made in respect of it.

If paragraph (a) applies, the application under this subsection must be made within ninety days after the application is dismissed.

(2) The application must be made by filing a copy of the application made under section 129.1, and any notice given in respect of it, with the Minister and the Administrator of the Court.

(3) The Court may grant or dismiss the application and, if it grants the application, may impose any terms that it considers just or order that the request under section 129 be deemed to have been made on the date the order was made.

(4) The application may not be granted unless

(a) the application under subsection 129.1(1) was made within one year after the expiration of the time provided in section 129; and

(b) the person making the application demonstrates that

(i) within the time provided in section 129 for making a request for a decision of the Minister, the person was unable to act or to instruct another person to act in the person's name or had a bona fide intention to request a decision,

(ii) it would be just and equitable to grant the application, and

(iii) the application was made as soon as circumstances permitted.

5.          Analyse

A.            La Cour a-t-elle compétence pour entendre cette demande?

[15]            La défenderesse soutient que le demandeur a déposé son avis de demande en retard, soit 91 jours après le rejet de sa demande de prorogation. Par conséquent, la défenderesse prétend que ce défaut prive la Cour de sa compétence pour entendre la demande du demandeur.

[16]            Le demandeur soutient que le délai ne commence à courir qu'au jour où il a reçu l'avis, soit le 10 septembre 2004. Cet argument n'est pas fondé. La Loi prévoit que le délai de 90 jours commence à courir à la date de l'avis et non pas à la date à laquelle le demandeur a reçu l'avis. Selon l'article 149, la date inscrite sur l'avis, sauf preuve contraire, est aussi la date de mise à la poste et la date de rejet de la demande par le Ministre au sens de l'alinéa 129.2(1)a).

149. Pour l'application de la présente loi, la date des avis ou préavis prévus par cette loi ou ses règlements est, en cas d'envoi par la poste, réputée celle de leur mise à la poste, cette dernière date étant, sauf preuve contraire, celle qu'ils semblent indiquer comme telle, à moins de contestation par le ministre, son délégué ou celui de Sa Majesté.

149. For the purposes of this Act, the date on which a notice is given pursuant to this Act or the regulations shall, where it is given by mail, be deemed to be the date of mailing of the notice, and the date of mailing shall, in the absence of any evidence to the contrary, be deemed to be the day appearing from such notice to be the date thereof unless called into question by the Minister or by some person acting for him or Her Majesty.

[17]            La date indiquée sur la décision de Mme Lemay rejetant la demande du demandeur est le 8 septembre 2004. Par conséquent, le demandeur devait déposer son avis de demande au plus tard le mardi 7 décembre 2004.

[18]            La question de savoir si la Cour pourrait prorogé un délai prescrit par loi à sa discrétion. Le demandeur prétend que la Cour doit tenir compte des circonstances exceptionnelles de la présente affaire à savoir :

a)       que le demandeur agit sans représentation légale dans l'instance (il soutient n'être représenté par avocat que dans le dossier criminel parallèle à celui-ci);

b)       que le demandeur croyait véritablement tout au long du processus que le délai de 90 jours prévu dans la Loi commençait à courir au moment où il a reçu la décision;

c)       que de toute manière, le demandeur n'a dépassé le délai que par moins de 24 heures; et

d)       que la défenderesse ne subit aucun préjudice.

[19]            À l'appui de sa prétention selon laquelle la Cour peut considérer des circonstances exceptionnelles pour proroger le délai, le demandeur renvoie à la décision, Sharma c. Ministre du Revenu national, [1994] F.C.J. no. 344 (QL). Dans Sharma, Monsieur le juge MacKay a conclu que la Loi ne donne pas à la Cour la discrétion de proroger d'un délai sauf en cas exceptionnel. Le juge renvoie également à une décision dans laquelle la Cour fédérale a octroyé une demande de prorogation : Dawe c. Canada, [1993] F.C.J. no 504 (QL).

[20]            Je suis d'avis que la décision Sharma n'est d'aucun secours au demandeur. En appel, la Cour d'appel fédérale dans Sharma, [1998] A.C.F. no 421 (QL) a dû se prononcer sur la question des circonstances exceptionnelles dans l'espèce. La Cour d'appel note qu'après que la décision de Monsieur le juge MacKay ait été signée, la Cour d'appel a renversé la décision de la Cour de première instance dans Dawe. Par conséquent, dans Sharma la Cour d'appel, compte tenu de sa décision dans Dawe, a aussi rejeté l'appel devant elle.

[21]            Dans l'affaire Dawe c. Canada, [1994] A.C.F. no. 1327 (QL), la Cour d'appel fédérale a été saisie d'un cas où un appel sous le régime de l'article 135 de la Loi a été déposé en dehors du délai de 90 jours. Le juge des requêtes avait autorisé la prolongation sous le régime des Règles de la Cour fédérale, (1998) (les Règles). La Cour d'appel fédérale conclut que la Cour de première instance n'avait pas compétence pour proroger un délai de prescription fixé par la loi. Au paragraphe 18, Monsieur le juge Létourneau dit que :

En premier lieu, les délais de prescription sont nécessités par des principes très fondamentaux liés à l'administration efficiente et adéquate de la justice. Les litiges doivent prendre fin pour que les jugements et les décisions puissent être exécutés. Les délais de prescription sont conçus en fonction de la réalisation de cet objectif et on ne peut en faire fi. On ne peut non plus, comme je l'ai déjà souligné, y renoncer ou les proroger en l'absence d'une disposition législative claire : les Règles de la Cour ne peuvent être utilisées pour étendre ou réduire le délai prescrit par une loi [renvois omis].

[22]            En outre, la Cour d'appel affirme que le délai de prescription de 90 jours est long et raisonnable si on le compare à la période de 30 jours au cours de laquelle il est habituellement possible d'interjeter appel des décisions judiciaires.

[23]            Lorsqu'une loi ne prévoit pas de prorogation de délai, on ne peut invoquer les Règles ou la discrétion judiciaire pour proroger le délai. L'article 129.2 de la Loi exige le dépôt dans le délai prescrit d'une demande contre la décision du Ministre tant qu'une demande est intentée valablement sous le régime de la Loi. La Loi n'habilite pas la Cour à étendre le délai fixé par le législateur.

[24]            Compte tenu de la Loi et de la jurisprudence, j'estime n'avoir aucune discrétion pour proroger du délai. Je suis lié par l'arrêt Dawe et je ne peux user de la discrétion judiciaire pour étendre le délai pour permettre le dépôt d'avis de demande à la Cour fédérale au-delà le 7 décembre 2004. L'avis de demande du demandeur, déposé le 8 décembre 2004, est en dehors du délai prescrit par la Loi et en conséquence la Cour n'a pas compétence d'entendre la demande.

[25]            Cependant, le demandeur soutient subsidiairement qu'il a tenté de déposer son avis de demande à la Cour les 6 et 7 décembre 2004 mais que le Greffe ne l'aurait pas accepté. Au fond, il prétend que sa tentative de déposer son avis de demande constitue un acte qui satisfait suffisamment aux exigences de l'article 129.2 de la Loi, et que la Cour doit statuer que l'avis de demande a été déposé le 6 ou le 7 décembre 2004, à l'intérieur du délai prescrit.

[26]            Le paragraphe 2(1) des Règles prévoit qu'un document est « déposé » à la Cour quand il est accepté par le Greffe pour dépôt en vertu de l'article 72 des Règles. Cet article prévoit le processus permettant d'accepter des documents non conformes :

72. (1) Lorsqu'un document est présenté pour dépôt, l'administrateur, selon le cas :

a) accepte le document pour dépôt;

b) s'il juge qu'il n'est pas en la forme exigée par les présentes règles ou que d'autres conditions préalables au dépôt n'ont pas été remplies, soumet sans tarder le document à un juge ou à un protonotaire.

(2) Sur réception du document visé à l'alinéa (1)b), le juge ou le protonotaire peut ordonner à l'administrateur :

a) d'accepter ou de refuser le document;

b) d'accepter le document à la condition que des corrections y soient apportées ou que les conditions préalables au dépôt soient remplies.

(3) Sauf ordonnance contraire de la Cour, le document qui est accepté pour dépôt est réputé avoir été déposé à la date où il a été présenté pour dépôt.

72. (1) Where a document is submitted for filing, the Administrator shall

(a) accept the document for filing; or

(b) where the Administrator is of the opinion that the document is not in the form required by these Rules or that other conditions precedent to its filing have not been fulfilled, refer the document without delay to a judge or prothonotary.

(2) On receipt of a document referred under paragraph (1)(b), the judge or prothonotary may direct the Administrator to

(a) accept or reject the document; or

(b) accept the document subject to conditions as to the making of any corrections or the fulfilling of any conditions precedent.

(3) A document that is accepted for filing shall be considered to have been filed at the time the document was submitted for filing, unless the Court orders otherwise.

[27]            Dans son affidavit du 9 décembre 2005, le demandeur affirme ce qui suit :

4.    Le 6 décembre 2004 et encore le 7 décembre 2004, je me présente à la Greffe de la Cour fédérale dans le but de déposer un avis de demande en vertu de l'article 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale selon la disposition 129.2 de la Loi sur les douanes pour contester la décision de Mme Lemay. Jugeant que l'avis de demande n'était pas en la forme exigée par les Règles de la Cour fédérale, la Greffe refusa d'accepter le document à la condition que des corrections y soient apportées.

5.    Après avoir apporté les corrections exigées par la Greffe de la Cour fédérale, je retourne à ladite Greffe le 7 décembre 2004 et encore le 8 décembre 2004 pour présenter ma demande en vertu de l'article 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale selon la disposition 129.2 de la Loi sur les douanes. La Greffe accepte finalement le dépôt de ma demande le 8 décembre 2004.

Le demandeur soutient que le Greffe aurait dû accepter son avis de demande lorsqu'il l'a présenté pour la première fois.

[28]            Selon l'article 72(1) des Règles, le Greffe doit accepter un document non conforme pour dépôt ou le soumettre à un juge ou à un protonotaire. Le Greffe n'a pas la discrétion de demander que des corrections soient apportées au document, particulièrement lorsque le délai est presque expiré.

[29]            Les seules preuves présentées devant la Cour à ce sujet sont les deux affidavits du demandeur. La défenderesse n'a pas présenté d'affidavit et n'a pas fait subir à un contre-interrogatoire au demandeur sur son affidavit daté le 9 décembre 2005.

[30]            Cela dit, à mon avis, la preuve du demandeur n'établit pas que le Greffe a commis une erreur de droit. Hormis les deux paragraphes dans son affidavit du 9 décembre 2005, le demandeur ne donne pas à la Cour de preuve additionnelle démontrant qu'il a tenté de déposer son avis de demande avant l'expiration du délai de 90 jours. De plus, la version des faits du demandeur est contradictoire.

[31]            Le demandeur a déposé un affidavit le 25 février 2005, accompagnant une demande de prorogation de délai pour dépôt à la Cour d'affidavits et de pièces documentaires. Dans cet affidavit, le demandeur affirme ce qui suit :

1.    Le mercredi 8 décembre 2004, j'ai déposé ma demande d'appel au greffe de la Cour fédérale.

2.    Le même jour, j'ai rencontré plusieurs greffiers, puisque c'est moi qui a préparé le dossier de la demande j'ai été obligé de rectifier la demande 4 fois pour que mon dossier répond à la forme appropriée.

[32]            À la lecture des affidavits du demandeur, j'accorde peu de poids à l'affidavit du 9 décembre 2005. Il est plus plausible que le demandeur ne s'est présenté au Greffe qu'une seule fois, soit le 8 décembre 2004. Mes motifs sont les suivants. Premièrement, l'affidavit du demandeur daté le 9 décembre 2005 a été signé après que la défenderesse ait allégé dans son mémoire des faits et droits, daté le 14 juillet 2005, que la Cour n'a pas compétence pour entendre la demande en raison de la prescription. De plus, si le Greffe avait déjà demandé au demandeur de corriger son document les 6 et 7 décembre 2004, pourquoi le demandeur aurait-il eu à corriger son avis de demande quatre fois le 8 décembre? En outre, dans son affidavit du 9 décembre 2005, le demandeur affirme ce qui suit :

4.       Le quatre-vingt-neuf jour suivant la signification de la lettre susmentionée qui m'informait du rejet de ma demande de prorogation, le 8 décembre 2004 la Cour accepte pour dépôt de mon avis de demande.

À mon avis, le paragraphe ci-dessus indique clairement que le demandeur croyait qu'il avait jusqu'au 9 décembre 2004 pour déposer son avis de demande, et non pas seulement jusqu'au 7 décembre. Il est clair que lorsqu'il s'est présenté au Greffe le 8 décembre, le demandeur croyait toujours être dans le délai prescrit.

[33]            La lettre du 8 septembre 2004 à laquelle était annexée une copie de l'article 129.2 de la Loi qui explique comment le demandeur peut en appeler de la décision auprès de cette Cour était rédigée en français. On ne peut donc prétendre que les droits linguistiques du demandeur ont été brimés sur la question du délai pour en appeler de la décision auprès de cette Cour.

[34]            Je conclus que la demande a été déposée en dehors du délai prescrit par la Loi. Par conséquent, la Cour n'a pas compétence pour l'entendre.

[35]            Vu ma détermination sur la première question en litige, il n'est pas nécessaire de considérer les autres questions.

6.          Conclusion

[36]            Pour ces motifs, la demande sera rejetée avec dépens.


ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que :

1.          La demande soit rejetée.

2.          Le tout avec dépens.

« Edmond P. Blanchard »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2192-04

INTITULÉ :                                        ABDELHAMID ABDESSADOK c. AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA AVANT APPELÉE AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 6 février 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :               Blanchard J.

DATE :                                                le 22 février 2006

COMPARUTIONS :

Abdelhamid Abdessadok                                                           POUR LE DEMANDEUR

Me Alexandre Kaufman                                                             POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Abdelhamid Abdessadok                                                           POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario

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