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Date : 20060217

Dossier : T-1469-05

Référence : 2006 CF 215

Montréal (Québec), le 17 février 2006

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE :

CP SHIPS TRUCKING LTD.

(anciennement connue sous le nom de

CAST TRANSPORT INC.)

demanderesse

et

GUNTER M. KUNTZE

et

ENTREPRISE GUNTER M. KUNTZE & FILS INC.

défendeurs

            Requête écrite du défendeur Gunter M. Kuntze aux fins d'annuler la demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse le 25 août 2005 et requête écrite de ce même défendeur visant à rayer la défenderesse Entreprise Gunter M. Kuntze & Fils Inc. de l'intitulé de cause.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Nous traiterons en premier lieu de la requête du défendeur Kuntze aux fins d'annuler la demande de contrôle judiciaire.

[2]                Rendu à l'étape de produire son ou ses affidavits du défendeur en vertu de la règle 307 des Règles des Cours fédérales (les règles) dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire logée par son employeur, soit la demanderesse, et visant une décision préliminaire d'un arbitre en droit du travail, le défendeur a réalisé que la demanderesse n'avait pas produit son ou ses affidavits de la règle 306 à l'intérieur du délai imposé par cette règle.

[3]                De façon contemporaine à ce constat de défaut, le défendeur a donc produit en vertu des règles 58 à 60, et plus spécialement sur la base de la règle 59c), la requête à l'étude. Ces règles se lisent :

58. (1) Une partie peut, par requête, contester toute mesure prise par une autre partie en invoquant l'inobservation d'une disposition des présentes règles.

(2) La partie doit présenter sa requête aux termes du paragraphe (1) le plus tôt possible après avoir pris connaissance de l'irrégularité.

59. Sous réserve de la règle 57, si la Cour, sur requête présentée en vertu de la règle 58, conclut à l'inobservation des présentes règles par une partie, elle peut, par ordonnance:

a) rejeter la requête dans le cas où le requérant ne l'a pas présentée dans un délai suffisant - après avoir pris connaissance de l'irrégularité - pour éviter tout préjudice à l'intimé;           

b) autoriser les modifications nécessaires pour corriger l'irrégularité;

c) annuler l'instance en tout ou en partie.

60. La Cour peut, à tout moment avant de rendre jugement dans une instance, signaler à une partie les lacunes que comporte sa preuve ou les règles qui n'ont pas été observées, le cas échéant, et lui permettre d'y remédier selon les modalités qu'elle juge équitables.

58. (1) A party may by motion challenge any step taken by another party for non-compliance with these Rules.

(2) A motion under subsection (1) shall be brought as soon as practicable after the moving party obtains knowledge of the irregularity.

59. Subject to rule 57, where, on a motion brought under rule 58, the Court finds that a party has not complied with these Rules, the Court may, by order,

(a) dismiss the motion, where the motion was not brought within a sufficient time after the moving party became aware of the irregularity to avoid prejudice to the respondent in the motion;

(b) grant any amendments required to address the irregularity; or

(c) set aside the proceeding, in whole or in part.

60. At any time before judgment is given in a proceeding, the Court may draw the attention of a party to any gap in the proof of its case or to any non-compliance with these Rules and permit the party to remedy it on such conditions as the Court considers just.

[4]                La règle 59 prévoit donc que si la Cour conclut à l'inobservation d'une règle elle peut en vertu de son alinéa c) annuler une instance.

[5]                Dans le cadre de la requête à l'étude, la demanderesse devait produire son dossier de réponse dans un délai imparti par les règles. Elle ne l'a pas fait et a dû produire une requête en prorogation de délai pour ce faire. Faisant preuve d'un libéralisme certain en faveur de la demanderesse, la Cour par ordonnance motivée du 11 janvier 2006 a autorisé cette dernière à produire un dossier de réponse à l'encontre de la requête en annulation présentée par le défendeur.

[6]                Dans ce dossier de réponse, la demanderesse soutient simplement et essentiellement que sa demande de contrôle judiciaire soulève des questions de droit sérieuses et que la situation soulevée par le défendeur dans la requête à l'étude n'est qu'une question de forme et non de fond.

[7]                Je ne suis pas d'accord avec la demanderesse sur ce dernier point.

[8]                Le respect des délais dans le cadre de la mise en état d'une demande de contrôle judiciaire est une question importante qui ne peut être qualifiée de simple question de forme.

[9]                La demanderesse n'a pas respecté de façon importante son délai de la règle 306 et elle se devait de produire à l'encontre de la requête en annulation du défendeur un dossier de réponse contenant des explications plausibles et raisonnables propres à permettre à la Cour de faire droit, sous l'alinéa 59b) des règles, à une prorogation du délai en faveur de la demanderesse quitte à lui imposer, en plus, des dépens d'une certaine hauteur pour le retard engendré.

[10]            Toutefois, le dossier de réponse produit par la demanderesse le 16 janvier 2006 est plus qu'insatisfaisant.

[11]            Premièrement, en termes de preuve, ce dossier repose sur du ouï-dire d'un des procureurs de la demanderesse quant à des explications reçues de la part du greffe avant même le dépôt de la demande de contrôle judiciaire et qui auraient créé une certaine confusion dans l'esprit d'un représentant des procureurs de la demanderesse quant au processus à suivre. Voici du reste comment l'un des procureurs de la demanderesse s'exprime aux paragraphes 2 à 4 de l'affidavit ici visé :

2.             Préalablement au dépôt de l'avis de demande de contrôle judiciaire en l'instance, à savoir le ou vers le 25 août 2005, un représentant du cabinet soussigné s'est présenté au greffe de la Cour fédérale à Montréal pour s'assurer que l'avis de demande était conforme aux Règles de pratique de la Cour fédérale (1998);

3.              Les explications alors fournies audit représentant furent mal comprises de telle sorte que l'avis de demande et le dossier de requête ont été confondus, ce qui explique les supposés vices de forme de la demande;

4.              Il est dans l'intérêt des parties et de la justice que ces vices de forme soient corrigés sans délai.

[12]            Je ne puis qu'être en accord avec le procureur du défendeur lorsque celui-ci dans ses représentations écrites en réplique indique ce qui suit quant à l'affidavit reproduit en partie ci-dessus :

3.             L'affidavit de Me Hubert Larose est fondé sur du ouï-dire et contient donc des déclarations fondées sur ce qu'il croit être les faits, à savoir que les explications fournies par (sic) un autre représentant du cabinet de Me Larose furent mal comprises;

4.              Il n'y a aucun motif à l'appui de ce que le déclarant, Me Larose, croit être les faits;

5.              En effet, aucune conclusion plausible ou explication justificative ne peut être raisonnablement tirée de la confusion qu'auraient fait naître dans l'esprit du représentant du cabinet de Me Larose les explications fournies par le greffe de la Cour à l'égard de l'avis de demande et du dossier de requête;

6.              Les explications sont d'autant plus insatisfaisantes en ce que l'avis de demande a été délivré le 25 août 2005 puis signifié le 29 août 2005 et que le dossier de requête - de quel dossier parle-t-on au juste - visant à modifier l'intitulé de la demande de manière à omettre la désignation de l'arbitre Michel A. Goulet a été signifié le ou vers le 20 septembre 2005 et que celui visant à suspendre la poursuite des audiences devant l'arbitre a été signifié le ou vers le 14 octobre 2005;

[13]            Deuxièmement, le dossier de réponse de la demanderesse dans sa partie représentations écrites soulève dans les termes suivants contenus au paragraphe 3 une explication légèrement différente de celle contenue à l'affidavit produit par la demanderesse :

3.              [...] la demande déposée et signifiée n'a pas été suivie du dépôt officiel des affidavits et des pièces documentaires puisque les procureurs soussignés croyaient à tort, après s'être renseignés au greffe de la Cour fédérale, que le dépôt des pièces documentaires avec l'avis de demande était suffisant et que les affidavits des représentants de la demanderesse ne devaient être déposés que pour l'audition;

[14]            Cette tentative de justification ne tient pas la route et, encore ici, je ne puis qu'être en accord avec le procureur du défendeur lorsque celui-ci aux paragraphes 7 à 11 de ses représentations écrites en réplique indique :

7.              En tout respect, il est difficilement raisonnable de croire que les procureurs de la demanderesse ont crû (sic) à tort que le dépôt des pièces de l'avis de demande était suffisant et que les affidavits des représentants de la demanderesse ne devaient être déposés que pour l'audition;

8.              Premièrement, les pièces documentaires n'ont jamais été déposées avec l'avis de demande, tel qu'il appert du dossier de la Cour;

9.              Deuxièmement, ni les règles concernant les demandes ni les règles concernant les requêtes ne prévoient le dépôt d'affidavit au jour de l'audition;

10.            En conséquence, l'affidavit contenu au dossier de réponse est largement insuffisant et, suivant la règle 81(2) des Règles de la Courfédérale (1998), le défendeur Gunter M. Kuntze invite cette honorable Cour à retenir les conclusions défavorables appropriées, soit le rejet de l'affidavit et du dossier de réponse;

11.            De l'avis du défendeur, Gunter M. Kuntze, les règles relatives à la constitution des dossiers de demande sont suffisamment claires et la règle 306 des Règles de la Cour fédérale (1998) ne souffre pas d'interprétation;

[15]            La Cour est plus qu'hésitante à mettre fin à une demande de contrôle judiciaire au motif qu'une demanderesse, vraisemblablement de par les omissions de ses procureurs, n'a pas produit à temps ses affidavits de la règle 306. Toutefois le dossier de réponse produit au nom de celle-ci dans le cadre de la requête à l'étude ne laisse raisonnablement aucun autre choix à la Cour.

[16]            C'est là certes une situation malheureuse pour la demanderesse mais la Cour, dans l'affaire Chin v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1994), 22 Imm.L.R. (2d) 136, s'est prononcée sur cette situation comme suit à la page 139 :

I know that courts are often reluctant to disadvantage individuals because their counsel miss deadlines. At the same time, in matters of this nature, counsel is acting in the shoes of her client. Counsel and client for such purposes are one. It is too easy a justification for non-compliance with the rules for counsel to say the delay was not in any way caused by my client and if an extension is not granted my client will be prejudiced.

[17]            La requête du défendeur Kuntze est donc accueillie avec des dépens de 200 $ contre la demanderesse, et partant, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est annulée.

[18]            Cette conclusion en annulation de la Cour doit, sans autre formalité et en vertu de l'esprit de la règle 3, s'appliquer également à l'égard de la défenderesse Entreprise Gunter M. Kuntze et Fils Inc. puisque la demanderesse a elle-même désigné cette dernière entité comme défenderesse et que la demanderesse soutient essentiellement dans son dossier de réponse à l'encontre de la requête du défendeur Kuntze visant le retrait de cette défenderesse de l'intitulé de cause que cette dernière est tout autant sinon davantage la bonne défenderesse.

[19]            Une appréciation commune des dossiers des parties relativement à cette deuxième requête du défendeur Kuntze amène la Cour à conclure que la défenderesse Entreprise Gunter M. Kuntze et Fils Inc. doit être vue, en bout de couse, comme l'alter ego du défendeur Kuntze et il est donc juste et raisonnable de lui permettre de bénéficier du résultat de la requête en annulation mue par le défendeur Kuntze; requête qui fut mue uniquement par le défendeur Kuntze et qui ne fut point opposée sur cette base. En conséquence, toutefois, la requête du défendeur Kuntze visant à rayer la défenderesse Entreprise Gunter M. Kuntze et Fils Inc. de l'intitulé de cause est rejetée, le tout avec dépens de 50$ en faveur de la demanderesse.

« Richard Morneau »

Protonotaire


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-1469-05

CP SHIPS TRUCKING LTD. (ANCIENNEMENT CONNUE SOUS LE NOM DE CAST TRANSPORT INC.)

et

GUNTER M. KUNTZE

ENTREPRISE GUNTER M. KUNTZE & FILS INC.


REQUÊTES ÉCRITES EXAMINÉES À MONTRÉAL SANS COMPARUTION DESPARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE PROTONOTAIRE MORNEAU

DATE DES MOTIFS :                                                           17 février 2006

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR:


Me Hubert Larose

POUR LA DEMANDERESSE

Me Benoît Laurin

POUR LES DÉFENDEURS


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:


Kaufman Laramée

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

Pépin et Roy

(Service juridique CSN)

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS


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