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Date : 20240415


Dossier : T-2113-22

Référence : 2024 CF 583

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2024

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

JACQUES LAMONTAGNE

(LE FABRICANT), JACQUES LAMONTAGNE (TECHNICIEN RECONNU) ET C.E.L.L. INSPECTION INC.

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, C.E.L.L. Inspection Inc. (CELL), a été désignée par Mesures Canada (MC) comme inspecteur reconnu et fournisseur de services autorisé (FSA) en vertu de l’Accord pour un organisme enregistré pour effectuer des examens conformément à la Loi sur les poids et mesures conclu le 30 septembre 2014 par CELL et MC (l’Accord d’enregistrement). Un FSA est un organisme chargé d’examiner et de certifier des appareils de mesure destinés à être utilisés dans le commerce. M. Jacques Lamontagne, demandeur et président de CELL, est un technicien reconnu par MC et, au moment des faits pertinents, Mme Cathy Lamontagne et M. Éric Potvin étaient des employés de CELL. M. Lamontagne est aussi fabricant d’appareils d’essai autorisés par MC pour l’inspection de distributeurs de carburant au détail, dont l’étalon modèle 220L. Dans l’exercice de leurs fonctions, CELL et ses employés étaient autorisés à effectuer des examens d’appareils et à certifier des appareils de mesures en vertu de la Loi sur les poids et mesures, LRC 1985, c W-9 (la Loi), dont notamment les distributeurs d’essence dans les stations-service.

[2] MC est un organisme d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada chargé d’assurer l’exactitude des mesures réalisées au cours de la vente de biens mesurés, et d’approuver et inspecter les appareils de mesure. MC est responsable de l’application de la Loi et de la désignation des FSA et des inspecteurs au service des FSA, ainsi que du respect des conditions attachées à ces fonctions.

[3] Le 18 septembre 2018, MC a suspendu le certificat d’enregistrement autorisant CELL à examiner et certifier des appareils de mesure conformément à la Loi, en raison de son défaut de remédier à deux infractions (Infractions) et de présenter des plans d’actions correctives conformes aux exigences de MC (la Suspension). Les Infractions découlent d’un examen de suivi de Mme Lamontagne. CELL et M. Lamontagne ont vigoureusement contesté cette suspension tout au long des trois étapes d’appel interne de MC.

[4] Le 9 septembre 2022, Mme Allen, Présidente de MC, a rejeté le troisième appel de la Suspension interjeté par CELL (la Décision).

[5] Les demandeurs sollicitent maintenant le contrôle judiciaire de la Décision. Ils demandent à la Cour d’infirmer la Décision et de déclarer que CELL est un FSA de MC et que les demandeurs reprennent tous leurs pouvoirs d’inspection.

II. La trame factuelle

[6] La Suspension, les trois appels des demandeurs, les décisions de MC qui en résultent, et les communications et réunions des demandeurs avec MC forment une trame factuelle complexe. Il importe donc de relater certains événements marquants qui ont mené à la Décision :

23 février 2018 : Examen de suivi de Mme Lamontagne en présence d’une inspectrice de MC (l’inspectrice Vanasse), rétroaction orale après l’examen afin d’identifier les points à améliorer. Selon les notes de l’inspectrice, Mme Lamontagne n’a pas satisfait à six méthodes d’essai normalisées (MEN) établies par MC. M. Potvin a subi un examen de pratique le même jour, mais la Suspension découle de l’examen de suivi de Mme Lamontagne.

28 février 2018 : CELL a demandé à l’inspectrice de fournir une copie du rapport de l’évaluation de Mme Lamontagne.

1 mars 2018 : M. F-A Bourdon, directeur secteur commercial au sein de MC, a informé CELL que Mme Lamontagne devait soumettre les résultats de l’examen de l’appareil du 23 février 2018 afin que MC puisse compléter l’activité de surveillance. Le même jour, CELL a déposé les résultats de l’examen dans l’Application de déclaration en ligne (ADEL), une application Web de MC.

2 mars 2028 : M. Bourdon a informé M. Lamontagne que le certificat d’examen pour l’appareil n’était pas conforme aux directives du manuel de l’utilisateur ADEL.

5 mars au 3 avril 2018 : Échange de courriels entre MC et CELL afin de compléter le processus d’examen de suivi de Mme Lamontagne et de corriger le certificat d’examen soumis dans ADEL.

10 avril 2018 : Par l’entremise de son procureur, CELL a à nouveau demandé à MC de lui faire parvenir les résultats et rapports de l’examen de suivi de Mme Lamontagne.

4 juin 2018 : MC a répondu à la lettre du procureur. M. Bourdon a expliqué que l’examen de suivi subi par Mme Lamontagne était un examen de suivi dont l’objectif était d’évaluer son travail d’inspection et de s’assurer que les compétences nécessaires sont maintenues. Selon MC, l’examen de suivi du 23 février 2018 ne démontrait pas que Mme Lamontagne avait maintenu ses compétences. Il en est résulté deux rapports d’infraction :

Infraction 1 : 20180528RACIS01R0183 – CELL n’a pas veillé à ce que sa technicienne maintienne le niveau de connaissances exigé par MC. Six MEN n’ont pas été complétées ou faites adéquatement.

Infraction 2 : 20180528RACIS02R0183 – CELL n’a pas déterminé et consigné avec exactitude les résultats d’examen, erreurs de mesure et autres non-conformités résultats d’examen. Le certificat (10294265) produit suite à l’examen de suivi du 23 février 2018 ne reflète pas le rendement de l’appareil, et ce, même après l’intervention de MC.

28 juin 2018 : CELL a soumis la première version de ses plans d’actions correctives.

5 juillet 2018 : MC a avisé CELL que son plan n’était pas conforme aux exigences du Programme d’enregistrement, car il n’expliquait pas la cause des Infractions et ne proposait aucune solution pour éviter que les Infractions ne se reproduisent.

12 juillet 2018 : CELL a soumis son deuxième plan d’actions correctives. Selon MC, la deuxième version du plan n’était toujours pas conforme aux exigences du programme d’enregistrement, car (A) pour l’Infraction #1, le plan proposait des actions correctives non conformes aux exigences de la Loi; et (B) pour l’Infraction #2, CELL faisait part à MC de son interprétation des exigences de la Loi et de la MEN 7 et demandait que l’Infraction soit retirée.

19 juillet 2018 : Rencontre entre MC (M. Bourdon, P. Lacelle, auditeur de MC, et M. Parent, gestionnaire de MC) et M. Lamontagne. Selon les minutes de la rencontre, le but était de « réviser les détails des [I]nfractions ainsi que d’assister [CELL] dans la résolution de celles-ci ». Les demandeurs indiquent dans leur mémoire des faits et du droit qu’ils ont pris connaissance des notes de l’inspectrice Vanasse pour la première fois lors de la rencontre.

24 juillet 2018 : MC a transmis une lettre d’avertissement à CELL lui demandant de corriger les Infractions et lui accordant un délai additionnel de 15 jours ouvrables pour fournir un plan d’actions correctives acceptable.

31 juillet et 7 août 2018 : CELL a soumis un troisième plan d’actions correctives. MC a déterminé que la troisième version du plan ne proposait aucune mesure corrective et que CELL demandait plutôt à MC le retrait de l’Infraction #2 et de la MEN 7.

18 septembre 2018 : MC a signifié la Suspension du certificat d’enregistrement de CELL. La lettre de suspension indique que CELL n’a pas établi les causes permettant de mettre en œuvre les actions correctives nécessaires pour remédier aux deux Infractions. Par conséquent, la reconnaissance de CELL a été suspendue et CELL devait cesser d’examiner des appareils en vertu de la Loi à compter du 19 septembre 2018.

16 août 2019 : CELL a déposé un premier appel de la Suspension.

6 décembre 2019 : MC a rejeté le premier appel et a maintenu la Suspension. CELL n’a pas corrigé les Infractions et les plans d’actions correctives proposés n’étaient pas suffisants pour assurer MC de ses compétences. En n’acceptant pas de traiter les Infractions, M. Lamontagne n’a pas démontré le maintien des compétences pour agir au nom de MC.

2 janvier 2021 : CELL a déposé un deuxième appel de la Suspension.

18 mai 2021 : MC a rejeté le deuxième appel et a maintenu la Suspension.

20 septembre 2021 : CELL a déposé une déclaration auprès de la Cour fédérale (T-1433-21) visant à (1) annuler la décision suspendant l’enregistrement de CELL rendue le 18 septembre 2018, (2) ordonner à MC de réintégrer CELL comme FSA en vertu de la Loi et (3) condamner le Ministre de l’industrie et MC à payer 105 000 $ de dommages et intérêts. Ce dossier est suspendu jusqu’à ce qu’un jugement final soit rendu dans la présente demande de contrôle judiciaire.

23 février 2022 : CELL a déposé un troisième appel de la Suspension. L’appel comportait six questions spécifiques.

9 septembre 2022 : MC a rejeté le troisième appel et a maintenu la Suspension de CELL dans la Décision sous contrôle.

III. Le cadre législatif

[7] L’objectif de la Loi est de réduire les erreurs de mesure et d’accroître l’équité sur le marché canadien de manière efficace. En vertu de l’article 8 de la Loi, MC exige que tout appareil de mesure utilisé dans le commerce, telles les pompes à essence, soit approuvé, inspecté et certifié conformément à la Loi et aux règlements applicables.


 

[8] L’article 16.1 de la Loi prévoit que le ministre de l’Industrie peut désigner toute personne comme inspecteur chargé d’inspecter un instrument de mesure :

Exécution et contrôle d’application

Administration and Enforcement

Désignation

Designation

Pouvoir de désignation

Power to designate

16.1 (1) Le ministre peut, pour l’exécution et le contrôle d’application de la présente loi, désigner toute personne — individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie déterminée — pour exercer des pouvoirs relativement à toute question mentionnée dans la désignation.

16.1 (1) For the purposes of the administration and enforcement of this Act, the Minister may designate persons, or classes of persons, to exercise powers in relation to any matter referred to in the designation.

Formation et qualification

Training and qualification

(1.1) Le ministre veille à ce que, pour chaque secteur, toutes les personnes désignées en vertu du paragraphe (1) soient formées et qualifiées de la même manière et à ce que tous les examens menés par ces personnes soient effectués chaque fois de la même façon

(1.1) The Minister shall ensure that, for each particular sector, all persons designated under subsection (1) are trained and qualified in the same manner and that all examinations made by these persons are conducted consistently

[. . .]

[. . .]

Suspension et révocation

Suspension and revocation

(3) Le ministre peut suspendre ou révoquer toute désignation faite en vertu du paragraphe (1).

(3) The Minister may suspend or revoke a designation made under subsection (1).

[9] MC a mis en place un programme d’enregistrement qui autorise les FSA à examiner et à certifier des appareils utilisés dans le commerce. Dans le cadre de ce programme, MC a créé les Modalités du programme d’enregistrement (Modalités) et le Guide des Modalités d’enregistrement qui fixent les conditions selon lesquelles un organisme peut devenir un FSA; les exigences du programme; les examens de suivi; les infractions et les suspensions; et le processus d’appel. Pour être admissible au programme d’enregistrement et pour maintenir son enregistrement en tant que FSA, l’organisme doit respecter les politiques et procédures de MC. Chaque FSA conclut un Accord d’enregistrement avec MC prévoyant le domaine d’application du FSA, c’est-à-dire les catégories d’appareils de mesure que le FSA est autorisé à examiner et certifier.

[10] L’examen et la certification des appareils de mesure sont effectués par les techniciens reconnus. Un technicien reconnu est une personne employée par un FSA dont les compétences ont été évaluées avec succès et qui est reconnue par MC pour examiner les appareils de mesure. Un technicien reconnu doit suivre les procédures standardisées établies par MC lorsqu’il procède à l’examen d’un appareil de mesure. MC évalue périodiquement les compétences des techniciens reconnus dans le cadre des examens de suivi prévus par les Modalités (l’article 1.10). Pour conserver le pouvoir d’examiner les appareils, les techniciens doivent démontrer qu’ils ont maintenu leurs connaissances en obtenant des résultats satisfaisants lors des examens de suivi périodiques (l’article 3.2 des Modalités).

[11] Lors d’un examen de suivi en présence du technicien, un inspecteur de MC observe le technicien procéder à l’examen d’un appareil faisant partie de son domaine d’application. L’inspecteur doit vérifier si le technicien respecte les méthodes d’essais normalisées (MEN). Les MEN sont des procédures standardisées établies par MC auxquelles les techniciens reconnus doivent se référer pour déterminer comment effectuer un test pour une catégorie donnée d’appareils. L’objectif des MEN est d’assurer que les techniciens reconnus et les inspecteurs effectuent les tests de la même façon. À la fin de l’examen de suivi, le technicien ou le FSA doit déclarer les résultats des tests de l’appareil dans ADEL qui générera alors un certificat d’examen. L’inspecteur de MC récupère une copie du certificat et détermine s’il est conforme aux exigences des conditions d’utilisation de l’ADEL.

[12] L’article 1.4 des Modalités définit une infraction comme « toute action ou omission commise par un organisme ou un technicien qui enfreint les exigences du programme [d’enregistrement] ». Une infraction peut résulter d’une violation de la Loi, du Règlement sur les poids et mesures, CRC c 1605 (Règlement), des Modalités ou de l’Accord d’enregistrement entre un FSA et MC, ou du non-respect par un FSA ou un technicien des politiques, bulletins, procédures ou autres directives de MC, y compris les MEN.

[13] Si MC constate une infraction, notamment lors des examens de suivi des techniciens, MC en avise le FSA qui devra déterminer les causes de l’infraction et engager les actions correctives qui s’imposent, à la satisfaction de MC (l’article 1.10 des Modalités). Lorsque MC avise un organisme qu’une ou des infractions ont été commises, l’article 1.11 des Modalités exige que l’organisme mette en œuvre les actions correctives nécessaires afin de remédier à la ou les infraction(s).

[14] MC prendra une mesure coercitive lorsqu’un FSA ou un technicien n’est plus en mesure de respecter les critères ou exigences applicables et que des infractions demeurent non réglées. Selon (1) la gravité de l’infraction; (2) son incidence sur l’équité et l’exactitude de la mesure; (3) son caractère accidentel ou intentionnel; et (4) le nombre de répétitions ou leur fréquence, MC peut suspendre l’enregistrement d’un FSA en infraction non réglée (le paragraphe 16.1(3) de la Loi et les articles 1.8.4 et 1.11 des Modalités).

[15] CELL, en tant qu’organisme enregistré, devait veiller à ce que toutes ses activités ainsi que les activités de son personnel soient conformes aux exigences du programme, aux directives, politiques, et aux procédures de MC et à la Loi et au Règlement sur les poids et mesures » (l’article 2.1 des Modalités).

IV. La Décision et le Rapport d’analyse

La Décision

[16] La Décision fait suite au troisième appel de la Suspension de CELL prononcée en 2018. Mme Allen, la décideuse, indique que la Décision est le résultat d’une révision complète du dossier de suspension et des informations recueillies au cours des discussions et échanges avec CELL. De plus, elle note que MC a, au cours du processus d’appel, répondu aux six questions posées par M. Lamontagne dans sa troisième demande d’appel (malgré que, selon Mme Allen, les questions 3, 4 et 5 ne soient sans rapport avec la Suspension).

[17] Le Rapport d’analyse de l’appel (Rapport) est joint à la Décision. Le Rapport énumère des points qui ont été évalués lors de la révision du dossier ainsi que les explications détaillées reliées aux Modalités que CELL doit respecter pour effectuer des examens conformément à la Loi. En outre, quatre Annexes sont jointes à la Décision : (a) le troisième appel de CELL; (b) une chronologie des événements; (c) les points techniques discutés lors d’une rencontre du 23 août 2022; et (d) la réponse de MC aux six questions posées par M. Lamontagne à MC dans le troisième appel.

[18] Mme Allen avise les demandeurs que la suspension de CELL est justifiée et est maintenue. Elle explique que le Rapport fournit les détails de l’analyse et des explications sur les points suivants :

  • -CELL n’a pas été en mesure de respecter les conditions permettant de maintenir la désignation comme inspecteur : CELL n’a pas déterminé et consigné avec exactitude les résultats d’inspection de l’appareil de mesure.

  • -CELL n’a pas réglé les infractions soulevées par MC selon les exigences relatives à la désignation comme inspecteur en vertu de la Loi : Les plans d’actions correctives soumis par CELL ne respectaient pas les exigences du programme d’enregistrement, malgré les rétroactions et conseils donnés par MC.

  • -Selon les modalités du programme d’enregistrement, MC doit suspendre un technicien ou un enregistrement, pour une partie ou pour la totalité du domaine d’application de l’enregistrement de l’organisme, dans le cas où l’organisme ne satisfait pas aux exigences de la Loi et du Règlement ou aux conditions régissant l’enregistrement qui lui a été accordé.

Le Rapport

[19] Le Rapport déclare d’abord que l’étendue de l’analyse de MC dans le cadre du troisième appel a été établie lors d’une première rencontre le 16 mai 2022. L’analyse de l’appel visait à déterminer si la décision de suspendre l’enregistrement de CELL devait être maintenue ou révisée. Bien que le processus d’appel permette de recevoir des plaintes et contestations de la part des organismes enregistrés, il ne constitue pas un mécanisme de négociation ni de médiation.

[20] Le Rapport détaille ensuite le domaine d’application de l’enregistrement de CELL; les deux Infractions et les tentatives de CELL de les corriger; les exigences du programme d’enregistrement; l’Accord d’enregistrement; les responsabilités de CELL en tant qu’organisme enregistré; la surveillance de MC pour l’examen de suivi; et les circonstances ayant mené à la Suspension. Les Infractions sont :

  • -Infraction 20180528RACIS01R0183 : Lors de l’inspection de suivi du 23 février 2018 en présence d’un technicien, il a été démontré que le niveau de connaissance de Mme Lamontagne exigé par MC n’était pas conservé. Les MEN n’ont pas été respectées pendant l’examen de l’appareil : (1) MEN 22 (mouillage et égouttement); (2) MEN 21 (détermination du débit); (3) MEN 4 (essai au débit lent); (4) MEN 10 (calcul de prix); (5) MEN 16 (mélange des produits); MEN 18 (compensation de température); (6) MEN 15 (essai croisement des livraisons); et l’Avis d’approbation (Mme Lamontagne ne s’est pas assurée du scellage de l’appareil);

  • -Infraction 20180528RACIS02R0183 : Le certificat 10294265, produit le 2 mars 2018 à la suite de l’examen de suivi Mme Lamontagne, ne reflète pas le rendement de l’appareil. CELL n’a pas déterminé et consigné avec exactitude les résultats d’examen, les erreurs de mesure et les autres non-conformités résultant de l’examen. Le codage utilisé par CELL ne reflète ni le commentaire du certificat ni les constatations de MC lors de l’examen de suivi. Le certificat fait référence à une erreur de mesure alors que le code du résultat d’examen indique une problématique au niveau de l’utilisation du compteur. Après des échanges entre CELL et MC et les explications fournies par MC, le certificat a été amendé par CELL. Toutefois, le codage du certificat amendé fait référence à une erreur au niveau de l’installation du compteur, ce qui ne concorde toujours pas avec les constatations de MC. MC a donc demandé des précisions à propos des résultats, mais dans un courriel daté du 19 mars 2018, M. Lamontagne indiquait qu’il ne changerait pas le certificat. Après des échanges additionnels, MC a terminé l’activité de surveillance puisque CELL n’a pas corrigé le certificat en fonction des exigences et les explications de MC :

« Il est donc établi que la technicienne reconnue Cathy Lamontagne et CELL [n’ont] pas adéquatement déterminé et consigné avec exactitude les résultats d’examen, puisque le certificat ne reflète pas le rendement de l’appareil ».

[21] MC a conclu que CELL n’avait pas été en mesure de corriger les Infractions. Les trois versions des plans d’actions correctives soumises par CELL ne respectaient ni les exigences réglementaires ni celles du programme d’enregistrement, et ce nonobstant les délais additionnels accordés à CELL pour le traitement des Infractions et les échanges entre CELL et MC.

[22] Le Rapport décrit la portée de la surveillance effectuée par MC depuis la désignation de CELL en 2006, y compris la formation et les évaluations théoriques, 46 examens de suivi sans technicien et 13 examens de suivi avec technicien. Selon MC, ces activités auront permis aux deux parties d’interagir et d’échanger à propos des exigences techniques liées à l’examen des appareils et aux conditions du programme d’enregistrement. MC déclare que toutes ces activités de surveillance ont été conduites dans le respect des exigences du programme d’enregistrement et en suivant des processus rigoureux établis dans son Système de management de la Qualité. En ce qui concerne les examens de suivi en présence d’un technicien, le rôle de MC est d’observer le travail des techniciens sans trop intervenir afin de déterminer si le technicien a maintenu ses connaissances. Le but de l’examen est de vérifier si le technicien a en sa possession tous les documents, l’équipement et les outils nécessaires à l’examen et s’il respecte les MEN. Pour cette raison, les inspecteurs ne discutent généralement pas les méthodes d’essai pendant l’examen. Les inspecteurs de MC ne délivrent pas non plus de certificat à la fin de l’examen. Il incombe au technicien reconnu de délivrer un certificat d’examen dans l’ADEL.

[23] Le Rapport réfère aussi au fait que MC a collaboré avec CELL afin de régler la situation. Lors d’une réunion en personne, MC a observé que CELL comprenait mal certaines MEN, de même que les exigences réglementaires pertinentes. MC a expliqué davantage les exigences, mais, selon MC, M. Lamontagne a demandé que les MEN soient changées. Après la réunion, MC a envoyé une lettre d’avertissement à CELL afin de lui accorder un délai supplémentaire pour corriger les Infractions de manière satisfaisante pour MC. Les dernières tentatives de résolution des Infractions ont été reçues le 2 et le 7 août 2018. MC a estimé que la résolution de la première Infraction avait progressé, même si elle comportait toujours des lacunes. Cependant, CELL demandait toujours le retrait de la deuxième Infraction. Selon CELL, l’Infraction découlait d’une divergence d’interprétation entre MC et CELL.

[24] Le Rapport souligne la responsabilité de CELL de corriger les Infractions soulevées en vertu du programme d’enregistrement.

[25] En conclusion, le Rapport confirme que l’analyse du dossier dans le cadre du troisième appel a démontré que la décision de suspendre l’enregistrement de CELL est justifiée. MC a donc maintenu la Suspension :

La suspension de l’enregistrement de CELL est le résultat de manquements graves de la part de l’organisme qui n’a pas mis en œuvre les actions correctives nécessaires afin de remédier aux infractions soulevées. Les exigences ont été expliquées au cadre supérieur de l’organisme qui n’a pas corrigé les infractions, il a demandé le retrait de l’infraction numéro 20180528RACIS01R0183 puisque son interprétation était différente de celle de MC : MC étant l’agence réglementaire qui a développé et mise en place les exigences.

V. Questions en litige

[26] Les demandeurs soulèvent plusieurs arguments contestant le bien-fondé de la Décision. Ils soutiennent que la décision de suspendre CELL est déraisonnable parce que, en le faisant, MC s’est basée sur des données erronées et que la Suspension résulte d’un processus et d’une procédure aléatoires et d’une absence de procédure standardisée. Les demandeurs prétendent aussi que MC n’a pas considéré leur troisième plan d’actions correctives lorsqu’elle a pris sa Décision de maintenir la Suspension. À leur avis, cette omission est une violation à la règle audi alteram partem.

[27] Aux fins de mon analyse, j’ai reformulé les arguments des demandeurs comme suit :

  1. La Décision est-elle déraisonnable?

  2. Le processus décisionnel suivi par Mme Allen était-il conforme aux principes d’équité procédurale?

VI. Questions préliminaires

L’irrecevabilité de certains arguments des demandeurs

[28] Le défendeur soutient que certains des arguments des demandeurs sont irrecevables parce qu’ils ne figurent pas dans l’Avis de demande de contrôle judiciaire déposé le 12 octobre 2022, en contravention à l’alinéa 301e) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). La Règle 301e) exige qu’un avis de demande contienne « un énoncé complet et concis des motifs invoqués, avec mention de toute disposition législative ou règle applicable ». Selon le défendeur, les demandeurs sont forclos d’invoquer les arguments suivants :

  • (i)La décision de suspendre CELL est déraisonnable, car elle est basée sur un processus et une procédure aléatoires ;

  • (ii)La décision de suspendre CELL est déraisonnable, car elle est basée sur une absence de procédure standardisée ; et

  • (iii)La décision de maintenir la suspension est déraisonnable, car elle a été rendue sans donner suite au troisième plan d’actions correctives de CELL et viole la règle audi alteram partem.

[29] Le défendeur déclare qu’il a été ‘pris au dépourvu’ et n’a pas été en mesure de répondre à ces motifs dans ses affidavits. Le mémoire des demandeurs n’a été déposé que le 31 mai 2023, tandis que les affidavits de M. Bourdon et M. Parent, les représentants de MC, ont été affirmés et déposés le 27 janvier 2023.

[30] En revanche, lors de l’audience de ce dossier le 8 novembre 2023, les demandeurs ont souligné que le défendeur avait eu amplement de temps de formuler ses réponses aux arguments, car ces arguments ont été présentés dans leur mémoire. Les demandeurs ont signalé que si la Cour acceptait l’argument du défendeur, ils avaient alors l’intention de présenter une requête orale en vertu de la Règle 75 en vue de modifier leur Avis de demande de contrôle judiciaire. Ils soutiennent que la modification de leurs actes de procédure devrait être autorisée pour permettre de mieux cerner les questions en litige à l’audience (la Règle 75(2)(a)).

[31] Le défendeur répond que le manque de clarté de l’Avis de demande quant aux questions en litige lui a causé un préjudice à l’égard de la preuve. Selon le défendeur, la requête des demandeurs lors de l’audience d’amender leur Avis de demande est trop tardive.

[32] Je tiens à souligner que la décision sous contrôle n’est pas celle de suspendre CELL. La décision en cause est celle de Mme Allen répondant au troisième appel de CELL de la Suspension. J’examinerai les arguments des demandeurs et le caractère raisonnable de la Décision dans mon analyse.

[33] Les motifs de révision soulevés par les demandeurs n’ont pas été énoncés de façon claire et spécifique dans l’Avis de demande. Cependant, tout au long de l’Avis, les demandeurs soulignent leurs préoccupations et leurs doutes quant au processus de l’examen de suivi (dans leur mémoire, un processus « aléatoire ») et à la formation de l’inspectrice Vanasse; à la rétroaction fournie par l’inspectrice à Mme Lamontagne; à l’application des MEN particulières par MC; et au caractère approprié d’une suspension complète dans toutes les circonstances. Cette dernière préoccupation sous-tend leur argument quant à l’absence de procédure standardisée de MC pour imposer une suspension. Les demandeurs mentionnent aussi leur troisième plan d’actions correctives dans l’Avis de demande.

[34] En outre, le défendeur a pris connaissance des questions posées par les demandeurs le 31 mai 2023 et les a abordés dans son propre mémoire des faits et du droit du 29 juin 2023. Le défendeur était en mesure de soumettre à la Cour une requête en radiation des trois arguments contestés (Règle 221) ou une requête en autorisation de déposer des affidavits complémentaires (Règle 312). Au même titre, les demandeurs étaient également en mesure, depuis le 29 juin 2023 et leur réception du mémoire du défendeur, de déposer à la Cour une requête en vertu de la Règle 75 afin de modifier leur Avis de demande.

[35] À la lumière des informations et des arguments présentés dans l’Avis de demande, des arguments des deux parties, de l’étendue des informations dans le dossier de la Cour, et du stade avancé de ce dossier, j’aborderai le fond des arguments des demandeurs pour mieux servir les intérêts de la justice sans délai additionnel. Ni les demandeurs ni le défendeur ne souhaitaient procéder à un ajournement afin de poursuivre davantage leurs arguments.

La requête orale des demandeurs de déposer l’affidavit supplémentaire de M. Lamontagne

[36] Les demandeurs ont présenté une demande orale afin de déposer un affidavit supplémentaire, signé par M. Lamontagne lors d’une pause de l’audience et attachant ses notes prises pendant des rencontres avec les représentants de MC. L’affidavit et la pièce jointe se voulaient une réponse à une question de la Cour visant à déterminer si les demandeurs avaient présenté à Mme Allen, dans le cadre de leur troisième appel, une question concernant leur allégation d’une erreur factuelle commise par l’inspectrice Vanasse (une référence à « la valve d’égouttement » de l’étalon utilisé par Mme Lamontagne).

[37] Comme on pouvait s'y attendre, le défendeur s'oppose à la présentation tardive de ces documents. Le défendeur décrit ces preuves comme étant des preuves intéressées qui auraient pu être dévoilées dans le premier affidavit de M. Lamontagne.

[38] Je suis d’accord avec le défendeur. Une partie peut, avec l’autorisation de la Cour, déposer un affidavit supplémentaire en vertu de la Règle 312. Cette règle ne précise pas comment la Cour doit exercer sa discrétion, mais la jurisprudence a identifié un nombre de principes, résumés par le juge Stratas dans l’affaire Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 88, aux para 4-6 (Forest Ethics); (Bossé c Canada (Agence de la santé publique), 2023 CAF 199 au para 16). Premièrement, la partie qui cherche à introduire une nouvelle preuve doit satisfaire à deux exigences préliminaires, à savoir démontrer que la preuve est admissible et pertinente. À l’égard de l’admissibilité, il est bien établi que « le dossier dont est saisie la cour de révision est habituellement composé des documents dont était saisi le décideur » (Forest Ethics au para 4). Si ces deux exigences sont remplies, la Cour doit ensuite considérer (Forest Ethics au para 6) :

a) Est‐ce que la partie avait accès aux éléments de preuve dont elle demande l’admission au moment où elle a déposé ses affidavits en application de l’article 306 ou 308 des Règles, selon le cas, ou aurait‐elle pu y avoir accès en faisant preuve de diligence raisonnable?

b) Est‐ce que la preuve sera utile à la Cour, en ce sens qu’elle est pertinente quant à la question à trancher et que sa valeur probante est suffisante pour influer sur l’issue de l’affaire?

c) Est‐ce que l’admission des éléments de preuve entraînera un préjudice important ou grave pour l’autre partie?

[39] Je conclus, pour plusieurs raisons, que l’affidavit supplémentaire de M. Lamontagne ne remplit pas les conditions requises pour être admissible en vertu de la Règle 312. La pièce annexée à l’affidavit supplémentaire n’était pas entre les mains de Mme Allen quand elle a pris la Décision. Il ne fait aussi aucun doute que les demandeurs avaient accès à la pièce dont ils demandent l’admission au moment où ils ont déposé l’affidavit initial de M. Lamontagne le 28 novembre 2022. De plus, je ne suis pas convaincue que la valeur probante de la preuve additionnelle justifie d’accéder à la requête des demandeurs. Enfin et à titre secondaire, j’accepte l’argument du défendeur selon lequel il subirait un certain préjudice si la Cour tenait compte de la nouvelle preuve présentée par les demandeurs à ce stade avancé.

[40] Je rejette donc la demande orale des demandeurs présentée lors de l’audience devant la Cour de déposer l’affidavit de M. Lamontagne et la pièce jointe.

VII. Analyse

Caractère raisonnable de la Décision

[41] Les demandeurs basent l’essentiel de leurs arguments sur des allégations selon lesquelles la formation de l’inspectrice Vanasse serait déficiente (et qu’elle aurait de ce fait commis des erreurs factuelles). Ils contestent aussi le processus « aléatoire » suivi par l’inspectrice et l’absence de procédures standardisées pour décider d’une suspension. Dans leur mémoire, les demandeurs concluent chaque argument en affirmant que « la décision de MC est déraisonnable puisqu’elle est fondée sur » des données erronées, des procédures et processus aléatoires, ou d’une procédure non-standardisée. Ils ne précisent pas quelle décision est mise en cause.

[42] Je tiens à souligner que la Décision sous contrôle est la décision de Mme Allen de maintenir la Suspension, et non pas la décision de 2018 imposant la Suspension. Il s’ensuit nécessairement que la question ultime pour la Cour est de savoir si les motifs exposés dans la Décision abordent de façon transparente et intelligible les arguments soulevés par CELL dans le cadre de son troisième appel. J’examinerai donc si les préoccupations factuelles et les arguments des demandeurs minent le caractère raisonnable de la Décision.

[43] Il est bien acquis que la norme de contrôle applicable au mérite d’une décision administrative est la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 SCC 65 aux para 10, 23-32 (Vavilov)).

[44] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov au para 99). Il incombe à la partie qui conteste la décision de démontrer son caractère déraisonnable (Vavilov au para 100).

[45] Après avoir soigneusement considéré les arguments des demandeurs, les réponses du défendeur et la preuve au dossier, je conclus que les demandeurs n’ont pas identifié d’erreur révisable dans la Décision reposant sur une allégation de formation inadéquate de l’inspectrice Vanasse.

[46] Les demandeurs soutiennent d’abord que l’inspectrice Vanasse n’a pas reçu la formation nécessaire afin de mener l’examen de suivi du 23 février 2018 de façon compétente. Ils soulignent que MC n’a fourni aucun détail sur la formation et la capacité de l’inspectrice à reconnaître la mise en œuvre correcte de l’étalon modèle 220L utilisé par Mme Lamontagne lors de l’examen de suivi. Il en résulte, selon les demandeurs, une Suspension basée sur des erreurs factuelles parce que MC a fondé ses décisions relatives à l’infraction et à l’efficacité des plans correctifs de CELL sur des informations fournies par une personne non qualifiée.

[47] Lors de l’audience, les demandeurs ont expliqué que leurs préoccupations trouvaient leur source dans le fait que le Rapport faisait erronément référence à une "valve d’égouttement". Les demandeurs déclarent qu’au contraire, l’étalon modèle 220L n’a pas de valve d’égouttement et qu’il y a donc nécessairement des erreurs dans le rapport de l’inspectrice sur les résultats de l’examen de suivi.

[48] La question de la formation de l'inspectrice Vanasse était présente lors des deux premiers appels de la Suspension, au cours desquels M. Lamontagne a discuté et critiqué la méthode de travail de cette dernière. À son avis, l’inspectrice ne s’était pas adéquatement préparée pour l’examen de suivi. La question de la formation de l’inspectrice n’a pas été soulevée à nouveau dans le cadre du troisième appel de CELL, mais elle a néanmoins fait l’objet de discussions entre les parties à l’occasion de cet appel, y compris au cours des contre-interrogatoires.

[49] Cela dit, l’argument spécifique selon lequel l’inspectrice Vanasse et MC ont erré en faisait référence à une valve d’égouttement apparait pour la première fois dans l’Avis de demande des demandeurs. Ces derniers ont soulevé que l’étalon modèle 220L n’a pas de valve d’égouttement; mais seulement une valve de drainage. Qui plus est, le fait que l'étalon n’ait pas de valve d’égouttement est devenu l’un des principaux arguments avancés par les demandeurs afin de démontrer que l’inspectrice Vanasse n’avait pas reçu de formation adéquate pour mener l’examen de suivi de février 2018.

[50] Les demandeurs n’ont pas contesté l’existence d’une valve d’égouttement ou de vidange/drainage dans leurs trois appels de la Suspension. Ils n’ont pas non plus soulevé ce point dans leur mémoire. Dans un courriel à Mme Allen, M. Lamontagne a indiqué que l’inspectrice Vanasse « ne connaissait pas mon chariot-étalon », mais il n’a pas soulevé la question de l’absence de valve d’égouttement.

[51] Je souligne en outre que les mots « valve d’égouttement » n’apparaissent pas dans les notes de l’inspectrice Vanasse. En décrivant ses observations sur le travail de Mme Lamontagne, l’inspectrice a premièrement évalué la MEN 22 (mouillage et égouttement) et a conclu que l’égouttement n’avait pas été exécuté adéquatement selon la procédure. L’inspectrice a noté qu’à « plusieurs reprises, la valve reste ouverte », que Mme Lamontagne « mentionne que la durée de vidange... », et qu’elle a « vidangé les deux étalons simultanément ». À l’audience, l’avocat des demandeurs a déclaré qu’une valve d’égouttement et une valve de vidange ne sont pas des synonymes. Toutefois, seuls MC et CELL, et non pas l’inspectrice Vanasse, ont mentionné une valve d’égouttement.

[52] Les demandeurs ont soumis trois plans d’actions correctives à MC. Dans ses observations sur la deuxième version du plan, MC a utilisé la phrase « valve d’égouttement » au sujet de la MEN 22 et il semble que les parties l’ont adoptée.

[53] CELL n’a pas contesté l’existence d’une valve d’égouttement dans la troisième version de son plan. Elle a plutôt remis en question les exigences et procédures établies par MC concernant l’utilisation de l’étalon et le temps d’égouttement. De plus, je relève l’extrait suivant du deuxième appel de CELL :

De plus, cette affirmation est totalement absurde! Il y a un gros problème avec cette allégation: Si la valve de l’étalon était bel et bien restée ouverte pendant le remplissage, le liquide se serait vidé en même temps par le bas et il aurait donc été impossible de prendre une lecture du liquide au niveau des graduations situées sur le col de l’étalon, puisque l’étalon aurait été vide. (je souligne)

[54] Lors de l’audience, j’ai demandé plusieurs fois à l’avocat des demandeurs si, lors du troisième appel, les demandeurs avaient attiré l’attention de Mme Allen sur cette question de valve d’égouttement. Il m’a répondu qu’il est clair que l’étalon modèle 220L n’avait pas de valve d’égouttement. Je lui ai expliqué que la Cour ne pouvait pas déterminer si un étalon porte/utilise une valve d’égouttement (ou une valve de vidange ou de drainage). La Cour n’a ni la qualification ni le mandat pour le faire. Le rôle de la Cour est de déterminer si cette question a été soulevée devant la décideuse et, le cas échéant, si elle a abordé la question de façon raisonnable. L’avocat a répondu que la question de la formation de l’inspectrice Vanasse avait été posée lors du troisième appel. Il souligne que les demandeurs avaient demandé une révision complète du dossier dans le troisième appel, et que Mme Allen avait pu lire les documents et constater elle-même que l’étalon ne comprenait pas de valve d’égouttement.

[55] Je ne suis pas d’accord. Il incombait aux demandeurs de soulever leurs arguments à l’encontre de la Suspension lors de leur troisième appel. Les demandeurs ne peuvent pas avancer un argument pour la première fois devant la Cour, en particulier un argument d’ordre technique. Il ne suffit pas de demander une révision complète du dossier et, ayant reçu une décision négative, de soulever devant la cour de révision de nouveaux arguments particuliers à l’encontre de la décision contestée. À tout le moins, si leur préoccupation principale quant à la Suspension était une erreur dans les notes de l’inspectrice Vanasse, les demandeurs auraient dû soulever cet argument dans le cadre du troisième appel. Au risque de me répéter, je souligne que les notes de l’inspectrice ne mentionnent pas de valve d’égouttement. Elles font état de la valve et de la durée de la vidange. Je n’aborderai donc pas cet argument.

[56] Je retourne à la question générale de la formation de l’inspectrice Vanasse. M. Lamontagne a soulevé des préoccupations à l’égard de la formation et des qualifications de l’inspectrice Vanasse lors de ses trois appels. Dans le cadre du troisième appel, les demandeurs soulignent que l’inspectrice n’a pas été formée sur l’étalon modèle 220L (parce que M. Lamontagne est la seule personne capable de fournir cette formation) et que, par conséquent, elle n’avait pas reçu la formation nécessaire pour mener à bien les inspections du 23 février 2018. MC a répondu que tous ses inspecteurs reçoivent les formations nécessaires. Les demandeurs déclarent que MC n’a produit aucune preuve de la formation de l’inspectrice Vanasse.

[57] L’argument des demandeurs n’est pas convaincant. Les demandeurs se fient à des extraits précis des contre-interrogatoires de M. Parent et M. Bourdon mais ne tiennent pas compte des réponses complètes des deux hommes. Les demandeurs allèguent que M. Parent ne pouvait pas indiquer si l’inspectrice Vanasse avait reçu une formation sur l’utilisation de l’étalon modèle 220L, mais le défendeur souligne que M. Parent ne dit pas seulement qu’il n’existe pas de formation pour l’étalon de M. Lamontagne, mais aussi qu’elle n’est pas nécessaire. Tous les étalons sont différents. En effet, M. Parent explique que l’inspectrice Vanasse, bien que formée, ne peut pas connaître le fonctionnement et l’opération de tous les divers étalons, et qu’elle n’en a pas besoin de tout savoir puisque c’est la technicienne qui opère l’étalon. Le rôle de l’inspectrice est de s’assurer « que l’opération respecte les méthodes d’essais normalisées, par exemple, le temps d’égouttement... ». M. Parent explique aussi que la MEN est identique pour tous les étalons, « c’est toujours un étalon qui est étalonné pour une quantité à recevoir avec une façon d’égoutter l’étalon ».

[58] M. Bourdon confirme qu’aucune formation n’était requise pour procéder à l’examen de suivi de Mme Lamontagne lorsqu’il dit que l’inspectrice Vanasse « avait pris au préalable connaissance des particularités de l’étalon, ce qui était suffisant pour procéder à l’examen de suivi ». Il répète que l’inspectrice n’utilisait pas l’étalon. Ce sont les techniciens qui les utilisent au cours de l’examen de suivi.

[59] Les demandeurs soutiennent aussi que l’examen de suivi du 23 février 2018 a été effectué au moyen de distributrices défectueuses. Ils déclarent qu’un autre FSA a réparé les distributrices. Dans leur troisième appel, les demandeurs ont demandé à Mme Allen (Question #5) :

Pourquoi MC a suspendu [CELL] en 2018 au lieu du FSA qui était réellement responsable des infractions déjà présentes sur les distributeurs lors des examens de suivi du 23 février 2018?

[60] Mme Allen a répondu à cette question de façon détaillée le 18 juillet 2022. Après avoir expliqué qu’il y a une distinction entre « les infractions reliées au programme d’enregistrement et les non-conformités des appareils » et « le travail d’examen qui peut être effectué uniquement par les techniciens reconnus et le travail d’étalonnage (calibration) qui peut être effectué par tous les techniciens (pas seulement les techniciens reconnus par MC) », Mme Allen a continué :

La surveillance qui est effectuée par MC n’évalue pas la conformité des appareils uniquement, l’objectif est de confirmer que le travail des techniciens est conforme aux exigences du programme d’enregistrement. Pour toutes ces raisons, MC n’a pas identifié que le FSA, dont vous faites mention dans votre demande d’appel, est responsable des non-conformités qui auraient été présentes sur l’appareil lors de l’examen de suivi du 23 février 2018.

CELL n’a pas été suspendu pour les non-conformités identifiées sur les distributeurs, mais bien pour le non-respect des exigences du programme d’enregistrement, comme il a été indiqué dans les rapports d’infractions.

[61] À mon avis, la réponse de Mme Allen est intelligible et transparente.

[62] Je conclus donc que les demandeurs n’ont pas démontré que la Décision serait fondée sur des données erronées découlant de l’examen de suivi de 2018, et n’ont ainsi identifié aucune erreur révisable pour ce motif. MC a abordé les questions des demandeurs concernant la formation de l’inspectrice Vanasse. M. Parent et M. Bourdon ont répondu de façon claire et convaincante aux questions à cet égard au cours de leurs contre-interrogatoires respectifs. Mme Allen n’a pas été interrogée sur l’allégation d’erreur dans les notes de l’inspectrice au motif qu’elles feraient référence à une valve d’égouttement plutôt qu’à une valve de vidange. Il est clair que les demandeurs ne sont pas d’accord avec les conclusions de la décideuse et de MC, mais il ne revient pas à cette Cour de réévaluer et de soupeser à nouveau la preuve pour arriver à une conclusion qui leur serait favorable. Il n’incombe pas non plus à la Cour de déterminer si l’inspectrice Vanasse a reçu la formation nécessaire ou s’il y a une différence entre une valve d’égouttement et une valve de vidange.

[63] Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la décision de suspendre CELL était déraisonnable parce que l’examen de suivi s’est déroulé sur la base de processus et procédures aléatoires. Ils allèguent que les inspecteurs de MC n’utilisent pas de formulaire ou « checklist » standardisé et qu’il est donc impossible que chaque examen soit fait de la même façon. Selon les demandeurs, M. Bourdon a confirmé lors du contre-interrogatoire du 27 février 2023 qu’« il n’y a pas de méthode standard et que c’est aléatoire et [que] le mode de communication est aussi aléatoire ». Ils déclarent aussi que M. Bourdon a indiqué que MC n’a pas fourni à CELL de formation ou d’aide. Les demandeurs concluent leurs arguments en déclarant qu’« en se fondant sur la preuve fournie par MC, la décision de MC est déraisonnable puisqu’elle est fondée sur des [...] procédure et processus [...] aléatoires ». Cependant, les demandeurs ne précisent pas de quelle décision ils parlent.

[64] À nouveau, les demandeurs sélectionnent certains extraits des contre-interrogatoires et omettent le reste. Les demandeurs soutiennent que M. Bourdon a indiqué que les demandeurs n’ont pas reçu de formation ou d’aide de la part de MC. M. Bourdon a pourtant affirmé le contraire lorsqu’il dit : « J’ai personnellement tenté d’aider monsieur Lamontagne à traiter les infractions qui ont été soulevées ». M. Bourdon a aussi affirmé le contraire dans son Affidavit (aux para 24, 26, 28, 33 et 38). Les demandeurs soutiennent que M. Bourdon a parlé d’une méthode non standard et aléatoire en réponse à une question concernant l’utilisation d’un formulaire standardisé pour les inspections. Selon ma lecture de la transcription, M. Bourdon a seulement confirmé que le rapport d’un inspecteur pouvait être consigné sur Word, Excel ou d’autres programmes. M. Parent explique que, même si les inspecteurs de MC n’utilisent pas de formulaire standardisé, ils sont tenus de se conformer au processus prévu par le système de MC et de s’assurer que toutes les étapes de l’examen sont franchies dans le même ordre.

[65] M. Parent a également confirmé au cours de son contre-interrogatoire que CELL et M. Lamontagne ont reçu de l’aide. La chronologie des événements dans le mémoire des demandeurs et à l’Annexe 2 de la Décision démontre l’aide que MC a fourni aux les demandeurs. Dans leur propre mémoire, ils écrivent : « Le 5 mars 2018, le demandeur demande des indications et explications à M. Bourdon en se référant au manuel de l’inspecteur, à la MEN 7 et au guide de modalités du programme d’enregistrement, afin de procéder selon les règles de l’art et reçoit les réponses de M. Bourdon ».

[66] En outre, mis à part leur référence lors de l’audience à l’absence de formulaire standardisé et leurs allégations d’omission d’aide, les demandeurs n’expliquent pas quel(s) aspect(s) de l’examen de suivi étaient aléatoires. Plus important encore, ils ne démontrent pas en quoi ces lacunes alléguées rendent la Décision déraisonnable. Je conclus alors que les demandeurs n’ont pas soulevé d’erreur révisable dans la Décision de façon convaincante.

[67] Troisièmement, les demandeurs allèguent que MC n’a pas suivi une procédure standardisée pour mener à la Suspension. Ils soutiennent que M. Parent a indiqué lors de son contre-interrogatoire qu’il n’existe pas de processus exact menant à une suspension et que MC utilise les suspensions partielles et complètes de façon aléatoire. Selon les demandeurs, les Infractions étaient mineures et MC aurait pu prendre d’autres mesures raisonnables.

[68] J’ai lu les extraits pertinents des contre-interrogatoires de M. Parent. Il a expliqué que les infractions très graves, celles qui ont un impact direct sur le commerce, peuvent mener directement à une suspension. Il parlait d’infractions mineures et majeures. M. Parent a indiqué que MC considère plusieurs éléments avant d’imposer une suspension partielle ou complète.

[69] Les demandeurs ne m’ont pas convaincue que la Suspension résultait d’une procédure non standardisée et déraisonnable. Ils ignorent le paragraphe 16.1(3) de la Loi et les articles 1.8.4 et 1.11 des Modalités qui prévoient une suspension en cas de manquements graves :

L’application de cette mesure dépendra :

de la gravité de l’infraction;

de son incidence sur l’équité et l’exactitude de la mesure;

du fait qu’elle soit accidentelle ou intentionnelle; et

du nombre de répétitions ou fréquence.

[70] Dans sa réponse à la Question #2 de M. Lamontagne dans le troisième appel, Mme Allen a détaillé les Infractions et a expliqué que CELL « a été suspendu puisque les infractions identifiées par MC n’ont pas été réglées par l’organisme malgré plusieurs échanges, explications et discussion ». La Suspension indique clairement les MEN pertinentes et les motifs de MC concernant les deux Infractions. La Cour doit centrer son analyse sur la Décision rendue. Elle « ne doit pas pondérer à nouveau les éléments de preuve ni tirer sa propre conclusion » (Lalonde c Canada (Agence du revenu), 2023 CF 41 au para 29).

[71] En conclusion, les arguments des demandeurs contestent largement la décision de MC du 8 septembre 2018 de suspendre CELL et n’attaquent qu’indirectement sur la Décision. Toutefois, j’ai examiné chaque argument aux termes du troisième appel ainsi que les six questions soulevées par M. Lamontagne, les réponses de Mme Allen, la preuve au dossier y compris les transcriptions des contre-interrogatoires, les arguments écrits et oraux des parties, et la Décision et le Rapport.

[72] Mme Allen a procédé à une analyse rigoureuse du dossier avant de conclure que la Suspension était justifiée et qu’elle serait maintenue. Elle explique minutieusement l’étendue de l’analyse de l’appel et présente clairement ses motifs dans la Décision et le Rapport. Son analyse de la preuve au dossier qui sous-tend ses conclusions est « intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85). Ainsi, je conclus que la Décision répond amplement aux exigences de la Cour suprême du Canada selon lesquelles une décision administrative est raisonnable si elle est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov aux para 15, 99).

Manquement à l’équité procédurale

[73] Les demandeurs soutiennent dans leur mémoire que la Décision de Mme Allen de maintenir la Suspension sans prendre en considération et sans donner suite à leur troisième plan d’actions correctives est une violation de la règle audi alteram partem. Les demandeurs déclarent que la Décision empêche CELL d’exploiter son entreprise et M. Lamontagne de gagner sa vie, soulignant ainsi l’importance de la Décision.

[74] Les questions d’équité procédurale et l’obligation d’agir équitablement ne concernent pas le bien-fondé d’une décision rendue, mais se rapportent au processus suivi par le décideur administratif. L’équité procédurale comporte deux volets : le droit d’être entendu et d’avoir la possibilité de répondre à la preuve qu’une partie doit réfuter; et le droit à une audition juste et impartiale devant un tribunal indépendant (Therrien (Re), 2001 CSC 35 au para 82).

[75] La Cour d’appel fédérale affirme que les questions d’équité procédurale ne sont pas véritablement tranchées en fonction d’une norme de contrôle particulière (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 33-56 (CCP)). La cour de révision est plutôt chargée de déterminer si la procédure décisionnelle était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (CCP au para 54). Cette analyse comporte l’examen des cinq facteurs contextuels non exhaustifs énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker); Vavilov au para 77).

[76] L’argument des demandeurs selon lequel MC et Mme Allen n’ont pas pris en considération le troisième plan d’actions correctives de CELL est sans mérite. Mme Allen indique dans la Décision que le Rapport était joint à sa lettre afin d'informer CELL « des points qui ont été évalués » par MC dans le cadre du troisième appel. Le Rapport précise que les trois versions des plans d’actions correctives qui ont été soumis par CELL ne respectaient ni les exigences réglementaires ni celles du programme d’enregistrement :

CELL a soumis 3 versions des plans d’action et pour chaque version, puisqu'elles ne respectaient par les exigences, MC a donné des explications et des conseils afin d’assister M. Jacques Lamontagne à corriger les infractions soulevées.

[77] Mme Allen confirme aussi dans le Rapport qu’elle a considéré « [l]a dernière tentative » de CELL de résoudre les Infractions : la troisième version du plan d’actions correctives, reçue en deux parties le 2 août 2018 (20180528RACIS01R0183) et le 7 août 2018 (20180528RACIS02R0183). Elle note que des progrès ont été faits eu égard à la première Infraction, mais que CELL demandait toujours le retrait de la deuxième Infraction en raison d’une divergence d’interprétations entre CELL et MC. La preuve au dossier, notamment l’affidavit de M. Parent et la transcription de son contre-interrogatoire du 27 mars 2023, démontre aussi l’évaluation du troisième plan de CELL par MC.

[78] Il est donc évident que MC a considéré le troisième plan de CELL. En outre, la chronologie des événements menant à la Suspension témoigne d’un processus interactif dans lequel CELL a eu de nombreuses occasions de faire valoir ses arguments, de déposer de la preuve pertinente et de recevoir et comprendre le raisonnement et la position de MC. Le régime d’appel prévoit trois niveaux d’appels. Lors du troisième appel, les demandeurs ont pu poser des questions par écrit à MC et Mme Allen a répondu à ces questions. Il y a eu plusieurs rencontres avec les représentants de CELL et de MC, et plusieurs communications par écrit. Bien que les demandeurs n’aient pas reçu de rétroactions après le dépôt du troisième plan d’actions correctives, je conclus que le processus suivi par Mme Allen lorsqu’elle a considéré le troisième appel de la Suspension était équitable et participatif. CELL et M. Lamontagne connaissaient la preuve à réfuter et ont eu la possibilité complète et équitable d’y répondre (CCP au para 56). À mon avis, il n’incombait pas à MC de fournir d’autres rétroactions ou d’accorder à CELL une nouvelle occasion de réviser leur plan d’actions correctives.

[79] À l’audience, les demandeurs ont suggéré que MC avait déjà pris sa décision tout au début du processus. Ils allèguent que les décideurs n’ont pas considéré la preuve fournie par CELL parce qu’ils avaient déjà décidé qu’ils n’allaient pas accepter les arguments de M. Lamontagne. Selon les demandeurs, ce point soulève une question de partialité.

[80] Les demandeurs ont soulevé leur allégation de partialité au dernier moment. Je reconnais que les demandeurs font référence, dans leur mémoire, au paragraphe 45 de l’arrêt Baker et à l’importance de l’impartialité d’un décideur administratif. Toutefois, cette référence apparaît sans explication au milieu d’allégations de données erronées.

[81] De plus, le critère qu’il convient d’appliquer aux craintes de partialité (réelles ou perçues) est bien établi, et le seuil à atteindre est élevé. Pour déterminer s’il y a une crainte raisonnable de partialité, il faut se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » et si cette personne croirait, selon toute vraisemblance, que le décideur, « consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste » (Baker au para 46). Une allégation de partialité ne peut uniquement reposer sur les impressions ou les soupçons du demandeur. Il s’agit d’une allégation grave qui met en doute l’intégrité de l’agent et qui doit être étayée par des preuves concrètes (Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223 au para 8). Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui allègue la crainte raisonnable de partialité (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 633 au para 39).

[82] Les demandeurs n’ont produit aucun élément de preuve pour étayer leur accusation de partialité. Ils déclarent simplement que M. Parent était toujours présent et qu'il « avait l'oreille de Mme Allen », mais une allégation de partialité ne peut être soulevée à la légère. Une telle allégation doit être démontrée au moyen de preuves concrètes (Alvarez c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2022 CF 185 au para 49). Ici, les demandeurs n’en ont présenté aucune.

[83] Je rejette donc l’allégation de partialité des demandeurs.

VIII. Conclusion

[84] Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.

[85] Avec le consentement des parties et en conformité avec la Règle 303(1), l’intitulé de la présente cause est modifié pour désigner correctement le défendeur, à savoir le Procureur général du Canada.

IX. Dépens

[86] À la conclusion de l’audience, les parties ont convenu de se consulter et d’aviser la Cour si elles parvenaient à s’entendre sur le montant des dépens payables.

[87] Dans une lettre datée du 12 décembre 2023, les parties ont fait part à la Cour de leur accord selon lequel la partie ayant gain de cause recevrait le montant de 4 000$ à titre de dépens de la demande, payable par la partie perdante.

[88] Je ne vois aucune raison de déroger à la règle générale selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je suis d’accord avec les parties que la somme forfaitaire de 4 000 $ sur laquelle les parties se sont entendues est raisonnable et justifiée.

[89] J’accorderai donc au défendeur des dépens d’un montant de 4 000 $.

 


JUGEMENT AU DOSSIER T-2113-22

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.

  2. L’intitulé de la cause est modifié afin d’indiquer que le Procureur général du Canada est le défendeur.

  3. Des dépens de 4 000 $ sont accordés au défendeur.

« Elizabeth Walker »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2113-22

 

INTITULÉ :

JACQUES LAMONTAGNE (LE FABRICANT), JACQUES LAMONTAGNE (TECHNICIEN RECONNU) ET C.E.L.L. INSPECTION INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 novembre 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 AVRIL 2024

 

COMPARUTIONS :

Me Fritz-Gérald Morisseau

 

Pour les demandeurs

 

Me Jean-Robert Noiseux

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mandats Société Professionnelle

Avocates

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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