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Date : 20051027

Dossier : T-1225-04

Référence : 2005 CF 1440

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

TERESA TULLI

demanderesse

et

SYMCOR INC.

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                « Il est bien établi, et ce n'est pas remis en cause en l'instance, que la norme de contrôle pour modifier une décision de congédiement injuste ou d'allocation d'une indemnité par un arbitre désigné en vertu de l'article 242 du Code, est celle de la décision manifestement déraisonnable. La norme a été confirmée dans plusieurs décisions de la Cour, notamment : Fraser c. Banque de Nouvelle-Écosse (2000), 186 F.T.R. 225 (1re inst.); Gauthier c. Banque du Canada (2000), 191 F.T.R. 219 (1re inst.); Roe c. Rogers Cablesystems Ltd. (2000), 4 CCEL (3d) 170 (C.F. 1re inst.); Bande indienne de Lac La Ronge c. Laliberté (2000) , 192 F.T.R. 100 (C.F. 1re inst.) et Nation Wayzhushk Onigum c. Kakeway, 2001 CFPI 819; [2001] A.C.F. no 1167 (C.F. 1re inst.).

            Afin de déterminer si une décision est manifestement déraisonnable, la Cour doit se demander si la preuve, appréciée raisonnablement, est incapable d'étayer la conclusion du tribunal. » [1]

[2]                « Comme nous pouvons le constater, le législateur a effectivement prévu, pour ce qui est des décisions rendues par un arbitre dans le cadre d'une plainte déposée en vertu de l'article 240 du Code, une clause privative à l'article 243 du Code. Ainsi, il va de soi que notre Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire de telles décisions, se doit d'agir avec beaucoup de circonspection et de retenue. » [2]

NATURE DE LA PROCÉDUREJUDICIAIRE

[3]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre rendue le 31 mai 2004, selon laquelle la plainte de congédiement injuste présentée par la demanderesse en vertu de l'article 240 et suivants du Code canadien du travail[3] (Code) a réellement fait l'objet d'un règlement à l'amiable entre les parties.

FAITS

[4]                La demanderesse, Madame Teresa Tulli, a été à l'emploi de la défenderesse, Symcor inc., et de l'un de ses prédécesseurs, la Banquede Montréal, pendant près de 25 ans.

[5]                Le 29 janvier 2003, l'entreprise Symcor a informé Madame Tulli qu'elle mettait fin à l'emploi de cette dernière et lui offrait une indemnité de départ comprenant notamment l'équivalent de 72 semaines de salaire. La raison donnée par écrit à Madame Tulli était que « [...] due to changes in the work volumes of the Exception Processing Sector, your position has been eliminated » . La raison du congédiement, c'est-à-dire la suppression du poste de Madame Tulli en raison des volumes changeants de travail, est incontestée.

[6]                Le 19 février 2003, Madame Tulli a, en vertu de l'article 240 du Code, présenté une plainte de congédiement injuste.

[7]                Suite au dépôt de la plainte, les parties ont été convoquées une première fois devant l'arbitre le 20 octobre 2003. Au début de l'audition, les avocats des parties ont demandé un ajournement afin de discuter du dossier et de la possibilité d'un règlement. Les procureurs sont revenus devant l'arbitre le même jour pour l'informer qu'une entente de règlement était intervenue entre les parties et que les détails écrits suivraient. Seul le mode de versement des sommes à payer demeurait indéterminé. L'avocat de Madame Tulli devait indiquer à l'avocat de Symcor si Madame Tulli désirait recevoir la somme correspondant aux 75 semaines de salaire (et non pas 72 semaines tel qu'initialement offert par Symcor) sous forme de continuité salariale ou de montant forfaitaire et si une partie de cette somme devait être versée directement dans le RÉER de Madame Tulli.

[8]                Le 2 décembre 2003, suite à une conversation téléphonique entre les avocats, l'avocat de Symcor a transmis à l'avocat de Madame Tulli une lettre confirmant l'entente intervenue, ainsi qu'une entente de règlement et quittance modifiée pour refléter l'entente du 20 octobre 2003 et le désir exprimé par Madame Tulli de recevoir son indemnité de départ sous forme de continuité salariale.

[9]                Par lettre datée du 10 décembre 2003, l'avocat de Madame Tulli a demandé certains renseignements et a également demandé que certaines modifications soient apportées à l'entente de règlement et quittance. Par lettre datée du 8 janvier 2004, l'avocat de Symcor a fourni les renseignements demandés, a acquiescé à certaines demandes de l'avocat de Madame Tulli mais a rejeté la demande visant à augmenter le nombre de semaines sur lequel les parties s'étaient entendues. Une entente reflétant ces dispositions était annexée à cette lettre du 10 décembre 2003.

[10]            À la demande de l'avocat de Madame Tulli, l'avocat de Symcor a transmis à celui-ci le 4 mars 2004 deux nouvelles versions de l'entente de règlement et quittance mise à jour en raison de l'écoulement du temps, l'une dans l'éventualité où Madame Tulli choisissait de recevoir un montant forfaitaire (pièce E-4), l'autre dans l'éventualité où elle choisissait la continuité salariale.

[11]            Quelques semaines plus tard, l'avocat de Madame Tulli a informé l'avocat de Symcor que Madame Tulli ne désirait plus signer l'entente et voulait retourner devant l'arbitre.

[12]            L'arbitre a donc convoqué les parties à une nouvelle audition le 14 mai 2004. Lors de l'audition, les parties ont procédé par admissions et par le dépôt des pièces D-1 à D-4.

DÉCISION CONTESTÉE

[13]            L'arbitre conclut, à la lumière des faits qui lui sont soumis, que les éléments d'une transaction au sens des articles 2631 et 2633 du Code civil du Québec[4] étaient présents :

[13] Articles 2631 and 2633 of the Quebec Civil Code regarding transactions are applicable in the present instance and provide as follows:

Art. 2631. Transaction is a contract by which the parties prevent a future contestation, put an end to a lawsuit or settle difficulties arising in the execution of a judgment, by way of mutual concessions or reservations.

A transaction is indivisible as to its object.

Art. 2633. A transaction has, between the parties, the authority of a final judgment (res judicata).

A transaction is not subject to compulsory execution until it is homologated.

...

[16] In the case before me, only the modalities as to the manner of payment of the severance indemnity, whether as continuing salary and/or as a lump sum, to be deposited in whole or in part into an RRSP of the complainant in order to minimize taxes, remained to be decided, and this at the sole option of complainant Tulli. This being so, I am of the view, as was the Court in Ferlatte vs. Ventes Rudolph Inc. that the essentials of a transaction had been concluded verbally herein as of October 20, 2003. The agreement was up-dated (sic) due to the passage of time in the draft of March 8, 2004 while awaiting Mrs. Tulli's signature and this latter draft, exhibit E-4, is that which binds the parties as of that time, subject to any applicable adjustments, attributable to the passage of time. Consequently, Symcor may liberate itself of any further liability in virtue of the present complaint by payment to complainant Tulli of the amounts due in accordance with E-4 and by respecting the other provisions thereof.

...

[19] Considering the foregoing, I am of the view that consent to the essentials of a transaction was duly exchanged by the respective counsel of the parties acting within their mandate, that this consent has not been vitiated by error, fraud, or violence, that the transaction is "chose jugée" (res judicata) between the parties and has put an end to the present proceedings. Accordingly, I grant acte to the transaction of settlement as contained in exhibit E-4, subject to any adjustments of amounts attributable to the passage of time.

QUESTION EN LITIGE

[14]            La première question soulevée par la présente demande est celle de la détermination du critère de révision applicable à l'examen par cette Cour de la décision de l'arbitre. Symcor inc. soumet que le critère pertinent est celui du caractère « manifestement déraisonnable » .

[15]            La deuxième question en litige est de savoir si la conclusion de l'arbitre suivant laquelle une transaction est intervenue satisfait au critère de révision applicable. Symcor inc. entend démontrer que cette conclusion ne donne pas ouverture à l'intervention judiciaire parce que non seulement l'arbitre n'a pas erré de façon manifestement déraisonnable dans son interprétation des faits et du droit mais, qui plus est, que sa décision est bien fondée en fait et en droit.

ANALYSE

A.        Le critère de révision applicable

[16]            Les décisions arbitrales qui disposent de plaintes de congédiement injuste sont protégées par la clause privative contenue à l'article 243 du Code. Le critère de révision applicable au contrôle judiciaire de ces décisions est bien établi par la jurisprudence et est celui du caractère manifestement déraisonnable. Cette Cour s'exprimait comme suit, sur le sujet, dans C.L. c. Nlha'7 kapmx Child and Family Services.[5] :

Il est bien établi, et ce n'est pas remis en cause en l'instance, que la norme de contrôle pour modifier une décision de congédiement injuste ou d'allocation d'une indemnité par un arbitre désigné en vertu de l'article 242 du Code, est celle de la décision manifestement déraisonnable. La norme a été confirmée dans plusieurs décisions de la Cour, notamment [...][6]

Afin de déterminer si une décision est manifestement déraisonnable, la Cour doit se demander si la preuve, appréciée raisonnablement, est incapable d'étayer la conclusion du tribunal. [7]

[17]            Dans Chuanico c. Banque de Montréal[8], une affaire où l'existence d'une transaction fit l'objet d'une demande de révision judiciaire, Monsieur le juge Blais écrivait :

Norme de contrôle

Dans l'affaire Gauthier c. Banque du Canada (2000), 5 C.C.E.L. (3d) 169 (C.F. 1re inst.), le juge Lemieux s'est exprimé ainsi :

Comme nous pouvons le constater, le législateur a effectivement prévu, pour ce qui est des décisions rendues par un arbitre dans le cadre d'une plainte déposée en vertu de l'article 240 du Code, une clause privative à l'article 243 du Code. Ainsi, il va de soi que notre Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire de telles décisions, se doit d'agir avec beaucoup de circonspection et de retenue.

En outre, je partage l'avis de Monsieur le juge Heald dans Aziz v. Telesat Canada    (1995), 104 F.T.R. 267 (C.A.F.), qui a bien résumé les normes de contrôle applicables dans le cas de décisions rendues par un arbitre et ce, après avoir analysé la jurisprudence pertinente :

En résumé, la jurisprudence applicable montre clairement que le critère d'examen relatif aux erreurs de fait et de droit est le critère élevé, et même rigoureux, de l'erreur manifestement déraisonnable. Elle montre également que le critère moindre, c'est-à-dire le critère de justesse, s'applique lorsque les erreurs

se rapportent à des dispositions qui définissent la compétence d'un arbitre. [Nos soulignés]

[18]            Par ailleurs, dans Marchand c. Hydro-Québec[9], Monsieur le juge Brossard rendant jugement pour la majorité de la Cour d'appel du Québec écrivait :

Ce n'est que si l'intimé avait conclu que la transaction devait être annulée et mise de côté, pour vice de consentement, qu'il aurait pu se prononcer sur le mérite du congédiement.    La démarche suivie par l'intimé, sur cette question, me paraît inattaquable et relever de sa compétence stricto sensu.

Ce n'est que s'il a erronément conclu à la validité de la transaction, et ce, de façon manifestement déraisonnable, qu'il pouvait y avoir ouverture à révision judiciaire.    La démarche du premier juge, à ce sujet, me paraît également inattaquable.

[19]            À la lumière de ce qui précède, la Cour soumet que le critère de révision applicable en l'espèce est celui de l'erreur manifestement déraisonnable.

B.         L'absence d'excès de compétence

            1.          Les éléments d'une transaction

[20]            Selon le Code civil du Québec, la transaction est le contrat, notamment, par lequel les parties terminent un procès au moyen de concessions ou de réserves réciproques. Un tel contrat a l'autorité de la chose jugée entre les parties[10] :


2631.       La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

Elle est indivisible quant à son objet.

[...]

2633.       La transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée.

                La transaction n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée.

2631.       Transaction is a contract by which the parties prevent a future contestation, put an end to a lawsuit or settle difficulties arising in the execution of a judgment, by way of mutual concessions or reservations.

                A transaction is indivisible as to its object.

...

2633.       A transaction has, between the parties, the authority of a final judgment ( res judicata).

                A transaction is not subject to compulsory execution until it is homologated.

[21]            La transaction, à titre de contrat bilatéral, se forme par le seul échange de consentement des parties.[11] Les articles pertinents du Code civil du Québec à ce sujet sont les suivants :

1385.       Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n'exige, en outre, le respect d'une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n'assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.

                Il est aussi de son essence qu'il ait une cause et un objet.

1386.       L'échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d'une personne d'accepter l'offre de contracter que lui fait une autre personne.

1387.       Le contrat est formé au moment où l'offrant reçoit l'acceptation et au lieu où cette acceptation est reçue, quel qu'ait été le moyen utilisé pour la communiquer et lors même que les parties ont convenu de réserver leur accord sur certains éléments secondaires.

1385.       A contract is formed by the sole exchange of consents between persons having capacity to contract, unless, in addition, the law requires a particular form to be respected as a necessary condition of its formation, or unless the parties require the contract to take the form of a solemn agreement.

                It is also of the essence of a contract that it have a cause and an object.

1386.       The exchange of consents is accomplished by the express or tacit manifestation of the will of a person to accept an offer to contract made to him by another person.

1387.       A contract is formed when and where acceptance is received by the offeror, regardless of the method of communication used, and even though the parties have agreed to reserve agreement as to secondary terms.

[22]            Enfin, la transaction conclue par l'avocat d'une partie lie cette dernière sauf si elle l'a répudiée au motif qu'elle excédait le mandat confié à l'avocat.[12]

2160.       Le mandant est tenu envers le tiers pour les actes accomplis par le mandataire dans l'exécution et les limites du mandat, sauf si, par la convention ou les usages, le mandataire est seul tenu.

                Il est aussi tenu des actes qui excédaient les limites du mandat et qu'il a ratifiés.

2161.       Le mandant peut, s'il en subit un préjudice, répudier les actes de la personne que le mandataire s'est substituée lorsque cette substitution s'est faite sans l'autorisation du mandant ou sans que son intérêt ou les circonstances justifient la substitution.

2160.       A mandator is liable to third persons for the acts performed by the mandatary in the performance and within the limits of his mandate unless, under the agreement or by virtue of usage, the mandatary alone is liable.

                The mandator is also liable for any acts which exceed the limits of the mandate, if he has ratified them.

2161.      The mandator may repudiate the acts of the person appointed by the mandatary as his substitute if he suffers any injury thereby, where the appointment was made without his authorization or where his interest or the circumstances did not warrant the appointment.

[23]            Ainsi, devons-nous conclure des dispositions qui précède que lorsque l'avocat d'un demandeur accepte verbalement l'offre de règlement proposée par l'avocat d'un défendeur, le demandeur et le défendeur sont liés par cette acceptation à moins que l'un ou l'autre ne répudie le

geste posé par son procureur au motif que ce dernier aurait outrepassé son mandat. Qu'en est-il en l'espèce.

            2.          Appréciation des faits

                        2.1        Preuve à l'audition

[24]            Lors de l'audition devant l'arbitre, les parties ont convenu de procéder par admissions et le dépôt des documents D-1 à D-4.

[25]            Les admissions des parties sont reprises aux paragraphes 1 à 12 de la décision de l'arbitre. Il s'agit là, avec les documents D-1 à D-4, de la seule preuve administrée devant l'arbitre pour les fins de rendre sa décision.

                        2.2        Décision de l'arbitre

[26]            À la lumière des faits mis en preuve devant lui, l'arbitre conclut qu'une transaction est effectivement intervenue entre les parties.

[27]            Après avoir résumé les faits et cité les articles 2631 et 2633 du Code civil du Québec, l'arbitre poursuit son analyse et constate que les faits de la présente affaire sont très similaires à ceux de l'affaire Ferlatte c. Ventes Rudolph inc.[13] où Monsieur le juge Fraiberg de la Cour supérieure du Québec avait conclut à l'existence d'une transaction.

[28]            Comme en l'espèce, dans l'affaire Ferlatte, une entente de règlement était intervenue entre les procureurs des parties, lesquels n'avaient pas été désavoués par leur client à l'égard d'une plainte de congédiement injuste déposée suivant l'article 124 de la Loi sur les normes du travail[14]. Quoiqu'une entente écrite n'avait pas été signée, il fût décidé qu'une transaction était intervenue par l'échange des consentements de procureurs. L'essentiel de la transaction portait sur le montant du règlement alors que les retenues fiscales (en litige) n'étaient pas secondaires à celle-ci. Par ailleurs, le refus d'une partie de signer la convention de transaction ne changeait rien au fait que la transaction avait bel et bien eu lieu.

[29]            L'arbitre retient de la preuve qu'en l'espèce, le 20 octobre 2003, les procureurs ont conclut une entente de règlement qui mettait fin au litige entre les parties et par laquelle la période de préavis offerte à Madame Tulli lors de son licenciement passerait de 72 semaines à 75 semaines en considération de quoi elle donnait quittance complète et finale à Symcor inc. sauf en ce qui a trait à une affaire pendante devant la Cour supérieure, seul demeurait pour Madame Tulli d'informer la Symcor inc. si le montant du règlement devait être versé sous forme de continuité salariale ou de montant forfaitaire et, le cas échéant, si quelque partie dudit montant devait être versée directement au REER de Madame Tulli.

In the case before me, only the modalities as to the manner of payment of the severance indemnity, whether as a continuing salary and/or as a lump sum, to be deposited in whole or in part into an RRSP of the complainant in order to minimize taxes, remained to be decided, and this at the sole option of complainant Tulli. This being so, I am of the view, as was the Court in Ferlatte vs. Ventes Rudolph Inc. that the essentials of a transaction had been concluded verbally herein as of October 20, 2003.

[30]            L'arbitre appuie également son raisonnement sur la sentence de l'arbitre Guilbert rendue dans Yager c. Bombardier inc.[15], décision rendue sous l'égide des articles 240 et suivants du Code.

[31]            La décision de l'arbitre présentement sous révision est bien fondée tant en fait qu'en droit et ne saurait d'aucune façon rencontrer le critère de la décision manifestement déraisonnable requis pour que cette honorable cour intervienne. De fait, non seulement cette décision n'est-elle pas manifestement déraisonnable, mais il s'agissait, à la lumière de la preuve qu'il avait devant lui, de la seule décision qui pouvait rendre l'arbitre.

                        2.3        Motifs soulevés par Madame Tulli

            Premier Motif

[32]            Il est faux de prétendre, comme le fait Madame Tulli, que la décision de l'arbitre est erronée au motif qu'il n'a pas tenu compte de « plusieurs lettres » à l'effet que Symcor inc. ne fournissait pas ou refusait de fournir quelque information que ce soit.

[33]            D'une part, de telles lettres, si elles existent, n'ont jamais été transmises à Symcor inc.! D'autre part, de telles lettres n'étaient certes pas en preuve devant l'arbitre et n'ont pas été déposées dans le présent dossier. Ce motif devrait donc être rejeté.

            Deuxième Motif

[34]            Selon Madame Tulli, l'arbitre aurait erré en mentionnant que les termes du contrat étaient déterminés.

[35]            Madame Tulli connaissait depuis le 20 octobre 2003, les montants auxquels elle avait droit. En effet, comment aurait-il pu en être autrement? En acceptant l'offre de Symcor inc. de régler le dossier en prolongeant la période de préavis de trois semaines, Madame Tulli allait recevoir l'équivalent de trois semaines de salaires supplémentaires. Comment Madame Tulli peut-elle prétendre ne pas être en mesure de faire un choix éclairé. Elle connaissait ou aurait dû connaître son salaire hebdomadaire, la nouvelle durée du préavis, le nombre de semaines de salaire qui lui avaient déjà été versées. Elle pouvait donc, par de simples calculs, déterminer les montant auxquels elle avait droit. Ce second motif devrait donc également être rejeté.

            Troisième Motif

[36]            Il est faux de prétendre que le nombre de semaines auquel Madame Tulli avait droit n'était pas indiqué dans les documents transmis à celle-ci par Symcor inc. Quant à la suffisance des 75 semaines sur lesquelles les parties s'étaient entendues, cette question n'est d'aucune pertinence puisque c'est justement sur ce nombre que les parties s'étaient entendues le 20 octobre 2003.

[37]            À tout événement, qu'il suffise de dire qu'il s'agit d'un préavis de près de 18 mois pour une employée non cadre ce qui, dans les circonstances, était plus que raisonnable. Cet autre motif de Madame Tulli ne saurait donc être retenu.

            Quatrième Motif

[38]            Madame Tulli allègue ensuite que les délais qu'elle a encourus sont à ce point importants qu'ils lui permettent de répudier l'entente intervenue.

[39]            D'une part, cela confirme qu'il y avait effectivement une entente entre les parties. D'autre part, les délais dont se plaint Madame Tulli, lui sont uniquement imputables. En effet, comme le mentionne l'arbitre, il revenait à Madame Tulli d'informer Symcor inc. du mode de versement des sommes du règlement, ce qu'elle a tardé à faire et ce qui a engendré les délais dont elle se plaint aujourd'hui. Ce quatrième motif devrait donc également être rejeté.

            Cinquième Motif

[40]            Quant à l'absence de document signé par les parties, cela ne rend pas moins la transaction intervenue valide. En effet, comme mentionné précédemment, la transaction n'est pas un contrat requérant un écrit, le seul échange des consentements suffise à créer le contrat. À ce sujet, nous référons cette honorable cour aux affaires suivantes : Yager, supra, Kasmi c. Centre de Géomatique du Québec inc.[16], Fontaine, supra. Cette règle trouve son équivalent également dans les provinces de common law où des faits très similaires ont été décidés en ce sens : Hefni and Canadian Imperial Bank of Commerce[17]. Ces motifs ne sauraient donc également être retenus.

[41]            Enfin, Madame Tulli soumet que la jurisprudence retenue par l'arbitre au soutien de sa décision ne tient pas compte des délais qu'elle aurait subis et des dommages qui lui furent infligés.

[42]            D'une part, tel que mentionné précédemment, les délais dont Madame Tulli se plaint lui sont uniquement attribuables. D'autre part, les dommages auxquels réfère Madame Tulli sont inexistants et n'ont certes pas été prouvés tant devant l'arbitre que devant cette Cour.

[43]            La décision de l'arbitre est donc inattaquable également sur ce point.

CONCLUSION

[44]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, la sentence de l'arbitre du 31 mai 2005 est confirmée et la demanderesse est condamnée au paiement de frais de cette demande de contrôle judicaire sur la base avocat-client.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

1.          La demande de révision judiciaire soit rejetée;

2.          La sentence de l'arbitre du 31 mai 2005 soit confirmée;

3.          La demanderesse soit condamnée au paiement des frais de cette demande de contrôle judiciaire sur la base avocat-client.

« Michel M.J..Shore »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-1225-04

INTITULÉ :                                                    TERESA TULLI

                                                                        c.

SYMCOR INC.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 29 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE          

ET ORDONNANCE :                                    MONSIEUR LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS DE

L'ORDONNANCE                     

ET ORDONNANCE :                                    LE 27 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS:

Me Alexandre Montambault                              POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me André Giroux                                              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

MONTAMBAULT BOUDREAN s.e.n.c.        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

OGILVY RENAULT                                        POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)



[1]Madame le juge Dawson, dans l'affaire C.L. c. Nlha'7 kapmx Child and Family Services, [2002] A.C.F. no 493 (QL).

[2] Monsieur le juge Lemieux, dans l'affaire Gauthier, supra.

[3] L.R.C. (1985), ch. L-2.

[4] L.Q., 1991, c. 64.

[5] Supra aux par. 17 et 18.

[6] C.L. c. Nlha'7 kapmx Child and Family Services, supra (voir Introduction).

[7] Supra.

[8] [2001] A.C.F. no 1226 (QL) au par. 19.

[9][1998] A.Q. no 972 (QL) aux par. 16 et 17, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée ([1998] C.S.C.R. no 215 (QL); voir également Fontaine c. BASF Canada inc, [2002] J.Q. no 4259 (QL)).

[10] Article 2631 et 2633 du Code civil du Québec.

[11] Articles 1385-1387 Code civil du Québec.

[12] Articles 2160-2161 Code civil du Québec.

[13] [1999] J.Q. no 2735 (QL).

[14] L.R.Q., c. N-1.1.

[15] [2001] D.A.T.C. no 448.

[16] 2004 QCCRT 101, [2004] D.C.R.T.Q. no 101 (QL).

[17] [1996] C.L.A.D. no 326 (QL).

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