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Date : 20060504

Dossier : IMM-5423-05

Référence : 2006 CF 559

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2006

En présence de Monsieur le juge Shore

ENTRE :

RUBEN DARIO MODERNELL GILGORRI

ANA LAURA RODRIGUEZ PADRON

BRIAN DARIO MODERNELL RODRIGUEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]                Dans l'arrêt Chan, la Cour suprême du Canada a réitéré qu'un revendicateur de statut a le fardeau de démontrer l'existence d'une crainte bien fondée de persécution. Cette crainte comporte à la fois un élément subjectif et objectif et seule l'existence de ces deux éléments permet de conclure qu'une possibilité sérieuse de persécution s'y rattache :

Tant l'existence d'une crainte subjective que le fondement objectif de cette crainte doivent être établis selon la prépondérance des probabilités. [...] On a décrit le critère applicable comme étant l'existence d'une « possibilité raisonnable » ou, plus justement à mon avis, d'une « possibilité sérieuse » .

(Chan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 187 N.R. 321, [1995] 3 R.C.S. 593, [1995] A.C.S. no 78 (QL))

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi) de la décision de la Section de protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission) datée du 18 août 2005 par laquelle il a été décidé que les demandeurs n'ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi.

FAITS

[3]                Les demandeurs, monsieur Ruben Dario Modernell Gilgorri, son épouse, madame Ana Laura Rodriguez Padron, et leur fils, Brian Dario Modernell Rodriguez, sont citoyens de l'Uruguay. La famille base sa demande sur le récit de monsieur Modernell Gilgorri.

[4]                Madame Rodriguez Padron travaille quelques années dans une pharmacie alors que monsieur Modernell Gilgorri, après avoir étudié en électricité, travaille à son compte à titre d'électricien et vendeur de divers produits.

[5]                À la mi-décembre 2002, monsieur Modernell Gilgorri est élu à titre de membre de la Direction du Centre communautaire local. Peu après, il s'aperçoit que des membres du Comité exécutif s'approprient l'argent destiné à la collectivité. En février 2003, monsieur Modernell Gilgorri dénonce ce détournement de fonds. Monsieur Modernell Gilgorri allègue alors avoir subi une agression par trois personnes mais il n'a pas porté plainte à la police parce qu'il n'était pas en mesure d'identifier ses agresseurs.

[6]                Après cette agression, monsieur Modernell Gilgorri cesse d'assister aux réunions du Comité exécutif mais il poursuit ses travaux communautaires auprès de la population défavorisée de son quartier.

[7]                En décembre 2003, lors de l'assemblée générale de la Direction du Centre communautaire, monsieur Modernell Gilgorri dénonce le détournement de fonds. Plusieurs personnes réclament la démission des membres du Comité exécutif qui sont, selon monsieur Modernell Gilgorri, membres du Parti communiste uruguayen.   

[8]                Puis, en avril 2004, monsieur Modernell Gilgorri rencontre Alejandro Fernandez, un ancien membre du Comité exécutif, qui souligne qu'il ne l'a pas oublié.

[9]                En mai 2004, alors qu'il retourne à la maison le soir, monsieur Modernell Gilgorri est agressé par quatre individus. Il porte plainte à la police. Suite à la dénonciation et à l'enquête de la police, Alejandro Fernandez est arrêté et détenu pour agression à l'encontre de monsieur Modernell Gilgorri.

[10]            Vers la fin mai et le début juin 2004, Madame Rodriguez Padron est agressée et leur fils est menacé à plusieurs reprises. En septembre 2004, monsieur Modernell Gilgorri est menacé à son tour, on lui dit que s'il ne retire pas les accusations, il sera tué.

[11]            Monsieur Modernell Gilgorri décide alors de quitter le pays avec sa famille. Ils quittent l'Uruguay le 28 octobre 2004 en autobus à destination du Canada via l'Argentine, le Chili, le Pérou, l'Équateur, la Colombie, le Panama, le Costa-Rica, le Nicaragua, El Salvador, le Guatémala, le Mexique et finalement les États-Unis. Ils traversent la frontière de Lacolle le 24 novembre 2004 et réclament la protection du Canada.

DÉCISION CONTESTÉE

[12]            La Commission conclue qu'ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger puisqu'elle ne voit pas de lien avec la Convention et que monsieur Modernell Gilgorri n'a pas attendu que les autorités policières et judiciaires uruguayennes fassent leur travail.

[13]            La Commission détermine que monsieur Modernell Gilgorri et sa famille sont davantage confrontés à une crainte de vengeance personnelle. Il s'agit davantage d'un problème de criminalité locale que d'une question de persécution. La Commission est d'avis que les autorités ont agi selon les normes, c'est-à-dire qu'elles ont enquêté et introduit un procès contre Alejandro Fernandez suite à la plainte de monsieur Modernell Gilgorri.

[14]            La Commission doute de la validité de la crainte de monsieur Modernell Gilgorri et sa famille. Elle trouve que leur comportement est incompatible avec celui de personnes raisonnables ayant une crainte de persécution et recherchant la protection internationale. En effet, ils ont traversé douze pays avant d'arriver au Canada mais n'ont pas demandé l'asile dans aucun de ces pays.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]            Les parties soulèvent les questions en litige suivantes :

1.       La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur principal n'était pas crédible eu égard à la crainte de persécution alléguée?

2.       La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve afin de démontrer qu'ils ne pouvaient pas bénéficier de la protection de l'État de l'Uruguay?

3.       La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs pouvaient bénéficier d'un refuge interne?

ANALYSE

Norme de contrôle

[16]            Grâce à son expertise, la Commission est le tribunal le mieux placé pour apprécier les faits, particulièrement lorsqu'il s'agit d'évaluer la crédibilité des témoins et la preuve présentée relative à la définition de réfugié au sens de la Convention.

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

(Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 4)

[17]            Cette Cour a réitéré à de nombreuses reprises que le principe de la norme manifestement déraisonnable s'appliquait aux décisions de la Commission. (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1283 (QL), aux paragraphes 9-15; Moore c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no1772 (QL), aux paragraphes 8-9; Tvauri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1188 (QL), aux paragraphes 10-11; Wen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 907 (QL))

[18]            La Commission détient une expertise bien reconnue eu égard à l'appréciation des faits, particulièrement dans l'évaluation de la crédibilité des personnes revendiquant le statut de réfugié et dans la disponibilité de la protection offerte par le pays d'origine. (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, [1998] A.C.S. no 46(QL))

[19]            La question de savoir s'il existe une possibilité de refuge interne est celle aussi une question de fait. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision manifestement déraisonnable. (Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 999, [2003] A.C.F. no 1263 (QL), aux paragraphes 9-10; E.H.S. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1325, [2005] A.C.F. no 1606 (QL), au paragraphe 10; Urgel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1777, [2004] A.C.F. no 2171 (QL), au paragraphe 13; Dillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 381, [2005] A.C.F. no 463 (QL), au paragraphe 7; Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1591, [2004] A.C.F. no 1912 (QL), au paragraphe 18)

Crédibilité et crainte de persécution

[20]            Monsieur Modernell Gilgorri allègue qu'il craint d'être persécuté par Alejandro Fernandez, membre du Parti communiste uruguayen et ancien membre du centre communautaire local. Monsieur Modernell Gilgorri dit craindre ce dernier en raison de ses opinions politiques et parce qu'il l'a dénoncé à la police ce qui a mené à son arrestation, des accusations et un procès.

[21]            En plus de fuir l'Uruguay à cause des menaces de Fernandez, monsieur Modernell Gilgorri a souligné durant l'audience qu'il avait pour but de venir au Canada afin de quitter la misère qui existe dans son pays.

[22]            Dans le présent dossier, les conclusions de la Commission s'infèrent raisonnablement de la preuve. Le simple fait que monsieur Modernell Gilgorri et sa famille interprètent la preuve différemment n'établit aucunement que la Commission aurait commis une erreur déterminante dans sa propre interprétation de la preuve ainsi que dans les inférences qu'elle en a tirées.

[23]            De plus, la Commission a tiré une conclusion négative quant au comportement incompatible de monsieur Modernell Gilgorri et sa famille avec celui des personnes ayant une crainte bien fondée de persécution. La Commission souligne qu'ils ont quitté l'Uruguay à destination du Canada via douze pays d'Amérique du sud, d'Amérique centrale et d'Amérique du nord. Ils n'ont pas revendiqué la protection d'aucun de ces pays.

[24]            Dans l'affaire Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no1758 (QL), au paragraphe 2, le juge Andrew MacKay a tenu les propos suivants :

Cette conclusion s'appuie sur la conviction que la conduite du requérant après son départ de la Roumanie en juillet 1992 était incompatible avec une crainte de persécution et que le fait qu'il n'ait pas revendiqué le statut de réfugié avant d'arriver au Canada en février 1993 démontrait qu'il n'avait pas de crainte bien fondée de persécution.

[25]            De même, dans Assadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no331 (QL), au paragraphe 14, le juge Max Teitelbaum affirme ce qui suit :

...L'omission de demander immédiatement protection peut attaquer la crédibilité du demandeur, y compris son témoignage sur les événements survenus dans son pays d'origine...

[26]            Dans Leul c. Canada (Secrétaire de l'État), [1994] A.C.F. no 833 (QL), aux paragraphes 7 et 12, le juge Francis Muldoon écrit ce qui suit :

...On pourrait observer qu'il est passé par Amsterdam et que les Pays-Bas sont au nombre des signataires de la Convention du statut de réfugié mais, apparemment, le requérant n'a pas songé à y réclamer ce statut.

...

Tout comme je ne souhaite pas renvoyer dans son pays une personne qui risque d'y être persécutée, je ne veux pas non plus que demeure au Canada une personne qui n'a pas le droit de s'y trouver; par exemple, une personne qui est passée par un pays signataire de la Convention du statut de réfugié et qui n'a pas songé à y réclamer ce statut.

[27]            Référant à plusieurs autres décisions portent sur ce même sujet, le juge Edmond Blanchard énonce, dans Pissareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no2001 (QL), au paragraphe 27 :

...Le fait d'être de passage dans un pays signataire de la Convention sans toutefois revendiquer le statut de réfugié dans les plus brefs délais peut être un facteur dans l'appréciation des facteurs subjectifs de sa revendication.

[28]            C'est à juste titre que la Commission a conclu qu'il s'agit d'une crainte caractérisée par le besoin de vengeance personnelle d'Alejandro Fernandez. Autrement dit, la crainte alléguée de persécution n'a pas de lien avec les motifs énumérés à la Convention. La vengeance personnelle n'est pas liée aux motifs de race, religion, nationalité, opinions politiques ou appartenance à un groupe social, qui sont les motifs énoncés à la définition de réfugié au sens de la Convention.

[29]            Ce principe a notamment été établi par la juge Danièle Tremblay-Lamer dans l'affaire Marincas c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no1254 (QL) :

Vu les faits présents au dossier, il lui était loisible de conclure comme il l'a fait que la crainte dont fait état le requérant n'était pas reliée à aucun des cinq motifs énumérés à la définition de « réfugié » au sens de la Convention. La crainte d'une vengeance personnelle ne constitue pas la crainte de persécution. Dans ces circonstances je ne peux intervenir.

[30]            Dans l'arrêt Chan, ci-dessus, la Cour suprême du Canada a réitéré qu'un revendicateur de statut a le fardeau de démontrer l'existence d'une crainte bien fondée de persécution. Cette crainte comporte à la fois un élément subjectif et objectif et seule l'existence de ces deux éléments permet de conclure qu'une possibilité sérieuse de persécution s'y rattache.

[31]            À ce sujet, Madame la juge Tremblay-Lamer a dit ce qui suit dans l'arrêt Kamana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1695 (QL), au paragraphe 10 :

L'absence de preuve quant à l'élément subjectif de la revendication constitue une lacune fatale qui justifie à elle seule le rejet de la revendication puisque les deux éléments de la définition de réfugié, subjectif et objectif, doivent être rencontrés.

[32]            Conséquemment, monsieur Modernell Gilgorri et sa famille n'ont pas établi qu'ils avaient une crainte subjective de persécution advenant leur retour en Uruguay. L'absence d'une crainte subjective de persécution implique que la Commission n'a pas à rechercher le fondement objectif de la crainte alléguée sur la base d'une quelconque preuve documentaire indépendante.

Protection de l'État

[33]               La Commission était préoccupée par le fait que monsieur Modernell Gilgorri et sa famille n'ont pas attendu que le processus judiciaire initié par les autorités judiciaires soit terminé. Ils ont décidé de quitter leur pays et monsieur Modernell Gilgorri n'a pas témoigné au procès d'Alejandro Fernandez, qui avait été arrêté et détenu suite à la plainte de monsieur Modernell Gilgorri.

[34]            Il est important de se rappeler le principe établi dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74 (QL), au paragraphe 50, soit que la preuve doit être claire et convaincante pour renverser la présomption qu'un État est capable d'assurer la protection de ses ressortissants :

Il s'agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive à prouver l'incapacité de l'État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection. D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes [page725] qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.

[35]            De plus, la Cour d'appel a déjà déclaré qu'aucun pays ne peut offrir une garantie de protection de tous ses citoyens en tout temps :

Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. [...] Par contre, lorsqu'un état a le contrôle efficient de son territoire, qu'il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu'il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu'il n'y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection.

(Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992) 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 1189 (QL), au paragraphe 7)

[36]            Monsieur Modernell Gilgorri et sa famille n'ont pas rencontré leur fardeau de preuve pour démontrer qu'ils ne bénéficiaient pas de la protection de leur État.

[37]            Les conclusions tirées par la Commission s'infèrent raisonnablement de la preuve présentée. La présomption voulant que la Commission ait tenu compte de l'ensemble de la preuve pour conclure que monsieur Modernell Gilgorri et sa famille ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger s'applique en l'espèce. (Woolaston c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration), [1973] R.C.S. 102; Hassan v. Canada (Minister of Employment and Immigration), (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.), [1992] F.C.J. no 946)

Refuge interne

[38]            Lors qu'il existe une possibilité de refuge interne, il n'est pas nécessaire de déterminer si un revendicateur peut ou veut obtenir la protection de l'État. (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.), [1993] A.C.F. no 1172 (QL); Urgel, ci-dessus au paragraphe 14)

[39]            Il appartient au revendicateur de démontrer qu'il existe un risque sérieux de persécution dans tout le pays, donc qu'il n'existe aucune possibilité de refuge interne. (Covarrubias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1434, [2004] A.C.F. no 1747 (QL), au paragraphe 17; E.H.S., ci-dessus, aux paragraphes 13-14)

[40]            Dans E.H.S., ci-dessus, au paragraphe 12, le juge Pierre Blais énonce le test pour déterminer s'il existe une possibilité de refuge interne :

La Cour d'appel fédérale a développé un test à deux volets pour déterminer si quelqu'un qui réclame le statut de réfugié a un PRI dans un autre endroit de son pays. Le test a été réitéré clairement par le juge Beaudry dans l'arrêt Dillon c. (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [2005] A.C.F. no 463, au paragraphe 11 :

Dans Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.) paragraphe 2, la Cour d'appel fédérale a mentionné deux éléments à être considérés lorsqu'il s'agit d'établir une PRI : la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté à l'endroit proposé comme PRI, et compte tenu de toutes les circonstances, dont celles propres au demandeur, la situation à l'endroit proposé est telle qu'il n'est pas déraisonnable pour le demandeur d'y chercher refuge.

[41]            En l'espèce, la Commission a déterminé qu'il existe une possibilité de refuge interne en Uruguay. Lorsque monsieur Modernell Gilgorri a été questionné à ce sujet, il a dit que l'État était trop petit pour lui permettre d'être en sécurité ailleurs et qu'il n'avait pas assez d'argent pour déménager ailleurs dans le pays. Il a aussi dit qu'il n'avait pas envisagé la possibilité de déménager ailleurs.

[42]            Monsieur Modernell Gilgorri et sa famille n'ont pas démontré à la Commission qu'ils étaient à risque de persécution partout à travers l'Uruguay. Ils n'ont pas démontré qu'il leur serait déraisonnable d'aller ailleurs en Uruguay pour y chercher refuge. Il était donc raisonnable pour la Commission de conclure qu'il existe une possibilité de refuge interne et donc, qu'il n'était pas justifié d'accorder la protection à monsieur Modernell Gilgorri et sa famille.

CONCLUSION

[43]            Compte tenu de ce qui précède, monsieur Modernell Gilgorri et sa famille n'ont pas fait la preuve que la Commission a commis une erreur de droit ou une erreur dans l'appréciation des faits qui serait manifestement déraisonnable et qui justifierait l'intervention de cette Cour. Cette demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.          La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.          Aucune question grave de portée générale soit certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5423-05

INTITULÉ :                                        RUBEN DARIO MODERNELL GILGORRI

                                                            ANA LAURA RODRIGUEZ PADRON

                                                            BRIAN DARIO MODERNELL RODRIGUEZ

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 25 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SHORE

DATE DESMOTIFS :                       le 4 mai 2006

COMPARUTIONS:

Me Lenya Kalepdjian

POUR LES DEMANDEURS

Me Diane Lemery

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Lenya Kalepdjian

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS C.R.                                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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