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Date : 20240514

Dossier : IMM-2535-23

Référence : 2024 CF 736

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2024

En présence de l'honorable madame la juge Ngo

ENTRE :

VICTOR MANUEL MACIAS VARGAS

Partie demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte

[1] La demande de contrôle judiciaire est relative à la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR], confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR], qui avait conclu que Victor Manuel Macias Vargas [demandeur] avait la possibilité de refuge interne [PRI] au Mexique. Par conséquent, la SAR a déterminé que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR].

[2] Devant la Cour, le demandeur allègue que son ancien conseil, un consultant en immigration qui le représentait devant la SPR et la SAR [ancien conseil], était incompétent de telle sorte à porter atteinte à l’équité procédurale. Le demandeur allègue que l’ancien conseil n’a pas pu présenter devant la SPR et la SAR qu’il rencontrait les exigences régies sous la LIPR.

[3] La demande de contrôle judiciaire doit être rejetée car le demandeur ne m’a pas convaincu que les erreurs alléguées justifient une intervention de la Cour.

II. Faits

[4] Le 21 août 2020, le demandeur dépose une demande d’asile avec l’appui de son ancien conseil.

[5] La SPR avait tenu l’audience de la demande d’asile le 1er septembre 2022 et avait rendu les motifs de sa décision le 8 septembre 2022. Par la suite, le 5 janvier 2023, la SAR a rendu sa propre décision, confirmant la conclusion de la SPR, que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié puisque le demandeur n’a pas pu démontrer une possibilité sérieuse qu’un risque de persécution persiste à exister.

[6] Selon la SAR, le fait que le demandeur avait attendu 10 mois avant de quitter le Mexique, que pendant ce temps-là, il habitait à la même adresse en continuant ses activités habituelles et le fait que le demandeur avait attendu 2 ans avant de faire sa demande d’asile au Canada (en optant pour des renouvellements à son autorisation de séjour), ont suggéré que le demandeur n’avait pas démontré un risque continu de persécution. Ces deux faits étaient déterminants pour la conclusion de la SAR.

[7] Le demandeur allègue qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, et que la SAR n’avait pas fondé sa décision sur un dossier complet, sur la base que l’ancien conseil était incompétent. Entre autres, le demandeur allègue que l’ancien conseil a manqué de compétence, en ayant soumis des éléments de preuves inadéquats, afin que la SAR puisse trouver un risque de persécution qui existait dans les autres villes au Mexique. Le demandeur allègue que l’ancien conseil n’a pas pu démontrer le lien entre l’agent de persécution et les autres groupes criminels qui se trouvent dans les autres parties du pays. Il allègue aussi que l’ancien conseil n’avait pas offert de conseils suffisants pour permettre au demandeur de se préparer à l’audience devant la SPR, et pour permettre au demandeur de connaître les recours disponibles après que la décision de la SAR a été rendue.

[8] La décision de la SAR a été rendue le 5 janvier 2023 [Décision]. Le 15 février 2023, le demandeur a trouvé son avocate qui le représente actuellement, et qui est maintenant assignée au dossier du demandeur devant la Cour.

III. Questions en litige

[9] Les deux questions qui se posent devant la Cour sont les suivantes :

  1. Est-ce que la SAR a rendu une décision qui s’était fondée sur un vice d’équité procédurale à cause de l'incompétence de l’ancien conseil?

  2. Est-ce que la SAR a rendu une décision déraisonnable en concluant que le demandeur avait une PRI ailleurs au Mexique?

IV. État de droit

[10] Les paragraphes 96 et 97 de la LIPR décrivent la loi de la manière suivante :

Définition de réfugié

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut, ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Personne à protéger

97 (1) a la qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérentes à celles-ci ou occasionnées par elles

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquate.

[11] Les parties s’entendent que la Cour doit réviser le bien-fondé de la Décision en appliquant la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 16-17, 25 [Vavilov]). Je suis du même avis que la norme de la décision raisonnable s’applique dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire.

[12] La Cour doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. La Cour doit se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes (Vavilov au para 99).

[13] Il incombe à la partie qui conteste la décision de démontrer le caractère déraisonnable. La décision doit souffrir de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence (Vavilov au para 100).

[14] La norme de contrôle sur la question de l’équité procédurale est celle de la décision correcte (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54, Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43, citées dans Abdinur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 880 au para 7).

[15] Pour déterminer si le comportement de l’ancien conseil était incompétent de telle sorte à entrainer un manquement à l’équité procédurale, la Cour retient le test dans l’arrêt Rendon Segovia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 99 au paragraphe 22 [Rendon], et qui a été confirmé par le juge Roy dans l’arrêt Del Angel Quiroz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2024 CF 194 au paragraphe 35 [Del Angel Quiroz] :

[35] La décision Rendon Segovia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 99, reprend essentiellement la grille d’analyse articulée dans l’arrêt R c GDB, 2000 CSC 22 (CanLII) [2000] 1 RCS 520 [GDB].

Trois conditions doivent être remplies :

i) les omissions ou les actes de l’ancien conseil constituaient de l’incompétence;

ii) il y a eu déni de justice, en ce sens que, n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que le résultat ait été différent; et

iii) le représentant a bénéficié d’une possibilité raisonnable de répondre aux allégations.

[16] Le fardeau de la preuve est sur celui qui allègue une incompétence. Plus particulièrement, « l’incompétence est évaluée en fonction de la norme du caractère raisonnable et que le point de départ est la forte présomption que la conduite (…) était à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable » (Del Angel Quiroz au para 35).

[17] Pour déterminer s’il y a eu une violation d’équité procédurale en raison d’une allégation d’incompétence, la Cour doit appliquer un critère très rigoureux (Galyas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 250 au para 83). L’incompétence ou négligence doit ressortir de la preuve de façon suffisamment claire et précise. Autrement dit, la preuve doit atteindre un seuil assez élevé (Memari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196 au para 3).

V. Question préliminaire : nouvelle preuve inadmissible

[18] Le demandeur a déposé de nouveaux éléments en preuve devant la Cour. Il s’agit de la déclaration de Manuel Moron Salas et la déclaration de Mario Lizarraga Rojas. Les deux déclarations n’étaient pas au dossier devant la SAR.

[19] La déclaration de Manuel Moron Salas n’a pas de date ni de signature. Le déclarant confirme que les crimes organisés existent au Mexique, et que le gouvernement du Mexique est corrompu. Le déclarant mentionne également que le demandeur est recherché au Mexique et qu’auparavant le demandeur a dû se cacher des personnes qui le cherchaient.

[20] La déclaration de Mario Lizarraga Rojas est datée du 16 avril 2023. Le déclarant mentionne que des personnes fortement armées recherchaient le demandeur.

[21] Le défendeur s’oppose à l’admission de la nouvelle preuve quant aux deux déclarations. Le défendeur soutient que la Cour ne devrait pas admettre ces nouveaux éléments en preuve à l’étape du contrôle judiciaire (Vaamonde Wulff c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 566 au para 5; Bekker c Canada, 2004 CAF 186 au para 11; Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] aux para 18, 19).

[22] En règle générale, la Cour n'admet pas de nouveaux éléments en preuve lors du contrôle judiciaire. Or, il existe des exceptions qui permettent à la Cour de s’écarter de la règle générale, sans entacher la mission que le Parlement a confiée aux tribunaux administratifs. Ces exceptions sont les suivants: (a) une preuve démontrant les informations générales afin que la Cour puisse comprendre les questions qui se posent en contrôle judiciaire; (b) une preuve soulevant des vices de procédure qui n’ont pas pu être décelés par le dossier qui était devant le tribunal administratif (c) une preuve faisant ressortir l'absence totale de preuve dont disposait le tribunal administratif lorsqu'il a rendu sa décision (Access Copyright au para 20).

[23] En l’espèce, les déclarations de Manuel Moron Salas et de Mario Lizarraga Rojas ne rencontrent aucune de ces trois exceptions. Par conséquent, la Cour n’accordera aucun poids aux deux déclarations.

VI. L’incompétence de l’ancien conseil

[24] Le demandeur soulève plusieurs allégations par rapport à la conduite incompétente de l’ancien conseil, notamment que l’ancien conseil avait mal préparé le demandeur pour son témoignage à l’audience devant la SPR, que l’ancien conseil avait mal préparé le dossier du demandeur en appel devant la SAR, et que l’ancien conseil n’avait pas expliqué les droits auxquels le demandeur avait accès après que la Décision de la SAR a été rendue.

[25] L’ancien conseil avait été mis au courant des allégations sur l’incompétence professionnelles qui ont été déposées contre lui conformément aux « Lignes directrices consolidées pour les instances d’immigration, de statut de réfugié et de citoyenneté du 24 juin 2022 ». Celui-ci a soumis une réponse aux allégations et a préparé un affidavit déclaré sous serment le 17 avril 2023. L’ancien conseil conteste les allégations qui ont été présentées contre lui.

A. Incompétence devant la SPR

[26] Essentiellement, le demandeur allègue qu’à cause de la conduite incompétente de l’ancien conseil, le demandeur n’a pas pu démontrer à la SPR qu’il existait un risque de persécution et que le cartel avait un intérêt continu, en étant motivé et capable, de trouver le demandeur au Mexique.

[27] Le demandeur allègue que l’ancien conseil n’avait pas fourni une préparation adéquate afin que le demandeur puisse répondre aux questions posées à l’audience devant la SPR. L’ancien conseil n’avait pas pu démontrer la preuve, qui selon le demandeur existait, afin d’établir le lien entre l’agent de persécution et les autres groupes. L’ancien conseil n’avait pas fourni d’explication jointe au formulaire de demande d’asile pour expliquer les modifications du récit et n’avait pas rectifié les fautes au sujet des dates au récit modifié. Les incohérences au sujet des dates ont eu pour conséquence de miner sa crédibilité devant la SPR. Le demandeur allègue que l’ancien conseil n’avait pas fait référence à ses circonstances particulières et à ses caractéristiques personnelles. Par conséquent, l’ancien conseil n’avait pas avancé les arguments qui auraient milité en faveur du demandeur lorsque la SPR avait analysé le critère du caractère raisonnable sur la PRI. Le demandeur allègue que l’ancien conseil avait erré en ayant donné de mauvais conseils à sa conjointe.

B. Incompétence devant la SAR

[28] Le même conseil avait représenté le demandeur devant la SAR. Le demandeur allègue que l’ancien conseil a fourni un dossier incomplet dans l’avis d’appel à la SAR. L’ancien conseil n’avait pas inclus, dans l’avis d’appel, les renseignements pertinents qui auraient pu répondre aux inquiétudes soulevées par la SPR. Notamment, le demandeur allègue que l’ancien conseil a soumis des pièces en preuve qui ont insuffisamment démontré le lien entre le risque de persécution et la crainte des groupes criminels.

[29] Le demandeur allègue que l’ancien conseil aurait dû mettre plus d’emphase sur le lien qu’existe entre le risque provenant des agents de persécution et le risque des autres groupes criminels, même si le cartable national du Mexique ne mentionnait pas ce lien. Le demandeur allègue que l’ancien conseil n’avait pas abordé ses circonstances particulières et caractéristiques personnelles, et qu’il n’avait pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles le demandeur avait entrainé un délai de 10 mois pour quitter le Mexique et un délai de 2 ans pour déposer sa demande d’asile.

[30] Après que le demandeur ait pris connaissance de la Décision de la SAR, il reproche l’ancien conseil de ne pas avoir expliqué qu’il pouvait bénéficier du droit de s’opposer à la Décision par voie de demande de contrôle judiciaire.

VII. Analyse

[31] La Cour constate que les allégations du demandeur au sujet de l’inconduite de l’ancien conseil sont survenues à différents stades du dossier. Le demandeur mentionne qu’il n’avait seulement découvert l’inconduite de l’ancien conseil auprès de la SPR et de la SAR, après avoir trouvé son nouveau conseil juridique. C’est pour cette raison que le demandeur explique les allégations d’inconduite de son ancien conseil qui sont survenues dans le contexte du dossier devant la SPR. Le demandeur allègue que la Décision de la SAR a été entachée par des vices d’équité procédurale dès le début. Le défendeur souligne que la Cour doit seulement considérer la Décision de la SAR dans le présent contrôle.

[32] Respectueusement, la question en contrôle judiciaire porte sur la Décision de la SAR. Cette Décision a considéré le dossier devant la SPR ainsi que les documents et arguments supplémentaires en appel. La SAR a déterminé que le demandeur ne rencontrait pas les exigences requises pour être un réfugié, en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR parce qu’il existait un PRI.

[33] En l’espèce, je dois considérer si le demandeur a pu prouver qu’il remplissait chacun des éléments du test applicable afin de reconnaître l’incompétence ou la négligence de son ancien conseil devant la SAR.

[34] Le défendeur soutient que le nœud de l’affaire porte sur le fait que le demandeur avait attendu 10 mois avant de quitter le Mexique, et le fait qu’il avait attendu 2 ans avant de déposer une demande d’asile au Canada. Vu que les faits (l’élément déterminant) sur lesquels la SAR s’était penchée n’avaient rien avoir avec les allégations de l’inconduite le l’ancien conseil, il n’y avait alors rien que l’ancien conseil aurait pu faire pour changer la Décision de la SAR.

[35] La question du lien entre l’agent de persécution et les autres groupes criminels était étayée par la preuve qui était au dossier devant la SAR. La preuve démontrait que les alliances existaient temporairement entre les centaines de groupes criminels. La SAR avait reçu deux éléments de preuve, qui n’étaient pas devant la SPR et qui étaient soumis sous forme de deux articles, l’une datée du 5 septembre 2014 et l’autre datée du 13 août 2019. Les deux articles ont été soumis pour formuler la preuve au sujet des conflits déroulés avant 2017.

[36] La SAR a confirmé la conclusion de la SPR, qui était que le demandeur a continué de vivre à la même adresse et de vaquer à ses activités régulières pendant 10 mois avant de quitter le Mexique sans qu’il semble être importuné par le groupe criminel responsable de la disparition de son cousin. La SAR a trouvé que le demandeur a pris 10 mois pour quitter le pays bien qu’il disposait d’un passeport valide et que le Canada n’exigeait pas de visa pour les Mexicains. La SAR a trouvé que le demandeur a mis 2 ans avant qu’il dépose sa demande l’asile au Canada.

[37] Je constate que ces éléments de faits sont survenus bien avant que l’ancien conseil soit mandaté au dossier. Il est raisonnable que la SAR s’appuie sur « l’élément déterminant en l’espèce » qui est le fait que « le manque d’intérêt des agents de préjudice de chercher l’appelant à travers le Mexique afin de lui causer préjudice ». Par ailleurs, les critiques du demandeur se rapportent à une évaluation de la preuve, ce qui relève de la compétence de la SAR et donc la Cour doit faire preuve de retenue.

[38] La Cour ne peut conclure que la décision de la SAR était déraisonnable, surtout en considérant que la jurisprudence à l’appui traite des délais, comme ceux dans le cas du demandeur, et que de tels délais suggèrent une conclusion négative (Diabo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1772 au para 7, Mallampally c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 267 au para 36, et Ndoungo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 541 aux para 17-19).

[39] Je suis d’accord que les conclusions de la SAR n’auraient pas pu être affectées par les allégations d’inconduite de l’ancien conseil. Le contexte dans lequel la SAR a rendu sa Décision portait sur des éléments de faits qui sont survenus bien avant que l’ancien conseil soit mandaté au dossier. Il s’agit ici de faits déterminatifs fondés sur le dossier et la conclusion de la SAR était étayée par la jurisprudence.

[40] Le demandeur allègue que l’ancien conseil n’avait pas fait de référence aux circonstances particulières et aux caractéristiques personnelles du demandeur, notamment l’âge du demandeur et son niveau de scolarité en lien avec la PRI. En lisant les motifs rendus par la SAR, il est évident que la SAR a considéré les éléments auxquels la SPR avait fait une référence, notamment le niveau de scolarité du demandeur, sa diverse expérience de travail et sa débrouillardise. Je note que la SAR s’était penchée, par sa propre analyse, sur les éléments qui se rapportent aux circonstances particulières et aux caractéristiques personnelles du demandeur pour ensuite conclure qu’il existait un PRI.

[41] Dans les circonstances où l’incompétence professionnelle est alléguée, la Cour clarifie dans l’arrêt M.N. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 663 au para 76 [M.N.], qu’une révision en contrôle judiciaire ne devrait pas être évaluée sous l’optique de la sagesse rétrospective. Dans M.N., le juge Roy reprend le courant jurisprudentiel sur la preuve relative à l’incompétence professionnelle, et il répète que la preuve « doit être si claire et sans équivoque et les circonstances si déplorables que l’injustice causée au requérant crèverait pratiquement les yeux […] » (Parast c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 660 au para 11). La preuve d’incompétence doit être « claire et sans équivoque, au point de sauter aux yeux. » (M.N. au para 79).

[42] Le demandeur soumet que les arguments de l’ancien conseil étaient insuffisants ou de mauvaise qualité car il n’a pas pu convaincre la SAR. En l’espèce, comme le défendeur, je suis aussi d’avis que l’ancien conseil a présenté des arguments devant la Cour qui n’ont pas été accueillis par la SAR. Par contre, le fait que la SAR n’a pas accepté ses arguments ne constitue pas, dans les circonstances de ce dossier, nécessairement l’incompétence professionnelle. Je comprends que le demandeur blâme l’ancien conseil d’avoir mal préparé le dossier et d’avoir été la raison pour laquelle son témoignage devant la SPR ne reflétait pas sa véritable crainte au PRI. Malheureusement, je ne peux conclure que le « mauvais témoignage » de la part du demandeur devant la SPR était à cause de son ancien conseil.

[43] Le test applicable pour déterminer l’incompétence de l’ancien conseil est un test cumulatif, ce qui veut dire que tous les trois éléments du test doivent être rencontrés pour reconnaître l’incompétence d’un conseil (Rendon au para 22, Del Angel Quiroz au para 35). Si un seul élément n’est pas rempli, le test doit échouer.

[44] En l’espèce, le demandeur n’a pas pu satisfaire que n’eût été l’inconduite alléguée de l’ancien conseil, la Décision de la SAR aurait été différente. Je ne peux donc conclure qu’il y ait eu un manquement à l’équité procédurale.

A. La Décision n’est pas déraisonnable

[45] Finalement, la Cour conclut que la Décision de la SAR n’est pas déraisonnable. Quant à la détermination de la PRI, la SAR a déterminé qu’il était raisonnable pour le demandeur de se réfugier aux autres parties du pays, compte tenu de toutes les circonstances.

[46] La SAR a conclu que la SPR avait bien noté, qu’outre sa crainte du cartel, le demandeur avait affirmé à l’audience qu’il ne voyait pas d’obstacles à se réinstaller au PRI. Néanmoins, je tiens compte de la critique du demandeur portant sur son témoignage devant la SPR. Par contre, je note que la SAR avait aussi considéré d’autres facteurs et éléments de preuve dans son analyse de la PRI. Il n’était donc pas déraisonnable pour que la SAR détermine que le demandeur n’avait pas pu établir une crainte bien fondée relative au risque d’une persécution dans une partie du pays. Il n’est pas justifiable d’intervenir lorsque la SAR a raisonnablement déterminé l’existence raisonnable d’une PRI.

[47] À la lumière de la preuve au dossier, la SAR a déterminé que les arguments s’opposant à la PRI n’ont pas été suffisants pour démontrer que le demandeur était à risque de persécution dans les autres parties du pays. Je ne peux donc conclure que la Décision était déraisonnable.

[48] Plus encore, à la lumière des faits du dossier, et compte tenu de la conclusion qu’il existait un PRI, il n’était pas déraisonnable pour que la SAR conclue que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention.

VIII. Conclusion

[49] Je ne peux conclure qu’il y a eu un vice d’équité procédurale ni que la décision de la SAR était déraisonnable.

[50] La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.

[51] Aucune partie n’a proposé de question à certifier. Je suis d’accord qu’il n’y a pas de question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2535-23

LA COUR ORDONNE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Phuong T.V. Ngo »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2535-23

INTITULÉ :

VICTOR MANUEL MACIAS VARGAS C MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 FÉVRIER 2024

JUGEMENT ET MOTIFS

LA JUGE NGO

DATE DES MOTIFS :

LE 14 MAI 2024

COMPARUTIONS :

Me Ana Mercedes Henriquez

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Daniel Latulippe

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Henriquez Avocate Inc.

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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