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Date : 20060511

Dossier : IMM-6143-05

Référence : 2006 CF 589

Ottawa (Ontario), le 11 mai 2006

En présence de monsieur le juge Blais

ENTRE :

AFFO AYE KOKOU KIKINA BIACHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 72 de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) et visant la décision du 8 septembre 2005 par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié - section de la protection des réfugiés (le tribunal) - a conclu que M. Affo Aye Kokou Kikina Biachi (le demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi.

FAITS PERTINENTS

[2]                Le demandeur allègue qu'en 1997 il est devenu membre de l'Union des forces de changement (UFC). Il n'était pas un membre actif mais il possédait une carte de membre qui concrétisait son appui. Le demandeur assistait à certaines réunions de l'UFC et distribuait des tracts. En 1999, le demandeur est devenu chauffeur de taxi.

[3]                Le 5 janvier 2002, le demandeur a reçu la visite de trois hommes qui sont venus lui proposer de transporter des gens sur le boulevard Mono durant six jours consécutifs. Le lendemain matin, alors que le demandeur s'est présenté au lieu du rendez-vous, les gens qui se trouvaient sur place voulaient afficher sur sa voiture des posters géants du président Eyadema et l'obliger à porter un tee-shirt à l'effigie du président et une casquette du Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti au pouvoir. Le demandeur a refusé catégoriquement et, sous la menace, s'est sauvé.

[4]                Dans la nuit du 6 au 7 janvier 2002, en revenant de son service, le demandeur s'est arrêté non loin de chez lui et a envoyé un ami de son quartier à sa demeure, afin de savoir si tout allait bien. C'est alors que ce dernier lui apprit que des militaires avaient fait une descente musclée au domicile familial. Après l'attaque, son père et ses frères sont partis pour le Ghana et sa mère a été transportée à l'hôpital en raison d'un violent coup à la gorge porté par les militaires.

[5]                Le demandeur s'est enfuit au Bénin. De là, il a pris un bateau pour aller en Italie. Le 11 mars 2002 le demandeur est arrivé en Autriche. Le 13 mars suivant, le demandeur a fait une demande d'asile en Autriche, qui a été rejetée. Alors que sa demande de refuge avait été portée en appel, le demandeur a quitté l'Autriche muni d'un faux passeport belge le 30 août 2003 et sollicita l'asile à son arrivée à l'Aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

QUESTIONS EN LITIGE

[6]                1. Est-ce que le tribunal a erré en trouvant le demandeur non crédible?

2. Est-ce que le tribunal a erré en interprétant mal la preuve documentaire?

3. Est-ce que la décision du tribunal porte atteinte aux articles 7 et 12 de la Charte et

l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines inhumaines ou    

dégradantes (1984) des Nations Unies?

ANALYSE

1. Est-ce que le tribunal a erré en trouvant le demandeur non crédible?

[7]                Dans la décision Anthonimuthu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 141, [2005] A.C.F. no 162, au paragraphe 45, mon collègue le juge Yves de Montigny a réitéré qu'une évaluation de crédibilité est une question de fait et qu'il n'appartient pas à cette Cour d'intervenir à moins que cette évaluation soit abusive, arbitraire ou rendue sans tenir compte des éléments de preuve :

Pour ce qui concerne la question de crédibilité, il est évident que la Cour doit beaucoup hésiter à intervenir lorsqu'il s'agit d'une décision en matière de crédibilité rendue par le tribunal, qui a eu l'avantage d'entendre les témoins. Plusieurs jugements le mentionnent, les décisions quant à la crédibilité, qui constituent "l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits", ne sauraient être infirmées à moins qu'elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.); Siad c. Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 C.F. 608 (C.A.F.); Oyebade c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de Immigration), [2001] A.C.F. no 1113; Sivanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 662 (C.F.).

[8]    Il y a plusieurs façons de tirer des conclusions en matière de crédibilité. Pour évaluer la fiabilité du témoignage du demandeur, le tribunal peut, par exemple, tenir compte du manque de précision, des hésitations, des incompatibilités, des contradictions et du comportement (Ezi-Ashi c. Canada (Secrétaire d'État) [1994] A.C.F. no 401, au paragraphe 4). Dans l'arrêt El Balazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2006 CF 38, [2006] A.C.F. no 80, au paragraphe 6, le juge Yvon Pinard affirme que même dans certaines circonstances, le comportement du demandeur peut être suffisant pour rejeter une réclamation de statut de réfugié :

Le défendeur a raison de dire que la CISR peut tenir compte du comportement d'un demandeur pour apprécier ses dires ainsi que ses faits et ses gestes et que, dans certaines circonstances, le comportement d'un demandeur peut être suffisant, à lui seul, pour rejeter une demande d'asile (Huerta c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 271, (le 17 mars 1993), A-448-91, Ilie c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1994] A.C.F. no 1758, (le 22 novembre 1994), IMM-462-94 et Riadinskaia c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2001] A.C.F. no 30, (le 12 janvier 2001), IMM-4881-99).

[9]    En l'espèce, le tribunal a qualifié le témoignage du demandeur comme étant vague, particulièrement lorsque ce dernier est questionné sur l'UFC, l'idéologie de ce parti et le contenu des dépliants qu'il distribuait pour eux.

Le demandeur n'est pas crédible. Le tribunal est dans l'incapacité de concilier les heures ouvrables des douanes togolaises et la corruption des militaires affectés à la circulation avec les « droits » du peuple du Togo confisqués par le gouvernement de ce pays. Le tribunal constate que le demandeur a dit n'importe quoi pour justifier son ignorance.

(Décision du tribunal, le 8 septembre 2005, dossier du tribunal à la page 6)

[10]            Le demandeur allègue qu'il a expliqué, de façon raisonnable, le contenu des dépliants qu'il dispensait au nom de l'UFC et que le tribunal a erré en le trouvant non crédible sur ce point. De plus, le demandeur prétend que si ses réponses semblaient être vagues, c'est plutôt parce qu'il n'a jamais fait d'études et que le tribunal utilisait un langage qu'il ne pouvait pas comprendre. Le procès verbal, à la page 323, précise :

Q. Qu'est-ce que ça disait ces tracts?

R. Je peux pas dire les dates exactes, mais je sais que je l'ai fait jusqu'à mon départ, déposer de temps à autre des tracts dans la rue.

- donnez-moi des exemples.

R. Le dernier dont je me suis souvenu avant les élections, c'est le tract disait qu'on devait se mobiliser pour confisquer, pour retrouver les droits confisqués par les autorités gouvernementales.

Q. C'était quels droits ça, Monsieur?

R. C'est ce que le tract a dit, c'est parce que c'est pas moi qui l'ai écrit.

Q. Oui, mais Monsieur, est-ce que vous l'avez vu le tract?

R. (...non traduit...)

-OK

Q. Pouvez-vous me dire quels sont les droits que le gouvernement avait confisqués?

R. Par exemple, en ce qui concerne les choses, c'est que on voulait que les douanes soient ouvertes de vingt-quatre (24) sur vingt-quatre (24), pour l'économie, et aussi l'arrestation arbitraire des soldats dans les rues, qui te demandent de garer et puis ils demandent de leur donner un peu de sous. Le fait, c'est qu'ils vont te demander des papiers, tous les papiers sont en règle, mais ils vont pas te redonner les papiers, tant que tu leur donnes pas de l'argent. Le fait aussi c'est de partager aussi le pouvoir.

(Procès verbal, le 16 juin 2005, dossier du tribunal aux pages 323 et 324)

[11]            En relisant le procès verbal, je suis d'avis que le demandeur avait un interprète à sa disposition et qu'il comprenait les questions posées. Basé sur son comportement, le tribunal a tiré des conclusions non favorables sur la crédibilité du demandeur lorsqu'il répondait aux questions en disant n'importe quoi pour justifier son histoire. Ces conclusions sont raisonnables en considérant qu'elles sont motivées par le comportement du demandeur durant l'audience. Le demandeur n'a pas réussi à démontrer que le tribunal a rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait. La Cour n'a pas à réévaluer la preuve, ou encore à substituer son opinion à celle du tribunal. Il revient au tribunal d'entendre la preuve et d'évaluer la crédibilité du demandeur et des documents déposés au soutien de sa demande.

[12]            Le tribunal a conclu que le demandeur n'a pas démontré qu'il participait aux activités politiques au sein de l'UFC. Le tribunal a nié la valeur probante de la carte de membre de l'UFC en raison d'une autre preuve documentaire. Le demandeur prétend que le tribunal n'aurait pas dû écarter son témoignage crédible par rapport à la démarche accomplie pour obtenir sa carte de membre en raison de l'autre preuve documentaire.

En outre, invité à relater les démarches accomplies pour obtenir sa carte de membre de l'UFC, le demandeur a relaté qu'il s'était rendu à leurs bureaux en présentant sa carte d'identité et sa photo. On lui a remis sa carte de membre dès le lendemain. D'entrée de jeu, le tribunal constate une incohérence entre la carte nationale d'identité du demandeur (pièce P-10) et la carte de membre de l'UFC (pièce P-11). Dans la pièce P-10, il est indiqué que le demandeur est domicilié à « Lomé, qt Adéwui mson Kikinal Biachi » (sic), alors que dans sa carde de membre de l'UFC (pièce P-11), il est relaté au chapitre de l'adresse : « Qt. Bé-Apeyemé, Lomé/Togo » .

De plus, le demandeur a été confronté à la preuve documentaire indépendante et digne de foi, qui relate l'article 10 des statuts de l'UFC, formé ainsi :

ARTICLE 10 :

Les demandes d'adhésion à partir de la formation définitive de l'UFC sont formulées par écrit, elles sont datées, signées et adressées au bureau national qui statue après examen sur l'acceptation du postulant. La décision d'acceptation peut être déléguée aux présidents des fédérations.

Le demandeur a changé son témoignage pour dire qu'il « avait signé des papiers » . Il a été confronté à un autre document, qui mentionne aussi :

Même si selon les statuts du parti, c'est le président qui devrait signer la carte de membre, c'est Emmanuel Akitani Bob, premier vice-président de l'UFC, qui la signe actuellement compte tenu du fait que le président du parti Gilchrist Olympio, vit à l'extérieur du pays.

Le demandeur a aussi été confronté au fait que sa carte de membre portait la signature de « Gilchrist Olympio » , président de l'UFC, en caractères imprimés, et qu'il ne s'agissait pas d'une signature originale. Le demandeur a répondu que le « tampon » était déjà apposé sur la carte et qu'il y avait plusieurs personnes qui pouvaient signer les cartes de membre. Cette réponse est à contre-courant d'une preuve documentaire fiable et de source sûre, à laquelle le tribunal accorde davantage de crédibilité qu'au témoignage du demandeur.

(Décision du tribunal, le 8 septembre 2005, dossier du tribunal aux pages 6 et 7)

[13]            Il est loisible au tribunal de préférer la preuve documentaire au témoignage d'un demandeur d'asile. Le juge Edmond P. Blanchard dans la décision Meyer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 C.F. 878, précise au paragraphe 20:

[...] Le demandeur soutient, pour l'essentiel, que la Commission a accordé beaucoup trop d'importance à la preuve documentaire et n'a pas suffisamment tenu compte du témoignage du demandeur. Je ne peux retenir cet argument. Rien n'indique que la Commission n'ait pas tenu compte des preuves présentées. Il est possible que le demandeur n'accepte pas les conclusions de la Commission mais il n'appartient pas à notre Cour d'apprécier à nouveau la preuve dans le cas d'une demande de contrôle judiciaire. Il est également bien établi que la Commission, un tribunal spécialisé, a toute liberté pour préférer la preuve documentaire au témoignage d'un demandeur, lorsqu'elle apprécie la preuve. [Zhou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1994] A.C.F. no 1087 (QL)]. Compte tenu de la preuve présentée à la Commission, je ne pense pas que ses évaluations en matière de crédibilité et de vraisemblance soient manifestement déraisonnables.

[14]            En l'espèce, le tribunal était justifié de préférer la preuve documentaire au lieu du témoignage du demandeur par rapport à la carte de membre.

[15]            Le demandeur soutient que le tribunal a erré en refusant de reconnaître que sa mère est morte en raison des exactions commises par des militaires lors d'une descente illégale dans la maison familiale. Le demandeur allègue que le tribunal a basé son refus sur l'existence de remerciements au verso de la carte de faire-part du décès de sa mère. Le demandeur affirme que si le tribunal avait pris en considération les particularités du Togo, il aurait conclu que c'est normal d'y mettre les noms de représentants de l'autorité sur la carte. Le tribunal a conclu :

Le tribunal estime tout à fait incohérent, dans le contexte allégué, que des personnes de hiérarchie aussi élevée au sein du gouvernement togolais se manifestent avec leur femme et leurs enfants, de quelque manière que ce soit, aux funérailles de la mère du demandeur, et reçoivent en contrepartie des remerciements de leurs hôtes. Cette incohérence significative, combinée au témoignage spontané du demandeur à l'effet qu'il s'agissait « de la grande famille » , amène le tribunal à conclure que la mère du demandeur n'est pas décédée dans les circonstances alléguées.

(Décision du tribunal, le 8 septembre 2005, dossier du tribunal à la page 8)

[16]            Je suis d'avis que le tribunal a pris en considération les particularités du Togo. Le tribunal avait raison de conclure que les remerciements sur la carte porte un élément de non crédibilité à l'histoire du demandeur en raison de son comportement durant l'audience. La décision a été prise après une analyse complète de la preuve et je suis d'avis que le tribunal n'a commis aucune erreur en trouvant le demandeur non crédible.

2. Est-ce que le tribunal a erré en interprétant mal la preuve documentaire?

[17]            Le demandeur prétend que le tribunal a erré en droit dans son appréciation des pièces déposées en les rejetant en raison de certaines divergences. Le défendeur soutient que compte tenu du grave problème de crédibilité, le tribunal avait raison de ne pas accorder de valeur probante aux lettres et autres documents présentés par le demandeur.

[18]            Je suis d'accord avec le raisonnement du défendeur. Le fait de ne pas avoir mentionné chacun des documents mis en preuve n'est pas un indice que le tribunal n'en a pas tenu compte, vu le fait qu'il est présumé avoir pesé et considéré tout la preuve (Florea c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598). En l'espèce, le tribunal a mentionné qu'il doutait de l'authenticité de plusieurs documents en raison de l'absence de crédibilité de l'histoire du demandeur. Dans la décision Singh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 744, au paragraphe 19, le juge Blanchard est d'avis que ceci est tout à fait raisonnable :

La crédibilité étant à la base d'un témoignage devant la Section du statut, cette Cour a, à maintes reprises, réitéré la position du Juge MacGuigan dans l'arrêt Sheikh [...] stipulant qu'une conclusion générale du manque de crédibilité du demandeur peut fort bien s'étendre à tous les éléments de preuve pertinents de son témoignage.

[19]            La crainte du demandeur est basée sur le fait qu'il est un opposant politique et que la preuve documentaire sur la situation des droits humains au Togo fait état d'une répression massive et systématique exercée par le gouvernement contre les opposants politiques. Le demandeur allègue que le tribunal a erré en rejetant, sans explication, la preuve relative au Togo. Cependant, le tribunal a conclu, de façon raisonnable, que le demandeur n'est pas ciblé dans son pays en raison de ses activités politiques. Le demandeur ne peut pas baser sa crainte sur les facteurs mentionnés ci-haut à moins de pouvoir relier la preuve objective à sa situation personnelle. Dans l'arrêt Al-Shammari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002), 23 Imm. L.R. (3d) 66, par. 24, le juge Blanchard cite:

La jurisprudence de cette Cour est abondante, un revendicateur doit établir un lien crédible entre sa revendication et la situation objective régnant dans un état pour être reconnu un réfugié au sens de la Convention [Canada (Secrétaire d'État) c. Jules, (1994), 84 F.T.R. 161]. Donc, il ne suffit pas pour un demandeur de déposer de la preuve faisant état de problèmes vécus par certains de ses concitoyens. Il faut également qu'il établisse un lien entre sa revendication et la situation objective dans son pays.

[20]            Le demandeur n'a pas démontré l'existence d'une crainte subjective de persécution parce qu'il a été jugé non crédible. Parce que l'histoire du demandeur a été jugée non crédible, il n'a pas réussi à relier la preuve objective d'une crainte de persécution à sa situation personnelle. Donc, le tribunal n'a pas erré en rejetant la preuve relative au Togo qui fait état des violations des droits humains commises à l'égard des opposants politiques.

3. Est-ce que la décision du tribunal porte atteinte aux articles 7 et 12 de la Charte et

    l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines inhumaines ou dégradantes   

   (1984) des Nations Unies?

[21]            Le demandeur soutient que le renvoi dans son pays où sa vie est menacée, violerait ses droits à la vie et à la sécurité de la personne ainsi que son droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels ou inusités, garantis par les articles 7 et 12 de la Charte ainsi que de l'article 3 de la Convention.

[22]            Je ne suis pas d'accord avec le demandeur. Tel que mentionné par le défendeur, l'argumentation relative à la violation des articles 7 et 12 de la Charte ou de l'article 3 de la Convention est prématurée en ce sens que la décision négative du tribunal ne constitue aucunement une menace d'expulsion.

[23]            La Cour a établi qu'on ne peut invoquer l'article 12 de la Charte avant l'étape finale de l'expulsion. L'argument du demandeur est prématuré puisque la question en litige devant le tribunal ne consistait qu'à déterminer si celui-ci satisfaisait à la définition de réfugié (Kabengele c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2000] A.C.F. no 1866; Plecko c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1996] A.C.F. no 567.

[24]            Dans la décision de Jekula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[1999] 1 C.F. 266, au paragraphe 33, le juge John Evans mentionne l'étendue des droits garantis par l'article 7 de la Charte:

Pour récapituler, les droits garantis par l'article 7 n'entrent pas en jeu à l'étape de la décision sur la recevabilité et de la mesure d'exclusion. Cependant, la demanderesse ne peut être légalement renvoyée hors du Canada sans une appréciation des risques auxquels elle peut s'exposer une fois de retour en Sierra Leone. Et les modalités de cette appréciation doivent être conformes aux principes de justice fondamentale.

[25]            En l'espèce, le tribunal a déterminé que le demandeur n'était pas crédible et que sa crainte de retour au Togo n'était pas justifiée. De plus, le tribunal a fait cette constatation en se basant sur les principes de justice fondamentale.

JUGEMENT

           

La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Pierre Blais »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6143-05

INTITULÉ :                                        AFFO AYE KOKOU KIKINA BIACHI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ETDE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 19 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                       11 mai 2006

COMPARUTIONS:

Me Alain Vallières

POUR LE DEMANDEUR

Me Sylviane Roy

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Étude légale Stewart Istvanffy

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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