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Date : 20060630

Dossier : T-578-05

Référence : 2006 CF 840

BETWEEN:

CANADIAN PRIVATE COPYING COLLECTIVE

Plaintiff

and

Z.E.I. MEDIA PLUS INC.

and

ZANIN CD/DVD INC.

and

JOSEPH LEMME

Defendants

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE MORNEAU:

[1]                La Cour est saisie en l'espèce d'une requête de la demanderesse, la Sociétécanadienne de perception de la copie privée (la Société) aux fins d'obtenir une ordonnance en vertu de la règle 223 et suivantes des Règles des Cours fédérales (les règles) visant à ce que les défenderesses signifient un affidavit de documents plus complet et précis concernant l'importation et la vente par elles de supports audio vierges, et ce, dans le cadre d'une action que la Société a entreprise le 31 mars 2005 en vertu de la Partie VIII intitulée « Copie pour usage privé » de la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. 42 ( la Loi).

[2]                Dans leur dossier de réponse déposé à l'encontre de cette requête, les défenderesses ont requis de cette Cour qu'elle ordonne de sa propre initiative, soit en vertu de l'économie de la partie VIII de la Loi, soit en vertu de la règle 107, que procède en premier lieu la question de savoir si les produits des défenderesses sont assujettis aux redevances imposées par la Loi et le tarif homologué applicable et, qu'en conséquence, la détermination du quantum de toute redevance éventuellement exigible ne soit déterminée que par après. Il y aurait donc disjonction entre les questions de l'assujettissement des produits des défenderesses et le quantum possiblement exigible.

[3]                Pour les motifs qui suivent, la Cour n'ordonnera pas la disjonction souhaitée par les défenderesses et elle accueillera la requête de la Société afin que les défenderesses signifient un affidavit de documents plus complet et précis.

[4]                Les présents motifs et l'ordonnance les accompagnant toucheront également à la gestion spéciale pour l'avenir du présent dossier ainsi qu'au statut confidentiel à maintenir quant au dossier de réponse des défenderesses puisque certains extraits traitent du quantum d'une offre de règlement exprimée par le passé par la Société.

Contexte législatif et factuel pertinent

[5]                La partie VIII de la Loi regroupe les articles 79 à 88. Ces articles constituent ce qu'il est apparemment convenu de décrire comme le régime de copie privée.

[6]                C'est la définition de « support audio » à l'article 79 qui délimite les produits assujettis à une redevance. Cette définition dispose :

« support audio » Tout support audio habituellement utilisé par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores, à l'exception toutefois de ceux exclus par règlement.

(Je souligne.)

"audio recording medium" means a recording medium, regardless of its material form, onto which a sound recording may be reproduced and that is of a kind ordinarily used by individual consumers for that purpose, excluding any prescribed kind of recording medium.

[7]                L'expression « support audio vierge » y est définie, quant à elle, comme suit :

« support audio vierge » Tout support audio sur lequel aucun son n'a encore été fixé et tout autre support audio précisé par règlement.

"blank audio recording medium" means

(a) an audio recording medium onto which no sounds have ever been fixed, and

(b) any other prescribed audio recording medium;

[8]                Cette dernière définition a été précisée davantage par la Commission du droit d'auteur lorsqu'elle a homologué et publié en décembre 2003, conformément à l'article 83 de la Loi, le tarif de redevances à percevoir par la Société (le Tarif). À ce Tarif, « support audio vierge » est défini comme suit :

« support audio vierge »

a) tout support audio habituellement utilisé par les consommateurs pour reproduire des enregistrements sonores et sur lequel aucun son n'a encore été fixé, y compris

(i) les cassettes audio (ruban de 1/8 pouce) d'une durée de 40 minutes ou plus;

(ii) les disques audionumériques enregistrables (CD-R, CD-RW, CD-R Audio, CD-RW Audio;

(iii) les MiniDisc;

(iv) la mémoire non amovible intégrée en permanence à un enregistreur audionumérique, y compris les modèles à semiconducteurs et les disques durs;

b) tout autre support audio précisé par règlement adopté en vertu des articles 79 et 87 de la Loi.1 (blank audio recording medium)

1Aucun support n'avait fait l'objet d'une telle précision au moment d'homologuer le présent tarif.

'blank audio recording medium' means

(a) a recording medium, regardless of its material form, onto which a sound recording may be reproduced, that is of a kind ordinarily used by individual consumers for that purpose and on which no sounds have ever been fixed, including

(i) audio cassettes (1/8 inch tape) of 40 minutes or more in length;

(ii) recordable compact discs (CD-R, CD-RW, CD-R Audio, CD-RW Audio);

(iii) MiniDiscs;

(iv) non-removable memory, including solid state and hard disk, that is permanently embedded in a digital audio recorder; and

(b) any medium prescribed by regulations pursuant to sections 79 and 87 of the Act;1 (support audio vierge)

1There was no such medium at the time of certifying the tariff.

[9]                Quant au paragraphe 82(1) de la Loi, il dispose en essence que tout fabricant ou importateur d'un support audio vierge agissant à des fins commerciales est tenu de payer lors de la vente dudit support une redevance à l'organisme de perception (en l'occurrence ici la Société). Ce paragraphe 82(1) se lit :

82.(1) Quiconque fabrique au Canada ou y importe des supports audio vierges à des fins commerciales est tenu :

a) sous réserve du paragraphe (2) et de l'article 86, de payer à l'organisme de perception une redevance sur la vente ou toute autre forme d'aliénation de ces supports au Canada;

b) d'établir, conformément au paragraphe 83(8), des états de compte relatifs aux activités visées à l'alinéa a) et aux activités d'exportation de ces supports, et de les communiquer à l'organisme de perception.

82.(1) Every person who, for the purpose of trade, manufactures a blank audio recording medium in Canada or imports a blank audio recording into Canada

(a) is liable, subject to subsection (2) and section 86, to pay a levy to the collecting body on selling or otherwise disposing of those blank audio recording media in Canada; and

(b) shall, in accordance with subsection 83(8), keep statements of account of the activities referred to in paragraph (a), as well as of exports of those blank audio recording media, and shall furnish those statements to the collecting body.

[10]            Quant à l'article 88, il édicte les recours civils que la Société peut entreprendre pour, entre autres, poursuivre le recouvrement des redevances qu'elle considère dues. Cet article se lit :

88.(1) L'organisme de perception peut, pour la période mentionnée au tarif homologué, percevoir les redevances qui y figurent et, indépendamment de tout autre recours, le cas échéant, en poursuivre le recouvrement en justice.

(2) En cas de non-paiement des redevances prévues par la présente partie, le tribunal compétent peut condamner le défaillant à payer à l'organisme de perception jusqu'au quintuple du montant de ces redevances et ce dernier les répartit conformément à l'article 84.

(3) L'organisme de perception peut, en sus de tout autre recours possible, demander à un tribunal compétent de rendre une ordonnance obligeant une personne à se conformer aux exigences de la présente partie.

(4) Lorsqu'il rend une décision relativement au paragraphe (2), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

a) la bonne ou mauvaise foi du défaillant;

b) le comportement des parties avant l'instance et au cours de celle-ci;

c) la nécessité de créer un effet dissuasif en ce qui touche le non-paiement des redevances.

88.(1) Without prejudice to any other remedies available to it, the collecting body may, for the period specified in an approved tariff, collect the levies due to it under the tariff and, in default of their payment, recover them in a court of competent jurisdiction.

(2) The court may order a person who fails to pay any levy due under this Part to pay an amount not exceeding five times the amount of the levy to the collecting body. The collecting body must distribute the payment in the manner set out in section 84.

(3) Where any obligation imposed by this Part is not complied with, the collecting body may, in addition to any other remedy available, apply to a court of competent jurisdiction for an order directing compliance with that obligation.

(4) Before making an order under subsection (2), the court must take into account

(a) whether the person who failed to pay the levy acted in good faith or bad faith;

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings; and

(c) the need to deter persons from failing to pay levies.

[11]            Quant aux faits de l'espèce, ils peuvent se résumer ainsi.

[12]            Considérant au fil des dernières années, entre autres, à la faveur de vérifications sur place en 2001 et 2004, que les défenderesses n'avaient pas en tout ou en partie acquitté les redevances dues sur leurs importations et ventes de supports audio vierges, la Société a institué devant cette Cour une action en mars 2005.

[13]            La déclaration d'action de la Société recherche, entre autres, les remèdes principaux suivants :

1.          The Plaintiff claims:

a)          A declaration that the defendants have failed to report and pay to the plaintiff the private copying levies certified by the Copyright Board of Canada in accordance with the provisions of Part VIII of the Copyright Act, on account of the manufacture or importation into Canada, and the sale or other disposition by the defendants, of blank audio recording media;

b)          An Order directing the defendants to pay to the plaintiff the private copying levies owed pursuant to the private copying tariffs certified by the Copyright Board since December 18, 1999 (the "private copying tariffs");

c)          An Order directing the defendants to pay to the plaintiff the unpaid interest owed on late payments of the private copying levies, calculated in accordance with the private copying tariffs;

d)          An Order directing the defendants to pay to the plaintiff an amount equal to five (5) times the amount of the private copying levies due hereunder, the whole pursuant to section 88(2) of the Copyright Act;

e)          An Order directing the defendants to provide to the plaintiff, within thirty (30) days of judgment herein, detailed statements of account prepared in accordance with subsection 82(1)(b) of the Copyright Act and the private copying tariffs;

(...)

[14]            En réponse à cette déclaration d'action, une défense amendée fut produite en août 2005. De cette défense et des affidavits produits par les défenderesses dans le cadre du présent débat, on peut constater que les défenderesses reconnaissent s'adonner pour partie de leurs affaires à l'importation et à la vente de supports audio (dans le cas qui nous occupe ici on parle de CD-R et de CR-RW (ci-après collectivement des CD)) mais ces supports seraient - et c'est là essentiellement que le bât blesse - des CD non vierges (duplicated). De plus, la très vaste majorité de ces CD seraient destinés au monde industriel et non à la vente au détail. En conséquence, ces CD ne sauraient être vus comme vierges et comme étant utilisés par les consommateurs. Partant, les CD des défenderesses ne seraient pas assujettis selon elles au régime de copie privée de la Loi vu qu'ils ne correspondraient pas à la définition à la Loi de « support audio vierge » .

[15]            La Société ne nie pas qu'ultimement des CD non vierges des défenderesses puissent être non assujettis au régime de copie privée.

[16]            Pour pouvoir se convaincre toutefois si un élagage doit être fait quant aux CD des défenderesses et aux fins de déterminer proprement tout assujettissement et tout quantum correspondant, la Société soutient que les défenderesses se doivent dans le cadre de son action entreprise maintenant depuis plus d'un an de lister à un affidavit de documents les documents financiers et commerciaux touchant l'importation et la vente de tous leurs CD; exercice qui à date n'a pas effectivement été fait suivant les exigences des règles et de la jurisprudence touchant le caractère complet que doit présenter l'affidavit de documents d'une partie.

Analyse

[17]            La réticence marquée des défenderesses à se rendre à la requête de la Société et à produire un affidavit de documents plus complet ne repose pas ici sur les facteurs traditionnellement rencontrés. En effet, les défenderesses ne semblent pas contester que les documents recherchés par la Société soient en leur possession, autorité ou garde au sens de la règle 223.

[18]            De plus, bien que les défenderesses allèguent que la production de tels documents constituerait une intrusion dans leurs affaires et le caractère privé de celles-ci, il ne m'apparaît pas que ce préjudice allégué soit suffisamment soutenu en preuve et il demeure, à tout hasard, impertinent pour les fins qui nous occupent.

[19]            Il en est de même également quant à l'argument soutenu vigoureusement par les défenderesses à l'effet que la requête de la Société devrait être rejetée puisque par le passé et avant que la présente action ne débute les défenderesses auraient remis à la Société, ou cette dernière par ses vérifications sur le terrain aurait en sa possession, une foule de documents propres à permettre à la Société de calculer ce qui lui est dû par les défenderesses en vertu de la Loi.

[20]            Les défenderesses doivent bien comprendre que l'interaction entre les parties avant l'institution de l'action et l'enclenchement en conséquence des règles de cette Cour sont impertinents vis-à-vis l'obligation pour les défenderesses sous les règles 222 et suivantes de lister tous leurs documents pertinents.

[21]            Je considère que l'on doit également comprendre que si la disjonction recherchée par les défenderesses n'est pas ordonnée et qu'ainsi l'assujettissement et le quantum doivent progresser comme sujets ensemble dans le cadre du présent dossier, la pertinence même - soit celle du paragraphe 222(2) des règles - des documents recherchés par la demanderesse ne saurait alors faire véritablement de doute pour quiconque. Il n'est donc pas essentiel d'insister et de revoir en détail la jurisprudence de cette Cour édictant qu'il est plus qu'important que les parties disposent d'affidavits de documents complets dès l'arrivée de cette étape dans le processus et avant donc même la tenue des interrogatoires au préalable (voir Liebmann v. Canada (Minister of National Defence) (1994), 87 F.T.R. 154, paragraphe 15; Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. v. Naeini (1998), 80 C.P.R. (3d) 132, paragraphe 23). Quant au paragraphe 222(2) des règles, il se lit :

222(2) Pour l'application des règles 223 à 232 et 295, un document d'une partie est pertinent si la partie entend l'invoquer ou si le document est susceptible d'être préjudiciable à sa cause ou d'appuyer la cause d'une partie.

222(2) For the purposes of rules 223 to 232 and 295, a document of a party is relevant if the party intends to rely on it or if the document tends to adversely affect the party's case or to support another party's case.

[22]            Le véritable cheval de bataille des défenderesses à l'encontre de la requête à l'étude de la Société consiste à soutenir maintenant, soit plus d'un an après que la Société, par le biais de son action, ait fait appel au processus des règles de cette Cour, que soit l'économie du régime de copie privée des articles 79 et suivants de la Loi, soit la règle 107, requiert une disjonction, c'est-à-dire que la Cour procède à regarder et à déterminer en premier si les CD des défenderesses sont assujettis à la Loi.

[23]            Nous regarderons en premier lieu l'argument des défenderesses basé sur l'économie du régime des articles 79 et suivants de la Loi pour ensuite nous pencher sur la règle 107.

I.           Le régime de copie privée de la Loi

[24]            Si la Cour saisit bien cet argument, il consiste à dire que puisque la Loi, et plus spécifiquement l'alinéa 82(1)b), dispose qu'une personne doit établir des états de compte et les fournir à la Société et que le paragraphe 88(3) de la Loi permet à la Société de s'adresser à cette Cour de façon spécifique quant à toute exigence de la partie VIII de la Loi et donc quant à tout défaut à l'égard de cet alinéa 82(1)b), la Loi soutiendrait la disjonction que recherchent les défenderesses.

[25]            Tel que souligné auparavant, ces dispositions législatives se lisent :

82. 1) Quiconque fabrique au Canada ou y importe des supports audio vierges

(...)

b) d'établir, conformément au paragraphe 83(8), des états de compte relatifs aux activités visées à l'alinéa a) et aux activités d'exportation de ces supports, et de les communiquer à l'organisme de perception.

82. (1) Every person who, for the purpose of trade, manufactures a blank audio recording medium in Canada or imports a blank audio recording medium into Canada

(...)

(b) shall, in accordance with subsection 83(8), keep statements of account of the activities referred to in paragraph (a), as well as of exports of those blank audio recording media, and shall furnish those statements to the collecting body.

88. 3) L'organisme de perception peut, en sus de tout autre recours possible, demander à un tribunal compétent de rendre une ordonnance obligeant une personne à se conformer aux exigences de la présente partie.

88. (3) Where any obligation imposed by this Part is not complied with, the collecting body may, in addition to any other remedy available, apply to a court of competent jurisdiction for an order directing compliance with that obligation.

[26]            Je ne puis suivre les défenderesses dans cette direction.

[27]            Premièrement, l'argument ci-dessus que font valoir les défenderesses de façon tardive à l'étape de la production des affidavits de documents est bien plus qu'une simple résistance à produire un affidavit de documents plus complet. Cet argument de disjonction s'attaque à mon avis à l'à-propos même pour la Société d'avoir entrepris en mars 2005 une action devant cette Cour et l'avoir formulée telle qu'elle l'est, c'est-à-dire une action visant l'assujettissement (paragraphe 1 a) de la déclaration d'action) et le quantum (entre autres, paragraphe 1 b) à d) de cette même déclaration). Or, en aucun temps utile dans le passé les défenderesses n'ont soulevé cette attaque.

[28]            Deuxièmement, le texte même du paragraphe 88(3) indique qu'il est permissif à l'égard de la Société vu l'emploi de l'expression « peut » et ce même texte prévoit de plus que si la Société fait appel de façon spécifique à ce paragraphe de la Loi, cet exercice n'empêche pas tout autre recours possible de la part de la Société. Je ne vois donc rien dans le texte de la Loi qui empêchait la Société de formuler sa déclaration tel qu'elle l'a fait.

[29]            Dans cet ordre d'idées, il faut retenir également que la recherche de documents par la Société se base sur les exigences de la règle 223 dans le cadre d'une action et non pas en fonction du libellé et de la possibilité que prévoit le paragraphe 88(3) de la Loi.

[30]            Troisièmement, il est erroné de considérer que la Société, de par les propos qu'elle aurait soutenus en mai 2003 devant la Commission du droit d'auteur ( la Commission), aurait elle-même reconnu que la Loi requiert que les questions d'assujettissement et de quantum soit réglées de façon séparée.

[31]            Tel que le font ressortir les extraits suivants de la décision de la Commissiondu 19 janvier 2004 portant sur le Dossier : « Mise à exécution du tarif de la copie privée » à laquelle réfèrent les défenderesses pour soutenir leur position, la Société aurait aimé que la Commission elle-même à son niveau émette des ordonnances obligeant les importateurs à respecter les exigences de la Loi sans que la Société soit obligée pour ce faire de s'adresser à la Cour fédérale. La Société, somme toute, considérait qu'il aurait été plus économique et efficace de garder ainsi le débat au niveau de la Commission. Voici les extraits pertinents qui appuient la compréhension de la Cour quant à la position de la Société alors :

Le 7 mai 2003, la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) demandait à la Commission d'émettre des ordonnances visant certains importateurs de supports audio vierges qui, soutient-elle, ne respectent pas les modalités du Tarif pour la copie privée, 2001-2002 et du tarif provisoire de 2003 (collectivement « tarif pour la copie privée » ). Les ordonnances obligeraient les importateurs à acquitter les redevances et les intérêts impayés et les sommes qui seraient exigibles dans l'avenir; à respecter les exigences de rapport prévues par le tarif; à donner aux vérificateurs accès à leurs livres et à leurs locaux, à coopérer avec les vérificateurs, à répondre à toutes les questions raisonnables et à ne pas sortir de leurs locaux les documents dont les vérificateurs pourraient avoir besoin; enfin à respecter de façon générale, à l'avenir, les obligations que leur impose le tarif.

D'entrée de jeu, la Commission a soulevé la question de savoir si elle a le pouvoir d'ordonner qu'on se conforme à un tarif homologué. (...)

En bref, selon la SCPCP, la Commission a le pouvoir d'ordonner à une personne de respecter les obligations visant les rapports, la vérification et les paiements que lui impose un tarif homologué et à la déclarer coupable d'outrage si celle-ci refuse d'obtempérer. La Commission ne souscrit pas à ce point de vue, pour les raisons énoncées ci-dessous.

(...)

On May 7, 2003, the Canadian Private Copying Collective (CPCC) asked that the Board issue orders against certain importers of blank audio recording media whom it claims are not complying with the terms of the Private Copying Tariff, 2001-2002 and the interim tariff for 2003 (together, the "private copying tariff"). The orders would require the importers to pay outstanding levies and interest, as well as amounts ascertained as owing in the future; to comply with the tariff's reporting requirements; to allow auditors to have access to the importers' books and premises, cooperate with auditors, answer all reasonable questions, and not remove from their premises documents that auditors might need to conduct an audit; and to generally comply in the future with their obligations as set out in the tariff.

At the outset, the Board raised the issue of whether it has the power to issue orders in aid of the enforcement of a certified tariff. (...)

In a nutshell, CPCC is of the view that the Board has the power to order someone to comply with their reporting, audit and payment obligations set out in a certified tariff and to hold that person in contempt in the event they refuse to do so. The Board disagrees, for the reasons set out below.

(...)

A.    Ordonner le respect des modalités d'un tarif homologué

L'argument de la SCPCP selon lequel la Commission a le pouvoir d'ordonner à quelqu'un de respecter les modalités d'un tarif homologué repose sur trois propositions principales.

(...)

A.     Ordering compliance with the terms of a certified tariff

CPCC's argument that the Board has the power to issue an order requiring someone to comply with the terms of a certified tariff rests on three main propositions.

(...)

Troisièmement, il est peu probable qu'un tarif homologué puisse être effectivement exécuté en vertu des Règles de la Cour fédérale (1998) [Voir Note 2 ci-dessous] sans une ordonnance de la Commission visant une personne particulière ou une ordonnance exigeant le paiement d'un montant précis. Sans une telle ordonnance, la SCPCP n'a aucun moyen d'obtenir ou de vérifier des renseignements relatifs aux rapports, sauf en intentant une action en justice distincte. Cette façon de procéder serait inefficace et priverait en fait la SCPCP de ses droits lorsque la réclamation ne justifie pas le coût d'une telle action ou que la SCPCP ne peut déterminer si une telle action est justifiée.


Note 2: Voir en particulier l'art. 424 des Règles, qui énonce la façon dont la Cour exécute les ordonnances des offices fédéraux, et l'art. 433, qui porte sur la délivrance des brefs d'exécution.

(Je souligne.)

Third, it is unlikely that a certified tariff can be effectively enforced pursuant to the Federal Court Rules, 1998 [See Note 2 below] without an order of the Board directed against a specific person or an order to pay a quantified amount. Without such an order, CPCC has no effective means to obtain or verify reporting information except by instituting separate legal actions. This would be inefficient and would in effect deprive CPCC of its right where the claim does not justify the cost of separate legal action or where CPCC cannot judge whether such action is warranted.

________________________

Note 2: See especially Rule 424, which sets out how the Court enforces tribunal orders, and Rule 433, which deals with the issuance of writs of execution.

[32]            La Cour en conclut donc que le régime de copie privée à la Loi ne soutient pas par son économie la disjonction recherchée par les défenderesses.

[33]            Reste maintenant à évaluer si la règle 107 devrait amener la Cour de sa propre initiative à ordonner à l'espèce une telle disjonction.

III.        La règle 107

[34]            Cette règle se lit :

107.(1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

(2) La Cour peut assortir l'ordonnance visée au paragraphe (1) de directives concernant les procédures à suivre, notamment pour la tenue d'un interrogatoire préalable et la communication de documents.

107.(1) The Court may, at any time, order the trial of an issue or that issues in a proceeding be determined separately.

(2) In an order under subsection (1), the Court may give directions regarding the procedures to be followed, including those applicable to examinations for discovery and the discovery of documents.

[35]            La Cour a déjà souligné le caractère tardif de la demande des défenderesses relativement à cette règle.

[36]            Hormis cet aspect, les défenderesses ont choisi de plus de demander à cette Cour d'adjuger sous cette règle via l'exercice de sa propre initiative (ce que la Cour peut faire en principe) et non pas sur la base d'une requête qu'elles auraient soumise, processus qui est suivi dans la vaste majorité des cas où la règle 107 est envisagée. Je formule ici ces commentaires pour souligner que suite à l'exercice de sa propre initiative, la Cour ne saurait, tel qu'a semblé le requérir à l'audition le procureur des défenderesses et pour éviter vraisemblablement le principe de la chose jugée sur la question, réserver pour le futur le droit des défenderesses de procéder cette fois par requête sous la règle 107.

[37]            Par ailleurs, il est acquis que l'octroi d'une ordonnance sous cette règle est discrétionnaire (voir l'arrêt Depuy (Canada) Ltd. v. Joint Medical Products Corp. (1996), 67 C.P.R. (3d) 145 citant en page 146 les propos du juge Urie de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Abramsky v. Canada (1985), 60 N.R. 6, en page 8).

[38]            Bien entendu, même si elles n'ont pas déposé une requête, le fardeau de convaincre la Cour sous cette règle repose néanmoins sur les épaules des requérantes défenderesses.

[39]            Tel qu'en témoigne l'extrait suivant de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Illva Saronno S.p.A. v. Privilegiata Fabbrica Maraschino « Excelsior » , [1999] 1 C.F. 146, page 154, le test à appliquer sous la règle 107 est le suivant:

Par conséquent, compte tenu des décisions qui ont été rendues et des modifications qui ont été apportées par les Règles de 1998, je formulerais le critère à appliquer en vertu de la règle 107 comme suit: dans le cadre d'une requête présentée en vertu de la règle 107, la Courpeut ordonner l'ajournement des interrogatoires préalables et de la détermination des questions de redressement tant que les interrogatoires préalables et l'instruction concernant la question de la responsabilité n'auront pas eu lieu, si elle est convaincue selon la prépondérance des probabilités que, compte tenu de la preuve et de toutes les circonstances de l'affaire (y compris la nature de la demande, le déroulement de l'instance, les questions en litige et les redressements demandés), la disjonction permettra fort probablement d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

(Je souligne.)

Accordingly, on the basis of previous authority and in light of the changes introduced by the 1998 Rules, I would formulate the test to be applied under rule 107 as follows. On a motion under rule 107, the Court may order the postponement of discovery and the determination of remedial issues until after discovery and trial of the question of liability, if the Court is satisfied on the balance of probabilities that in the light of the evidence and all the circumstances of the case (including the nature of the claim, the conduct of the litigation, the issues and the remedies sought), severance is more likely than not to result in the just, expeditious and least expensive determination of the proceeding on its merits.

[40]            En l'espèce, je suis d'avis que les défenderesses ne se sont pas acquittées de l'obligation qui leur revenait d'établir selon la prépondérance de preuve que la possibilité d'effectuer des économies de temps et d'argent et d'apporter une solution juste à un litige qui tarde à se parfaire est telle qu'est justifiée une dérogation au principe général qui a prévalu jusqu'ici et qui est à l'effet que toutes les questions qui se posent dans une instance, ici on parle des questions d'assujettissement et de quantum, soient examinées ensemble.

[41]            J'en suis venu à cette conclusion en raison principalement, entre autres, qu'hormis le fait qu'une disjonction retarderait davantage la disposition du dossier de façon définitive (et donc la collecte et la distribution de tout bénéfice aux ayants droit), les questions d'assujettissement et de quantum sont ici très reliées, contrairement aux questions de contrefaçon et d'invalidité en matière de propriété intellectuelle, et qu'il serait donc difficile de démêler complètement ces questions. Au niveau des documents mêmes recherchés par la Société, ces documents permettront vraisemblablement de déterminer à la fois si les CD des défenderesses sont assujettis et si une redevance est partant payable ou non.

[42]            Pour ces motifs, la Cour n'ordonnera pas de sa propre initiative sous la règle 107 la disjonction souhaitée par les défenderesses.

[43]            La Cour entend en conséquence accueillir la requête de la Société afin que les défenderesses signifient un affidavit de documents plus complet et précis suivant essentiellement les paramètres mis de l'avant par la Société à l'onglet 4 de son dossier de requête.

[44]            La Société a également requis - et cet aspect n'est pas contesté - que la présente instance se poursuive à titre d'instance à gestion spéciale. L'ordonnance accompagnant les présents motifs y pourvoira.

[45]            D'autre part, l'ordonnance disposera que le dossier de réponse des défenderesses déposé le 8 mai 2006 (document no 26) sera mis sous pli confidentiel puisque c'est là la solution la plus pratique pour protéger et garder hors preuve au paragraphe 15 de l'affidavit de Joseph Lemme daté du 13 février 2006 ainsi qu'aux pièces JL-3 et JL-4 le quantum d'une offre de règlement exprimé par le passé par la Société.

[46]            Enfin, quant aux dépens sur la présente requête et bien que chaque partie ait réclamé qu'ils lui soient octroyés sur une base client-avocat, la Cour est satisfaite d'ordonner simplement que les dépens sur la requête de la Société soient octroyés à cette dernière suivant la colonne III du tarif.

« Richard Morneau »

Protonotaire

Montréal (Québec)

le 30 juin 2006


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-578-05

INTITULÉ :                                        CANADIAN PRIVATE COPYING COLLECTIVE

                                                            and

                                                            Z.E.I. MEDIA PLUS INC. and ZANIN CD/DVD INC.

                                                            and JOSEPH LEMME

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                17 mai 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE MORNEAU

DATE DES MOTIFS :                       30 juin 2006

COMPARUTIONS:

Me Madeleine Lamothe-Samson

POUR LA DEMANDERESSE

Me Marvin Segal

Me Louis Chronopoulos

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Ogilvy Renault

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

Gross Pinsky

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

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