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Date : 20060616

Dossier : T-1888-03

Référence : 2006 CF 775

ENTRE :

JEAN-CLAUDE BOUCHARD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]         Monsieur Jean-Claude Bouchard est un détenu présentement incarcéré au Centre fédéral de formation de Laval (CFF), un pénitencier de sécurité minimum renforcée. Il demande à la Cour de contrôler la légalité de la décision de la commissaire adjointe du Service Correctionnel du Canada (SCC) rejetant au troisième palier le grief dans lequel il contestait sa mise en isolement involontaire, la hausse de sa cote de sécurité de faible à modérée et son transfèrement non sollicité vers un établissement à sécurité moyenne.

[2]         Monsieur Bouchard cherche aussi à obtenir une ordonnance radiant les rapports préparés par le défendeur et dont la liste est jointe en annexe à son mémoire de faits et de droit. Il demande de plus à la Cour de déclarer que plusieurs de ses droits constitutionnels ont été violés (articles 2(b), 7, 8, 9 et 12 de la Chartecanadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loide 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11 (la Charte)).

[3]         Se fondant sur de l'article 24 (1) de la Charte, le demandeur demande à la Cour d'ordonner au SCC de transmettre une recommandation pour une semi-liberté en maison ou pour la libération conditionnelle totale à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) et d'ordonner à la CNLC d'approuver sa demande de semi-liberté ou de libération conditionnelle totale dans un délai de vingt (20) jours de la signification de l'ordonnance.

Contexte

[4]         Bien que la Cour ait examiné très attentivement toute la volumineuse documentation soumise à l'appui de cette demande, il n'est pas nécessaire d'en faire un compte rendu détaillé. Il est toutefois important de bien situer la décision attaquée dans son contexte.

[5]         Le demandeur est incarcéré depuis plus de vingt-trois (23) ans pour un meurtre au premier degré. Il a été condamné à une sentence à vie avec admissibilité à la libération conditionnelle après vingt-cinq (25) ans. Toutefois, le 12 décembre 2002, il a obtenu un jugement réduisant le délai fixé pour son admissibilité à la libération conditionnelle totale. La CNLC a recalculé sa date d'admission à la semi-liberté au 12 décembre 1999 et celle de son admissibilité à la libération totale au 12 décembre 2002.

[6]         Selon le demandeur, ce jugement favorable était fondé sur une preuve abondante de bonne conduite et sur le fait qu'après avoir cessé de consommer de l'alcool et de la drogue depuis 1984-85, il a participé à plusieurs programmes de réhabilitation et a complété plus de quatre-vingt dix (90) sorties avec escorte. Il était depuis 1998 incarcéré à l'Établissement Ste-Anne-des-Plaines (ESAP), un établissement à sécurité minimum.

[7]         Il s'attendait donc à avoir le support du SCC lorsqu'il a demandé à monsieur Matteau, son nouvel agent des libérations conditionnelles (ALC), de le rencontrer pour planifier son audience devant la CNLC qu'il voulait fixer au plus tôt. À cet égard, le 15 janvier 2003, le demandeur envoya lui-même une lettre à la CNLC demandant une date d'audition. Il en informa monsieur Matteau le 16 janvier 2003.

[8]         Toutefois avant cette date, monsieur Bouchard avait rencontré monsieur Paquette[1], son ancien ALC, à quelques reprises pour discuter de problèmes avec un codétenu dans son unité d'habitation et le rassurer que cette situation n'était pas grave.

[9]         Quoi qu'il en soit, le 17 janvier 2003, l'équipe de gestion de cas (EGC) responsable de monsieur Bouchard se réunit pour discuter de son dossier. Selon eux, le comportement de monsieur Bouchard s'était détérioré dans la dernière année, particulièrement en décembre 2002 et janvier 2003. Il ne s'impliquait plus dans les programmes et aurait eu des problèmes lors de ses sorties[2]. Il aurait aussi menacé un codétenu. L'équipe conclut qu'il doit se fixer de nouveaux objectifs pour son plan correctionnel et que son audience devant la CNLC devrait être reportée de six mois.

[10]     Monsieur Matteau et madame Brunelle, la gérante d'unité responsable de monsieur Bouchard, rencontrent le demandeur le 5 février 2003 pour lui faire une mise en garde officielle quant à son comportement, ainsi que pour l'informer qu'il doit changer ses objectifs et que son EGC lui recommande de reporter son audience devant la CNLC.

[11]     Monsieur Bouchard réagit mal à ce qu'il perçoit comme une tentative de lui retirer le bénéfice du jugement obtenu en décembre 2002. Il refuse de reporter son audience et se sent injustement traité. Il ne comprend pas pourquoi il doit changer son plan correctionnel. Il reste sur ses positions lors de rencontres avec monsieur Matteau les 6 et 14 février 2003. Après la dernière rencontre, l'ALC note :

Entrevue d'appoint avec le sujet. Trouve toujours aussi ridicule notre façon de voir les choses. Il rationnalise et minimise les incidents à l'origine de nos actions actuelles. Il définit la position du SCC comme une levée des barricades et une exagération de son comportement. Voudrait au moins que nous le recommandion (sic) pour des PSSE. Lui veut une transition et « nous verrons qui gagnera en audience » . Donc, peu d'éléments nouveaux à sa réflexion. Attend le 25 février, lors de sa prochaine PSSE rapports familiaux pour en parler avec son frère et son ALII qui sera sur place. À suivre...

[12]     Le ou vers le 15 février 2003, monsieur Bouchard fait parvenir une nouvelle lettre à la CNLC dans laquelle il inclut des représentations justifiant sa mise en liberté conditionnelle (P-38). Ces représentations contiennent une partie, portant la mention confidentielle, dans laquelle il décrit certaines activités de codétenus qu'il désire dénoncer et qui, selon lui, mettent en relief le fait que des détenus moins méritants bénéficient de privilèges qui devraient lui être accordés. Il commente aussi l'attitude déraisonnable de certains intervenants à l'ESAP.

[13]     Le 20 février 2003[3], la CNLC accuse réception de cette lettre et informe le demandeur que ses représentations lui seront transmises et qu'elles seront considérées à l'audience du 20 mai 2003.

[14]     Le 21 février 2003, la lettre de monsieur Bouchard à la CNLC est reçue à l'ESAP. Quelques heures plus tard, monsieur Gougeon, le directeur de l'établissement, autorise le placement involontaire en isolement préventif de monsieur Bouchard.

[15]     Le rapport préparé à cet égard est remis au demandeur qui a toutefois refusé d'en accuser réception. On y indique clairement que cette décision est fondée sur les motifs énoncés au paragraphe 31(3)a) de la Loisur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992 c.20 (la Loi) qui se lit comme suit :

31.(3) Le directeur du pénitencier peut, s'il est convaincu qu'il n'existe aucune autre solution valable, ordonner l'isolement préventif d'un détenu lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire, selon le cas :

a) que celui-ci a agi, tenté d'agir ou a l'intention d'agir d'une manière compromettant la sécurité d'une personne ou du pénitencier et que son maintien parmi les autres détenus mettrait en danger cette sécurité;

31. (3) The institutional head may order that an inmate be confined in administrative segregation if the institutional head believes on reasonable grounds

(a) that

(i) the inmate has acted, has attempted to act or intends to act in a manner that jeopardizes the security of the penitentiary or the safety of any person, and

[16]     On justifie la décision en référant aux diverses rencontres mentionnées ci-dessus (celles du 17 janvier et du 5, 6, et 14 février), ainsi qu'au fait que le demandeur a refusé de modifier son comportement et de reconnaître ses difficultés et conflits relationnels avec les intervenants autant qu'avec des codétenus. Pour le SCC, les informations contenues dans les représentations écrites à la CNLC confirment que le demandeur est en situation de « désorganisation personnelle grave » . Cet état, ainsi que les conflits avec certains codétenus, contribue à augmenter le niveau de risque pour l'établissement.

[17]     Le rapport mentionne ensuite le besoin de faire enquête sur l'ensemble de la situation et de réévaluer le risque dans le contexte d'un établissement à sécurité minimum.

[18]     À 17 h 30, le demandeur est menotté et transféré au CFF en isolement (23h sur 24h en cellule). Il y restera soixante-dix (70) jours, soit jusqu'à son transfert, le 2 mai 2003, à Cowansville, un établissement à sécurité moyenne.

[19]     Tel que prescrit par les règlements et politiques applicables, la décision de continuer cet isolement préventif est révisée à plusieurs reprises. Le 28 février, un comité d'isolement composé essentiellement des mêmes intervenants[4] réévalue le besoin de continuer l'isolement.

[20]     Aucune information additionnelle n'est partagée à cette occasion avec le demandeur, toutefois on l'avise qu'un monsieur Larouche enquête sur les allégations qu'il a faites au CNLC concernant ses codétenus. On rappelle également à monsieur Bouchard que des préoccupations demeurent quant à son refus de reconnaître la gravité de ses écarts de comportement et le besoin de « formuler lui-même des objectifs réalistes en fonction de sa problématique d'inter relation avec les gens » .

[21]     Le Comité conclut :

...Les motifs du placement demeurent présents et la réflexion du sujet doit donner lieu à des changements observables avant que l'on puisse considérer le risque acceptable dans un établissement à sécurité minimale.

Il n'y a actuellement aucune alternative. (mon souligné)

[22]     Il est opportun de noter qu'à cette même date, monsieur Larouche, dans un rapport sur les renseignements de sécurité (page 134 dossier du défendeur), recommandait que monsieur Bouchard soit évalué pour un transfert hors de l'ESAP. Ce rapport est aussi signé par monsieur Gougeon, le directeur de l'établissement, le 28 février.

[23]     Le 21 mars, le comité d'isolement rencontre de nouveau le demandeur et recommande :

La cote de sécurité du sujet est actuellement en processus de réévaluation. L'orientation actuelle est vers un transfèrement vers un établissement à sécurité médium. Les motifs à l'origine du placement en isolement du sujet demeurent présents. Par son attitude, le sujet ne démontre aucun changement quant à sa remise en question ou une ouverture à son équipe. Nous recommendons (sic) donc le maintien du sujet en isolement.

[24]     Le 13 mars, soit huit (8) jours avant, le calcul informatisé de la cote de sécurité du demandeur avait été fait et confirmait une cote moyenne. Toutefois, le rapport d'évaluation en vue d'une modification officielle de la cote de sécurité du demandeur, et de son transfèrement involontaire vers un établissement approprié à sécurité accrue, n'a été complété que le 11 avril 2003[5].

[25]     Le 11 avril, monsieur Matteau complétait aussi la rédaction du Suivi du plan correctionnel de monsieur Bouchard en vue de la recommandation de transfèrement et d'une étude de semi-liberté et de libération conditionnelle totale. Il y indique que l'EGC ne prévoit pas recommander positivement quelque forme de libération que ce soit à la CNLC.

[26]     Des copies de ces documents furent remises au demandeur le 15 avril 2003, avec un avis que la prochaine rencontre avec le comité d'isolement était fixée au 22 avril 2003.

[27]     Le 18 avril, monsieur Bouchard dépose une plainte contestant son transfert et la hausse de sa cote de sécurité, de même que le bien fondé de l'évaluation de son dossier. Il indique qu'il désire que les rapports d'observations soient « épurés » . Cette plainte est rejetée quelques jours plus tard parce que prématurée, compte tenu qu'une décision finale n'a pas encore été prise à l'égard du transfèrement et de la hausse de la cote de sécurité.

[28]     Le 22 avril, la CNLC avise monsieur Bouchard que l'audience du mois de mai doit être reportée de soixante (60) jours parce que les documents requis de l'ESAP n'ont pas été reçus dans les délais prescrits, soit avant le 18 avril 2003. Madame Brunelle a témoigné qu'elle n'était pas au courant de ce délai. Par ailleurs, il appert du rapport d'examen régional du statut d'isolement, qu'une évaluation psychologique complète avait été prévue en vue de l'audience de mai mais que celle-ci n'avait pas été complétée.

[29]     Le 22 avril 2003, soit plus de soixante (60) jours après la mise en isolement préventif, monsieur Bouchard refuse de rencontrer le comité d'isolement. Dans son rapport, le comité conclut :

La collaboration déjà faible du sujet avec ses intervenants semble se détériorer puisqu'il a refusé de rencontrer le CECI. Il a reçu récemment les documents concernant la recommandation de transfèrement non-sollicité vers l'établissement Cowanswille. Il a fait parvenir des plaintes et différents documents. Une décision sera prise après considération de ces documents. Les motifs à l'origine du placement en isolement demeure d'actualité. La cote de sécurité a été réévaluée à médium. Nous recommandons le maintien du sujet en isolement puisqu'il compromet la sécurité de l'établissement « art. 31.3.a » (sic).

Ce rapport est contresigné par madame Savard qui, en l'absence du directeur de l'établissement, agissait comme directrice intérimaire.

[30]     Dans le rapport, on note que monsieur Bouchard a reçu un document intitulé « Évaluation en vue d'une décision » (EVD). On y résume, diverses informations au dossier de monsieur Bouchard pour l'année 2002-2003. On traite, plus particulièrement, de deux rapports de renseignements protégés, datés du 30 juillet et du 5 août, concernant un incident lors duquel monsieur Bouchard aurait menacé un codétenu pour une raison inconnue et lui aurait fait « un geste de le frapper d'un coup de poing » . Par la suite, monsieur Bouchard aurait offert à ce détenu un montant d'argent « pour qu'il se rétracte des informations de menace contre lui » .

[31]     On parle aussi des douze rapports d'observation au dossier datant de mai, juin, août et septembre 2002. Sept de ces rapports mentionnent que monsieur Bouchard aurait utilisé de façon abusive son statut de président du comité des détenus, qu'il n'écoutait pas les directives émises et qu'il tentait constamment de les contourner à son avantage en les interprétants de façons erronées. En juillet 2002, trois détenus, dont le demandeur, auraient fait une campagne de salissage contre un quatrième détenu et ont reçu une mise en garde à ce sujet.

[32]     Enfin en janvier 2003, quatre rapports mentionnent des altercations verbales et menaces de mort qui perdurent entre le demandeur et un autre détenu vivant dans son unité d'habitation. On indique que depuis le succès de sa révision judiciaire, monsieur Bouchard semble n'avoir besoin de personne et qu'il se vante que personne ne peut lui faire plier l'échine. On indique aussi que, dans la dernière année, le demandeur s'est tellement impliqué dans son processus de révision judiciaire qu'il en a oublié tout le reste, qu'il n'a aucune considération pour les autres et qu'il écarte, par tous les moyens, les éléments gênants.

[33]     On conclut que l'ESAP n'est pas en mesure de fournir l'encadrement que le comportement du demandeur exige et que l'établissement à sécurité moyenne de Cowansville répond à ses besoins en matière de sécurité et en matière de programme.

[34]     La décision finale de transfèrement et de hausse de la cote de sécurité à moyenne est signée le 24 avril par madame Savard, directrice intérimaire de l'ESAP (page 59 du dossier du demandeur).

[35]     Le même jour, ayant été avisée la veille par madame Brunelle que c'est à madame Savard qu'elle doit acheminer ses représentations, l'avocate du demandeur soumet des commentaires écrits. Elle souligne que les évènements relatés dans les divers rapports d'observation, mentionnés dans l'évaluation d'avril 2003, remontent à l'été 2002 et qu'ils n'ont pas alors été jugés assez graves pour susciter une reclassification. Il convient de noter que ni monsieur Bouchard, ni son avocate, n'ont demandé copies de ces rapports ou des explications additionnelles sur les faits qui y sont consignés.

[36]     Quant au comportement du demandeur, son procureur l'explique par sa grande implication dans sa révision judiciaire (il s'est représenté seul à l'audience). Elle soumet que son attitude récente est due au fait qu'il était dans « une bulle gonflée par son succès personnel » et qu'il n'avait pas le bénéfice des conseils d'un avocat ou de sa famille pour tempérer ses ardeurs. Elle note que, malgré cela, ses revendications ont toujours été polies, tel que le souligne l'EGC dans ses rapports. Elle soumet que le demandeur pourrait recommencer à poursuivre son cheminement dans un autre établissement à sécurité minimum, tel que celui de la Montée St-François. Elle note de plus, que l'évaluation psychologique de monsieur Bouchard n'est pas encore disponible et elle s'étonne que la cote informatisée du demandeur ait été calculée à 23, alors que sa cote est à minimum depuis cinq (5) ans.[6]

[37]     Dans la décision finale quant au transfert involontaire du demandeur à Cowansville, on retrouve des commentaires sur ces représentations de l'avocate de monsieur Bouchard. Il est évident que l'EGC n'est pas d'accord avec l'analyse du demandeur et que sa lettre à la CNLC a eu un impact important, sinon crucial, sur les décisions prises à son égard.

[38]     Le 2 mai, monsieur Bouchard est transféré à Cowansville et y demeurera jusqu'au début d'octobre 2003. En septembre 2003, sa cote de sécurité est réévaluée à minimum, et ce, même si sa cote informatisée est calculée à 17.5. En effet, l'équipe de gestion de cas de Cowansville recommande une dérogation à la cote et le demandeur est accepté pour un transfèrement volontaire dans un établissement à sécurité minimum.

[39]     Pour diverses raisons, le transfèrement originalement prévu vers l'établissement de la Montée St-François ne peut être complété. Selon monsieur Bouchard, celui-ci était prêt à retourner à l'ESAP mais on ne voulait pas de lui là-bas. Il accepta un transfèrement au CFF, même s'il s'agit d'un établissement à sécurité minimum renforcée ce qui rend, selon lui, son accès à une libération conditionnelle plus difficile.

[40]     Le 13 mai 2003, monsieur Bouchard dépose un grief prioritaire au deuxième palier dans lequel il demande « d'être rétabli dans ses droits et privilèges » . Il demande des correctifs dans les meilleurs délais et présume qu'on corrigera les rapports dans son dossier. Il se plaint d'avoir reçu la peine la plus sévère possible et rappelle qu'il a passé cinq (5) ans sans faire l'objet d'aucun rapport disciplinaire dans un établissement minimum. Il demande des explications sur l'augmentation de sa cote de sécurité.

[41]     Le 13 juin 2003, le SCC l'informe qu'eu égard au volume de griefs reçus, une décision ne pourra être rendue avant le 16 juillet 2003. Le grief est rejeté le 3 juillet 2003, mais la décision n'est remise au demandeur que le 22 juillet 2003. Selon le décideur du deuxième palier, les trois décisions contestées sont justifiées.

[42]     Le 20 juin 2003, l'EGC de monsieur Bouchard à l'ESAP prépare une évaluation pour la CNLC en vue d'une décision quant à la semi-liberté ou la libération conditionnelle du demandeur. On y trouve, entre autres, un résumé de diverses évaluations psychologiques du demandeur. Bien que généralement positives, il semble que, par le passé, au moins un psychologue a noté que le cheminement positif du demandeur était intellectualisé plutôt qu'intériorisé, ce qui expliquerait le « dérapage » récent du demandeur selon l'EGC. On ne recommande pas de mesures de libération conditionnelles à la CNLC.

[43]     Le 23 juillet 2003, monsieur Bouchard s'adresse au troisième palier du processus de grief. Il se plaint du retard dans l'examen de son grief au deuxième palier. Il indique aussi qu'on porte des accusations contre lui sans faire « des rapports d'infractions » , tel qu'on devrait le faire en vertu de la Directive 580[7]. Il conteste la logique de le déclarer comme un risque trop grand pour un établissement à sécurité minimum, compte tenu qu'il y a déjà passé cinq (5) ans et que ses antécédents ont été évalués favorablement lors de la révision judiciaire de décembre 2002. Il indique que la mise en garde qu'on lui a faite était, en réalité, une menace pour le forcer à reporter de six mois sa demande auprès du CNLC. Il demande une enquête et une réponse adéquate à tous les points soulevés devant le deuxième palier.

[44]     Dans l'accusé de réception de ce grief national, on indique que le grief a été reçu le 7 août 2003 et que son examen devrait être complété le 28 août 2003. De fait, Sharon Fraser, la commissaire adjointe du SCC, a rendu sa décision sur ce grief le 25 août 2003. Toutefois, celle-ci ne fut communiquée au demandeur que le 10 septembre 2003.

[45]     Madame Fraser indique que les raisons justifiant l'isolement du demandeur, le changement de sa cote de sécurité et son transfèrement, sont suffisamment expliquées dans les documents des intervenants du SCC, ainsi que dans la décision du deuxième palier.

[46]     Elle conclut après avoir « examiné minutieusement tous les documents disponibles » , que les décisions à l'égard du demandeur étaient conformes aux règles pertinentes, soit les articles 28 et 31(3)a) de la Loi et les articles 17 et 18 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, D.O.R.S./92-620 (le Règlement), ainsi que l'IP 700-14 (cote de sécurité des délinquants).

[47]     L'affidavit de madame Myre, l'analyste chargée d'étudier le dossier au troisième palier, et son interrogatoire sur affidavit indiquent que le décideur n'avait pas devant elle le dossier complet du demandeur. La lettre de monsieur Bouchard à la CNLC (P-38) ainsi que les rapports d'observation et de sécurité préventive, auxquels réfèrent les divers rapports d'évaluation mentionnés ci-dessus, n'ont pas été consultés. Tous les documents devant le décideur du deuxième palier n'avaient pas non plus été acheminés à madame Myre. Plus particulièrement, quant à l'isolement préventif, le décideur du troisième palier n'avait que le rapport d'examen de statut daté du 23 avril 2003.

[48]     L'audience devant la CNLC, qui avait été reportée de mai en août, est encore ajournée à la demande de monsieur Bouchard car, selon lui, comme sa cote est encore moyenne, il a peu de chances d'obtenir quelque privilège que se soit.

[49]     En janvier 2004, le CFF prépare une évaluation en vue de l'audience devant la CNLC, maintenant fixée au 25 février 2004. Elle recommande de refuser la libération conditionnelle pré-libératoire régulière, de même que la semi-liberté, et de ne pas autoriser les sorties sans escorte pré-libératoire pour des rapports familiaux.

[50]     En février 2004, la CNLC rejette la demande de monsieur Bouchard et indique qu'il ne pourra se représenter devant elle avant deux ans.

Questions en litige

[51]     Le défendeur arguait dans son mémoire que, compte tenu de la situation aujourd'hui[8], la demande de contrôle est devenue académique et sans objet.

[52]     À l'audience, il a toutefois convenu qu'il est évident que les décisions attaquées ont toujours un impact sur les chances de monsieur Bouchard d'obtenir la libération conditionnelle, qu'il continue d'attendre[9].

[53]     Appliquant l'analyse exposée dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, j'ai décidé d'exercer mon pouvoir discrétionnaire et de trancher les questions soulevées dans la présente demande.

[54]     Ceci étant dit, il a été difficile de voir clair dans ce dossier et d'identifier correctement les véritables questions à déterminer.

[55]     En effet, sûrement par souci de ne rien omettre et à cause d'une certaine méconnaissance du processus de contrôle judiciaire, le demandeur a soulevé de très nombreuses questions et présenté beaucoup de preuves sur des sujets que la Cour n'a pas le pouvoir de considérer dans le cadre de la présente demande. Par exemple, toutes les questions liées à d'autres griefs (perte de salaire, saisie dans sa cellule, grief contre un agent du SCC, etc.), aux allégations de saisies et fouilles abusives en violation de l'article 8 de la Charte, à la violation de son droit à la liberté d'expression (article 2(b) de la Charte), de même que les attaques à l'encontre des décisions de la CNLC et les recommandations du SCC sur la base de l'article 12 de la Charte, n'étaient pas devant madame Fraser.

[56]     Madame Fraser était clairement habilitée à considérer la légalité des décisions contestées par le demandeur dans son grief. Elle pouvait aussi examiner si les droits constitutionnels protégés aux articles 7, 9 et 12 de la Charte avaient été violés (Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Martin c. Nouvelle-Écosse (Workers Compensation Board), [2003] 2 R.C.S. 504; Velley c. Fenbrook Institution, [2004] A.C.F. no 1902, 2004 CF 1571.).

[57]     Monsieur Bouchard n'avait pas soulevé expressément devant madame Fraser que :

i)        madame Savard n'avait pas le pouvoir de prendre les décisions concernant la hausse de sa cote de sécurité et son transfèrement;

ii)       le FCC a manqué à son obligation de communication envers lui. D'abord parce qu'on ne lui a pas communiqué toute l'information nécessaire pour contester la hausse de cote et le transfèrement, comme les rapports d'observation et les rapports de sécurité. Ensuite, parce que les motifs de son isolement ne lui ont pas été communiqués suffisamment clairement pour qu'il puisse valablement les contester, car même si le directeur a invoqué l'article 31(3)a) de la Loi, on l'avait aussi avisé qu'il fallait le protéger contre des représailles éventuelles de codétenus et que son isolement était nécessaire pour permettre qu'une enquête interne soit complétée. Finalement, parce que les motifs justifiant la hausse de sa cote lui ont été communiqués tardivement et hors des délais prévus aux règlements et à la directive applicable, car cette décision avait, selon lui, été prise avant le 27 mars 2003 (voir lettre de l'enquêteur correctionnel Émile Robert, pièce T-5 à l'affidavit de monsieur Bouchard).

[58]     Comme je l'ai expliqué à l'audience, dans Toussaint c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), [1993] A.C.F. no 616 (C.A.F.), le juge Robert Décary a dit qu'il « est clairement établi que cette Cour, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, ne peut pas trancher une question qui n'a pas été soulevée devant le tribunal administratif » . Voir aussi Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs, [2001] A.C.F. no 166 (C.A.F.) au para. 12; Regional Cablesystems Inc. c. Wygant, [2003] A.C.F. no 321, 2003 CFPI 236 au para. 12.

[59]     Beaucoup de documents qui n'étaient pas devant le décideur (même s'ils étaient disponibles dans le dossier du demandeur), de même que des documents concernant des évènements survenus après la décision de madame Fraser, font partie du dossier du demandeur.

[60]     Lors d'un contrôle judiciaire, la Cour ne doit considérer que la preuve qui était au dossier du décideur dont la décision fait l'objet de la demande de contrôle. La Cour peut toutefois consulter de la preuve additionnelle pour trancher des questions d'équité procédurale ou de juridiction (Ordre des architectes de l'Ontario c. Association of Architectural Technologist of Ontario, [2003] 1 F.C. 331, 2002 CAF 218 au para. 30; McFayden c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 1897, 2005 CAF 360 au para. 14; Khawaja v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2006] F.C.J. no 703, 2006 FC 522 au para. 13).

[61]     Ceci étant dit, le défendeur a, quant à lui sursimplifié les questions en litige en disant que la Cour devait se limiter à examiner si le SCC avait accompli son devoir de communication lors de la prise des décisions contestées et si la décision de madame Fraser était par ailleurs arbitraire ou manifestement déraisonnable. Dans ses représentations écrites, il ne répond pas spécifiquement à chacune des allégations du demandeur.

[62]     Après l'audience, la Cour a permis au défendeur de déposer des représentations additionnelles quant au rôle du décideur au troisième palier et la force des directives particulièrement du Manuel de procédure de règlement des plaintes et des griefs des délinquants, publié en 2002 (le Manuel) qui traite de l'enquête approfondie faite lors de l'examen d'un grief.

[63]     La Cour est satisfaite que les arguments qu'elle pouvait examiner se regroupent comme suit :

i)        madame Fraser a manqué à son devoir d'agir équitablement en ne procédant pas à une étude approfondie du dossier et en ne consultant pas la preuve la plus pertinente au grief, telle que les rapports d'observation au dossier du demandeur;

ii)       madame Fraser n'a pas examiné toutes les questions qui lui ont été soumises, telles que l'impact du retard dans la prise de décision au deuxième palier et le fait que le demandeur s'est vu imposer la mesure la plus sévère;

iii)     la décision du troisième palier est mal fondée, puisque les décisions contestées du directeur ou de la directrice intérimaire de l'ESAP sont entachées par des manquements aux règles d'équité procédurale applicables à ce processus décisionnel et que deux décisions ont été prises par une personne qui n'avait pas compétence (la directrice intérimaire);

iv)      la décision est mal fondée sur le mérite.

[64]     Si, comme le soumet le demandeur (63 ii) ci-dessus), le décideur n'a pas exercé sa juridiction et a omis de répondre à une question soulevée par Monsieur Bouchard, la Cour ne pourra le faire à sa place. Elle devra retourner le dossier afin que cette question soit considérée par madame Fraser.

[65]     Pour ce qui est d'un possible manquement au devoir d'agir équitablement de madame Fraser, il n'y a pas lieu de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle. En effet, s'il y a eu manquement à l'équité procédurale ou à un principe de justice naturelle, outre certains cas exceptionnels, la Cour doit intervenir et annuler la décision.

[66]     Quant à la question décrite au paragraphe 63 iv), soit que la décision contestée est mal fondée eu égard à la preuve au dossier, tel qu'indiqué par la Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Boucher, [2005] A.C.F. no. 352, 2005 CAF 77, il s'agit là essentiellement d'une question de faits. Adoptant le raisonnement du juge Gilles Létourneau, la Cour l'aurait normalement révisée en appliquant la norme de la décision manifestement déraisonnable. Toutefois, pour les motifs décrits ci-après, il ne sera pas nécessaire d'examiner cette question. En effet, il serait même inopportun de le faire puisque le décideur devra réexaminer le grief.

[67]     La Cour a inclus dans les questions à être déterminées au paragraphe 63 iii) ci-dessus, les arguments décrits au paragraphe 57 ci-dessus parce que, même si ces questions n'étaient pas expressément devant le décideur, elles pouvaient mettre en cause la légalité de la décision du troisième palier eu égard à la Charte (May, précité à la note 6, au para. 57). Toutefois là aussi, et pour les raisons qui seront énoncées ci-après, il ne sera finalement pas nécessaire pour la Cour de les examiner puisque j'ai conclu que la décision devait être annulée pour d'autres motifs.

[68]     La Cour note toutefois que le décideur devrait les considérer lors du réexamen puisque, comme je l'ai dit, elles peuvent mettre en cause la légalité de sa propre décision eu égard à la Charte. Toutes ces questions concernent, en effet, la légalité des décisions qui ont été contestées devant madame Fraser[10].

Analyse

[69]     J'analyserai donc les deux premiers arguments décrits au paragraphe 63.

[70]     Monsieur Bouchard soumet que le décideur du troisième palier a manqué à son obligation de faire une enquête approfondie sur son grief, puisque des documents extrêmement pertinents n'étaient pas devant elle et qu'ils n'ont pas été considérés. À cet égard, il réfère au Manuel, plus particulièrement à son annexe C, qui décrit de façon non exhaustive les documents qui devraient normalement accompagner un grief.

[71]     Le Manuel indique :

Il faut normalement réunir les documents énumérés ci-dessous, en plus de la loi, des politiques et des procédures opérationnelles pertinentes, pour faire une enquête approfondie sur une plainte ou un grief. Ces documents devraient également accompagner le grief lorsqu'il est acheminé aux paliers supérieurs. La liste présentée ci-dessous n'est pas nécessairement complète...

1.       Isolement et conditions de détention

·         Examen par le directeur de l'établissement (dans le jour ouvrable qui suit)

·         Copie de la dernière Évaluation en vue d'une décision soumise au Comité d'examen des cas d'isolement.

·         Copie du procès-verbal de la dernière réunion du Comité d'examen des cas d'isolement

·         Rapports d'observation

·         Rapports sur les renseignements de sécurité

·         Présentation des motifs au détenu

8.       Placement pénitentiaire et transfèrements

·         Évaluation en vue d'une décision, rapports connexes ou numéros de référence (RRS)

·         Copie de l'avis d'intention

·         Copie de la décision

·         Copie de la réponse de détenu, s'il y a lieu

·         Copie de la demande

·         Copie du procès-verbal de la réunion du Comité de révision - USD

11.      Gestion de cas

·         Dossiers d'activités

·         Rapports dont le contenu est contesté

·         Décisions écrites communiquées au délinquant

(mon souligné)

[72]     Il n'y a aucun doute que le SCC avait l'obligation d'agir équitablement lorsque les décisions d'isoler le demandeur, d'hausser sa cote de sécurité et de le transférer dans un établissement à sécurité plus élevée ont été prises. En effet, ces mesures, particulièrement l'isolement et le transfèrement, constituaient une privation de sa liberté résiduelle (May, précité, au para. 76).

[73]     Le défendeur a soumis que les directives ou publications, telles que le Manuel, ne créent pas d'obligation légale pour le SCC. Selon le défendeur, un simple manquement à ces règles administratives n'est pas suffisant pour faire annuler la décision.

[74]     Depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans Martineau c. Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118, il est établi que les directives du Commissaire sont de nature administrative plutôt que législative. Voir aussi Établissement William Head c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 1137, 2003 CF 870; Miller c. Canada, [1999] A.C.F. no 477; Canada (Service correctionnel) c. Plante, [1995] A.C.F. no 1509; Leprette c. Canada (Service correctionnel, Comité régional), [1992] A.C.F. no 1023; Kelly c. Canada (Solliciteur général), [1992] A.C.F. no 407.

[75]            Cela ne signifie pas pour autant que la Cour ne doit pas tenir compte de la violation de ce type de règles. Des directives comme celle qu'invoque le demandeur peuvent demeurer pertinentes si leur violation mène à une situation inéquitable.

[76]            Dans Leprette, le juge en chef adjoint James A. Jerome, après avoir reconnu que les directives n'ont pas force de loi, fait le commentaire suivant aux paragraphes 15 et 16 de sa décision:

Cela ne signifie toutefois pas que les directives du commissaire peuvent être ignorées sans conséquence.    Dans l'affaire Buyens c. Rippon, (T-2986-91, 10 février 1992), le juge Muldoon a fait les commentaires suivants à cet égard :

Est-ce que le défaut du CSC d'avoir strictement observé la directive du commissaire 580(13) à cause d'un manque de soins de sa part, constitue un motif suffisant pour annuler la décision de l'intimé?    Certainement.    En fait, l'intimé lui-même aurait pu légitimement rejeter l'accusation pour ce motif... Cependant, la Cour conclut qu'en l'espèce, le fait d'avoir observé le paragraphe 580(13) (de la directive du commissaire) n'aurait pas abouti à un verdict différent.    En effet, le requérant ne semble pas avoir subi de violation importante de ses droits, ni de déni de justice.    ...ceci ne veut pas dire que l'on peut faire fi des directives du commissaire. Disons plutôt que la Cour, pour les motifs énoncés précédemment, refuse d'exercer sa discrétion en faveur du requérant à cet égard.

Si, à l'instar de mon collègue le juge Muldoon, j'avais conclu à l'existence de quelque risque d'iniquité ou de déni de justice pour le requérant, j'aurais pris la même décision. Eu égard aux faits de l'espèce, je ne tire toutefois pas cette conclusion.    L'observation stricte du délai n'aurait pratiquement rien changé d'important en l'espèce.    À mon avis, la dérogation n'est que de nature formelle et elle n'entraîne aucune violation de l'obligation d'agir équitablement envers le requérant.

[77]            Dans Établissement William, précité, la juge Danièle Tremblay-Lamer a aussi indiqué que les directives sont utiles pour déterminer si le SCC agit de façon équitable (voir aussi Plante, précité; Sweet c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 1845, 2003 CF 1438 au para. 21; Lee c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel, région du Pacifique), [1994] 1 C.F. 15 au para. 13).

[78]     Comme le rappelait la Cour d'appel fédérale dans Sweet, précité, et la Cour suprême du Canada dans May, précité, au paragraphe 90, il faut toujours examiner le contenu du devoir du décideur dans son contexte, en gardant à l'esprit les cinq facteurs énoncés dans Baker c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[79]     Il est évident que le mécanisme de grief est une composante importante du système décisionnel mis en place par le législateur. La Loi contient peu de détails sur la façon de procéder lors ces griefs, mais elle a donné au Commissaire le pouvoir d'émettre des directives à cet égard (art. 98(1) de la Loi). C'est dans ce cadre que le Manuel devient pertinent. Comme l'indique le juge Brian Malone dans Sweet, précité, au para. 38, les promesses et pratiques habituelles dans le cadre du processus décisionnel et en matière de procédure peuvent être prises en compte dans l'analyse du contenu du devoir d'agir équitablement.

[80]     Il ne fait pas de doute qu'enl'espèce la décision du troisième palier était importante pour monsieur Bouchard et qu'il s'attendait à ce que le décideur fasse une enquête approfondie.

[81]     Sans avoir à définir exactement les paramètres de l'obligation du Commissaire, il me semble que si l'on veut donner quelque sens que ce soit à ce processus de grief, le décideur doit examiner la preuve la plus pertinente au dossier, compte tenu des allégations du grief.

[82]     La mise en garde du 5 février et la lettre à la CNLC sont les deux éléments qui ont eu le plus d'impact sur la décision initiale d'isoler le demandeur. Ils ont aussi fortement influencé les décisions ultérieures prises par la directrice intérimaire (voir en particulier l'avis de recommandation d'un transfèrement non sollicité à la page 78 du dossier du demandeur et la décision du deuxième palier).

[83]     Dans son grief au troisième palier, le demandeur mentionnait spécifiquement que la mise en garde de février 2003 était, en fait, une menace pour le forcer à remettre de six (6) mois son audience devant la CNLC. Une telle allégation mettait nécessairement en jeu le bien-fondé de cette mise en garde. Dans les circonstances, comme le prévoit le Manuel en matière de griefs concernant l'isolement préventif, il semble que les rapports d'observation et de renseignement de sécurité auraient dû être examinés avant de rejeter comme non fondée l'allégation du demandeur et de conclure que l'isolement était justifié, de même que les autres décisions prises ultérieurement.

[84]     De plus, bien que la décision du deuxième palier mentionne spécifiquement qu'une étude exhaustive du dossier a été faite et réfère, entre autres, à la lettre à la CNLC, la Cour note que cette lettre n'a pas été examinée par ce décideur et ce, au su de madame Fraser (voir page 101 du dossier du défendeur). Celle-ci non plus n'avait pas la lettre à sa disposition lorsqu'elle a pris sa décision au troisième palier.

[85]     Par ailleurs, dans sa décision, madame Fraser conclut que les raisons justifiant le placement en isolement préventif ont été suffisamment expliquées au demandeur et qu'après un examen minutieux de toutes les informations disponibles, elle était d'avis que le placement involontaire du 21 février 2003 était conforme au sous-paragraphe 31(3)a) de la Loi. C'est donc dire que madame Fraser se disait satisfaite qu'il n'y avait aucune solution alternative à l'isolement préventif le 21 février 2003. Pourtant, la Cour rappelle que le décideur n'avait pas à son dossier le rapport daté du 21 février qui expliquait la décision du directeur.

[86]     Tel que mentionné, le demandeur alléguait qu'on lui avait imposé la peine la plus sévère et qu'on le harcelait. Selon le paragraphe 31(2) de la Loi, le détenu en isolement préventif doit être replacé le plus tôt possible parmi les autres détenus du pénitencier où il est incarcéré ou dans une autre institution. De plus, pour maintenir un détenu en isolement préventif, il faut que le directeur soit convaincu qu'il n'existe aucune autre solution valable (para. 31(3)) et ce, à chaque fois qu'il révise sa décision.

[87]     Le directeur avait reçu une première recommandation de transfèrement le 28 février 2003 et la cote informatisée du demandeur avait été recalculée à moyenne le 13 mars (voir para. 22 et 24 ci-dessus). Il y a donc eu un long délai entre ces événements et la prise de décision de hausser la cote et de transférer le demandeur, de même que dans l'exécution de cette décision.

[88]     Rien n'indique que madame Fraser ait considéré ces questions afin de déterminer si le maintien en isolement pendant soixante-dix (70) jours était bien justifié et si les explications données étaient suffisantes compte tenu de ces circonstances. Son analyste n'en traite pas dans son rapport et il est clair qu'elle n'avait pas d'informations à son dossier lui permettant d'examiner adéquatement ces questions. Bien que le décideur du deuxième palier ait examiné le rapport du 21 février, du même que ceux qui l'ont suivi, cette documentation, comme je l'ai dit, n'a pas été acheminée à madame Fraser. Par ailleurs, le décideur du deuxième palier n'a donné aucune explication à cet égard.

[89]     La présomption à l'effet qu'un décideur ait considéré toute la preuve au dossier ne peut s'appliquer lorsque, comme en l'espèce, le défendeur a déposé une liste exhaustive de tous les documents devant le décideur et qu'il manque à cette liste des pièces importantes.

[90]     Dans le présent contexte, la Cour doit donc conclure que le décideur a manqué à son obligation d'agir équitablement lorsqu'elle n'a pas considéré la preuve pertinente au dossier du SCC. En l'absence de cette documentation, la Cour est satisfaite que madame Fraser n'a pas pu compléter son analyse de la légalité des décisions contestées.

[91]     Par ailleurs, la Cour note qu'elle a aussi omis de considérer la question du délai à l'intérieur duquel le décideur du deuxième palier a rendu sa décision. Cette question était soulevée dans le grief.

[92]     La Cour ne doit pas décider de ces questions à la place de madame Fraser. Le grief devra être reconsidéré par le décideur du troisième palier. Il est assez évident que les paragraphes 31(2) et (3) de la Loi ont été édictés afin de s'assurer que les décisions administratives soient conformes à la Charte, particulièrement aux articles 7 et 12. Il sera donc important que le décideur tienne compte de ces dispositions lors du réexamen du grief. Elle devra aussi tenir compte de la jurisprudence récente telle que May, précitée, lorsqu'elle reconsidérera la suffisance des informations et explications communiquées quant à la hausse de cote.

[93]     À l'audience et après, l'existence des rapports d'observation qui sont mentionnés au paragraphe 31 ci-dessus a fait l'objet d'une controverse. La procureure du demandeur disait avoir demandé, dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, la production de ces rapports. Seul un rapport de renseignements protégés a été produit. Elle arguait donc que ces rapports n'existaient pas et que madame Brunelle avait confirmé que les observations qu'ils étaient supposés contenir n'étaient pas consignées par écrit (page 4 du dossier complémentaire). Elle demandait à la Cour d'exiger le dépôt de ces documents avant de rendre sa décision.

[94]     La Cour n'a pas acquiescé à cette demande car, après vérification de la transcription de l'interrogatoire sur affidavit de madame Brunelle, la Cour était satisfaite que celle-ci n'a jamais indiqué que ces rapports étaient verbaux. De plus, bien que l'on puisse interpréter certaines demandes de documents faites par la procureure du demandeur comme incluant les rapports d'observation, celle-ci n'a jamais clairement demandé les « rapports d'observation » .

[95]     De toute façon, la Cour est satisfaite qu'elle n'avait pas besoin de ces rapports pour rendre sa décision.

[96]     Quant aux remèdes demandés, il serait prématuré de radier quelque information que ce soit au dossier du demandeur et ce, jusqu'à ce que madame Fraser ait reconsidéré le grief. Par ailleurs, la Cour a de sérieux doutes quant à son pouvoir d'émettre une telle ordonnance. Cette question n'ayant pas à être déterminée aujourd'hui, il n'y a pas lieu d'en dire plus à ce sujet.

[97]     Comme je l'ai indiqué, le demandeur demande aussi que la Cour ordonne que le SCC transmette une recommandation précise en sa faveur à la CNLC et qu'elle ordonne à la CNLC d'approuver sa demande de semi-liberté ou liberté conditionnelle totale. À ce sujet, le demandeur argue qu'il ne bénéficie plus de son incarcération et que tout prolongement du temps en établissement sans liberté ou semi-liberté conditionnelle contrevient à l'article 12 de la Charte. Ilindique que la décision de la Cour suprême du Canada dans Steel c. Établissement Moncton, [1990] 2 R.C.S. 1385, appuie sa position.

[98]     La présente demande de contrôle judiciaire ne porte pas sur la légalité d'une décision de la CNLC. Le grief du demandeur, qui était devant madame Fraser, ne traitait pas non plus de l'évaluation préparée par l'ESAP, le 20 juin 2003 (para. 42 ci-dessus), non plus que celle du CFF de janvier 2004 (para. 49 ci-dessus). Les décisions de la CNLC, de même que les rapports et actes du SCC à cet égard, sont postérieurs au dépôt du grief national.

[99]     Le principe de la finalité des décisions commande que les possibilités de contestation indirectes d'une décision administrative soient limitées et circonscrites, particulièrement lorsque le législateur a opté pour une procédure de contestation directe à l'intérieur de paramètres bien définis (Grenier c. Canada, [2005] A.C.F. 1778).

[100]        La Cour note d'ailleurs que dans Steel, précité, la question devant la Cour suprême du Canada était de savoir si la CNLCavait commis une erreur en refusant une libération conditionnelle à l'intimé.

[101]        Dans le présent dossier, la Cour n'a pas compétence pour ordonner quoi que ce soit au SCC ou à la CNLC à l'égard de la libération conditionnelle du demandeur.

[102]        La Cour est satisfaite que le remède approprié en l'espèce est l'annulation de la décision de madame Fraser.


JUGEMENT

[103]        La demande est accordée en partie avec dépens.

[104]        La décision de madame Fraser est annulée. Le grief national du demandeur devra être réexaminé à la lumière des motifs accompagnant ce jugement.

« Johanne Gauthier »

Juge


Annexe 1

Charte canadienne des droits et libertéslibertés, partie I de la Loiconstitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11

2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression,
y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

c) liberté de réunion pacifique;

d) liberté d'association.

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

9. Chacun a droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires.

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

2. Everyone has the following fundamental freedoms:

a) freedom of conscience and religion;

b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication;

c) freedom of peaceful assembly; and

d) freedom of association.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

9. Everyone has the right not to be arbitrarily detained or imprisoned.

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

24. (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.


Annexe 2

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, D.O.R.S./92-620

17. Le Service détermine la cote de sécurité à assigner à chaque détenu conformément à l'article 30 de la Loi en tenant compte des facteurs suivants :

a) la gravité de l'infraction commise par le détenu;

b) toute accusation en instance contre lui;

c) son rendement et sa conduite pendant qu'il purge sa peine;

d) ses antécédents sociaux et criminels, y compris ses antécédents comme jeune contrevenant s'ils sont disponibles;

e) toute maladie physique ou mentale ou tout trouble mental dont il souffre;

f) sa propension à la violence;

g) son implication continue dans des activités criminelles.

17. The Service shall take the following factors into consideration in determining the security classification to be assigned to an inmate pursuant to section 30 of the Act:

(a) the seriousness of the offence committed by the inmate;

(b) any outstanding charges against the inmate;

(c) the inmate's performance and behaviour while under sentence;

(d) the inmate's social, criminal and, where available, young-offender history;

(e) any physical or mental illness or disorder suffered by the inmate;

(f) the inmate's potential for violent behaviour; and

(g) the inmate's continued involvement in criminal activities.

18. Pour l'application de l'article 30 de la Loi, le détenu reçoit, selon le cas :

a) la cote de sécurité maximale, si l'évaluation du Service montre que le détenu :

(i) soit présente un risque élevé d'évasion et, en cas d'évasion, constituerait une grande menace pour la sécurité du public,

(ii) soit exige un degré élevé de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier;

b) la cote de sécurité moyenne, si l'évaluation du Service montre que le détenu :

(i) soit présente un risque d'évasion de faible à moyen et, en cas d'évasion, constituerait une menace moyenne pour la sécurité du public,

(ii) soit exige un degré moyen de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier;

c) la cote de sécurité minimale, si l'évaluation du Service montre que le détenu :

(i) soit présente un faible risque d'évasion et, en cas d'évasion, constituerait une faible menace pour la sécurité du public,

(ii) soit exige un faible degré de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier.

18. For the purposes of section 30 of the Act, an inmate shall be classified as

(a) maximum security where the inmate is assessed by the Service as

(i) presenting a high probability of escape and a high risk to the safety of the public in the event of escape, or

(ii) requiring a high degree of supervision and control within the penitentiary;

(b) medium security where the inmate is assessed by the Service as

(i) presenting a low to moderate probability of escape and a moderate risk to the safety of the public in the event of escape, or

(ii) requiring a moderate degree of supervision and control within the penitentiary; and

(c) minimum security where the inmate is assessed by the Service as

(i) presenting a low probability of escape and a low risk to the safety of the public in the event of escape, and

(ii) requiring a low degree of supervision and control within the penitentiary.


Annexe 3

Loi sur le Système correctionnel et la mise en liberté sous, L.C. 1992 c.20

28. Le Service doit s'assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue le milieu le moins restrictif possible, compte tenu des éléments suivants :

a) le degré de garde et de surveillance nécessaire à la sécurité du public, à celle du pénitencier, des personnes qui s'y trouvent et du détenu;

b) la facilité d'accès à la collectivité à laquelle il appartient, à sa famille et à un milieu culturel et linguistique compatible;

c) l'existence de programmes et services qui lui conviennent et sa volonté d'y participer.

28. Where a person is, or is to be, confined in a penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to ensure that the penitentiary in which the person is confined is one that provides the least restrictive environment for that person, taking into account

(a) the degree and kind of custody and control necessary for

(i) the safety of the public,

(ii) the safety of that person and other persons in the penitentiary, and

(iii) the security of the penitentiary;

(b) accessibility to

(i) the person's home community and family,

(ii) a compatible cultural environment, and

(iii) a compatible linguistic environment; and

(c) the availability of appropriate programs and services and the person's willingness to participate in those programs.

31. (1) L'isolement préventif a pour but d'empêcher un détenu d'entretenir des rapports avec l'ensemble des autres détenus.

(2) Le détenu en isolement préventif doit être replacé le plus tôt possible parmi les autres détenus du pénitencier où il est incarcéré ou d'un autre pénitencier.

(3) Le directeur du pénitencier peut, s'il est convaincu qu'il n'existe aucune autre solution valable, ordonner l'isolement préventif d'un détenu lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire, selon le cas :

a) que celui-ci a agi, tenté d'agir ou a l'intention d'agir d'une manière compromettant la sécurité d'une personne ou du pénitencier et que son maintien parmi les autres détenus mettrait en danger cette sécurité;

b) que son maintien parmi les autres détenus peut nuire au déroulement d'une enquête pouvant mener à une accusation soit d'infraction criminelle soit d'infraction disciplinaire grave visée au paragraphe 41(2);

c) que le maintien du détenu au sein de l'ensemble des détenus mettrait en danger sa sécurité.

31. (1) The purpose of administrative segregation is to keep an inmate from associating with the general inmate population.

(2) Where an inmate is in administrative segregation in a penitentiary, the Service shall endeavour to return the inmate to the general inmate population, either of that penitentiary or of another penitentiary, at the earliest appropriate time.

(3) The institutional head may order that an inmate be confined in administrative segregation if the institutional head believes on reasonable grounds

(a) that

(i) the inmate has acted, has attempted to act or intends to act in a manner that jeopardizes the security of the penitentiary or the safety of any person, and

(ii) the continued presence of the inmate in the general inmate population would jeopardize the security of the penitentiary or the safety of any person,

(b) that the continued presence of the inmate in the general inmate population would interfere with an investigation that could lead to a criminal charge or a charge under subsection 41(2) of a serious disciplinary offence, or

(c) that the continued presence of the inmate in the general inmate population would jeopardize the inmate's own safety,

and the institutional head is satisfied that there is no reasonable alternative to administrative segregation.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1888-03

INTITULÉ :                                        JEAN-CLAUDE BOUCHARD c. LE PROCUREUR

                                                            GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :               

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS :                       16 JUIN 2006

COMPARUTIONS:

Me ANNE HÉBERT

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me YANNICK LANDRY

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me ANNE HÉBERT

MONTRÉAL, QC

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS,

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE



[1] Même si monsieur Paquette n'était plus l'ALC du demandeur, il a poursuivi son implication dans l'équipe de gestion de cas du demandeur.

[2] Selon le demandeur, il aurait eu un problème une seule fois. Les rapports au dossier semblent corroborer cette position.

[3] Pour le demandeur cette lettre n'a pas été reçue le 21 février par la CNLC mais seulement le 28 février. Compte tenu de la description de la pièce P-38 à l'affidavit de monsieur Bouchard, des prétentions aux paragraphes 30-31 de son mémoire, du témoignage de madame Brunelle confirmé par le libellé de plusieurs documents effectivement datés du 21 février 2003, la Cour est satisfaite que la pièce P-38 est bien le document mentionné dans la lettre du 20 février de la CNLC.

[4] Madame Brunelle, monsieur Matteau, monsieur Paquette, et en leur absence, leurs adjoints ou remplaçants.

[5] Madame Brunelle a confirmé lors de son interrogatoire qu'aucun rapport d'infraction n'a été considéré lors de cette évaluation et du calcul informatisé de la cote.

[6] L'Instruction Permanente (IP) 700-14, datée du 30 avril 2001 (révoquée le 10 avril 2006), traite de la cote de sécurité des délinquants. Selon l'échelle de réévaluation de la cote de sécurité (ERCS), il semble qu'un résultat entre 0 et 15,5 permet d'obtenir une cote de sécurité minimale. Pour un pointage entre 16 et 16,5, le SCC a la discrétion d'établir la cote à minimale ou moyenne. Avec un total de 17 à 25,5 la cote est moyenne. Il n'est pas évident qu'un tel système existait en 1998 lorsque la cote de sécurité de monsieur Bouchard a, pour la dernière fois, été calculée. Voir May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 S.C.R. 809 aux para. 102-114. L'IP 700-14, ainsi que les Spécifications fonctionnelles de l'ERCS, ont été déposées par le demandeur. Toutefois, il n'y a aucune preuve indiquant quand et comment ces documents ont été obtenus.

[7] En fait, tel qu'indiqué à la note 5, aucune infraction disciplinaire n'a été prise en compte lorsque les décisions contestées dans le grief ont été prises.

[8] Para. 38, 39 ci-dessus.

[9] Para. 42, 48, 49, 50 ci-dessus.

[10] Ceci ne doit pas être interprété comme une indication quant au mérite de ces arguments.

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