Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20060629

Dossier : IMM-7076-05

Référence : 2006 CF 828

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2006

En présence de Monsieur le juge Shore

ENTRE :

NARESH TOORA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]                La crédibilité peut se comparer à un navire avec plusieurs compartiments. Certains plus importants que d'autres; mais une fois que compartiment par compartiment s'écoule, le navire n'est plus navigable.

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi) à l'encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 18 octobre 2005, selon laquelle le demandeur n'a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

FAITS

[3]                Le demandeur, M. Naresh Toora, est citoyen de l'Inde.

[4]                Le 25 février 1997, M. Toora aurait été arrêté lors d'une descente de police dans l'atelier de réparation de moteurs où il travaillait pour son cousin. Il aurait été relâché après avoir été détenu pendant une nuit et aurait été soupçonné d'avoir collaboré avec des militants.

[5]                Après sa libération, M. Toora allègue avoir été harcelé par des policiers qui seraient venus devant la porte de sa maison et qui auraient crié « sort, personne de caste inférieure » . Il n'a pas décrit d'autres incidents ayant nui à son bien-être en Inde.

[6]                En août 1997, M. Toora aurait quitté l'Inde muni d'un visa américain, en destination des États-Unis. Il n'a pas allégué qu'il avait eu des difficultés à quitter son pays et a confirmé qu'il n'y était pas recherché par la police.

[7]                M. Toora aurait rejoint son oncle qui travaillerait comme chauffeur de taxi à New York et y serait demeuré jusqu'au moment où il aurait traversé la frontière dans la région de Lacolle, avec l'aide d'un intermédiaire, pour rentrer au Canada le 2 décembre 2004, sans passer par aucun poste frontalier. Il aurait payé 4000$ américains et remis son passeport à l'intermédiaire qui l'aurait fait rentrer au Canada.

[8]                M. Toora s'est marié neuf jours après son arrivée au Canada en décembre 2004. Puis, le 28 février 2005, il a fait sa demande d'asile au Canada.

DÉCISION CONTESTÉE

[9]                La Commission a conclu à l'absence de crédibilité de M. Toora et à l'absence de minimum de fondement de sa demande d'asile.

[10]            Puisque M. Toora s'est marié neuf jours après son arrivée au Canada, la Commission est d'avis, malgré les affirmations de M. Toora, que le but réel de sa venue au Canada était de se marier et non de revendiquer la protection.

QUESTIONS EN LITIGE

[11]            La présente demande soulève les questions en litige suivantes :

1.       La Commission a-t-elle violé l'équité procédurale en se montrant partiale à l'encontre de M. Toora?

2.       La Commission a-t-elle violé l'équité procédurale en fournissant des motifs de la décision en anglais et une version française traduite des motifs qui comporte des différences avec la version anglaise?

3.       La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de M. Toora?

4.       La Commission a-t-elle commis une erreur en déterminant qu'il y a absence de minimum de fondement?

ANALYSE

Cadre législatif

[12]            Selon l'article 96 de la Loi, une personne est un réfugié si elle craint d'être persécutée en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques :

96.        A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

96.        A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

[13]            Le paragraphe 97(1) de la Loi se lit comme suit :

97.        (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i)       elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii)     elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii)    la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv)    la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

97.       (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i)        the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii)      the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii)     the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv)    the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

[14]            Le paragraphe 107(2) de la Loi énonce que la Commission doit indiquer dans la décision qu'il y a absence de minimum de fondement lorsqu'elle détermine qu'aucun élément de preuve crédible pouvant supporter une décision favorable au revendicateur ne lui a été présenté :

107.      (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d'asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

(2) Si elle estime, en cas de rejet, qu'il n'a été présenté aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel elle aurait pu fonder une décision favorable, la section doit faire état dans sa décision de l'absence de minimum de fondement de la demande.

107.      (1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

(2) If the Refugee Protection Division is of the opinion, in rejecting a claim, that there was no credible or trustworthy evidence on which it could have made a favourable decision, it shall state in its reasons for the decision that there is no credible basis for the claim.

            Norme de contrôle

[15]            Lorsqu'il s'agit de questions de violation d'équité procédurale ou de justice naturelle, cette Cour doit examiner les circonstances particulières afin de déterminer si le tribunal a respecté l'équité procédurale et la justice naturelle. Si elle décide qu'il y a eu une violation, la Cour doit retourner la décision au tribunal en question. (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 16, [2006] A.C.F. no 8 (QL), au paragraphe 15; Demirovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 FC 1284, [2005] A.C.F. no 1560 (QL), au paragraphe 5; Trujillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 414, [2006] A.C.F. no 595 (QL), au paragraphe 11; Bankole c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1581, [2005] A.C.F. no 1942 (QL), au paragraphe 7.)

[16]            Pour ce qui est des questions de crédibilité, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable. (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (F.C.A.), [1993] A.C.F. no 732, au paragraphe 4; Thamotharem, ci-dessus, au paragraphe 16; Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 25, [2004] A.C.F. no 17 (QL), au paragraphe 31; Kathirgamu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 300, [2005] A.C.F. no370 (QL), au paragraphe 41; Trujillo, ci-dessus, au paragraphe 12; Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 139, [2006] A.C.F. no187 (QL), au paragraphe 12; N'Sungani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1759, [2004] A.C.F. no 2142 (QL), aux paragraphes 6 et 12; Bankole, ci-dessus, au paragraphe 6.)

Partialité

[17]            M. Toora prétend qu'il aurait certaines raisons de penser que la Commission aurait été partiale et aurait été prête à refuser sa demande d'asile au début de l'audience avant de l'entendre.

[18]            Tout d'abord, un demandeur a l'obligation de soulever toute allégation de partialité à la première opportunité, soit à l'audience devant la Commission. Le défaut de M. Toora de le faire implique une renonciation de sa part et il est forclos de soulever cette allégation devant la Cour, tel qu'énoncé par M. le juge Beaudry, dans Wijekoon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 758, [2002] A.C.F. no 1022 (QL), aux paragraphes 29-31 :

Dans l'arrêt Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.F.), le juge MacGuigan s'est exprimé ainsi, à la page 113 :

Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion. En l'espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interrogé les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d'arguments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester l'indépendance de la Commission. Bref, elle a participé d'une manière complète à l'audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu'elle a implicitement renoncé à son droit de s'opposer.

Il est bien établi en droit que les présumées manquements aux principes de justice naturelle doivent être mis en évidence à la première occasion possible. Si les demandeurs ont réellement eu l'impression que leurs droits étaient niés, ils auraient dû faire opposition immédiatement.

Ce principe a été confirmé de nouveau dans l'affaire Kostyshyn c. Conseil tribal de la région Ouest [1992] A.C.F. no 731 (QL) (C.F. 1re inst.), où le juge Muldoon a exprimé l'avis que la partie lésée doit se manifester promptement, et dans l'affaire Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] A.C.F. no 607 (QL) (C.F. 1re inst.), où le juge Pinard s'est référé au jugement Del Moral c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 782 (QL) (C.F. 1re inst.). Dans le jugement Del Moral, le juge Dubé concluait ainsi :

La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion.

(Voir également : Yassine c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 172 N.R. 308, [1994] A.C.F. no 949 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 7; Canada (Commission des droit de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, [1990] A.C.S. no129 (QL), aux paragraphes 89-91; Jackson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 89, [2002] A.C.F. no 1289 (QL), aux paragraphes 35-40; Kavunzu c. Canada Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1560, au paragraphe 5.)

[19]            De plus, la transcription de l'enregistrement du début de l'audience n'appuie pas les allégations de M. Toora selon lesquelles la Commission aurait dit vouloir refuser sa demande d'asile avant de l'entendre (Dossier du tribunal, aux pages 188-193).

[20]            Les motifs de la décision de la Commission indiquent clairement que M. Toora, représenté par son avocate, a été entendu sur sa demande d'asile et a été confronté aux contradictions et invraisemblances de son récit.

[21]            Il n'y a donc pas eu de violation de l'équité procédurale en l'espèce puisqu'il n'y avait aucune apparence de partialité de la part de la Commission.

Les deux versions de la décision

[22]            Quant aux motifs de la décision de la Commission, la version en anglais est celle qui a été signée par la Commission et qui constitue la version finale des motifs de cette décision (Affidavit de Estelle Bergeron, greffière adjointe à la Commission, joint au Mémoire du défendeur, au paragraphe 3).

[23]            Par ailleurs, tel qu'il ressort de Miranda v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] F.C.J. No. 437 (F.C.A.) (QL), certaines divergences entre l'original en anglais et la copie traduite ne sauraient affecter la validité de la décision de la Commission ainsi que l'obligation de la Commission de motiver sa décision :

For purposes of judicial review, however, it is my view that a Refugee Board decision must be interpreted as a whole. One might approach it with a pathologist's scalpel, subject it to a microscopic examination or perform a kind of semantic autopsy on particular statements found in the decision. But mostly, in my view, the decision must be analyzed in the context of the evidence itself. I believe it is an effective way to decide if the conclusions reached were reasonable or patently unreasonable.

[24]            De même, dans Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.C.F. no 506 (QL), au paragraphe 22, M. le juge de Montigny a affirmé ce qui suit :

[...] Il est bien établi dans la jurisprudence que les motifs du tribunal administratif doivent être évalués dans leur ensemble pour évaluer le caractère raisonnable de sa décision, et que l'analyse ne consiste pas à déterminer si chaque élément de son raisonnement satisfait au critère du caractère raisonnable (voir notamment Stelco Inc. C. British Steel Canada Inc., [2000] 3 C.F. 282 (C.A.F.); Yassine c. M.E.I., [1994] A.C.F. no. 949 (C.A.F.)). [...]

[25]            Pour ces raisons, cette Cour considère, dans cette instance particulière à cause d'un ensemble global des facteurs décrits très spécifiquement, la version anglaise des motifs néanmoins valides; mais, ceci prend pour acquis la signification de la version française et son importance intrinsèque et extrinsèque pour révéler le contexte et les circonstances d'une décision motivée en détails d'où découle d'une logique inhérente une décision néanmoins claire.

Crédibilité

[26]            Le défaut de M. Toora de demander la protection des autorités américaines durant son séjour de sept ans aux États-Unis est certainement un élément fondamental à considérer dans l'appréciation de la crédibilité de sa crainte subjective, tel que l'a affirmé M. le juge Martineau dans Ayub c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1411, [2004] A.C.F. no 1707 (QL), aux paragraphes 14-15 :

Dans la présente affaire, le tribunal a eu raison de tenir compte du fait que la demande d'asile a été présentée par la demanderesse après une période exceptionnellement longue de presque cinq ans après sa première entrée au Canada. À cet égard, le tribunal a conclu que la demanderesse n'avait pas fourni d'explications satisfaisantes pour le retard à présenter la demande. La Cour a déjà établi qu'un tel retard et qu'un tel manque d'explications satisfaisantes peuvent être fatals à une demande présentée par un demandeur. M. le juge Rouleau a déclaré ce qui suit dans la décision Espinosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1680 (C.F. 1re inst.) (QL) :

La Commission déclare à juste titre que, bien que le retard dans la présentation n'a habituellement pas d'effet déterminant sur une revendication du statut de réfugié, il arrive qu'il joue un rôle décisif en certaines circonstances. Ce qui porte le coup fatal à la revendication du demandeur, c'est son incapacité d'expliquer le moindrement ce retard de manière satisfaisante.

De plus, le tribunal a également tenu compte du fait que la demanderesse n'a pas présenté une demande d'asile pendant qu'elle était aux États-Unis. Elle est quand même effectivement restée aux États-Unis pendant presque cinq ans. Il s'agit d'un autre élément dont le tribunal a tenu compte lors de son appréciation de la crédibilité de la demanderesse à l'égard de sa prétention selon laquelle elle avait une crainte subjective. M. le juge Pinard a déclaré ce qui suit dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bueno, [2004] A.C.F. no 629 (C.F. 1re inst.) (QL) :

En effet, le défaut de revendiquer le statut de réfugié lorsque le revendicateur se trouve dans un pays de protection, est un élément qui touche au fond de la revendication et qui est à considérer dans l'évaluation de la crédibilité de la crainte subjective du revendicateur [...].

(Voir également : Tofan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1011, [2001] A.C.F. no 1379 (QL).)

[27]            Le défaut de revendiquer la protection internationale dès la première opportunité peut affecter la crédibilité d'un revendicateur, même à l'égard des incidents survenus dans son pays d'origine. Dans Assadi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 331(QL), aux paragraphes 13-14, M. le juge Teitelbaum a énoncé ce qui suit :

[...] La Commission a tiré ses conclusions défavorables relativement à la crédibilité du requérant en termes clairs et sans équivoque, citant de nombreux exemples ou de nombreuses illustrations pour expliquer pourquoi elle n'avait pas accepté le témoignage du requérant : Brar c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (29 mai 1986), A-987-84 (C.A.F.), [1986] F.C.J. No. 346 (Q.L.).

À titre d'exemple, prenons l'interprétation par la Commission du séjour du requérant en Espagne. La Commission a cité la décision Ilie c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 88 F.T.R. 220, affaire portant sur    l'espoir qu'un demandeur chercherait refuge dans un pays signataire de la Convention internationale. L'omission de demander immédiatement protection peut attaquer la crédibilité du demandeur, y compris son témoignage sur les événements survenus dans son pays d'origine. [...]

[28]            En réponse aux allégations de M. Toora aux paragraphes 28 à 40 de son mémoire (Dossier du demandeur, aux pages 118-120), il appartient à la Commission d'apprécier la valeur probante des explications fournies par M. Toora relativement à son comportement, comme tout autre élément de preuve :

On ne peut prétendre, à mon avis, que la Commission n'était pas habilitée à tenir compte, à titre de facteur pertinent, du fait que les demandeurs n'avaient pas revendiqué le statut de réfugié au Costa Rica ou aux États-Unis.    Les demandeurs ont expliqué leur omission en disant qu'ils ignoraient qu'ils pouvaient demander le statut de réfugié ailleurs et que, de toute façon c'est au Canada qu'ils avaient toujours eu l'intention d'aller.

Il appartenait à la Commission de décider du caractère raisonnable ou non de l'explication. Je suis d'avis que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision lorsqu'elle a conclu que le défaut des demandeurs de présenter une revendication au Costa Rica ou aux États-Unis constituait un facteur pertinent pour l'appréciation de la crainte subjective de ces derniers.

(Tofan, ci-dessus, aux paragraphes 10-11)

(Voir également : Nxumalo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 413, [2003] A.C.F. no573 (QL), au paragraphe 7; Muthuthevar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 207 (QL), au paragraphe 6; Hosseini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 402, [2002] A.C.F. no 509 (QL), au paragraphe 26.)

[29]            De plus, cette Cour constate que M. Toora n'a pas mentionné, lors de l'entrevue du 14 mars 2005, qu'il avait consulté un avocat aux États-Unis qui lui aurait dit que le retard d'un an et demi n'était pas accepté par les autorités américaines. En effet, il appert des notes d'entrevue (Immigration Officer Interview Notes, Dossier du demandeur, aux pages 102-103) que M. Toora a plutôt justifié son défaut de demander la protection des autorités américaines de la façon suivante :

[...]

What's the reason of your trip to Canada? I had problems with the police and to save my life I came to Canada.

Police from which country? India

Did you ever claim refugee status in the United States? no

Why?I didn't know that. I was very afraid from the police that why I never asked or [sic] the refugee status.

[...]

[30]            Cette contradiction entre les notes d'entrevue et le témoignage de M. Toora pourrait valablement faire douter de la crédibilité des explications fournies par M. Toora. (Zaloshnja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 206, [2003] A.C.F. no 272 (QL), aux paragraphes 6 et 9; Neame c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 378 (QL), aux paragraphes 19-20; Karikari c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 169 N.R. 131 (C.A.F.), [1994] A.C.F. no 586 (QL), au paragraphe 9; Jumriany c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 683 (QL), au paragraphe 9.)

[31]            De plus, contrairement aux prétentions de M. Toora, aucune inférence sur sa crainte présumée ne pourrait être tirée du paiement de la caution de 10,000$ aux États-Unis en novembre 2003 (Affidavit du demandeur, aux paragraphes 25-28; Mémoire du demandeur, aux paragraphes 32-33).

[32]            La Commission n'a pas cru que M. Toora a été arrêté en Inde en février 1997 ni qu'il a été recherché par la police car il n'a eu aucun problème avec la police entre le 25 février 1997 et son départ en août 1997, à part l'incident de harcèlement au cours duquel la police l'aurait interpellé comme étant une personne de caste inférieure et lui aurait demandé de sortir de chez lui. Il a obtenu un visa américain à New Delhi le 3 mars 1997, est demeuré en Inde jusqu'en août 1997 et a pu quitter son pays sans aucun problème. Il a aussi confirmé qu'il n'était pas recherché par la police. (Motifs de la décision, à la page 3)

[33]            En ce qui a trait à l'incident de harcèlement allégué par M. Toora, la Commission a trouvé invraisemblable que les policiers se soient limités à crier devant une porte fermée s'ils voulaient parler à M. Toora ou l'arrêter (Motifs de la décision, à la page 3).

[34]            Également, la Commission a considéré les observations de l'avocate de M. Toora concernant son appartenance à la caste Dalit, qui est un des motifs de la persécution alléguée, et ne les a pas retenues (Motifs de la décision, à la page 3).

[35]            Dans Choque c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1017 (QL), au paragraphe 5, cette Cour a décidé que lorsqu'il est question de l'appréciation de la crédibilité d'un revendicateur d'asile, la Commission pouvait tenir compte des circonstances du départ de celui-ci de son pays et du fait que celui-ci n'ait eu aucune difficulté à obtenir des documents de voyage :

En l'espèce, si le décès ou l'homicide du frère du requérant est en fait à l'origine de la crainte subjective de M. Choque, la question qui se pose tout naturellement est de savoir pourquoi il a attendu si longtemps après cet événement pour quitter le Pérou. En outre, au cours de cette période, il a continué de se produire en public, à la télévision et dans des concerts où il chantait des chansons manifestement critiques à l'endroit du gouvernement. Après qu'il eut décidé de quitter son pays, il n'a pas eu de difficulté à obtenir un passeport, à se rendre à l'aéroport ou à obtenir un visa. À son arrivée au Canada, il a attendu presque cinq mois avant de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention. La preuve objective indique donc que le requérant n'était pas pressé de quitter le Pérou, qu'il ne craignait nullement d'informer les autorités de son départ et qu'il n'a pas non plus eu de difficulté à partir. Il était tout à fait loisible à la Commission de conclure que cette preuve est incompatible avec la situation d'une personne qui a une crainte subjective réelle d'être persécutée.

[36]            De même, dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1272, [2002] A.C.F. no 1724 (QL), au paragraphe 25, M. le juge Martineau a affirmé :

[...] Je conclus également, en outre, qu'il était loisible à la Commission de conclure que le demandeur n'était pas recherché par les autorités, tel qu'il l'avait mentionné au point d'entrée et dans son FRP, comme il avait pu obtenir un passeport authentique et quitter l'Inde muni de celui-ci. Dans ce contexte, il était raisonnable pour la Commission de conclure que ce témoignage ne concordait pas avec le comportement de quelqu'un qui a une crainte subjective d'être persécuté (voir Choque c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1017 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 5; et Murga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 110 F.T.R. 231).

[37]            Également, la Commission pouvait valablement se fonder sur la contradiction relativement à l'incident du 25 février 1997. Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), M. Toora a écrit : « après ma libération, j'ai reçu des soins médicaux » , alors qu'à l'audience, il a déclaré qu'il n'avait subi aucune blessure et qu'il n'avait pas eu besoin de soins médicaux (Motifs de la décision, à la page 3).

[38]            La Commission était en droit de se fonder sur des contradictions entre le FRP de M. Toora et son témoignage relativement aux soins médicaux qu'il aurait reçus après sa détention en février 1997 (Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 536 (QL), aux paragraphes 5 et 9; Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1867 (QL), aux paragraphes 32-33; Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1993) 73 F.T.R. 191, [1993] A.C.F. no1421 (QL), au paragraphe 14; Uppal c. Canada (Solliciteur général) (1995), 27 Imm. L.R. (2d) 232, [1995] A.C.F. no112 (QL), au paragraphe 2; Lobo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 597 (QL), au paragraphe 14; Mejia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 819 (QL), au paragraphe 7; Grinevich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 444 (QL), au paragraphe 4; Munoz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 615, aux paragraphes 14-17).

[39]            Le fait que M. Toora manifeste son désaccord et essaie de ré-interpréter la preuve ne suffit pas à démontrer que la conclusion de la Commission n'était pas fondée sur la preuve au dossier.

[40]            Quant aux prétentions de M. Toora sur son passeport, la Commission n'a pas cru que M. Toora ait payé 4000$ américains à un intermédiaire qui l'aurait amené de New York à Lacolle pour entrer illégalement au Canada.

[41]            À propos du paiement de ce montant, M. Toora a fourni deux versions différentes relativement aux personnes qui l'auraient aidé à payer ce montant. À l'audience, M. Toora a affirmé que le montant de 4000$ américains aurait été payé par son oncle à New York (Motifs de la décision, à la page 2), alors qu'à l'entrevue du 14 mars 2005 (Immigration Officer Interview Notes, Dossier du demandeur, à la page 102), il a répondu ce qui suit :

How did you pay that amount of money? some from outside some from inside.

Can you be more specific? you know when you are living in a place you are making some friends and these friends gave me money.

[42]            Également, la Commission ne croyait pas que M. Toora ait remis son passeport qu'il n'avait pas utilisé pour son voyage à la personne qui serait présumée l'avoir fait entrer au Canada.

[43]            Il est bien établi que, dans l'appréciation de la crédibilité d'un revendicateur, la Commission peut rejeter un témoignage s'il ne concorde pas avec la prépondérance des probabilités qui caractérise une affaire dans son ensemble et peut se référer à la rationalité et au sens commun, tel qu'énoncé dans Antonippillai c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 382 (QL), au paragraphe 9 :

Il ne fait aucun doute que la Commission du statut de réfugié a toute la discrétion nécessaire pour évaluer la crédibilité du témoignage des personnes qui revendiquent le statut de réfugié et qu'elle peut tenir compte d'une multitude de facteurs pour ce faire. La Commission peut fonder ses conclusions sur des contradictions internes, des incohérences et des déclarations évasives qui sont le "fondement même du pouvoir discrétionnaire du juge des faits", ainsi que sur d'autres éléments extrinsèques tels que la raison, le sens commun et la connaissance d'office, mais ces conclusions ne doivent pas être tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont dispose la Commission: Sbitty c. Canada (M.C.I.), [1997] F.C.J. No. 1744, (IMM-4668-96, 12 décembre 1997), Shahamati c. M.E.I., [1994] F.C.J. No. 415, (C.A.F.) (A-388-92, 24 mars 1994).

[44]            De même, dans Muthiyansa c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 17, [2001] A.C.F. no 162 (QL), aux paragraphes 24-25, Madame la juge Dolores Hansen a dit :

Je crois aussi que le tribunal a indiqué les éléments de l'histoire de la demanderesse qui, en définitive, l'ont amené à tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité. Il suffit de dire que le tribunal, en appréciant la preuve de la demanderesse, a conclu que la véracité de son histoire ne [TRADUCTION] "concorde [pas] avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pragmatique et bien renseignée jugerait facilement raisonnables à cet endroit et dans ces circonstances." (Farnya v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, à la page 357 (C.A. C.-B.)

En définitive, la SSR peut rejeter une preuve non contredite si cette preuve ne concorde pas avec les probabilités touchant l'affaire dans son ensemble. Selon moi, c'est ce qu'elle a fait en l'espèce (Alizadeh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 11 (C.A.F.)).

(Voir également : Aguebor, ci-dessus, au paragraphe 4; Cota c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 872 (QL), aux paragraphes 17-18; Neame, précité, au paragraphe 20; Anandasivam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1106, [2001] A.C.F. no 1519 (QL), au paragraphe 24.)

[45]            De plus, il est bien établi que le défaut d'un demandeur de produire son passeport et d'établir de façon crédible son périple pour venir au Canada constitue un élément pouvant affecter sa crédibilité. (Farah v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1993), 64 F.T.R. 237, [1993] F.C.J. No. 520 (QL); Akhtar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1319, [2004] A.C.F. no 1618 (QL), au paragraphe 5; Elazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 212 (QL), au paragraphe 17; Museghe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1117, [2001] A.C.F. no 1539 (QL), aux paragraphes 21-22; Matanga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1410, [2003] A.C.F. no1812 (QL), au paragraphe 4; Kandot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1275, [2003] A.C.F. no 1600 (QL), au paragraphe 26; Tsongo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1263, [2004] A.C.F. no 1542 (QL), au paragraphe 14.)

Absence de minimum de fondement

[46]            M. Toora prétend que la Commission n'aurait pas considéré la preuve documentaire sur les risques encourus par les citoyens indiens qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié dans d'autres pays et qui y retournent avec d'autres documents de voyage que leurs passeports.

[47]            M. Toora a joint à son dossier un extrait du document India Country Report, April 2005 (Dossier du demandeur, à la page 79) dont les paragraphes 6.423 et 6.424 (Dossier du demandeur, aux pages 92-93) indiquent que les citoyens indiens qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié dans d'autres pays ne font face à aucune difficulté à leur retour s'ils possèdent les documents requis. Ceux qui retournent avec un document de voyage temporaire n'auront pas de problèmes. Par contre, ceux qui retournent en Inde après l'expiration de leur passeport pourraient être détenus brièvement pour interrogatoire.

[48]            Le paragraphe 6.425 de ce même document indique, notamment, que « [...] it would not be seen as an offence to have sought asylum in another country unless the person in question had connections with a terrorist group or a separatist movement and could be connected with activities which might damage India's sovereignty, integrity or security, or activities which might have a harmful effect on India's relations with other countries. [...]" (Dossier du demandeur, à la page 93).

[49]            L'appréciation des risques de retour devrait être personnalisée. M. Toora, jugé non crédible par la Commission, n'a établi aucun lien entre sa situation personnelle et la preuve documentaire générale sur la situation du pays :

However, as MacGuigan J.A. acknowledged in Sheikh, supra, in fact the claimant's oral testimony will often be the only evidence linking the claimant to the alleged persecution and, in such cases, if the claimant is not found to be credible, there will be no credible or trustworthy evidence to support the claim. Because they are not claimant-specific, country reports alone are normally not a sufficient basis on which the Board can uphold a claim.

(Rahaman v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2002 FCA 89 (F.C.A.), [2002] 3 F.C. 537, [2002] F.C.J. No. 302 (QL), au paragraphe 29; demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême rejetée le 21 novembre 2002, [2002] S.C.C.A. No. 183.)

[50]            De même, dans Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 808, [2004] A.C.F. no 995 (QL), au paragraphe 22, Monsieur le juge Paul Rouleau a souligné :

Ainsi l'appréciation de la crainte chez le défendeur doit se faire in concreto, plutôt que dans une perspective abstraite et générale. Le fait que la preuve documentaire illustre de façon inéquivoque la violation systématique et généralisée des droits humains au Pakistan ne suffit absolument pas pour établir la crainte de persecution spécifique et individualisée chez le défendeur en particulier. En l'absence de la moindre preuve pouvant lier la preuve documentaire générale à la situation spéficique du demandeur, je conclu que la Commission n'a pas erré dans sa façon d'analyser la revendication du demandeur sous l'article 97.

(Voir également : Jarada, ci-dessus, au paragraphe 28.)

[51]            De plus, dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 FC 1203, [2005] A.C.F. no 1473 (QL), au paragraphe 23, cette Cour a déjà décidé qu'un demandeur ne saurait créer un motif de persécution en ne respectant pas les lois de son pays :

Enfin, le demandeur soutient que la conclusion de la Commission selon laquelle il ne sera pas persécuté à son retour, qui est fondée sur la preuve documentaire mentionnant que les demandeurs d'asile qui quittent l'Inde et y reviennent avec des titres de voyage en règle, ne tient pas compte du fait qu'il a quitté le pays avec des titres de voyage qui n'étaient pas en règle et qu'il a donc violé les lois de l'Inde en matière de sortie. On ne peut toutefois utiliser ceci comme une preuve qu'il sera persécuté par les autorités indiennes à son retour. La Commission a reconnu que M. Singh avait quitté l'Inde avec des documents falsifiés. En indiquant que ceux qui quittaient avec des titres de voyage en règle n'auraient pas de difficultés à leur retour, la Commission souligne en fait que M. Singh craint plutôt d'être poursuivi et non d'être persécuté. Dans Zandi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 35 Imm. L.R. (3d) 273 (C.F.), le juge Kelen cite l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Valentin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 390, qu'il paraphrase de la façon suivante :

[...] un transfuge ne peut acquérir de statut juridique au Canada en vertu de la LIPR en créant un "besoin de protection" au sens de l'article 97 de la LIPR en se rendant librement, de son propre chef et sans raison, passible de sanctions pour transgression d'une loi pénale d'ordre général de son pays d'origine visant le respect des conditions d'un visa de sortie, c'est-à-dire le retour au pays. Même si le demandeur est digne de se voir accorder le statut d'immigrant au Canada, la Commission et la Cour n'ont pas la compétence législative d'accorder le statut juridique aux transfuges.

CONCLUSION

[52]            La Commission n'a commis aucune erreur de fait ou de droit ni n'a commis aucune violation de la justice procérale. Cette Cour n'interviendra donc pas dans la décision de la Commission. Cette demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.


JUGEMENT

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.          Aucune question grave de portée générale est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-1136-05

INTITULÉ :                                        NARESH TOORA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTREAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 20 juin 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                       le 29 juin 2006

COMPARUTIONS:

Me Miche Le Brun

POUR LE DEMANDEUR

Me Michel Pépin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

MICHEL LE BRUN

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur general du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.