Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                  Date : 20051117

                                                                                                                               Dossier : T-639-05

                                                                                                                   Référence : 2005 CF 1542

ENTRE :

                                                              GAÉTAN PLANTE

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Par la présente requête, entendue par conférence téléphonique, le demandeur en appelle d'une ordonnance rendue le 9 juin 2005, par le protonotaire Morneau, disposant de plusieurs requêtes incidentes reliées à sa demande de contrôle judiciaire, laquelle vise l'annulation de la décision de la Section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) rendue le 11 décembre 2003.

                                                                   * * * * * * * *

[2]         Le demandeur est incarcéré depuis le 23 décembre 1982 et l'expiration du mandat est le 3 juin 2007.


[3]         Sa date de libération d'office était le 24 avril 2002, mais la CNLC a ordonné l'interdiction de sa mise en liberté le 12 novembre 2003.

[4]         Le 11 décembre 2003, la Section d'appel de la CNLC a rejeté l'appel du demandeur et confirmé la décision de la CNLC.

[5]         Le 11 avril 2005, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Section d'appel de la CNLC.

[6]         Dans les mois qui ont suivi, le demandeur a présenté plusieurs requêtes incidentes et ce sont celles-ci dont a disposé le protonotaire Morneau dans l'ordonnance visée par le présent appel, ordonnance qui comporte les éléments suivants :

-           le demandeur peut substituer à sa demande de contrôle judiciaire datée du 18 mars 2004 une demande de contrôle judiciaire datée du 11 avril 2005, parce que la demande datée du 11 avril 2005 constitue essentiellement une version dactylographiée de sa demande datée du 18 mars 2004;

-           seul le Procureur général du Canada, et nulle autre entité, devra apparaître comme défendeur à l'intitulé de cause pour toute procédure à signifier et à déposer dans le présent dossier;

-           la requête du demandeur pour faire préparer son dossier par l'administrateur est rejetée, puisqu'il a démontré qu'il pouvait très bien le préparer lui-même;

-           la requête du demandeur pour que la présente instance soit gérée spécialement est accordée;

-           la requête du demandeur pour obtenir la permission de produire un mémoire de plus de 30 pages est accordée; il peut produire un mémoire d'un maximum de 45 pages;


-           la demande du demandeur pour transmission de documents sous les règles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales (1998), DORS/98-106, est rejetée. La panoplie de documents listés par le défendeur et datés d'avril 1982 à octobre 2004 n'est pas nécessairement pertinente quant à la révision judiciaire de la décision du 11 décembre 2003 de la Section d'appel;            

-           toute autre requête ou demande de la nature d'une requête au présent dossier de l'une ou l'autre des parties est rejetée;

-           le demandeur aura jusqu'à dix jours suivant la réception de tout document de l'office fédéral en cause pour signifier et déposer un affidavit sous la règle 306, et les délais des règles 307 et suivantes prendront place à compter de cette signification ou l'expiration du délai y prévu.

[7]         De plus, le protonotaire a rappelé aux deux parties - et spécialement au demandeur - que les parties doivent éviter d'écrire des lettres à la Cour qui sont invariablement longues et fastidieuses à lire. Les parties doivent restreindre au minimum leurs demandes à la Cour et agir, si besoin est, par requête dûment mue en vertu des règles.

                                                                   * * * * * * * *

[8]         Un juge saisi de l'appel d'une ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début que dans les deux cas suivants :

a)         l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou

b)         l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause (Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.)).


[9]         À mon avis, rien dans l'ordonnance en cause porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. Je ne décèle en outre aucune erreur flagrante dans l'ordonnance attaquée. À cet égard, je suis, de façon générale, d'accord avec les arguments écrits du défendeur contenus à son dossier de réponse à la présente requête du demandeur. Est particulièrement mal fondée la prétention du demandeur voulant que le protonotaire n'aurait pas dû accepter les documents transmis au défendeur en vertu de la règle 317, parce qu'ils n'étaient « ni assermentés, ni certifiés copie conforme des originaux » . Il est vrai que la règle 318 prévoit que les documents transmis doivent être « une copie certifiée conforme » . Il appert que lorsque monsieur Frappier, le gestionnaire régional des Programmes de mise en liberté sous condition de la Commission nationale des libérations conditionnelles, a écrit que les documents étaient « copie conforme des documents ou des copies de documents inclus au dossier de la CNLC » , les documents étaient alors certifiés copie conforme des documents dans le dossier de la CNLC. À mon avis, il n'est pas nécessaire que les documents soient alors certifiés copie conforme des documents originaux, mais bien simplement que les documents qui sont envoyés soient des copies conformes des documents considérés par la CNLC dans sa prise de décision.

[10]       En conséquence, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée en regard de la disposition même, par le protonotaire, des requêtes incidentes à lui présentées par le demandeur.


[11]       Quant aux allégations de collusion entre le procureur du défendeur et la Cour fédérale du Canada, elles sont sans fondement. À cet égard, m'apparaît plutôt plausible l'explication voulant que si le procureur du défendeur a indiqué dans ses correspondances l'intitulé « Plante c. Procureur général du Canada » , alors que cet intitulé n'avait toujours pas été modifié par la Cour, il s'agit d'une erreur cléricale, basée sur l'habitude que le Procureur général du Canada soit défendeur dans le cadre de semblables demandes de contrôle judiciaire. Il n'y a rien d'autre dans la preuve qui suggère que le procureur du défendeur ait été mis au courant de l'ordonnance du protonotaire à ce sujet avant qu'elle n'ait été rendue, le 9 juin 2005.

[12]       Enfin, la demande de récusation du protonotaire Morneau, faite par le demandeur dans le cadre du présent appel, est clairement inacceptable. J'accepte toutefois de considérer les arguments du demandeur, à cet égard, comme une allégation de crainte raisonnable de partialité minant la décision en cause. Là encore, la preuve ne me permet pas d'intervenir. En cette matière, il faut tenir compte de la présomption d'impartialité. Une réelle probabilité de partialité doit être établie. La crainte doit donc être raisonnable, en ce sens qu'il doit s'agir d'une crainte à la fois logique, c'est-à-dire qui s'infère de motifs sérieux, et objective. La crainte doit aussi provenir d'une personne sensée, non tatillonne, qui n'est ni scrupuleuse, ni angoissée, ni naturellement inquiète, non plus que facilement portée au blâme. Cette personne doit aussi être bien informée, ayant étudié la question de façon dégagée de toute émotivité (voir Canada (M.R.N.) c. Mathers, 2001 CFPI 241).

[13]       En l'espèce, l'implication du protonotaire Morneau dans un dossier concernant le demandeur, alors que le premier pratiquait pour le ministère de la Justice, remonte à plus de dix ans. Rien, dans la preuve, ne permet de déceler à cet égard quelque motif que ce soit pouvant amener le protonotaire Morneau à manquer d'objectivité. De plus, ce dernier n'est pas partie au litige et n'est pas intéressé par celui-ci. Appliquant au présent cas les principes ci-dessus définis dans l'arrêt Mathers, je ne peux conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité du protonotaire Morneau.


[14]       Pour toutes ces raisons, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée et la requête du demandeur est rejetée, avec dépens.

                                                                

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 novembre 2005


                                                               COUR FÉDÉRALE

                                     NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       T-639-05

INTITULÉ :                                                      GAÉTAN PLANTE c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                               Le 2 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                          Le 17 novembre 2005

COMPARUTIONS:

Gaétan Plante                                       LE DEMANDEUR EN SON PROPRE NOM

Me Dominique Guimond                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gaétan Plante                                                    LE DEMANDEUR EN SON PROPRE NOM

Ste-Anne des Plaines (Québec)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                                                                                                                                  Date : 20051117

                                                                                                                               Dossier : T-639-05

Ottawa (Ontario), ce 17e jour de novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :

                                                              GAÉTAN PLANTE

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          Défendeur

                                                                ORDONNANCE

La requête du demandeur est rejetée, avec dépens.

                                                                

                            JUGE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.