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Date : 20240828


Dossier : T-2716-22

Référence : 2024 CF 1331

[TRADUCTION FRANÇAISE NON RÉVISÉE PAR LA JUGE]

Ottawa (Ontario), le 28 août 2024

En présence de madame la juge Furlanetto

ENTRE :

ANDREW OLKOWSKI

demandeur

et

LE COLLÈGE DES AGENTS DE BREVETS

ET DES AGENTS DE MARQUES DE COMMERCE,

ET ME TED YOO

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 25 novembre 2022 [la décision] par laquelle le comité d’enquête du Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce [le CABAMC] a rejeté la plainte déposée par le demandeur [la plainte], Andrew Olkowski [M. Olkowski], contre Edward (Ted) Yoo [Me Yoo], un avocat et agent de brevets de l’Alberta.

[2] Dans sa plainte, M. Olkowski a affirmé que Me Yoo avait agi pour son compte à titre d’agent de brevets en lien avec la demande de brevet canadien no 2839348 [la demande de brevet 348], et que celui‐ci avait fait de fausses déclarations à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [l’OPIC] au sujet de l’auteur de la demande de brevet 348, qu’il avait déposé des documents faux ou trompeurs auprès de l’OPIC, qu’il avait manqué à ses obligations fiduciaires envers lui, et qu’il avait fait preuve de négligence en omettant de soumettre à l’OPIC d’autres documents pertinents faisant état de sa relation avec Me Yoo. M. Olkowski a allégué qu’en raison de ces actions, il avait perdu le contrôle de la demande de brevet 348 dans laquelle il aurait dû être désigné non seulement comme inventeur, mais aussi comme demandeur. Il a ajouté que la personne qui y a été incorrectement désignée comme demandeur et titulaire n’était qu’un titulaire de licence de la technologie et que les co‐inventeurs qui y figurent avaient également été incorrectement désignés.

[3] Après examen des renseignements recueillis au cours de l’enquête menée conformément à la Loi sur le Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce, LC 2018, c 27, art 247 [la Loi sur le CABAMC], le comité d’enquête a conclu que la preuve ne démontrait pas que Me Yoo avait commis un manquement professionnel ni fait preuve d’incompétence. La preuve n’étayait pas non plus le fait que M. Olkowski était le client de Me Yoo ni celui que Me Yoo avait envers lui des obligations assimilables à celles d’un agent envers son client. Comme le comité d’enquête était néanmoins d’avis que les interactions que Me Yoo avait eues avec M. Olkowski en tant que personne non représentée n’étaient pas conformes aux pratiques exemplaires, il a signalé qu’il fournirait à Me Yoo des conseils sur la manière de procéder à l’avenir.

[4] M. Olkowski a fait valoir, dans le cadre du présent contrôle judiciaire, que la décision était déraisonnable parce que le comité d’enquête n’avait pas correctement apprécié la relation entre Me Yoo et M. Olkowski et qu’il avait commis une erreur dans son examen de la procuration signée en lien avec la demande de brevet internationale qui a servi de fondement à la demande de brevet 348, par laquelle Me Yoo avait été désigné comme agent responsable du dépôt des demandes de brevets connexes. Il a affirmé que cette procuration prouvait qu’il avait désigné Me Yoo comme étant son agent.

[5] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus toutefois que M. Olkowski n’a pas démontré que le comité d’enquête a commis, dans sa décision, une erreur susceptible de contrôle. Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

II. Le contexte

[6] De 2005 à 2010, M. Olkowski a travaillé comme chercheur au sein de l’équipe de Bernard Laarveld [M. Laarveld] à l’Université de la Saskatchewan. Vers 2007, M. Laarveld a commencé à participer aux travaux de recherche et de développement du groupe Nano Green Biorefineries Inc. [NBI]. Plus particulièrement, M. Laarveld a participé à une étude sur l’utilisation d’une technologie (parfois appelée « V catalyst ») de conversion de la biomasse en biocarburant, qui a été mise au point par Viktor Lesin [M. Lesin].

[7] Vers 2010, M. Laarveld a conclu que la technologie de M. Lesin ne se prêtait pas aux objectifs de NBI. Il savait que M. Olkowski avait développé une technologie compatible avec la biomasse et il a proposé de l’utiliser dans le cadre des travaux de NBI. En mai 2010, il a demandé à M. Olkowski de signer un accord de non‐divulgation, après quoi M. Olkowski a présenté la technologie et divulgué des rapports techniques à NBI à la fin de 2010.

[8] À la même époque, NBI a retenu les services de Me Yoo en tant qu’avocat et agent de brevets.

[9] En janvier 2011, NBI a demandé à M. Olkowski qu’il lui accorde une licence à l’égard de sa technologie. M. Olkowski a affirmé qu’il avait demandé à M. Laarveld d’être co‐titulaire de la licence afin de lui témoigner sa reconnaissance de l’initiative dont il avait fait preuve pour propulser l’utilisation de la technologie de M. Olkowski dans le secteur commercial. Il s’en est remis à M. Laarveld pour négocier les conditions de l’accord avec NBI, qui était représentée par Me Yoo.

[10] La première ébauche de l’accord stipulait que MM. Olkowski et Laarveld étaient propriétaires de la technologie. Cependant, au fil des révisions, le document a évolué, et la mention [traduction] « une cession des droits de propriété intellectuelle, dans le domaine d’utilisation, à Nano‐Green » y a été ajoutée, ce qui a permis à NBI de faire breveter le procédé et ses perfectionnements au nom de l’entreprise.

[11] En février 2011, l’accord de licence a été signé et, en juin 2011, une demande de brevet provisoire dont l’objet était la technologie de M. Olkowski a été déposée aux États‐Unis. Cette demande provisoire a permis à NBI d’en revendiquer la date de dépôt comme date de priorité dans la demande déposée en juin 2012 conformément au Traité de coopération en matière de brevets [la demande PCT], sur le fondement de laquelle la demande de brevet national 348 a été déposée le 13 décembre 2013. Dans la demande de brevet 348, NBI est désignée comme demanderesse et titulaire, et M. Olkowski, M .Laarveld ainsi qu’un autre scientifique, Norman Arrison [M .Arrison], y figurent comme co‐inventeurs.

[12] Au cours de la rédaction de la demande provisoire américaine et de la demande PCT, M. Olkowski a participé à des conférences téléphoniques avec Me Yoo et des membres du personnel de NBI. Lorsque des ébauches des demandes étaient envoyées, M. Laarveld émettait des commentaires en son propre nom et au nom de M. Olkowski.

[13] Au moment du dépôt de la demande PCT, Me Yoo a remis à NBI une procuration devant être signée par NBI, M. Laarveld et M. Olkowski afin de désigner Bennett Jones S.E.N.C.R.L., s.r.l. comme agent de brevets responsable de la demande PCT et du dépôt de la demande internationale connexe. La procuration signée n’a pas été déposée auprès de l’OPIC avec la demande PCT. Le cabinet de Me Yoo a plutôt été désigné comme agent par le dépôt d’un autre document, soit le formulaire de requête PCT, dans lequel MM. Olkowski et Laarveld étaient désignés comme déposants et inventeurs pour les États‐Unis. La procuration signée en lien avec la demande PCT a toutefois été conservée pour les États‐Unis à titre de preuve d’autorisation à agir au nom des inventeurs.

[14] Par la suite, M. Olkowski est devenu mécontent à l’égard de NBI, car il estimait qu’elle ne commercialisait pas comme il le souhaitait la technologie qu’il avait mise au point. En juillet 2014, l’avocat de MM. Olkowski et Laarveld a envoyé une lettre de plainte à Me Yoo pour qu’il y réponde en sa qualité d’avocat de NBI. M. Olkowski a également intenté une action devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta [l’action intentée en Alberta] en vue de faire annuler l’accord de licence; dans cette action, NBI, Me Yoo et l’avocat interne de NBI, Me Lawrence Cunningham, étaient désignés comme défendeurs. En 2016, à la suite de l’interrogatoire préalable de Me Yoo dans le cadre de l’action intentée en Alberta, MM. Olkowski et Laarveld sont parvenus à un règlement avec Me Yoo, et ils se sont désistés de l’action contre lui.

[15] Plus tard en 2016, agissant pour le compte de NBI, Me Yoo a demandé l’ajout de M. Arrison à titre d’inventeur dans la demande de brevet 348. Lorsque M. Olkowski a constaté cet ajout, il a tenté, sans succès, de modifier la paternité de l’invention et de révoquer la désignation de Me Yoo et de son cabinet, Bennett Jones S.E.N.C.R.L., s.r.l., en tant qu’agent responsable de la demande de brevet 348. Selon M. Olkowski, c’est au cours de cette période qu’il a découvert l’existence d’une confirmation de cession de ses droits et de ceux de M. Laarveld à NBI ainsi que d’une déclaration portant que la demanderesse du brevet, NBI, était la représentante légale des inventeurs. Il a tenté de faire annuler ces documents par l’OPIC, mais sans succès.

[16] M. Olkowski a également écrit à la Commission d’appel des brevets et au sous‐commissaire aux brevets afin qu’ils ajoutent son nom à titre de codemandeur de la demande de brevet 348. Le sous‐commissaire a refusé, au motif que M. Olkowski avait déjà cédé ses droits de brevet à NBI.

[17] Plus tard en 2016, M. Olkowski a déposé une plainte contre Me Yoo auprès du barreau de l’Alberta. Le barreau a finalement rejeté la plainte, car il avait conclu qu’il n’existait aucune relation avocat‐client entre Me Yoo et M. Olkowski.

[18] En janvier 2021, M. Olkowski a déposé auprès de l’OPIC la plainte dont il est question en l’espèce. L’OPIC l’a transférée au CABAMC en juin 2021. La plainte a fait l’objet d’une enquête à l’issue de laquelle un rapport a été remis au comité d’enquête, qui a rejeté la plainte le 25 novembre 2022.

[19] Pour parvenir à cette décision, le comité d’enquête s’est penché sur les deux facettes d’un « client » selon la définition du terme dans le Règlement sur le Code de déontologie des agents de brevets et des agents de marques de commerce, DORS/2021‐165 [le Code du CABAMC], à savoir une personne : a) qui consulte un agent et à qui l’agent accepte de fournir des services d’agent de brevets ou d’agent de marques de commerce; ou b) qui, après avoir consulté l’agent, conclut raisonnablement que celui‐ci a accepté de lui fournir des services d’agent de brevets ou d’agent de marques de commerce. Il a également examiné la question fondamentale de savoir si M. Olkowski était en fait le client de Me Yoo, ou s’il avait un motif raisonnable de croire que celui‐ci avait accepté de le représenter.

[20] Le comité d’enquête a cependant conclu qu’aucun élément de preuve n’indiquait que Me Yoo avait fourni des services d’agent de brevets ni agi à titre de représentant légal pour le compte de M. Olkowski, et que la preuve n’établissait pas l’existence d’une entente concernant la prestation de ces services ni la représentation de M. Olkowski. Si le comité d’enquête a pris acte de la procuration par laquelle le cabinet de Me Yoo avait été désigné agent de brevets en lien avec la demande PCT et le dépôt de la demande internationale connexe, il a toutefois jugé, au vu de l’ensemble de la preuve, que M. Olkowski n’avait aucun motif raisonnable de conclure que Me Yoo avait accepté de le représenter.

III. Les dispositions pertinentes

[21] La Loi sur le CABAMC a été adoptée dans le but « régir les agents de brevets et les agents de marques de commerce dans l’intérêt du public afin d’améliorer la capacité du public d’obtenir les droits conférés sous le régime de la Loi sur les brevets et de la Loi sur les marques de commerce » (article 6).

[22] La présente instance constitue le premier contrôle judiciaire d’une décision rendue par le comité d’enquête, qui tire son pouvoir de la Loi sur le CABAMC. Partant, je présenterai une analyse générale des dispositions de la Loi sur le CABAMC qui sont pertinentes en ce qui concerne l’examen de la décision du comité d’enquête.

[23] Selon le paragraphe 38.1(1) de la Loi sur le CABAMC, reproduit ci‐dessous, lorsqu’une plainte est déposée auprès du CABAMC, elle est d’abord envoyée à son registraire, qui l’étudie, puis décide s’il la rejette ou s’il la renvoie au comité d’enquête :

Rejet ou renvoi

38.1 (1) Le registraire étudie les plaintes reçues par le Collège portant sur un manquement professionnel commis par un titulaire de permis ou sur l’incompétence d’un titulaire de permis et peut, sous réserve des règlements administratifs et conformément à ceux-ci, rejeter toute plainte, en tout ou en partie, pour toute raison prévue par règlement. S’il ne la rejette pas, il la renvoie au comité d’enquête pour étude.

 

Dismissal or Referral

38.1(1) The Registrar must consider all complaints received by the College relating to professional misconduct or incompetence by a licensee and may, subject to and in accordance with the by-laws, dismiss any complaint, in whole or in part, for any of the reasons set out in the regulations, but if they do not dismiss the complaint the Registrar must refer it to the Investigations Committee for consideration.

[24] Les articles 37 et 39 de la Loi sur le CABAMC, dont le texte suit, définissent l’obligation et le rôle qui incombent au comité d’enquête, soit de soumettre à une enquête et d’étudier les plaintes selon lesquelles un titulaire de permis (en l’espèce, un agent de brevets) aurait commis un manquement professionnel ou fait preuve d’incompétence :

Enquête

37 Le comité d’enquête mène, sur la base d’une plainte ou de son propre chef, une enquête sur la conduite et les actes de tout titulaire de permis à l’égard duquel il a des motifs raisonnables de croire qu’il a commis un manquement professionnel ou a fait preuve d’incompétence.

Investigate

37 The Investigations Committee must, on the basis of a complaint or on its own initiative, conduct an investigation into a licensee’s conduct and activities if it has reasonable grounds to believe that the licensee has committed professional misconduct or was incompetent.

[...]

[...]

Rôle du comité d’enquête

Role of Investigations Committee

39 Le comité d’enquête étudie les plaintes qui lui sont envoyées par le registraire et statue sur les appels portés devant lui au titre du paragraphe 38.1(4).

39 The Investigations Committee must consider all complaints that are referred to it by the Registrar and make a determination in respect of all appeals requested under subsection 38.1(4).

[25] Le paragraphe 40(1) de la Loi sur le CABAMC, reproduit ci‐dessous, énonce les circonstances dans lesquelles le comité d’enquête doit rejeter la plainte, et dispose qu’en cas de rejet, celui‐ci a l’obligation d’en aviser par écrit le plaignant :

Conclusion de l’étude

40 (1) Si, à la conclusion de l’étude de la plainte, le comité d’enquête n’a pas de motifs raisonnables de croire que le titulaire de permis a commis un manquement professionnel ou a fait preuve d’incompétence, il rejette la plainte, avise par écrit le plaignant et joint ses motifs à l’avis.

Conclusion on consideration

40 (1) If, after considering a complaint, the Investigations Committee does not have reasonable grounds to believe that the licensee has committed professional misconduct or was incompetent, the Committee must dismiss the complaint and notify the complainant in writing of the dismissal and the reasons for it.

[26] Si le comité d’enquête juge que le titulaire de permis a commis un manquement professionnel ou fait preuve d’incompétence, l’étape suivante consiste à demander au comité de discipline de rendre une décision :

Demande ou rejet

49 (1) Si, à la conclusion de l’enquête, le comité d’enquête est convaincu qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le titulaire de permis a commis un manquement professionnel ou a fait preuve d’incompétence, il demande au comité de discipline de trancher la question de savoir si le titulaire de permis a commis un manquement professionnel ou s’il a fait preuve d’incompétence. Dans le cas contraire, le comité d’enquête clôt l’affaire.

Application or dismissal

49 (1) If, at the conclusion of an investigation, the Investigations Committee is satisfied that there is sufficient evidence that the licensee has committed professional misconduct or was incompetent, the Committee must apply to the Discipline Committee for a decision as to whether the licensee committed professional misconduct or was incompetent. Otherwise, the Investigations Committee must dismiss the matter.

[27] Selon l’article 59 de la Loi sur le CABAMC, dont le texte suit, toute partie à une demande présentée au comité de discipline dispose d’un droit d’appel de la décision rendue par celui‐ci :

Appel à la Cour fédérale

59 Toute partie à la demande peut appeler de la décision du comité de discipline rendue au titre de l’article 57 devant la Cour fédérale dans les trente jours suivant la date de la décision.

Appeal to the Federal Court

59 A party to an application may appeal a decision of the Discipline Committee made under section 57 to the Federal Court within 30 days after the day on which the decision is made.

[28] La Loi sur le CABAMC ne comprend aucune disposition concernant le droit d’une partie d’interjeter appel de la décision du comité d’enquête. Cela étant dit, je suis d’avis que le comité d’enquête est un office fédéral, de sorte que s’appliquent les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‐7. Je tiens à souligner qu’aucune des parties n’a remis en question la compétence de la Cour pour entendre la présente affaire.

[29] Outre les dispositions précitées de la Loi sur le CABAMC, le paragraphe 33(1) de cette même loi exige que le ministre établisse, par règlement, un code de déontologie des titulaires de permis.

[30] Étant donné l’importance que revêt la notion de « client » dans le contexte de la présente demande, voici comment le Code du CABAMC la définit :

client Toute personne qui consulte un agent et que l’agent accepte de représenter en vertu de l’article 27 ou 30 de la Loi ou qui, après avoir consulté un agent, conclut raisonnablement que celui-ci a accepté de le représenter. Il peut s’agir notamment d’un client d’un cabinet dont l’agent est un associé, que l’agent gère ou non le travail du client. (client)

 

client means a person who consults an agent and on whose behalf the agent provides or agrees to provide representation under section 27 or 30 of the Act or who, having consulted an agent, reasonably concludes that the agent has agreed to provide representation on their behalf. It includes a client of a firm of which the agent is a partner or associate, whether or not the agent handles the client’s work. (client)

[31] L’article 8 du Code du CABAMC comprend également la disposition suivante concernant les rapports entre un agent et des personnes non représentées :

3 L’agent qui s’adresse, au nom de son client, à une personne qui n’est pas représentée prend les mesures suivantes :

3 When an agent deals on a client’s behalf with an unrepresented person, the agent must :

a) il conseille à cette personne de faire appel à une représentation indépendante;

(a) advise the unrepresented person to seek independent representation

b) il veille à ne pas lui donner l’impression qu’il se chargera de protéger ses intérêts;

(b) take care to see that the unrepresented person is not proceeding under the impression that their interests will be protected by the agent;

c) il lui fait bien comprendre qu’il agit uniquement dans l’intérêt du client;

(c) make it clear to the unrepresented person that the agent is acting exclusively in the interests of the client; and

d) il fait preuve envers elle de la même courtoisie et de la même bonne foi qu’envers les autres agents ou les agents en formation.

(d) extend the same courtesy and good faith to the unrepresented person as they extend to other agents or agents in training.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle

[32] Les défendeurs ont soulevé deux questions préliminaires.

[33] Premièrement, le défendeur, le CABAMC, a demandé, au titre de l’alinéa 303(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106, que l’intitulé soit modifié de sorte que le comité d’enquête n’y soit plus désigné comme défendeur. Aucune objection n’a été soulevée à cet égard.

[34] Deuxièmement, étant donné que M. Olkowski a cherché à présenter à la Cour un nouvel élément de preuve, soit l’affidavit qu’il a souscrit le 23 janvier 2023 [l’affidavit de M. Olkowski], les défendeurs ont soulevé la question préliminaire de savoir si l’affidavit était admissible en preuve.

[35] Dans son dossier de demande, M. Olkowski a soulevé des « questions » de fond qui vise à attaquer le caractère raisonnable de la décision par laquelle le comité d’enquête a conclu que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo et que ce dernier n’avait par ailleurs aucune obligation de diligence envers lui. Les arguments qu’il a fait valoir relativement à ces questions s’articulent autour des deux questions générales suivantes :

  1. Le comité d’enquête a‐t‐il commis l’erreur de ne pas avoir examiné à fond la preuve avant de conclure que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo?

  2. Le comité d’enquête a‐t‐il commis une erreur dans son examen de la procuration associée à la demande PCT?

[36] Les parties conviennent que la norme de contrôle qui est présumée s’appliquer aux questions de fond est celle de la décision raisonnable et que rien en l’espèce ne permet de réfuter cette présomption : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] aux para 16, 17, 25.

[37] Une décision raisonnable doit être « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle », et être « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov , aux para 85, 86; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 aux para 2, 31. Une décision est raisonnable si, lorsqu’elle est lue dans son ensemble et que le contexte administratif est pris en compte, elle possède les caractéristiques de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité : Vavilov, aux para 91‐95, 99, 100.

V. L’affidavit de M. Olkowski est‐il admissible en preuve?

[38] Les défendeurs ont fait valoir que, dans son affidavit, M. Olkowski a fourni des éléments de preuve et des arguments supplémentaires relativement au fond de la présente demande et aux motifs pour lesquels, selon lui, la décision était erronée. Ils ont soutenu que, par conséquent, l’ensemble de l’affidavit était inadmissible en preuve.

[39] Sous réserve de quelques exceptions, la règle générale veut que les éléments de preuve dont n’était pas saisi le décideur et qui portent sur le fond de l’affaire ne soient pas admissibles dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Access Copyright] au para 17; Dowe c Canada (Procureur général), 2022 CF 245 au para 36.

[40] Parmi les exceptions admises à cette règle générale figurent les types de preuve suivants : 1) la preuve qui contient des renseignements généraux susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, mais qui ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le décideur administratif; 2) celle qui porte à l’attention de la cour de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de la preuve du décideur administratif, et permet ainsi à la Cour de remplir son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale; ou 3) celle qui fait ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur administratif lorsqu’il a tiré une conclusion donnée : Première nation de Namgis c Canada (Pêches et Océans), 2019 CAF 149 aux para 4, 7‐10; Access Copyright, au para 20; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 aux para 19‐25 ; Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 au para 45.

[41] M. Olkowski a déposé un long affidavit à l’appui de la présente demande, dans lequel il passe en revue les éléments de preuve soumis au comité d’enquête et cherche, il est vrai, à avancer des arguments relatifs à des questions soulevées par le comité d’enquête. Les paragraphes 5 et 6 de l’affidavit de M. Olkowski sont ainsi rédigés :

[traduction]

5. En résumé, l’action intentée en Alberta visait essentiellement à faire révoquer la licence permettant à Nano‐Green d’utiliser ma technologie dans un domaine circonscrit. Les évènements qui m’ont conduit à engager une procédure disciplinaire à l’encontre de Me Yoo sont exposés en détail dans mon affidavit souscrit le 27 septembre 2021 et présenté au CABAMC. Par souci de concision, je ne traiterai pas, dans le présent affidavit, des observations que j’ai soumises au CABAMC; elles se trouvent toutefois dans mon dossier. Cela étant dit, je retracerai dans les présentes l’historique des faits importants invoqués lorsqu’ils sont pertinents dans le contexte de ma demande de contrôle judiciaire.

6. Dans ses motifs à l’appui du rejet de ma plainte, le comité a affirmé que je n’avais eu aucune communication écrite ni verbale avec Me Yoo. Afin de prouver qu’il y a eu des communications écrites et verbales, je présenterai à cette honorable Cour un exposé adéquat des faits dans les paragraphes qui suivent.

[Non souligné dans l’original.]

[42] Aux paragraphes 1 à 6, M. Olkowski présente son histoire personnelle et définit ses objectifs en ce qui a trait à la présente demande de contrôle judiciaire. Aux paragraphes 7 à 25, il reprend, reformule et étoffe les faits et les renseignements généraux contenus dans les documents qu’il avait déposés auprès du comité d’enquête. Puis, aux paragraphes 26 à 49, il traite de la décision du comité d’enquête et explique pourquoi, selon lui, elle est erronée. Les pièces jointes à l’affidavit, au nombre de 19, avaient toutes été présentées au comité d’enquête.

[43] À mon sens, la majeure partie du texte de l’affidavit de M. Olkowski va à l’encontre des principes généraux énoncés dans l’arrêt Access Copyright, et ne correspond à aucune des exceptions admises. L’affidavit comprend une abondance d’arguments qui se rapportent au fond de la demande et vont au‐delà des éléments de preuve dont disposait le décideur. Les paragraphes 3 à 6 et 26 à 49 sont, de toute évidence, inadmissibles en preuve, car ils se rapportent au fond de la demande. Il est difficile de décortiquer les paragraphes de mise en contexte (para 2, 7 à 25) pour y relever les extraits dans lesquels M. Olkowski reformule les faits qui ont été présentés au comité d’enquête. Je prends note que le texte des affidavits qui ont été déposés auprès du décideur est déjà inclus dans le dossier du demandeur. Je conviens que les pièces jointes à l’affidavit doivent rester dans le dossier du demandeur, mais je suis d’avis que l’entièreté du texte de l’affidavit de M. Olkowski doit être jugée inadmissible en preuve.

VI. Analyse

A. Le comité d’enquête a‐t‐il commis l’erreur de ne pas avoir examiné à fond la preuve avant de conclure que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo?

[44] M. Olkowski a prétendu que le comité d’enquête avait commis l’erreur de ne pas avoir examiné à fond la preuve avant de conclure que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo. Selon lui, le comité d’enquête avait accordé trop d’importance au fait qu’il n’existait entre eux aucun mandat écrit de représentation. Il a soutenu que Me Yoo avait dit qu’un mandat formel n’était pas nécessaire et que celui‐ci avait été désigné verbalement pour agir au nom de M. Olkowski (et de M. Laarveld) lors de l’une des premières conférences téléphoniques portant sur la stratégie de poursuite de la demande de brevet fondée sur la technologie de M. Olkowski. Il a affirmé que la désignation verbale de Me Yoo pour agir en son nom à titre d’agent avait été officialisée en juillet 2012 par sa signature de la procuration, et que cette désignation s’inscrivait également dans la logique de l’accord de licence et des communications entre les parties.

[45] Il importe de souligner le point déterminant suivant : au début de la décision, le comité d’enquête a expressément mentionné qu’il avait examiné l’ensemble de la preuve produite par les parties en lien avec la plainte, y compris les trois documents déposés par M. Olkowski (l’affidavit daté du 27 septembre 2021, l’affidavit daté du 14 mars 2022 et la lettre de réponse datée du 20 mars 2022) ainsi que les deux documents déposés en réponse par Me Yoo (la lettre de réponse datée du 28 janvier 2022 et une autre lettre de réponse datée du 8 juin 2022), et qu’il avait pris en considération l’ensemble de la preuve et des allégations. Le comité d’enquête a ajouté qu’il s’était aussi fondé sur le rapport d’enquête détaillé qu’avait rédigé l’enquêteur désigné, lequel avait examiné les affidavits, les pièces à l’appui, les lettres de réponse, les documents et l’historique des dossiers des demandes de brevet fondées sur la demande PCT et déposées auprès de l’OPIC et de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Cependant, il a raisonnablement centré son analyse sur les questions relevant de sa compétence et la question fondamentale de savoir si M. Olkowski était le client de Me Yoo, ou s’il avait un motif raisonnable de croire que celui‐ci avait accepté de le représenter.

[46] Certes, le comité d’enquête a fait remarquer, dans sa décision, qu’il n’existait aucun mandat écrit de représentation entre M. Olkowski et Me Yoo, mais l’absence de mandat n’a pas constitué un facteur déterminant dans son analyse. Il a plutôt centré son analyse sur les deux facettes d’un « client » selon la définition du terme dans le Code du CABAMC, ce qui l’a amené à se demander : 1) si M. Olkowski avait consulté Me Yoo et si ce dernier avait fourni, ou accepté de fournir, des services d’agent de brevets pour le compte de M. Olkowski; ou 2) si, après avoir consulté Me Yoo, M. Olkowski avait un motif raisonnable de croire que celui‐ci avait accepté de fournir ces services pour son compte.

[47] S’agissant de la première question, le comité d’enquête a conclu qu’aucun élément de preuve n’indiquait que Me Yoo avait fourni des services d’agent de brevets ni agi à titre de représentant légal pour le compte de M. Olkowski, ni qu’il avait accepté de fournir ces services. Cette conclusion découle de deux constats. En premier lieu, aucun élément de preuve ne démontrait que Me Yoo avait eu des échanges directs avec M. Olkowski, que ce soit par écrit ou de vive voix, au sujet de services ou d’une représentation en matière de brevets. En second lieu, le comité d’enquête s’est fondé sur le fait que M. Olkowski avait reconnu qu’il n’avait conclu aucun mandat de représentation avec Me Yoo et qu’il n’avait pas, par lui‐même, communiqué directement avec celui‐ci au sujet de ses intérêts dans le brevet en cause.

[48] S’il ressort de la décision que le comité d’enquête a pris note du fait que M. Olkowski avait participé, avec M. Laarveld et NBI, à des échanges avec Me Yoo au sujet de la demande provisoire américaine et de la demande PCT, une interprétation raisonnable de la décision révèle que le comité d’enquête a jugé que ces échanges étaient dans l’intérêt de NBI, conformément aux conditions de l’accord de licence.

[49] Selon l’accord de licence, MM. Olkowski et Laarveld ont cédé à NBI les droits de propriété intellectuelle dans le domaine d’utilisation et l’ont autorisée à [traduction] « faire breveter le procédé et ses perfectionnements au nom de l’entreprise » (alinéa 2(1)e)). NBI était responsable de la rédaction, du dépôt et de la poursuite des demandes de brevet, tandis que MM. Olkowski et Laarveld étaient tenus de [traduction] « collaborer avec NBI et de lui fournir une aide raisonnable afin d’assurer la protection de la technologie visée par la licence » (para 10(1) et 10(2)).

[50] Dans sa plainte, M. Olkowski a cherché à faire valoir que NBI était uniquement titulaire d’une licence d’utilisation de la technologie, mais cette question ne relevait pas de la compétence du comité d’enquête. Par conséquent, le comité d’enquête devait tenir compte de l’accord tel qu’il était rédigé.

[51] Dans les arguments qu’il a exposés de vive voix, M. Olkowski a cherché à restreindre la portée de l’accord de licence en insistant sur le fait que les droits associés à la technologie étaient limités au [traduction] « domaine d’utilisation », lequel était ainsi défini dans l’accord de licence :

[traduction]
Le domaine d’utilisation ne limite en rien les applications ni l’utilisation des produits finis issus de la délignification, de la dépolymérisation ou du bioraffinage de la lignocellulose grâce à la technologie de procédés. Il ne comprend pas l’application de la technologie de procédés à la production de dérivés cellulosiques et de cellulose cristalline destinés à l’alimentation humaine et animale, à des applications pharmaceutiques et sanitaires ni à l’amélioration de la valeur nutritive ou des caractéristiques naturelles des produits destinés à l’alimentation humaine ou animale par leur transformation. Par souci de clarté, cette exclusion ne s’applique pas, de quelque manière que ce soit, aux produits finis dérivés du domaine d’utilisation visé aux présentes.

[52] M. Olkowski a soutenu que, suivant l’exclusion relative au domaine d’utilisation, certains volets de l’objet de la technologie devaient être revendiqués dans une demande conjointe et nécessitaient une représentation conjointe, et que la demande PCT était censée être une demande conjointe.

[53] Je ne peux toutefois retenir cet argument. Premièrement, comme cet argument n’a pas été invoqué devant le comité d’enquête, il ne saurait être soulevé dans le cadre du présent contrôle judiciaire : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 aux para 22‐26. Deuxièmement, par souci d’équité procédurale, cet argument ne peut être jugé recevable, car M. Olkowski ne l’a pas soulevé dans ses observations écrites : Idoko v Canada (Citizenship and Immigration), 2017 FC 1756 au para 9, citant Altiparmak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 776 au para 11. Troisièmement, cette interprétation est incompatible avec les clauses de l’accord de licence et la prépondérance de la preuve, qui montre que les échanges qui ont suivi l’octroi de l’accord de licence visaient la poursuite d’objectifs en matière de brevets fondés sur les droits de NBI dans le domaine d’utilisation, et que la participation de MM. Olkowski et Laarveld était uniquement à titre d’inventeurs. En effet, les demandes de brevets ont été déposées uniquement conformément aux directives de NBI. S’il est vrai que M. Olkowski a contribué à la rédaction du contenu technique des demandes, et ce, en conformité avec l’accord de licence, il n’a toutefois assumé aucuns frais ni dépenses associés à l’obtention des droits de brevet.

[54] Compte tenu de la preuve et du fait que M. Olkowski a reconnu qu’il n’avait conclu aucun mandat de représentation avec Me Yoo, je suis d’avis qu’il était raisonnable de la part du comité d’enquête de conclure que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo.

[55] Bien qu’il ne soit pas question, dans la décision, de chacun des éléments de preuve produits, ce qui n’est pas requis dans le cas d’une décision administrative, une interprétation raisonnable de la décision entière révèle que le comité d’enquête a procédé à un examen complet de la preuve avant de tirer cette conclusion.

B. Le comité d’enquête a‐t‐il commis une erreur dans son examen de la procuration associée à la demande PCT?

[56] S’agissant de la deuxième question que devait trancher le comité d’enquête – soit celle de savoir si, après avoir consulté Me Yoo, M. Olkowski avait un motif raisonnable de croire que celui‐ci avait accepté de fournir des services d’agent de brevets pour son compte –, j’examinerai la question de savoir si le comité d’enquête a commis une erreur dans son examen de la procuration associée à la demande PCT.

[57] La preuve indique qu’à l’époque du dépôt de la demande PCT, Me Yoo a remis à NBI une procuration devant être signée par M. Olkowski, M. Laarveld et NBI, ce qui a été fait le 29 juin 2012. La procuration précisait que NBI, M. Laarveld et M. Olkowski désignaient Bennett Jones S.E.N.C.R.L., s.r.l. comme agent afin que le cabinet les représente auprès de [traduction] « l’ensemble des autorités internationales compétentes » en lien avec la demande PCT déposée auprès de l’OPIC.

[58] Nul n’a contesté le fait que la procuration n’a jamais été déposée auprès de l’OPIC en lien avec la demande PCT; c’est plutôt un formulaire de requête PCT qui a été déposé. Aucun des demandeurs n’a signé le formulaire, uniquement Me Yoo. Me Yoo et Bennett Jones S.E.N.C.R.L., s.r.l. y sont désignés comme mandataires autorisés à agir pour le compte des déposants devant les autorités internationales compétentes. Dans le formulaire, MM. Olkowski et Laarveld sont chacun désignés comme déposant et inventeur pour les États‐Unis uniquement. NBI y figure à titre de déposant pour l’ensemble des États désignés, à l’exception des États‐Unis.

[59] Aux États‐Unis, Me Yoo a déposé une procuration distincte, signée par M. Olkowski, dans laquelle Me Yoo était désigné, par son numéro de dossier d’avocat, comme agent responsable de cette demande.

[60] Dans sa décision, le comité d’enquête s’est penché sur la procuration associée à la demande PCT et a formulé les remarques suivantes :

[traduction]
Lorsque la demande PCT a été déposée le 29 juin 2012, conformément aux exigences du droit américain de l’époque, M. Laarveld et vous avez été désignés, dans le formulaire de requête PCT, comme inventeurs, mais aussi comme déposants pour les États‐Unis uniquement. NBI y figurait à titre de demandeur pour tous les autres pays.

[...] Nous tenons à souligner que cette procuration n’était pas requise par l’OMPI pour les besoins de la demande PCT, étant donné que le cabinet de Me Yoo avait été désigné comme mandataire dans le formulaire de requête PCT et que l’identité des déposants est établie à l’aide de ce formulaire, et non de la procuration. Selon le droit américain de l’époque, les demandes de brevet devaient être autorisées par l’inventeur. Bien qu’il n’était pas nécessaire de fournir une preuve écrite de l’autorisation de l’inventeur, l’obtention de la procuration signée en lien avec la demande PCT aurait rempli cette exigence.

[61] M. Olkowski a contesté l’affirmation du comité d’enquête selon laquelle [traduction] « [la] procuration n’était pas requise par l’OMPI pour les besoins de la demande PCT » et [traduction] « l’identité des déposants est établie à l’aide [du] formulaire [de requête PCT] ». Il a affirmé qu’il était déraisonnable de la part du comité d’enquête de considérer la procuration comme un document superflu qui aurait été signé simplement pour fournir la preuve de l’autorisation de l’inventeur de déposer une demande de brevet aux États‐Unis.

[62] Il a porté à l’attention de la Cour les paragraphes 5.088 et 5.089 du Guide du déposant du PCT, qui indiquent que la demande internationale doit être signée dans le cadre no X du formulaire de requête PCT par le déposant ou, lorsqu’il y en a plusieurs, par l’ensemble des déposants. Le formulaire peut être signé par le mandataire au nom des déposants, mais, en pareil cas, le mandataire doit être désigné dans une procuration signée par les déposants au nom desquels il signe la demande. Le formulaire de requête PCT déposé par Me Yoo n’avait pas été signé par les déposants; il avait été signé uniquement par Me Yoo, qui ne pouvait être autorisé à le signer au nom des déposants que s’il avait été désigné pour agir au nom de l’ensemble des déposants.

[63] Si le comité d’enquête n’a pas fait référence aux paragraphes 5.088 et 5.089 du Guide du déposant du PCT, je juge toutefois que ses propos au sujet de la procuration et du formulaire de requête PCT concordent avec le libellé des paragraphes 5.088 et 5.089 et qu’ils étaient raisonnables.

[64] En l’espèce, en raison du droit américain, M. Olkowski, en tant que co‐inventeur de l’objet de la demande de brevet, devait être désigné comme déposant pour les États‐Unis, au même titre que M. Laarveld, l’autre co‐inventeur. Les formulaires PCT indiquaient clairement que l’autorisation accordée par M. Olkowski visait son pouvoir en tant que déposant et inventeur pour les États‐Unis uniquement. En ce qui a trait à tous les autres États, y compris le Canada, le déposant correspondait au titulaire des droits de brevet, soit NBI.

[65] Ainsi, même si je convenais que Me Yoo était devenu l’agent de M. Olkowski à la suite de la signature de la procuration, cette représentation ne vaudrait que pour les États‐Unis, où, selon le droit du pays, MM. Olkowski et Laarveld devaient être désignés non seulement comme inventeurs mais aussi comme déposants pour tout dépôt de demande de brevet. À la date de signature de la procuration associée à la demande PCT, tous les droits de propriété intellectuelle liés à la technologie dans le domaine d’utilisation sur laquelle était fondée la demande PCT avaient déjà été cédés à NBI. Ces droits ouvraient notamment la voie au dépôt ultérieur de demandes de brevets nationaux. Ainsi, c’est NBI qui conservait le contrôle ultime de ces droits de brevet, conformément aux conditions de l’accord de licence, et la croyance de M. Olkowski – selon laquelle il découlait de la procuration qu’il était le client de Me Yoo dans le contexte de la demande PCT ou de la demande de brevet 348 – était, comme l’a fait remarquer le comité d’enquête, une croyance erronée.

[66] Le comité d’enquête s’est également penché sur la question de savoir si M. Olkowski avait des motifs raisonnables de croire qu’il était le client de Me Yoo en raison de la procuration. Il a reconnu que, prise isolément, la première page de la procuration présentait M. Olkowski comme [traduction] « un demandeur » désignant le cabinet de Me Yoo comme agent et que cela pouvait avoir porté M. Olkowski à croire que, par la signature du document, il avait désigné Me Yoo à titre de représentant personnel. Il a toutefois conclu qu’une telle croyance n’était pas, en définitive, raisonnable ni cohérente au vu de l’ensemble de la preuve. Rien dans la preuve ne montre que M. Olkowski a « consulté » Me Yoo à l’époque de la demande PCT (après le 13 décembre 2013) ou à un quelconque moment, ni que Me Yoo a fourni, ou accepté de fournir, des services d’agent de brevets ou agi, ou accepté d’agir, à titre de représentant pour le compte de M. Olkowski.

[67] Bien que M. Olkowski ait contesté la conclusion du comité d’enquête selon laquelle aucun élément de preuve ne démontrait qu’il avait consulté Me Yoo au cours de la période postérieure au 13 décembre 2013 ou à un quelconque moment, je ne trouve pas sa position convaincante. Comme je l’ai mentionné plus haut, des membres du personnel de NBI étaient parties à l’ensemble des échanges relatifs à la demande PCT auxquels a participé M. Olkowski. En outre, une fois la demande PCT déposée, la seule communication à laquelle ont pris part à la fois M. Olkowski et Me Yoo était une conférence téléphonique tenue en 2013, à laquelle ont également participé M. Laarveld ainsi que des représentants de NBI, et portant sur la délivrance d’un rapport d’examen préliminaire sur la brevetabilité au titre du PCT. Il n’y a eu aucune autre communication par la suite, et cette dernière communication s’inscrivait, elle aussi, dans l’esprit de l’accord de licence.

[68] Lorsque M. Olkowski est arrivé à la conclusion que NBI ne commercialisait pas comme il le souhaitait la technologie qu’il avait mise au point, plutôt que de s’adresser directement à Me Yoo comme le ferait un client avec son représentant, M. Olkowski a engagé son propre avocat et communiqué avec Me Yoo en sa qualité [traduction] « [d’]avocat de Nano‐Green ». Cette communication ne traduit pas la croyance que Me Yoo agissait pour le compte de M. Olkowski.

[69] De plus, comme l’a fait remarquer le comité d’enquête, rien dans la preuve n’indique que M. Olkowski a tenté de communiquer avec Me Yoo au sujet de la demande de brevet 348 ou de toute autre demande de brevet, même après qu’il eut constaté l’ajout de M. Arrison à titre d’inventeur. M. Olkowski a plutôt traité Me Yoo comme une personne ayant des intérêts opposés aux siens.

[70] Malgré leur brièveté, je suis d’avis que les motifs de la décision font état d’une analyse rationnelle des éléments qui ont porté le comité d’enquête à conclure que M. Olkowski n’avait aucun motif raisonnable de se considérer comme le client de Me Yoo, et des raisons pour lesquelles le comité estimait que la réparation accordée était appropriée; par conséquent, M. Olkowski n’a pas démontré l’existence d’une erreur susceptible de contrôle.

[71] Il importe de souligner que le spectre des réparations que pouvait accorder le comité d’enquête en réponse à la plainte de M. Olkowski était limité. Bien que M. Olkowski ait soulevé des doutes quant à la cession des droits qui a découlé de l’accord de licence, il n’appartenait pas au comité d’enquête d’apprécier ce document. Comme je l’ai mentionné plus haut, ce point a fait l’objet de l’action intentée en Alberta.

[72] La question des droits associés à la demande de brevet 348 ne pouvait, elle non plus, être tranchée par le comité d’enquête. Quoi qu’il en soit, le rapport d’enquête révèle que [traduction] « [l’]avocat du titulaire de la licence a mentionné, dans le courriel du 9 août 2022, que NBI “ne poursui[vait] plus” la demande de brevet canadien », et M. Olkowski a confirmé, dans le courriel du 14 août 2022, qu’il avait reçu, en juin 2022, un avis par lequel NBI l’avait informé de son intention d’abandonner la demande de brevet. Il est incertain s’il existe toujours des droits associés à la demande de brevet 348, étant donné que l’état actuel de la demande n’est pas précisé dans la preuve dont je dispose.

[73] Les seules questions que devait trancher le comité d’enquête portaient sur la conduite de Me Yoo. Comme il est mentionné dans la décision, le comité d’enquête a conclu que M. Olkowski n’était pas le client de Me Yoo et qu’il n’avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était son client, mais le comité a reconnu que Me Yoo aurait dû conseiller à M. Olkowski, en tant que personne non représentée, de faire appel à une représentation indépendante pour ce qui est de ses intérêts à titre d’inventeur de la technologie. Le comité d’enquête a également conclu que Me Yoo aurait dû bien faire comprendre à M. Olkowski qu’il ne protégerait pas ces intérêts puisqu’il agissait uniquement dans l’intérêt de NBI. Compte tenu de la compétence du comité d’enquête et du spectre des réparations qu’il pouvait accorder, je juge que la décision et son résultat étaient raisonnables.

VII. Conclusion

[74] Pour ces motifs, la présente demande sera rejetée.

[75] Étant donné qu’il s’agit de la première fois que la Cour est saisie d’une affaire sous le régime de la Loi sur le CABAMC et que l’une des parties n’était pas représentée par avocat, aucuns dépens ne seront adjugés.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-2716-22

LA COUR STATUE :

  1. L’intitulé est modifié, avec effet immédiat, par le retrait du comité d’enquête à titre de défendeur.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Angela Furlanetto »

 

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2716-22

 

INTITULÉ :

ANDREW OLKOWSKI c LE COLLÈGE DES AGENTS DE BREVETS ET DES AGENTS DE MARQUES DE COMMERCE, ET ME TED YOO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 AVRIL 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FURLANETTO

 

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :

LE 28 août 2024

 

COMPARUTIONS :

Andrew Olkowski

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edward W. Halt, c.r.

Christopher M. Darwish

POUR LE DÉFENDEUR

ME TED YOO

 

Bernard C. LeBlanc

Justine Wong

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE COLLÈGE DES AGENTS DE BREVETS
ET DES AGENTS DE MARQUES DE COMMERCE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peacock Linder Halt & Mack LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

ME TED YOO

 

Steinecke Maciura Leblanc

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE COLLÈGE DES AGENTS DE BREVETS
ET DES AGENTS DE MARQUES DE COMMERCE

 

 

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