Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20060206

Dossier : IMM-4052-05

Référence : 2006 CF 134

Ottawa (Ontario), le 6 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

BALJIT SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 ( « LIPR » ) d'une décision de la Section de la protection des réfugiés ( « SPR » ) datée du 7 juin 2005. Par cette décision, la SPR refusait la demande d'asile de Baljith Singh ( « demandeur » ), qui est citoyen indien. Selon la SPR, d'une part, le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger et d'autre part, il aurait pu se prévaloir de la protection de l'État indien.

QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige sont les suivantes :

-                      La SPR a-t-elle erré dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

-                      La SPR a-t-elle erré en décidant que le demandeur aurait pu se prévaloir de la protection de l'État indien?

-                      La SPR a-t-elle erré dans son évaluation de la preuve documentaire présentée par le demandeur?

-                      Est-ce que le défaut de la SPR de désigner un représentant au demandeur vicie la décision de la SPR?

-                      À la lumière des faits du dossier, est-ce que les résultats de la vérification faite lors du délibéré devaient être communiqués aux parties?

CONCLUSION

[3]                Pour les motifs qui suivent, je réponds par la négative à ces questions et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

FAITS ALLÉGUÉS PAR LE DEMANDEUR

[4]                Le demandeur allègue dans son Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ) qu'il a résidé en Inde, dans le village de Bassi jusqu'en février 2004.

[5]                En avril 1996, son père est devenu membre du parti Shiromani Akali Dal Mann, le principal parti politique représentant les Sikhs en Inde.

[6]                En mai 2000, cinq terroristes se sont présentés à la ferme familiale et ont, sous contrainte, obtenu le gîte et de la nourriture. Ces terroristes ont menacé les membres de la famille de les tuer si ceux-ci portaient plainte à la police.

[7]                Le lendemain matin, la police aurait arrêté le père du demandeur à la ferme familiale, au motif que celui-ci aurait apporté de l'aide aux terroristes et qu'il aurait entretenu des liens avec eux. Quatre des terroristes ont été arrêtés et ont avoué avoir reçu l'aide du père du demandeur. Pour ce motif, le père du demandeur a été torturé puis détenu pendant trois jours. Il fût ensuite relâché, et on exigea de lui qu'il fournisse de l'information à la police concernant les terroristes.

[8]                À la fin du mois de janvier 2004, les assassins coupables du meurtre du Premier ministre du Pendjab, Beant Singh, se sont échappés de la prison de Burail. Le 25 janvier 2004, la police s'est de nouveau présentée à la ferme familiale pour interroger le père du demandeur concernant l'endroit où se trouveraient les fugitifs. La police l'a arrêté et lui a demandé de révéler les plans des terroristes. La mère du demandeur a tenté de s'interposer et fût également arrêtée. Le père et la mère du demandeur furent emmenés au poste de police. Cette dernière fût torturée mais fût incapable d'informer la police. Elle fût relâchée deux jours plus tard après l'intervention de personnes influentes du village et du paiement d'un pot-de-vin. Après une visite à l'hôpital de trois jours, elle s'enfuit à New Delhi.

[9]                Les tentatives de retrouver le père du demandeur furent infructueuses et la police nia en avoir la garde. À la suite d'une rencontre avec un avocat d'une organisation de défense des droits de l'homme, le Kharla Mission Committee ( « KMC » ), le 6 février 2004, il fût décidé que la mère du demandeur porterait plainte contre la police en raison de la disparition du père du demandeur. Un rendez-vous fût fixé au 8 février 2004 avec l'avocat en vue de signer un affidavit et de porter plainte.

[10]            Le 7 février, la police se présenta de nouveau à la ferme familiale et arrêta le demandeur. La police ordonna à un ami du demandeur de dire à la mère du demandeur de ne pas porter plainte contre la police, et que le demandeur serait tué si elle le faisait.

[11]            Le demandeur fût emmené au poste de police et fut torturé, la police l'accusant d'avoir des liens avec les terroristes et de travailler contre la police. Il fût relâché deux jours plus tard, sur paiement d'un pot-de-vin et à la suite de démarches de personnes influentes du village. Le demandeur fut relâché à condition de ramener sa mère au poste et de ne pas porter plainte. Il passa ensuite trois jours à l'hôpital, puis rejoint sa mère chez son oncle à New Delhi le 16 février 2004. Ce dernier conseilla au demandeur de quitter l'Inde avec l'aide d'un passeur, ce qu'il fît en date du 2 avril 2004. Il arriva au Canada le même jour et demanda l'asile le 14 avril 2004. Il est allégué que la mère du demandeur vit cachée et que la police est toujours à sa recherche.

DÉCISION CONTESTÉE

[12]            La décision de la SPR est fondée sur trois motifs principaux. D'abord, la SPR a estimé que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger pour des motifs de crédibilité. Ensuite, elle a jugé que la preuve documentaire présentée par le demandeur n'était pas digne de foi. Finalement, la SPR a décidé que le demandeur pouvait se prévaloir de la protection de l'État indien.

[13]            Selon la SPR, la crédibilité du demandeur est entachée pour les raisons suivantes :

-                      De façon générale, lors de son témoignage, le demandeur a été hésitant à de nombreuses reprises et ses déclarations apparaissaient « laborious » ;

-                      La lettre du KMC ne fait aucune mention du fait que la famille aurait eu à donner le gîte et la nourriture aux terroristes en mai 2000 et qu'il y aurait un lien entre ces évènements et les problèmes vécus par la famille, alors que le demandeur prétend qu'il existe un tel lien. Le demandeur ne sait pas pourquoi la lettre n'en fait pas mention et fait plutôt référence à l'appartenance politique et religieuse du père du demandeur, ainsi qu'à son militantisme;

-                      L'avocat du demandeur a produit une documentation abondante démontrant que la disparition des personnes en Inde est largement publicisée dans les médias. Or, aucun document ne fait état de la disparition du père du demandeur. Le demandeur explique que rien n'a été publié en raison de la crainte que sa famille éprouve à l'égard de la police;

-                      Le demandeur est très vague et se contredit quant aux dates des visites rendues par la police à la ferme familiale;

-                      Le demandeur est confu quant aux dates de sa propre détention et de son séjour à l'hôpital;

-                      Le demandeur est demeuré à la ferme familiale alors que sa mère s'était enfuie à New Delhi du fait qu'elle craignait la police;

-                      Le demandeur est incapable d'expliquer pourquoi la police ne s'est pas mise à sa recherche avant le mois de mai 2004, alors qu'en février 2004, elle lui avait demandé de ramener sa mère au poste « bientôt » ;

-                      La SPR a estimé que la déclaration du demandeur à l'audience selon laquelle sa mère est sujette à un mandat d'arrestation en Inde ne visait qu'à embellir le récit du demandeur;

-                      Le demandeur est incapable d'expliquer pourquoi la police ne s'en est pas pris à son père au moment de l'assassinat de Beant Singh en 1995;

-                      La lettre du KMC dit que le père du demandeur a fait l'objet de représailles par la police en raison de son appartenance et de son activisme politiques et religieux, et non en raison d'un lien qu'il aurait eu avec les assassins;

-                      Le demandeur est incapable d'expliquer pourquoi la police s'en est pris à sa mère même si celle-ci n'a jamais porté plainte contre la police;

-                      Le demandeur a indiqué dans sa FRP qu'il était présent lors de la rencontre du 6 février 2004 avec l'avocat de la KMC alors qu'il a dit le contraire lors de l'audience et lors de sa rencontre initiale avec l'agent d'immigration. Le demandeur et son procureur attribuent cette différence à une erreur de traduction;

-                      Le demandeur n'a pas fait mention de son nouveau passeport dans sa FRP;

-                      Les explications du demandeur concernant la date à laquelle il a demandé d'obtenir son certificat scolaire sont truffées de contradictions;

-                      La preuve démontre qu'il est possible de prendre des recours lorsque survient une disparition et le demandeur ne l'a pas fait, ce qui démontre qu'il ne craint pas véritablement d'être persécuté.

[14]            Concernant la question de la protection de l'État, la SPR a décidé que l'État indien doit être présumé capable de protéger ses citoyens et que le demandeur n'a pas réussi à renverser cette présomption.

  

[15]            Quant à la preuve documentaire, la SPR a refusé de donner quelque valeur que ce soit à la preuve présentée du fait que le demandeur n'a pas réussi à prouver les éléments essentiels de sa demande. La SPR ajoute qu'il est facile d'obtenir de faux documents en Inde.

ANALYSE

1.         Crédibilité du demandeur

[16]            Quant à l'évaluation de la SPR concernant sa crédibilité, le demandeur fonde sa contestation sur les motifs suivants :

-                      Il serait « farfelu » que la SPR ait conclu que le demandeur n'est pas crédible du fait que sa mère s'est enfuie à New Delhi alors qu'il est resté à la ferme familiale;

-                      La SPR n'aurait pas dû reprocher au demandeur son incapacité à expliquer pourquoi la police aurait recherché son père à la suite de l'évasion des criminels responsables de l'assassinat de Beant Singh;

-                      La SPR aurait erré en tirant des conclusions quant à la crédibilité du demandeur en raison de son incapacité à expliquer pourquoi la lettre du KMC ne fait pas référence à l'assassinat de Beant Singh;

-                      Les contradictions concernant la présence ou l'absence du demandeur à la rencontre du 6 février 2004 avec l'avocat de la KMC ne portent pas sur un élément déterminant de la revendication;

-                      La SPR aurait décidé, contrairement à la preuve devant elle, que la mère du demandeur n'a éprouvé aucun problème à New Delhi;

-                      Le critère employé par la SPR pour décider d'accepter ou non les allégations du demandeur n'est pas approprié (caractère « satisfaisant » (satisfactory) des explications).

[17]            Le défendeur estime pour sa part que la décision de la SPR est raisonnable et ne donne pas ouverture à l'intervention de cette Cour. Il est d'avis que la SPR a remarqué plusieurs contradictions, omissions et invraisemblances dans le récit du demandeur qui étaient suffisantes pour miner sa crédibilité. Le défendeur insiste sur le fait que le fardeau reposait sur le demandeur de démontrer selon la balance des probabilités les éléments centraux de sa demande. Quant à l'utilisation du mot « satisfactory » par la SPR, le défendeur est d'avis qu'il ne s'agit pas d'un critère juridique, mais d'une indication que le tribunal a jugé les explications données non crédibles.

[18]            Je reprends un à un les arguments du demandeur à l'encontre des conclusions de la SPR quant à sa crédibilité, en gardant à l'esprit que la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable (Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. No. 1866 (C.A.F.), au para. 10;    Aguebor c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1993] A.C.F. No. 732 (C.A.F.), au para. 4).

[19]            D'abord, je ne crois pas qu'il soit erroné de conclure que dans un contexte où le père du demandeur a été torturé et soit disparu entre les mains de la police et que la mère du demandeur ait à son tour été torturée pendant trois jours, cette dernière décide néanmoins de s'enfuir sans son fils à New Delhi. Le demandeur dépeint dans sa demande d'asile la police indienne comme une force policière brutale, arbitraire et prête à tout pour arriver à ses fins. Cela est incompatible avec le comportement allégué du demandeur et de sa mère.

[20]            La SPR a souligné que le demandeur semblait ignorer les raisons pour lesquelles la police s'en est pris à lui et à sa famille à la suite de l'évasion des assassins de Beant Singh. À cet égard, il y a lieu de citer en entier le passage pertinent de la décision. Ce n'est pas que l'incapacité du demandeur à s'expliquer qui a conduit la SPR à conclure à l'absence de crédibilité du demandeur, mais tout un ensemble de circonstances (p. 5 de la décision) :

[TRADUCTION] Le demandeur a déclaré sous serment que son père et sa mère ont été arrêtés en 2004, lorsque les assassins de Beant Singh se sont évadés. Interrogé quant au lien existant entre l'évasion des assassins et sa famille, le demandeur a été incapable de donner d'explications satisfaisantes. Lorsqu'on lui a demandé s'il a eu des problèmes en 1995, au moment où Beant Singh a été assassiné, il a répondu que non. Lorsque la pièce P-3 lui a été présentée, soit la lettre de la KMC, selon laquelle son père est disparu lors de sa détention entre les mains de la police en raison de son militantisme pacifique en faveur de l'autodétermination des Sikhs. Or, dans cette lettre, aucune mention n'est faite d'un lien supposé entre le père du demandeur et les assassins, et le demandeur a été incapable d'expliquer cela. Le tribunal ne peut que mettre sérieusement en doute la fiabilité des déclarations du demandeur quant à l'allégation selon laquelle la police aurait cherché à s'en prendre à lui et à sa famille alors qu'ils habitaient si loin du lieu de l'évasion et que la famille n'avait eu aucun démêlé avec la police au moment où Beant Singh a été assassiné en 1995.

Il n'était pas erroné de conclure, comme la SPR l'a fait, que le demandeur n'est pas crédible à cet égard. En effet, il n'était pas manifestement déraisonnable de conclure qu'il y a contradiction entre ce qu'indique la lettre de KMC et les allégations du demandeur quant aux raisons pour lesquelles la police s'en serait prise à son père en 2004, et d'en tirer des conclusions quant à sa crédibilité.

[21]            Il n'était pas non plus erroné de conclure que le demandeur n'était pas crédible en raison de la contradiction entre sa FPR et son témoignage quant à la question de savoir s'il était présent ou non à la rencontre du 6 février 2004 avec un avocat de la KMC. Si le demandeur n'y était pas, comme il l'allègue, il est étonnant qu'il ait pu se tromper et écrire dans son FPR qu'il y était. Bien que cette contradiction ne porte pas sur un élément central de la revendication, elle me semble être suffisamment importante et déterminante, au sens de la jurisprudence invoquée par le demandeur, pour être prise en compte dans l'évaluation de sa crédibilité.

[22]            Le demandeur a indiqué, au paragraphe 19 de son affidavit :

« Je n'ai jamais déclaré sous serment que ma mère n'avait aucun problème à New Delhi; j'ai dit que ma mère était cachée à New Delhi. »

La SPR a indiqué le contraire dans sa décision et il n'était pas erroné de le faire à mon avis. Je reproduis ici un passage du procès-verbal d'audition daté du 9 novembre 2004, à la page 19 :

[TRADUCTION]

AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS

Q. Alors, concernant votre mère à New Delhi, est-ce que la police est allée à sa recherche?

R. Non, la police n'est pas allée à sa recherche à Delhi.

[23]            Quant à l'emploi du mot « satisfactory » par la SPR, il s'agit à mon avis d'un terme que la SPR utilise pour dire qu'elle trouve que les explications du demandeur ne sont pas crédibles. Cette expression est souvent employée par la SPR et ne vise pas à énoncer un critère juridique.

[24]            Pour ces motifs, il n'y a pas lieu d'intervenir quant aux conclusions de la SPR portant sur la crédibilité du demandeur. Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas à propos de traiter de la question de la protection de l'État.

2.         Preuve documentaire

[25]            Selon le demandeur, la SPR se serait erronément contentée de dire qu'il est possible d'obtenir de faux documents en Inde pour écarter les pièces P-2 (affidavit de Bakhsish, Sarpanch du village de Bassi daté du 13 octobre 2004), P-3 (Lettre de la KMC) et P-4 (Certificat médical du Docteur Tarsem Singh).

[26]            Il est loisible à la SPR de rejeter les preuves présentées par un demandeur lorsque celui-ci n'est pas crédible. Dans l'affaire Hamid c. Canada, [1995] A.C.F. No. 1293, au para. 20, le juge Nadon a expliqué ce principe :

Lorsqu'une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n'est pas crédible, dans la plupart des cas, il s'ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant    ne puisse prouver de façon satisfaisante qu'ils sont véritablement authentiques. En l'espèce, la preuve du requérant n'a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

Cette décision a été suivie par la Cour fédérale (voir notamment Al-Shaibie v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1131, 2005 FC 887, au para. 21; Saha c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2003] F.C.J. No. 1117, aux paras. 32-33).

4.         L'âge du demandeur

[27]            Le demandeur était âgé de 17 ans au moment de l'audition devant la SPR. Dans son mémoire supplémentaire, il a soulevé la question du défaut de la SPR de lui assigner un représentant comme la LIPR le prévoit, au para 167(2) :

167. (2) Est commis d'office un représentant à l'intéressé qui n'a pas dix-huit ans ou n'est pas, selon la section, en mesure de comprendre la nature de la procédure.

167. (2) If a person who is the subject of proceedings is under 18 years of age or unable, in the opinion of the applicable Division, to appreciate the nature of the proceedings, the Division shall designate a person to represent the person.

[28]            Toutefois, le matin même de l'audition, le dossier révèle que le demandeur s'est vu assigner un représentant (son nom apparaît à la page 329 du dossier du tribunal et il était présent à l'audience - voir p. 330 et 331) qui l'a rencontré brièvement et qui avait discuté préalablement avec un travailleur social (voir p. 332).

[29]            Le libellé de l'ancien article 69(4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 est similaire. La Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Sharlow, s'est déjà exprimée sur le caractère absolu de l'obligation de l'ancienne Section du statut du réfugié d'assigner un représentant aux mineurs qui sont entendus devant elle. Dans Stumph c. Canada (Ministère de la citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 148, [2002] A.C.F. No. 590, aux paras. 5 et 6, le juge Sharlow s'exprime ainsi :

[...] [L]a désignation d'un représentant dans ce dossier aurait pu influer sur l'issue du litige.

Nous sommes d'avis que le par. 69(4) de la Loi sur l'immigration impose une obligation à la Section du statut de réfugié de désigner un représentant pour toute personne qui revendique le statut de réfugié et qui répond aux critères établis par la loi. Cette obligation survient dès que la Section du statut de réfugié prend connaissance de ces faits. Dans le présent dossier, l'âge de la    revendicatrice mineure était apparent dès le début des procédures et la Section du statut de réfugié aurait dû lui désigner un représentant au moment où des procédures de désistement ont été envisagées, ce qui aurait dû être fait à tout le moins avant le dépôt de la requête de réouverture de la revendication. Le défaut de la Section du statut de réfugié constitue une erreur qui a vicié la décision de refuser la requête.

[30]            Cette décision a été suivie, sous la nouvelle LIPR, par notre Cour. Cependant, dans l'affaire Duale c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 150, [2004] A.C.F. No. 178, la juge Dawson nuance, au para. 10 :

Je conviens qu'il est nécessaire d'examiner les faits propres à chaque cas et qu'il se peut que le défaut de désigner un représentant n'ait pas pour conséquence de vicier la décision relative à une revendication.

[31]            Dans l'affaire Sibaja c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1079, [2004] A.C.F. No. 1363, aux paras. 19 et 20, le juge Lemieux écrit un commentaire similaire :

Le défendeur soutient que le défaut de désigner un représentant n'a pas pour conséquence de vicier la décision relative à la revendication de l'enfant.

Prenant pour acquis mais sans le décider que cette prétention est une considération pertinente lorsqu'il y a violation du paragraphe 167(2) de la Loi [...]

[32]            Dans l'affaire récente Vashee v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 1104 [2005] F.C.J. No. 1360, au para. 11, la juge Kelen écrit :

I agree with Justice Dawson that, depending on the facts, there may be circumstances under which the failure to appoint a designated representative will not vitiate the underlying decision. However, this Court has adopted a strict interpretation of the Board's obligations in this regard, and that the failure to designate a representative for a minor has consistently resulted in an order for a new hearing or redetermination. See Stumf v. (Minister of Citizenship and Immigration), [2002] F.C.J. No. 590 (F.C.A.); Kissoon v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1979] 1 F.C. 301 (F.C.A.); Sibaja v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2004] F.C.J. No. 1363 (F.C.); Phillip v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1998] F.C.J. No. 1820 (F.C.T.D.);    In fact, in Duale, supra, Justice Dawson allowed the application for judicial review of a refugee decision on the basis that she could not "safely conclude that the failure to appoint a designated representative could not have an adverse effect on the outcome of the claim."

[33]            Les Directives sur les enfants qui revendiquent le statut de réfugié (Directives) se lisent comme suit (No. 3) :

II. REPRÉSENTANT COMMIS D'OFFICE

La Loi sur l'immigration exige la désignation d'un représentant dans tous les cas où un enfant revendique le statut de réfugié. Si l'enfant est accompagné de ses parents, l'un d'eux est généralement désigné à cette fin. Cette désignation s'applique à toutes les procédures relatives à la revendication du statut de réfugié, et non seulement à l'audience. Le représentant commis d'office ne joue pas le même rôle qu'un avocat, et l'enfant a également le droit de se faire représenter par un avocat ou autre conseil.

[...]

Voici les fonctions qui incombent au représentant commis d'office :

- retenir les services d'un conseil;

- donner des instructions au conseil ou aider l'enfant à le faire;

- prendre d'autres décisions concernant les procédures ou aider l'enfant à le faire;

- informer l'enfant sur le traitement de sa revendication et les différentes étapes de                      la procédure;

- aider à recueillir des éléments de preuve au soutien de la revendication;

- présenter des éléments de preuve et témoigner;

- agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Avant de désigner un représentant, le tribunal de la SSR devrait informer de ses fonctions la personne proposée pour agir à titre de représentant commis d'office et évaluer son aptitude à les exécuter.

Il peut arriver que la personne qui a été désignée pour agir comme représentant cesse d'être un représentant approprié pour l'enfant. Par exemple, la personne peut s'être montrée peu disposée à participer à des conférences préparatoires ou avoir été incapable de le faire. Dans ces cas, la SSR devrait renvoyer cette personne et désigner un autre représentant.

[34]            La SPR se doit de suivre les directives qu'elle publie. Elle a l'obligation de désigner un représentant, même dans les cas où le demandeur est représenté par avocat puisque, comme les directives le précisent, le représentant ne joue pas le même rôle que l'avocat. L'existence même de l'obligation de nommer le représentant est sans équivoque. Cependant, ce n'est pas dans tous les cas que le défaut de nommer pareil représentant aura pour effet de vicier la décision de la SPR. En l'espèce, je ne crois pas que la décision de la SPR est viciée compte tenu des faits suivants :

-                      Le demandeur était âgé de 17 ans et 10 mois au moment de l'audition, de 16 ans et 5 mois au moment de remplir son FPR et il était en tout temps en mesure de comprendre les procédures qui se déroulaient;

-                      Un représentant lui a été assigné avant l'audience et il a eu droit de rencontrer un travailleur social la veille de l'audition;

-                      Les invraisemblances de son récit sont trop nombreuses et importantes pour en venir à la conclusion que la décision de la SPR est viciée du fait qu'il n'avait pas atteint l'âge de 18 ans.

Je ne crois pas, compte tenu des circonstances en l'espèce, qu'il y a lieu d'invalider la décision de la SPR. Cependant, j'insiste sur l'importance de respecter le paragraphe 167(2) LIPR et les Directives, comme cela a maintes fois été rappelé par cette Cour.

5.         Équité procédurale

[35]            Le demandeur a en outre prétendu qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale du fait qu'il s'attendait à ce que l'audition se poursuive après le 9 novembre 2004. Cet argument n'est pas fondé : le procès-verbal d'audience montre clairement que tous avaient compris qu'à la suite des plaidoiries orales de procureurs, l'audition avait pris fin. L'audition s'est terminée ainsi :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT D'AUDIENCE

- Nous allons vous retourner vos originaux, Mr. Singh, et ceci met fin au dossier numéro MA4-03295

[36]            De plus, le demandeur a allégué que le traducteur a fait une erreur à l'audience. En effet, une erreur a été constatée mais elle a vite été corrigée (voir p. 345 à 347 du dossier du tribunal) et l'Unité des interprètes de la SPR conclut que la correction a dûment été effectuée (p. 39 du dossier du tribunal). En raison des vérifications, la prise de décision a été suspendue dans l'intervalle (comme le confirme la lettre envoyée au procureur du demandeur en date du 6 juillet 2005, p. 29 du dossier du tribunal) et ce n'est qu'en raison d'une erreur administrative qu'une nouvelle audience a été inscrite au calendrier. La vérification faite, aucun élément n'a été ajouté à la preuve, et l'Unité des interprètes a donné une interprétation conforme aux paroles que le demandeur disait avoir prononcées à l'audience. La vérification faite lors du délibéré n'a rien ajouté à la preuve mais a simplement confirmé un certain aspect de celle-ci. Autrement dit, l'interprète a admis son erreur tout de suite après l'avoir commise et la vérification a confirmé l'interprétation la plus favorable au demandeur et l'interprétation finale retenue n'a pas été reprochée au demandeur dans la décision. Le demandeur n'en a donc subi aucun préjudice et je ne vois pas en quoi il y aurait eu manquement à l'équité procédurale. Donc, il n'y avait aucune raison pour la SPR de communiquer les résultats de la vérification. Ceux-ci n'ajoutaient rien de nouveau à la preuve.

[37]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[38]            Les parties furent invitées à poser des questions pour fins de certification et le demandeur a demandé la certification de la question suivante :

-               Lors du délibéré, lorsque le tribunal juge utile de faire efectuer une vérification ou requiert une expertise en dehors du cadre de l'audience sur un point qui a été soulevé par une des parties lors de l'audience, les règles de justice naturelle exigent-elles que les parties en soient informées et le cas échéant, le tribunal doit-il s'assurer que les parties puissent prendre connaissance du résultat de cette vérification ou expertise et y réponde avant que la décision finale ne soit rendue?

[39]            Le défendeur s'est objecté à la demande de certification de la question.

[40]            Pour déterminer si une question doit être certifiée, il faut recourir aux critères établis dans Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] A.C.F. No. 1637, au para. 4. La question doit transcender les intérêts des parties au litige, avoir une portée générale et être déterminante quant à l'issue de l'appel.

[41]            En l'espèce, et compte tenu de ce qui précède, je ne crois pas que cette question serait déterminante pour l'issue de l'appel. La crédibilité du demandeur est sévèrement affectée et la vérification effectuée lors du délibéré n'a rien ajouté à la preuve mais a seulement confirmé ce qui avait été dit à l'audience. La question ne sera donc pas certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

-           La demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question n'est certifiée.

« Simon Noël »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4052-05

INTITULÉ :                                        BALJIT SINGH c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L'AUDIENCE :                25-JAN-2006

MOTIFS :                                          L'Honorable Juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                       le 6 février 2006

COMPARUTIONS:

Me Michel Le Brun

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

Me Annie Van der Meerschen

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

6981 Marie-Guyart

Lasalle, Montréal (Québec) H8N 3G9

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

Ministère fédéral de la Justice

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque Ouest

Tour Est, 5e étage

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.