Dossier : IMM-12678-23
Référence : 2024 CF 1431
Montréal (Québec), le 11 septembre 2024
En présence de l'honorable monsieur le juge Lafrenière
ENTRE :
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GULVINDER SINGH MANDEEP KAUR |
partie demanderesse |
et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION |
partie défenderesse |
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de rejeter la demande d’asile des demandeurs, tous deux ayant conclu au manque de crédibilité du récit des demandeurs.
[2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAR repose sur une analyse cohérente et rationnelle et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir.
[3] Les faits suivants ne sont pas contestés.
[4] Les demandeurs sont des citoyens de l’Inde. Lors d’une entrevue avec l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] à leur arrivée au Canada le 25 juillet 2019, les demandeurs ont relaté qu’ils craignaient de retourner en Inde à cause d’un différend foncier avec leur oncle qui perdurait depuis plusieurs années.
[5] Toutefois, dans leur formulaire de fondement de demande d’asile [FDA] rédigé le 18 août 2019, notamment avec l’aide d’un avocat, les demandeurs ont présenté un récit complètement différent, prétendant que leurs vies étaient menacées par la police de l’État de Haryana qui les aurait faussement accusés d’entretenir des liens avec des bandes criminelles.
[6] Lors d’une deuxième entrevue avec l’ASFC le 26 août 2019, les demandeurs ont répété les mêmes craintes à l’égard de leur oncle. Lors de l’audience devant la SPR, les demandeurs ont reconnu qu’il s’agissait d’une histoire inventée de toutes pièces. Ils ont témoigné qu’ils ont maintenu cette version de peur d’être renvoyés en Inde s’ils disaient la vérité au sujet de leur crainte de la police de Haryana.
[7] La SAR a effectué sa propre analyse indépendante de la preuve documentaire au dossier de la SPR et s’est dite d’accord avec la SPR qu’il y avait suffisamment d’éléments au dossier pour conclure que la présomption de véracité du témoignage des demandeurs était réfutée par des incohérences dans la preuve, y compris le fait d’avoir invoqué une raison différente pour demander l’asile lorsqu’ils ont été rencontrés par l’ASFC.
[8] Les demandeurs ne contestent pas la conclusion de la SAR selon laquelle leur témoignage concernant la personne qui serait à l’origine de tous leurs problèmes était incohérent, ni sa conclusion que les demandeurs ont fourni des réponses laborieuses aux questions posées à l’audience devant la SAR. Ils reprochent plutôt à la SAR une seule erreur, soit de ne pas avoir tenu compte de leur crainte d’être retournés en Inde lorsqu’elle a établi que le récit des demandeurs était terni par des incohérences majeures de la preuve. Je ne suis pas d’accord.
[9] La SAR devait tenir compte de l'explication fournie par les demandeurs pour offrir un récit profondément différent, et relater dans ses motifs les raisons pour lesquelles elle conclut que l'explication est insatisfaisante. Au vu du dossier dont elle disposait, il était loisible à la SAR de conclure qu’il n’était pas raisonnable que les demandeurs aient omis d’aborder leur crainte de la police de Haryana au moment de leur entrevue avec l’ASFC le 18 août 2019, soit huit jours à peine après avoir complété leur FDA dans lequel ils détaillaient justement cette crainte.
[10] Les motifs de la SAR montrent qu'elle a considéré l’ensemble de la preuve dans le cadre de son analyse et comme la SPR, elle n’a tout simplement pas jugé crédibles les explications fournies pour justifier les changements de version du récit. La SAR était justifiée d’entériner l’analyse minutieuse sur ce point aux paragraphes 16, 18 et 19 de la décision de la SPR, sans la répéter, et de motiver sa décision de manière sommaire.
[11] Conformément à la jurisprudence, la SPR et la SAR peuvent tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité lorsque les incohérences entre les déclarations faites par un demandeur d’asile à différentes étapes du processus d’immigration sont importantes et touchent au cœur du récit, ce qui était manifestement le cas en l’espèce (Kaiyaga c. Canada (M.C.I.), 2022 CF 541, para. 46; Gaprindashvili c. Canada (M.C.I.), 2019 CF 583, para 24). Les conclusions de la SAR sont raisonnables et les demandeurs n’ont démontré aucune erreur susceptible de révision.
[12] À mon avis, la décision de la SAR est transparente, intelligible et justifiée par les faits et par le droit applicable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[13] Le présent dossier ne soulève aucune question grave de portée générale qui mérite d’être certifiée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-12678-23
LA COUR STATUE que
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.
« Roger Lafreniere » |
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Juge |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-12678-23 |
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INTITULÉ :
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GULVINDER SINGH MANDEEP KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION |
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LIEU DE L’AUDIENCE : |
Montréal (Québec) |
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DATE DE L’AUDIENCE : |
LE 10 septembre 2024 |
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JUGEMENT ET MOTIFS : |
LE JUGE LAFRENIÈRE |
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DATE DES MOTIFS : |
LE 11 septembre 2024
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COMPARUTIONS :
Meryam Haddad |
Pour la partie demanderesse |
Guillaume Bigaouette |
Pour la défenderesse |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Haddad Legal Justice Inc. Montréal (Québec) |
Pour la partie demanderesse |
Procureure générale du Canada Montréal (Québec) |
Pour la défenderesse |