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     IMM-3363-96

Entre

     HING YING HO,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 26 août 1996 prise par un agent des visas du Commissariat du Canada à Hong Kong. Dans cette décision, l'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada

présentée par le requérant.

        

LES FAITS

         La demande de résidence permanente a été déposée dans la catégorie des investisseurs. Le 2 mai 1996, la requérante a eu une entrevue avec l'agente des visas Patricia Brown au bureau du Commissariat à Hong Kong. Un interprète y était présent. À la suite de l'entrevue, l'agente des visas a pris d'importantes notes. Il ressort de ces notes que l'agente des visas a sérieusement mis en doute la crédibilité de la requérante. Elle s'est demandé si la requérante dirigeait réellement l'entreprise ou si elle n'était qu'une représentante commerciale ayant le pouvoir de signature. Elle s'est également demandé si la requérante possédait les avoirs financiers nets par ses propres efforts.

         L'agente des visas a ajouté que la requérante à l'instance semblait être la [TRADUCTION] "femme no 2 (concubine)" d'un certain Li Wang Chun. La requérante semble avoir partagé deux appartements avec Li, avec la femme légale de ce dernier et avec les deux enfants qu'elle a eus avec Li. Ce dernier était propriétaire de la compagnie où la requérante travaillait. La requérante a donné des détails sur l'immeuble dont elle disait qu'il appartenait conjointement à elle-même et à Li. Toutefois, l'agente de visas a conclu que l'immeuble avait été acheté par Li et non par la requérante. L'agente des visas a fait remarquer en outre que le revenu déclaré de la requérante n'était pas étayé par son relevé d'actifs. En conséquence, l'agente des visas a demandé à la requérante de présenter une documentation justificative de sa demande. Elle s'est particulièrement renseignée sur la source de la fortune de la requérante, ainsi que sur les détails de ses fonctions au sein de la compagnie de Li. Une nouvelle documentation a été présentée comme on l'avait demandé. Le 31 mai 1996, dans une lettre adressée au Commissariat, l'avocat de la requérante a détaillé les antécédents financiers de la requérante. Il a été reconnu qu'elle avait reçu de Li une partie importante de sa fortune. Toutefois, la lettre disait également qu'environ deux millions de dollars de ses avoirs provenaient de ses propres initiatives et activités.

         Dans les notes du 26 août 1996 prises par l'agente des visas, elle a fait remarquer qu'à son avis, compte tenu de la documentation dont elle disposait, la requérante n'avait pas exploité, contrôlé ou dirigé une entreprise. En conséquence, il était inutile d'examiner davantage la question de l'avoir net personnel.

         Le 26 août 1996, l'agente de visas a envoyé à la requérante une lettre de refus dans laquelle elle a invoqué deux motifs pour le refus 1) la requérante n'avait pas démontré qu'elle avait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise; 2) elle n'avait pas démontré qu'elle avait accumulé un avoir net de cinq cent mille dollars par ses propres efforts. L'agente des visas a conclu : [TRADUCTION] "Vous n'avez pas présenté de documents pour prouver que vous êtes quelque chose autre qu'une employée dans cette entreprise."

         Le 20 septembre 1996, la requérante a déposé la présente demande de contrôle judiciaire.

LES POINTS LITIGIEUX

     1.      L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle dans son interprétation de la définition d'"investisseur" figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 ?
     2.      L'agente des visas a-t-elle commis des erreurs de fait susceptibles de contrôle?

ANALYSE

         Le paragraphe 2(1) du Règlement prévoit qu'un immigrant investisseur éventuel tel que la requérante doit convaincre l'agent des visas :

         a)      qu'il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;
         b)      qu'il a fait un placement minimal depuis la date de sa demande de visa d'immigrant à titre d'investisseur;
         c)      qu'il a accumulé par ses propres efforts un avoir net d'au moins 500 000 $.

         Dans ses motifs, l'agente des visas a conclu que la requérante n'avait pas rempli les conditions a) et c) supra. Elle a également dit que la requérante n'ayant pas satisfait à la condition a), il n'était pas nécessaire d'examiner ensuite la condition c). Cela étant, il est manifeste que le fondement du refus de l'agente des visas était l'omission de satisfaire à la condition a). L'agente des visas a conclu que la requérante n'avait pas exploité, contrôlé ou dirigé une entreprise.

         La requérante soutient que l'agente des visas a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et a mal interprété le règlement dans le passage suivant extrait de ses notes [TRADUCTION] "...discuté du budget et elle semblait bien informée. Mais cela ne signifie pas qu'elle exploite une entreprise. Elle n'a aucune action dans l'entreprise. Elle touche un salaire et des commissions."

         Je ne suis pas d'accord avec cet argument. À mon avis, la déclaration selon laquelle la requérante n'avait aucune action dans l'entreprise se rapportait directement à la question de savoir si la requérante contrôle l'entreprise. L'examen du niveau du poste de la requérante dans la compagnie est indubitablement un aspect approprié de l'enquête sur la question de savoir si la requérante exploite ou dirige une entreprise. La discussion du salaire avait trait à la crédibilité. Elle se rapportait également à l'exigence d'un avoir net personnel. Lorsqu'on interprète cette déclaration en contexte, je ne pense pas qu'elle équivaille à une entrave à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agente des visas.

         La requérante soutient en outre que l'agente des visas n'a pas évalué ses accomplissements dans la direction des ventes et de la commercialisation des produits de la compagnie en Chine. Le dossier n'étaye pas cet argument. L'agente des visas, après avoir résumé les éléments de preuve dans ce domaine, conclut que la requérante est une représentante commerciale et ne s'occupe pas de l'entreprise. Elle avait tout au plus un personnel de quatre personnes à diriger, mais celles-ci ne relevaient pas d'elle. À mon avis, l'agente des visas n'a pas eu tort de conclure que la requérante était une représentante commerciale en Chine ou pour la Chine, et qu'elle s'est accomplie de ses fonctions avec le soutien d'autres employés de la compagnie.

         La requérante invoque la décision Cheng1. Les faits de l'affaire Cheng se distinguent de ceux de l'espèce. Cheng avait travaillé pour l'un des plus grands fabricants de jouets à Hong Kong depuis 1982. Depuis 1992, il était totalement responsable de toutes les ventes dans la Chine continentale ainsi que dans la région de Hong Kong. Une représente commerciale n'a pas en soi les qualités nécessaires pour être admissible à la catégorie d'investisseurs.

         Il a été décidé dans l'affaire Chen2 que l'agent des visas était tenu d'examiner séparément si le requérant exploitait, contrôlait ou dirigeait une entreprise. En l'espèce, l'agente des visas a abordé la question de savoir si la requérante contrôlait une entreprise grâce à son droit de propriété. Cela explique pourquoi elle a demandé des documents pour confirmer que la requérante avait en fait exploité le bureau de Guangzhou de sa compagnie. Le dossier semble indiquer que l'agente des visas aurait pu très bien décider que la confirmation de ce fait aurait étayé la position de la requérante. Néanmoins, la documentation présentée ne confirmait pas les faits affirmés par la requérante.

CONCLUSION

         La totalité des éléments de preuve produits en l'espèce me donne l'impression que la requérante avait beaucoup de difficultés à séparer ses ressources financières de celles de son mari Li et à produire de la documentation pour étayer sa demande.

         À mon sens, l'agente des visas a donné à la requérante la possibilité équitable et raisonnable de faire des observations et des recommandations. En conséquence, je conclus que l'agente des visas n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle. Par ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

CERTIFICATION

         L'avocat de la requérante a proposé que la question grave de portée générale suivante, posée en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration, soit certifiée : [TRADUCTION] "L'agent des visas est-il tenu de permettre que l'examen des considérations humanitaires soit fait pour tous les requérants avant qu'une décision définitive ne soit prise?"

         L'avocat de l'intimé fait remarquer à juste titre que l'article 2.1 du Règlement sur l'immigration autorise et oblige le ministre à examiner l'existence de considérations humanitaires et lui permet de faire des exemptions dans les circonstances appropriées.

         Cela étant, la requête en certification fondée sur l'article 83 est rejetée.

                         (signé) "Darrel V. Heald"

                                 Juge suppléant

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 14 août 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :              HING YING HO

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                              ET DE L'IMMIGRATION

No DU GREFFE :                      IMM-3363-96

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 11 août 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT HEALD en date du 14 août 1997

ONT COMPARU :

Lawrence Wong                      pour la requérante

Esta Resnik                      pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates          pour la requérante

Vancouver (C.-B.)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

__________________

     1      Cheng c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 25 Imm.L.R. (2d) 162.

     2      Chen c. Canada (M.E.I.) (1993), 60 F.T.R. 73, 20 Imm.L.R. 290.

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