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Date : 20240927


Dossier : T-496-19

Référence : 2024 CF 1529

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2024

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

françois choquette

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Dans cette demande de contrôle judiciaire prise en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, le demandeur, M. François Choquette, s’en prend au Rapport final du Commissaire aux langues officielles [Rapport] par lequel celui-ci rejetait la plainte portée par M. Choquette.

[2] Essentiellement, M. Choquette s’en prend à la portée de l’enquête qui a été menée à la suite de sa plainte. Selon lui, l’enquête que le Commissaire aux langues officielles a tenue serait déraisonnable du fait que l’emphase aurait été mise sur l’article 41 de la Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4e suppl) [Loi ou LLO], au détriment d’une enquête qui se serait attachée aux responsabilités spécifiques du ministre du Patrimoine canadien en vertu de l’article 43 de la Loi. Parce que, dit le demandeur, le Commissaire ne se serait pas attaqué de façon significative aux questions soulevées, sa conclusion ne serait pas raisonnable.

[3] Il est nécessaire de noter d’entrée de jeu que cette demande de contrôle judiciaire est à être décidée sur la base de la Loi telle qu’elle était au temps où l’enquête eut lieu. C’est que la Loi a été modifiée considérablement depuis et la nouvelle mouture est entrée en vigueur le 20 juin 2023 (LC 2023, c 15). L’article 41 a été modifié par l’ajout de nombreux nouveaux paragraphes, alors que les paragraphes (2) et (3) ont fait l’objet d’ajustements. Un nouvel article 41.1 est ajouté. L’article 42 dans la forme où il était au moment de l’enquête menée par le Commissaire n’existe plus, étant remplacé par un article relatif à la conduite des affaires extérieures du Canada et la promotion du français dans les relations diplomatiques canadiennes. Un nouvel article 42.1 reconnaît le rôle joué par la Société Radio-Canada. L’article 43 est aussi modifié. Même si ce sont les paragraphes 41(1), 41(2) et 43(1) qui feront l’objet d’une attention particulière, je reproduis dès maintenant les articles 41 à 43 tels qu’ils étaient au temps opportun :

Engagement

Government policy

41 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

41 (1) The Government of Canada is committed to

(a) enhancing the vitality of the English and French linguistic minority communities in Canada and supporting and assisting their development; and

(b) fostering the full recognition and use of both English and French in Canadian society.

Obligations des institutions fédérales

Duty of federal institutions

(2) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement. Il demeure entendu que cette mise en œuvre se fait dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces.

(2) Every federal institution has the duty to ensure that positive measures are taken for the implementation of the commitments under subsection (1). For greater certainty, this implementation shall be carried out while respecting the jurisdiction and powers of the provinces.

Règlements

Regulations

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement visant les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes, la bibliothèque du Parlement, le bureau du conseiller sénatorial en éthique, le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le Service de protection parlementaire ou le bureau du directeur parlementaire du budget, fixer les modalités d’exécution des obligations que la présente partie leur impose.

(3) The Governor in Council may make regulations in respect of federal institutions, other than the Senate, House of Commons, Library of Parliament, office of the Senate Ethics Officer, office of the Conflict of Interest and Ethics Commissioner, Parliamentary Protective Service or office of the Parliamentary Budget Officer, prescribing the manner in which any duties of those institutions under this Part are to be carried out.

Coordination

Coordination

42 Le ministre du Patrimoine canadien, en consultation avec les autres ministres fédéraux, suscite et encourage la coordination de la mise en œuvre par les institutions fédérales de cet engagement.

42 The Minister of Canadian Heritage, in consultation with other ministers of the Crown, shall encourage and promote a coordinated approach to the implementation by federal institutions of the commitments set out in section 41.

Mise en œuvre

Specific mandate of Minister of Canadian Heritage

43 (1) Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu’il estime indiquées pour favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure :

43 (1) The Minister of Canadian Heritage shall take such measures as that Minister considers appropriate to advance the equality of status and use of English and French in Canadian society and, without restricting the generality of the foregoing, may take measures to

a) de nature à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement;

(a) enhance the vitality of the English and French linguistic minority communities in Canada and support and assist their development;

b) pour encourager et appuyer l’apprentissage du français et de l’anglais;

(b) encourage and support the learning of English and French in Canada;

c) pour encourager le public à mieux accepter et apprécier le français et l’anglais;

(c) foster an acceptance and appreciation of both English and French by members of the public;

d) pour encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones, et notamment à leur offrir des services provinciaux et municipaux en français et en anglais et à leur permettre de recevoir leur instruction dans leur propre langue;

(d) encourage and assist provincial governments to support the development of English and French linguistic minority communities generally and, in particular, to offer provincial and municipal services in both English and French and to provide opportunities for members of English or French linguistic minority communities to be educated in their own language;

e) pour encourager et aider ces gouvernements à donner à tous la possibilité d’apprendre le français et l’anglais;

(e) encourage and assist provincial governments to provide opportunities for everyone in Canada to learn both English and French;

f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l’usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins;

(f) encourage and cooperate with the business community, labour organizations, voluntary organizations and other organizations or institutions to provide services in both English and French and to foster the recognition and use of those languages;

g) pour encourager et aider les organisations, associations ou autres organismes à refléter et promouvoir, au Canada et à l’étranger, le caractère bilingue du Canada;

(g) encourage and assist organizations and institutions to project the bilingual character of Canada in their activities in Canada or elsewhere; and

h) sous réserve de l’aval du gouverneur en conseil, pour conclure avec des gouvernements étrangers des accords ou arrangements reconnaissant et renforçant l’identité bilingue du Canada.

(h) with the approval of the Governor in Council, enter into agreements or arrangements that recognize and advance the bilingual character of Canada with the governments of foreign states.

Consultation

Public consultation

(2) Il prend les mesures qu’il juge aptes à assurer la consultation publique sur l’élaboration des principes d’application et la révision des programmes favorisant la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

(2) The Minister of Canadian Heritage shall take such measures as that Minister considers appropriate to ensure public consultation in the development of policies and review of programs relating to the advancement and the equality of status and use of English and French in Canadian society.

I. Les faits

[4] Les faits qui ont donné lieu à la plainte auprès du Commissaire aux langues officielles se présentent ainsi.

[5] M. Choquette prétend à une contravention à la Loi en lien avec une « entente » étant intervenue dit-il entre le ministre du Patrimoine canadien et la firme Netflix. La Loi prévoit des obligations faites au gouvernement (art 41), mais aussi plus spécifiquement au ministre du Patrimoine canadien (art 43), au sujet de la promotion des langues officielles. Ces obligations auraient été violées dans ce qui était en fait un accord d’investissement de Netflix convenu dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada, SRC 1985, c 28 (1e suppl).

[6] C’est le 28 septembre 2017 qu’était annoncée une « entente » selon laquelle Netflix allait investir 500 millions de dollars pour des productions originales au Canada au cours des cinq années suivantes. De plus, Netflix devait investir 25 millions de dollars afin d’appuyer le contenu français sur la plateforme Netflix grâce à une stratégie de développement du marché au Canada. Cette annonce semble avoir été faite parallèlement au déploiement de la stratégie du gouvernement fédéral relative aux industries culturelles et créatives dans un monde numérique.

[7] Le lendemain de l’annonce de l’accord d’investissement de Netflix, la ministre du Patrimoine canadien, lors d’une entrevue radiophonique, déclare que « non seulement on a 500 millions de plus dans notre écosystème pour nos producteurs, mais aussi on a une stratégie de développement de 25 millions pour le marché québécois ». La somme de 500 millions de dollars ne prévoirait pas de seuil d’investissement pour des productions francophones. Cette vue de l’investissement est confirmée dans une lettre d’opinion, publiée le 30 septembre 2017 dans La Presse, sous la signature de la ministre (dossier du demandeur, onglet 3B).

[8] La plainte de M. Choquette n’a pas tardé. Celui-ci était alors un député au Parlement. Je la reproduis ci-contre telle qu’elle apparaît au dossier. Elle porte la date du 2 novembre 2017 et elle me semble sans équivoque :

Comme le dit lui-même le demandeur dans son mémoire des faits et du droit, sa plainte reproche essentiellement que Patrimoine canadien n’a pas « considéré les communautés de langues officielle en situation minoritaire dans l’entente Netflix » (para 13).

[9] S’ensuit l’enquête du Commissaire. Un enquêteur communique avec une fonctionnaire à Patrimoine canadien les 7 et 29 décembre 2017. Il pose des questions sur l’« entente » Netflix et rappelle que le paragraphe 41(2) de la Loi impose l’obligation aux institutions fédérales de prendre des mesures positives pour mettre en œuvre l’engagement pris en vertu du paragraphe 41(1). De plus, Patrimoine canadien se voit imposer une obligation particulière à lui à l’article 43 de la Loi. L’enquêteur s’enquérait de l’existence d’analyse faite par Patrimoine canadien de « mesures positives » pour favoriser la progression des langues officielles, ainsi que des « mesure positives » prises dans le cadre de l’« entente » Netflix.

[10] Les réponses aux questions fournies le 8 février 2018 n’ont pas l’heur de satisfaire les enquêteurs du Commissaire. D’une part, la Loi sur Investissement Canada, qui était en cause pour l’investissement proposé par Netflix, limitait la divulgation d’information; d’autre part, on se plaignait que les réponses reçues ne contenaient pas l’information utile à la prise en compte de la partie VII (où se trouvaient les articles 41 à 43) de la Loi.

[11] En mars 2018, les enquêteurs continuent de se plaindre de l’insuffisance de l’information. Des renseignements supplémentaires ne satisfont toujours par les enquêteurs, leur permettant alors de se prononcer sur le bien-fondé de la plainte. Malgré l’envoi par Patrimoine canadien d’autres documents en mai 2018, l’enquêteur principal se déclare satisfait que les plaintes sont fondées le 15 mai 2018. Il prépare son rapport préliminaire.

[12] Ce premier jet du rapport n’a pas été retrouvé, mais il semble bien que l’enquêteur concluait que les plaintes étaient fondées; il y serait fait mention de l’article 43 de la Loi puisque ses supérieurs lui demandent de retirer toute référence à cet article. Voici deux passages rapportés par le demandeur aux paragraphes 24 et 25 de son mémoire. Ils sont tirés d’un échange entre deux fonctionnaires qui semblent commenter au sujet du premier jet du rapport préparé par l’enquêteur principal. Comme on le voit, le second passage répond au premier. Les deux passages marquent l’accord des interlocuteurs :

Remove all reference to 43 – I don’t think our arguments are strong enough for including this and in general, I don’t think we need it. They have obligations under 41 for their programs just like any other fed institution and this is our strongest argument.

on [n’]a pas enquêté sur 43.1 [sic], il me semble. Je ne sais pas pourquoi il a voulu en tenir compte. Je l’avais d’ailleurs noté à la page 1 du rapport également. […] C’est une enquête qui, comme tu le dis, porte sur les obligations 41 et 42 de [Patrimoine canadien].

[13] La seconde version du rapport préliminaire concluait toujours que les plaintes étaient fondées, mais aucune mention de l’article 43 n’apparaissait. Il est daté du 22 mai 2018. Le 23 mai, mon collègue le juge Gascon rendait sa décision dans la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530, [2019] 1 RCF 243 [Fédération des francophones de la Colombie-Britannique]. Cela faisait dire à la Commissaire adjointe aux langues officielles qu’il fallait discuter si l’ébauche était toujours valable.

[14] Des questions supplémentaires ont ainsi été envoyés par les enquêteurs de la Commission à Patrimoine canadien. Elles étaient intéressées par les « mesures positives » qui sont prises de manière générale. La partie pertinente du courriel envoyé par l’enquêteur le 31 juillet se lit comme il suit :

Vous mentionnez dans vos réponses précédentes que [Patrimoine canadien] prend plusieurs mesures positives (de manière générale) au profit de l’épanouissement et du développement des [communautés de langue officielle en situation minoritaire], et afin de promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne (en conformité avec l’article 41 de la partie VII de la [LLO]).

a. Svp fournissez des exemples récents et précis de mesures positives adoptées par [Patrimoine canadien] au profit de l’épanouissement et du développement des [communautés de langue officielle en situation minoritaire] au Canada (avec preuves et documentation à l’appui, le cas échéant).

b. Svp fournissez des exemples récents et précis de mesures positives adoptées par [Patrimoine canadien] dans le but de promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne (avec preuves et documentation à l’appui, le cas échéant).

[15] Un rapport préliminaire d’enquête était soumis au demandeur le 3 octobre 2018 : les plaintes concernant l’entente Netflix ne sont pas fondées. Des « mesures positives » ont été prises par Patrimoine canadien pour favoriser le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire pour promouvoir le statut de français et de l’anglais. L’engagement pris selon ce qui est prévu à l’article 41 requiert que des « mesures positives » soient prises, mais celles-ci « n’ont pas à être liées à un programme, une décision ou un accord en particulier de l’institution fédérale ». Or, Patrimoine canadien a pris des mesures positives, respectant en cela l’engagement inscrit à la partie VII de la Loi. Le rapport préliminaire a été envoyé au demandeur pour commentaires.

[16] Celui-ci critiquait le 19 octobre 2018 ce rapport préliminaire. Se réclamant d’un avis juridique reçu, M. Choquette soumettait d’autres commentaires le 23 novembre 2018 : les conclusions du Commissaire étaient déraisonnables puisque, disait-il, « le rapport traite de façon incomplète la plainte en vertu de la partie VII de la LLO ». C’est que ce rapport préliminaire ne traite pas de l’article 43 qui, selon lui, imposerait des obligations précises et contraignantes à Patrimoine canadien. Celles-ci sont différentes de celles dont parle l’article 41, argue le demandeur.

[17] Une rencontre avec des fonctionnaires du Commissariat aux langues officielles [Commissariat] tenue le 13 décembre ne produisait pas les résultats escomptés par le demandeur. Les fonctionnaires ont confirmé que les arguments soulevés ne modifiaient pas la conclusion à laquelle le rapport préliminaire était arrivé.

[18] Le Rapport, celui qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire, est venu le 21 février 2019. Des mesures positives ayant été prises par Patrimoine canadien, la plainte de M. Choquette devait être rejetée.

II. La décision sous contrôle judiciaire

[19] La décision indique que l’enquête a tenu compte de la partie VII et de l’esprit de la Loi. Elle réfère spécifiquement aux paragraphes 41(1) et (2) et à l’alinéa 43(1)f) comme faisant partie du cadre juridique s’appliquant en l’espèce. Le but de l’enquête était bien de déterminer si Patrimoine canadien avait respecté ses obligations en vertu de la partie VII de la Loi.

[20] La décision, qui compte 17 pages, situe la problématique que pose les services de diffusion vidéo continue en ligne qui « transforment fondamentalement les habitudes télévisuelles des Canadiens » (décision, para 5.1.1). Le fait que la vaste majorité du contenu offert soit en anglais est vu comme un obstacle à l’épanouissement et à la survie de la culture francophone au pays. On juge donc essentiel que ces plateformes offrent davantage de contenu en français. Mais ces plateformes entraînent aussi des risques pour la culture canadienne en son entier dans l’environnement numérique.

[21] Le Rapport situe l’investissement Netflix face à cette problématique :

Dans le contexte du lancement de Canada créatif, le 28 septembre 2017, la ministre Joly a annoncé la signature d’un investissement avec Netflix dans le cadre duquel la société créera Netflix Canada, sa première maison de production à l’extérieur des États-Unis, et investira au moins 500 millions de dollars dans des productions originales canadiennes au cours des cinq prochaines années. Conclue [sic] en vertu de la Loi sur Investissement Canada, l’investissement prévoit un autre investissement de 25 millions de dollars dans le contenu francophone, investissement qui repose sur une stratégie de développement des marchés pour le Canada. Plus précisément, comme l’a confirmé Netflix, cette somme supplémentaire vise à appuyer différents événements et organismes culturels qui encouragent divers nouveaux talents canadiens, y compris des femmes, des francophones et des Autochtones.

Dans certaines des premières allocutions publiques de la ministre au sujet de l’investissement de Netflix, elle a indiqué que la somme de 25 millions de dollars sera consacrée au contenu culturel québécois. Dans d’autres allocutions, la ministre n’a pas fait mention de cette somme et a affirmé que l’objectif consistera à garantir que Netflix respecte son engagement d’investir 500 millions de dollars dans des productions canadiennes. La directrice de la politique publique mondiale chez Netflix, Corie Wright, a fait mention de la somme de 25 millions de dollars dans une déclaration publique et a affirmé que ce montant servira à « garantir que Netflix Canada noue des relations avec des communautés de production canadiennes dynamiques, y compris la communauté francophone au Québec » [traduction libre]. Enfin, le 2 novembre 2017, lors d’une comparution devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, Mme Guylaine. Roy, sous-ministre déléguée de PCH [Patrimoine canadien] et directrice des investissements sous le régime de la Loi sur Investissement Canada, a affirmé que « le montant de 25 millions de dollars vise à reconnaître les efforts qui vont être déployés quant aux marchés francophones. Nous souhaitons faciliter les relations entre les producteurs francophones du Québec et ceux de l’extérieur du Québec, ainsi que favoriser les échanges avec Netflix et donner aux producteurs l’occasion de faire ce qu’on appelle des pitch days, ou journées de présentation, ce qui leur permet d’avoir un contact plus direct. C’est une reconnaissance que, au-delà des 500 millions de dollars, un effort spécifique a été fait pour tenir compte des marchés francophones. Nous avons soulevé ce point auprès de Netflix, soit qu’il y a deux marchés au Canada ».

(décision, para 5.1.2, p 5).

[22] Le Rapport situe la plainte qui a fait l’objet d’une enquête comme visant Patrimoine canadien. On reprochait l’incohérence du propos au sujet de l’investissement par Netflix de 25 millions de dollars. Alors même que la Loi fait une « obligation consistant à favoriser la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société » (décision, para 5.2), cette égalité devrait être reflétée dans l’investissement Netflix. On allègue que cela aurait requis une somme bien supérieure aux 25 millions annoncés.

[23] Le Commissaire reconnaît aussi que la plainte allègue une absence de clauses linguistiques car il sera difficile de faire respecter le contenu français sans celles-ci. Cette absence de clause ciblant les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans l’« entente » Netflix ferait en sorte que Patrimoine canadien contreviendrait à la partie VII de la Loi.

[24] Patrimoine canadien rétorque que des mesures positives ont été prises pour satisfaire à ses obligations en vertu de la partie VII. De fait, la décision décline de nombreuses initiatives dont se réclame Patrimoine canadien. On y cite le Plan d’action pour les langues officielle – 2019-2023 : Investir dans notre avenir, qui constitue une « plateforme horizontale de nouvelles initiatives mises en œuvre par sept institutions fédérales partenaires et coordonnées par PCH » (décision, para 5.3.1.). Plus de 346 millions de dollars ont été investis en 2017-2018 dans des programmes d’appui aux langues officielles, cherchant ainsi à appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire, voulant en cela promouvoir l’usage du français et de l’anglais au sein de la société canadienne.

[25] D’autres programmes cités sont le Fonds des médias du Canada, afin de suivre de près les dossiers liés à la production audiovisuelle, l’entente de collaboration pour le développement des arts et de la culture des communautés francophones en situation minoritaire au Canada. Outre Patrimoine canadien, les autres partenaires sont le Centre national des Arts, le Conseil des Arts du Canada, l’Office national du film du Canada, la Société Radio-Canada, Telefilm Canada et la Fédération culturelle canadienne-française. Le programme TV5 est une vitrine unique aux productions francophones sur le marché international.

[26] Le Commissaire passe ensuite à l’investissement Netflix. Ayant constaté l’existence des règles de confidentialité concernant l’investissement en vertu de la Loi sur Investissement Canada (le test appliqué est celui de la vraisemblance que l’investissement proposé constitue un avantage net au Canada), le Commissaire s’emploie à expliquer comment sont pris en compte les obligations de la partie VII de la Loi. On lit :

PCH a expliqué le processus de prise en compte des obligations prévues à la partie VII dans le contexte des propositions d’investissement majeur dans le secteur culturel canadien, comme celle de Netflix. La Direction de l’examen des investissements dans le secteur culturel (DEISC) applique la Loi sur Investissement Canada en ce qui concerne l’acquisition ou la création d’entreprises culturelles au Canada par des étrangers. Durant l’évaluation d’investissements prévus dans le secteur culturel canadien, la DEISC examine, entre autres, la compatibilité des investissements proposés avec les politiques culturelles nationales et les obligations en matière de langues officielles ainsi que les avantages des investissements pour les CLOSM [communautés de langue officielle en situation minoritaire]. S’il y a lieu, l’investisseur est informé de l’importance de garantir la disponibilité de contenu culturel dans les deux langues officielles et, par conséquent, il peut proposer, au besoin, des engagements ciblant les CLOSM pour démontrer le bénéfice net pour le Canada.

Par ailleurs, PCH a souligné qu’il est important de se rappeler que, lors de l’annonce de son investissement au Canada, Netflix s’est engagé à investir au moins 500 millions de dollars au cours des cinq prochaines années dans des productions originales canadiennes, lesquelles seront distribuées sur sa plateforme mondiale. Dans le cadre de cet investissement, Netflix continuera de collaborer avec des producteurs, des maisons de production, des diffuseurs, des créateurs et d’autres partenaires canadiens à la production de contenu canadien original en français et en anglais.

Selon PCH, Netflix s’est aussi engagé à soutenir le contenu canadien en français sur sa plateforme par l’intermédiaire d’une stratégie de développement des marchés pour la Canada. Ciblant un investissement de 25 millions de dollars, cette stratégie comprendra des journées de présentation destinées aux producteurs, des activités de recrutement et d’autres activités de promotion et de développement des marchés. PCH a mentionné que cet investissement doit être considéré comme une mesure positive qu’il avait adoptée dans le contexte de l’investissement de Netflix au Canada.

(décision, para 5.3.1, pp 8-9)

[27] Il est par ailleurs noté que non seulement les détails de l’entente restent confidentiels, mais aucun document n’a été rendu disponible pour prouver que les obligations de la partie VII de la Loi seront effectivement prises en compte. Ce n’est donc qu’au cas par cas que les fonctionnaires du Patrimoine canadien déterminent si les obligations juridiques dont l’investisseur est responsable sont remplies.

[28] Le Commissaire procède ensuite à déterminer si Patrimoine canadien a satisfait à ses obligations, et plus particulièrement, à « appuyer l’épanouissement et le développement des CLOSM ainsi qu’à promouvoir l’égalité de statut et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne » (décision, para 6.1).

[29] Notant qu’il s’agit d’une obligation de moyen de prendre des mesures positives sans nuire au développement et à l’épanouissement de ces communautés ou à l’usage des langues officielles au pays, le Commissaire conclut que des mesures positives ont été prises (para 41(2) de la Loi). Non seulement Patrimoine canadien a mis en preuve plusieurs mesures positives, mais aucune preuve claire et convaincante n’a été avancée d’incidences négatives précises découlant du fait que les communautés en situation minoritaire ne seraient pas spécifiquement visées par l’entente. Le Commissaire déclare :

Toutefois, les renseignements accessibles au public ne permettent pas de déterminer si Netflix estime que les 25 millions de dollars supplémentaires qu’il s’est engagé à investir dans le contenu francophone seront consacrés à du contenu québécois uniquement ou aussi à du contenu des CLOSM. Aucune disposition de la partie VII de la Loi n’exige que cette somme supplémentaire cible également les CLOSM; néanmoins, l’enquête a révélé que l’information à ce sujet était incohérente. On ignore dans quelle mesure Netflix a été informé des besoins propres aux communautés francophones hors Québec, et PCH n’a fourni aucun renseignement pour clarifier ces éléments durant l’enquête, même s’il a été prié de le faire. Dans sa réponse, l’institution a affirmé que s’il y a lieu, un investisseur est informé de l’importance de garantir la disponibilité de contenu culturel dans les deux langues officielles et, par conséquent, il peut proposer des engagements relatifs aux CLOSM. Cependant, on ignore si PCH a explicitement avisé Netflix des besoins et des intérêts des CLOSM à l’extérieur du Québec. Bien que ce manque de clarté concernant les éléments de la proposition de Netflix ne constitue pas une violation de la partie VII de la Loi, étant donné qu’il n’y a aucune preuve évidente d’incidence négative sur les CLOSM, PCH est encouragé à tenir compte des besoins de ces dernières et à donner des précisions au public concernant l’engagement de 25 millions de dollars compris dans la proposition d’investissement de Netflix (p. ex., les bénéficiaires).

(décision, para 6.2, pp 11-12)

De plus, le Commissaire encourage l’adoption d’une pratique exemplaire permettant de mieux cerner les incidences négatives potentielles de propositions d’investissement dans le secteur culturel et sur le statut du français et de l’anglais dans la société canadienne.

[30] La décision discute aussi des commentaires faits par M. Choquette au sujet de l’enquête menée. Il s’est plaint que les détails de l’investissement Netflix n’ont pas été obtenus. Quant à l’interprétation à donner à la partie VII de la Loi, le plaignant plaidait pour une interprétation large et libérale de la partie VII. Cela ferait en sorte que le critère de « preuve claire et convaincante » soit inapproprié; dans la même veine, l’interprétation des « mesures positives » comme étant suffisantes est trop généreuse. Cela libère pratiquement les institutions fédérales de leurs obligations, rendant la partie VII inefficace.

[31] M. Choquette se plaignait aussi que le Commissaire n’avait pas mené son enquête en tenant compte de l’article 43 de la Loi qui traite spécifiquement des obligations de Patrimoine canadien. Selon le demandeur les obligations à l’article 43 sont plus importantes que celles de l’article 41. Ce serait le cas de l’alinéa 43(1)f) qui requiert que le Ministre doive prendre les mesures estimées indiqués « pour encourager les entreprises […] à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l’usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins ». Il arguait aussi que la Loi sur Investissement Canada ne requiert pas que l’« entente » Netflix ne soit pas divulguée.

[32] Le Commissaire rejette ces observations. Est particulièrement pertinent à notre affaire la réponse relative à l’application de l’article 43. Ainsi, il déclare que l’enquête menée tenait compte de la partie VII en entier, y compris bien sûr l’article 43. D’ailleurs, il cite au texte l’alinéa 43(1)f) de la Loi. Le cadre juridique dans lequel il opérait réfère spécifiquement au paragraphe 43(1), au paragraphe 2 de la décision.

[33] Les mesures positives « n’ont pas à être ciblées pour un programme, un processus décisionnel ou une initiative en particulier d’une institution fédérale, ou encore pour une situation factuelle précise qui fait l’objet d’une plainte auprès du Commissariat » (décision, para 7.3). Dit autrement, chaque initiative n’a pas à être mesurée individuellement car les institutions fédérales ont l’obligation générale d’agir de manière à prendre des mesures positives. Or, Patrimoine canadien a satisfait le Commissaire que plusieurs mesures positives ont été adoptées par le Commissaire. L’obligation de ne pas nuire n’a pas été enfreinte puisque la preuve n’a pas établi qu’un préjudice a été causé aux « communautés » en situation minoritaire. Par conséquent, le Commissaire conclut que son « enquête n’a pas permis de prouver que l’accord d’investissement conclu avec Netflix avait porté atteinte aux CLOSM ou au statut des deux langues officielles » (décision, para 8). La proposition d’investissement n’a pas été prouvée comme portant atteinte aux engagements énoncés à l’article 41 de la Loi. Des incidences négatives peuvent se manifester plus tard à l’égard de l’investissement Netflix. On croit comprendre qu’une nouvelle plainte pourrait alors être déposée.

[34] Néanmoins, le Commissaire exprime des préoccupations relativement aux services de diffusion continue en ligne. Il fait la proposition suivante au paragraphe 8 de la décision :

Par conséquent, j’encourage PCH à envisager de prendre des mesures positives à l’avenir afin de tenir compte des besoins et des intérêts des CLOSM relativement aux difficultés particulières auxquelles elles font face en ce qui concerne les services de diffusion continue en ligne. La popularité grandissante de ces services pourrait avoir des incidences négatives sur les communautés francophones hors Québec, lesquelles doivent maintenant affronter la concurrence mondiale dans un marché où la langue par défaut est l’anglais la plupart du temps. Dans ce contexte, PCH, en tant qu’institution fédérale qui coordonne de nombreux programmes à l’appui des CLOSM, est bien placé pour analyser ces incidences sur les communautés et pour élaborer des mesures concrètes afin de favoriser leur développement et leur épanouissement.

III. Les arguments des parties

A. Le demandeur

[35] L’erreur ayant mené à une décision déraisonnable au sens de Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 RCS 653 [Vavilov] est alléguée être l’omission d’enquêter et de traiter de l’article 43 dans le Rapport du Commissaire.

[36] L’article 43 prévoit des obligations « supplémentaires » à l’égard du ministre du Patrimoine canadien. L’attention du demandeur est portée sur les alinéas 43(1)a) et f), qui sont parmi les mesures (la liste n’est pas exhaustive) à être prises par le ministre.

[37] Le demandeur voit une obligation différente entre ce qui est prévu à l’article 41 et celle se trouvant au paragraphe 43(1). Dans le cas de l’alinéa 41(2), l’institution fédérale veille à ce que des mesures positives soient prises pour mettre en l’œuvre l’engagement pris au paragraphe 41(1) alors que le paragraphe 43(1) parle plutôt de la prise de mesures.

[38] Le demandeur voit aussi un objectif différent entre les deux dispositions. Le paragraphe 41(1) parle en termes de « favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne ». Le paragraphe 43(1) est plutôt libellé comme la prise des mesures visant à « favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne ». M. Choquette y voit là une obligation plus contraignante au paragraphe 43(1) parce que des mesures additionnelles sont prescrites. Il note que l’alinéa 43(1)a) correspond à l’engagement général du paragraphe 41(1) mais que les autres alinéas, et tout particulièrement l’alinéa 41(1)f) (encourage les entreprises à fournir leurs services dans les deux langues officielles), sont plus contraignants. Il en résulte, plaide le demandeur, que d’ignorer ces obligations particulières rend la décision déraisonnable.

[39] Le demandeur argue derechef qu’il est manifeste que le Commissaire n’a pas enquêté de manière suffisante sa plainte en fonction de l’article 43. Il en prend à témoin un échange de courriels entre des fonctionnaires subalternes au sein du Commissariat qui révisaient le tout premier jet du rapport préliminaire préparé par l’enquêteur principal où, semble-t-il, il faisait des commentaires au sujet de l’article 43. Je dis « semble » parce que ce premier jet n’a pas été retrouvé. Ce qui a pu être mis de l’avant est un échange où une superviseure dit que la référence à l’article 43 n’est pas requise parce que ce sont les obligations sous l’article 41 qui constituent l’argument le plus puissant (« strongest argument »). Son correspondant disait qu’il s’agissait d’une enquête portant « sur les obligations 41 et 42 » (l’échange est reproduit au paragraphe 12 des présents motifs). Il convient de noter qu’au temps où cet échange de messages a eu lieu, l’opinion de l’enquêteur principal favorisait la conclusion que la plainte était fondée. Les choses ont évidemment évolué depuis puisque le Commissaire, après avoir considéré toute la preuve, incluant celle obtenue après la décision Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, a conclu que la plainte n’est pas fondée.

[40] Quelles que soient les obligations découlant de l’article 41, le demandeur soutient que le Commissaire devait considérer les obligations plus précises de l’article 43. Il n’est pas précis à cet égard. On ne sait trop quelle aurait pu être la différence. Ses arguments voulant qu’il faille une analyse distincte n’ont pas été acceptés. Aucun changement n’a été apporté au Rapport, outre que de déclarer que c’est l’ensemble de la partie VII de la Loi dont on a tenu compte, ce qui inclut évidemment l’article 43. Pour le demandeur, cela est faux (mémoire des faits et du droit, para 73).

[41] Quant à l’argument sur le caractère raisonnable de la décision, au sens du droit administratif, il se trouve au paragraphe 75 du mémoire du demandeur. Je le reproduis en entier parce que, à mon avis, il exagère la portée du paragraphe 128 de Vavilov duquel sont tirés les passages cités au texte. J’y reviendrai dans mon analyse :

[75] Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, la Cour suprême du Canada a déterminé qu’une décision est déraisonnable lorsqu’un décideur « n’[a] pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties » pouvant démontrer qu’il était « effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise ». Cette exigence est basée sur les principes de la justification et de la transparence. Il est donc essentiel qu’un décideur rédige des motifs avec soin et attention pour « assurer aux parties que leurs préoccupations ont été prises en considération » et « d’éviter que son raisonnable soit entaché de lacunes et d’autres failles involontaires ».

[42] En fin de compte, l’omission de traiter de manière distincte de l’article 43 constitue ce qui est déraisonnable. Il s’agissait là, paraît-il, de la « question clé formulée par le demandeur dans sa plainte ainsi que dans sa réponse au rapport préliminaire d’enquête » (mémoire des faits et du droit, para 76). Puisque, dit le demandeur, les articles 43 et 41 sont différents, le Commissaire n’a pas été effectivement attentif et sensible à la question soumise.

B. Le défendeur

[43] Pour le défendeur, la question de l’article 43 de la Loi n’a jamais été au cœur de la plainte formulée par M. Choquette. D’ailleurs, la Cour l’a reproduite au paragraphe 8 des présents motifs. On n’y trouve aucune référence à l’article 43. Elle portait, pour ce qui nous importe en notre espèce, sur la partie VII de la Loi. Le Commissaire en a traité lors de sa considération générale de la plainte. Ceci était conforme au libellé de la plainte, à la nature des obligations qu’on trouve à la plainte, à la nature des obligations qu’on trouve à la partie VII et à la discrétion du Commissaire dans la tenue de ses enquêtes.

[44] Netflix, en voulant constituer Netflix Canada, devait se soumettre au mécanisme d’examen lors des investissements importants faits par des non-Canadiens et en satisfaire les exigences, le tout en vertu de la Loi sur Investissement Canada. Les investissements étrangers dans le domaine culturel sont examinés par le ministre du Patrimoine canadien, alors que ceux dans les autres secteurs de l’économie le sont par le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Il ne s’agit pas d’une entente Patrimoine canadien/Netflix, mais bien d’une décision ministérielle prise en vertu de cette Loi sur Investissement Canada. Le défendeur insiste que ce qui était discuté était l’investissement de Netflix qui devait rencontrer les exigences de la Loi sur Investissement Canada. Ce n’était pas une entente entre Netflix et Patrimoine canadien.

[45] De toute manière, le défendeur met en exergue que l’enquête menée n’a pas ignoré l’article 43. Dès les 7 et 29 décembre 2017, le questionnaire envoyé à Patrimoine canadien par l’enquêteur du Commissariat comportait des questions liées à l’article 43, même alors qu’il n’était pas comme tel au cœur de la plainte. S’il a été convenu de retirer les références à l’article 43 après un premier jet du rapport préliminaire, c’est simplement que les arguments pour son application n’étaient pas suffisants. Qu’on se souvienne que ce premier jet concluait à une réponse positive à la plainte. Ce ne sera qu’après que des questions supplémentaires relativement aux mesures positives prises par Patrimoine canadien eurent été posées et répondues que le vent tournera au sein du Commissariat pour conclure que la plainte n’était pas fondée.

[46] Lorsque le demandeur se voit offert l’occasion de commenter le rapport préliminaire du Commissaire, il soulève en novembre 2018 que celui-ci ne traite pas de l’article 43. Mais le défendeur fait remarquer, à bon droit selon moi, qu’aucune explication n’est donnée par le demandeur comment les faits soulevés dans sa plainte pourraient révéler un manquement à l’article 43.

[47] Il n’est pas inutile de noter que le demandeur a indiqué à une rencontre avec la Commissaire adjointe qu’il ne tenait pas à poursuivre sa plainte sous la partie VI après qu’on lui eut expliqué pourquoi le rapport n’en parlait pas. De plus, le défendeur nous apprend que le demandeur, après s’être prévalu du recours permis en vertu de l’article 77 de la Loi concernant l’investissement Netflix, s’en est désisté trois ans plus tard, le 11 avril 2022. Cela a sa pertinence.

[48] Le défendeur cherche à établir le cadre juridique devant trouver application. Il rappelle que c’est le recours à la partie X de la Loi, et son article 77, qui permet l’adjudication des plaintes. Cela limite en soi la portée d’une demande de contrôle judiciaire qui sera ainsi limitée à l’enquête. Une intervention judiciaire dans ces circonstances ne sera appropriée que si l’enquête est procéduralement inéquitable ou, selon la décision Oleinik c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2011 CF 1266, « si le rapport comportait des omissions majeures, des conclusions déraisonnables ou non défendables, des erreurs d’interprétation du contexte factuel et juridique ou encore des commentaires démontrant un préjugé ou un parti-pris de la part de l’enquêteur, la Cour pourrait intervenir » (para 11). Cette jurisprudence est appliquée à cause de la proche parenté entre la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21, et la Loi.

[49] Le défendeur fait aussi remarquer que le Commissaire jouit d’une discrétion certaine puisqu’il peut interrompre une enquête qu’il estime inutile de poursuivre (para 58(3)). Il est aussi maître de son enquête comme expliqué dans Lavigne c Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 RCS 773 :

36 De plus, c’est le commissaire qui décide de la procédure à suivre lors des enquêtes, sous réserve des exigences suivantes : l’obligation de faire parvenir un avis de son intention d’enquêter (art. 59), l’obligation de veiller à ce que les enquêtes soient secrètes (par. 60(1)) et l’obligation de donner au particulier ou à l’institution fédérale concernée la possibilité de répondre aux critiques dont ils font l’objet (par. 60(2)). L’enquête doit également être menée promptement puisque le plaignant a le droit d’exercer un recours judiciaire six mois après le dépôt de la plainte (par. 77(3)). Le commissaire et toute personne agissant en son nom sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils ont connaissance dans l’exercice des attributions que leur confère la Loi sur les langues officielles (art. 72).

Cela donne une bonne indication que le législateur désirait conférer au Commissaire une bonne dose de déférence prétend le défendeur.

[50] Le seul reproche fait au Commissaire est, en fin de compte, qu’il a omis de faire enquête relativement à l’article 43 de la Loi. Or, le Commissaire en a tenu compte. C’était sur une contravention alléguée de la partie VII que l’enquête devait porter et le rapport d’enquête confirme qu’il a porté sur la partie VII : le Commissaire a tenu compte de l’article 43 comme il l’a déclaré au Rapport même. De fait, Patrimoine canadien a répondu aux questions posées sur l’article 43.

[51] Pour le défendeur, il faut considérer le libellé de la plainte, en quoi consistent les obligations créées par la partie VII et la discrétion du Commissaire dans la conduite de son enquête. La plainte portait sur la partie VII. Ce ne sera qu’en toute fin de parcours que le demandeur soulèvera clairement l’article 43 (lettre au Commissaire aux langues officielles du 23 novembre 2018). Il réagissait alors au rapport préliminaire. Ainsi, il était raisonnable de traiter de l’article 43 dans le cadre d’une enquête requise pour une allégation de violation de la partie VII de la Loi.

[52] De fait, l’article 43 ne crée pas d’obligation précise. Les alinéas a) à h) sont des exemples de types de mesures à être prises lorsque le ministre du Patrimoine canadien les estime indiquées par accomplir la mission de « favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne ». Ce ne sont que des exemples, dit le défendeur, parce que le législateur utilise le mot « notamment » juste avant de faire son énumération.

[53] Les articles 41 et 43 partagent des objectifs communs. L’engagement gouvernemental à l’article 41 est de « favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones », en « appuyer leur développement », et « à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais ». Qu’est est-il de l’article 43? Le ministre du Patrimoine canadien « favorise la progression vers l’égalité de statut et d’usage » des deux langues officielles, en prenant comme l’une des mesures avancées celles « de nature à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement » (al 43(1)a)). Ainsi, tant le paragraphe 41(1) que le paragraphe 43(1) traitent des mêmes objets et objectifs. Cela fait dire au défendeur qu’il était raisonnable au Commissaire de traiter le tout sous la rubrique « partie VII ».

[54] Finalement, le Commissaire jouit de pouvoirs d’enquête qui sont larges et discrétionnaires. Il pouvait mener son enquête sur la base de la partie VII. Cette façon de faire est informée par son interprétation de sa loi habilitante parce qu’il est responsable d’assurer la poursuite des objectifs de la Loi. L’approche choisie n’est pas procédurière en ce qu’une analyse distincte de l’article 43 n’est pas requise. Elle ne constitue aucunement une omission.

IV. Analyse

La demande de contrôle judicaire et le recours en vertu de l’article 77 de la Loi

[55] Si cette affaire arrive à la Cour fédérale plusieurs années après que la demande a été déposée, c’est que le demandeur avait choisi de mener deux demandes en parallèle : une demande de contrôle judiciaire et un recours entamé en vertu de l’article 77 de la Loi. La demande de contrôle judiciaire a été suspendue par ordonnance du 29 août 2019 pour permettre aux parties de procéder avec le recours judiciaire en vertu de l’article 77. Comme souligné par le défendeur, ce n’est qu’en avril 2022 que M. Choquette s’est désisté de ce dernier recours. Le dossier ne révèle pas pourquoi il en a été ainsi.

[56] Comme la juge responsable de l’instance dans le recours judiciaire (à ne pas confondre avec une demande de contrôle judiciaire) sous l’article 77, ce recours demande à la Cour de statuer sur le bien-fondé de la plainte. Ce n’est pas la même chose que de rechercher le contrôle judiciaire du rapport ou du processus d’enquête (Ordonnance du 4 avril 2022 dans le dossier T‑605-19).

[57] Cette différence était expliquée dans Agence canadienne de l'inspection des aliments c Forum des maires de la péninsule acadienne, 2004 CAF 263, [2004] 4 RCF 276 [Forum des maires de la péninsule acadienne]. De fait, la Cour d’appel fédérale dit bien que c’est une erreur que de référer à la procédure comme étant une demande de contrôle judiciaire (para 15). Le recours en vertu de l’article 77 s’apparente davantage à une action. Qui « cherche à vérifier le bien-fondé de la plainte » (para 17) entreprend un recours en vertu de l’article 77. L’attaque sur contrôle judiciaire porte sur le rapport fait. L’un a peu à voir avec l’autre.

[58] Du fait que le recours judiciaire s’apparente à une action permet d’entendre l’affaire de novo. Un demandeur n’est même pas limité à la preuve révélée par l’enquête du Commissaire. Le remède possible sous l’article 77 est aussi plus vaste puisqu’il sera celui que la Cour « estime convenable et juste eu égard aux circonstances » (para 77(4) de la Loi). La demande de contrôle judiciaire ne peut examiner le bien-fondé de la plainte. Il eut fallu en l’espèce que M. Choquette poursuive son recours judiciaire. Le demandeur aura choisi d’abandonner son recours sous l’article 77 un peu plus de deux mois après que la Cour d’appel fédérale (Canada (Commissaire aux langues officielles) c Canada (Emploi et Développement social), 2022 CAF 14 [Canada (Emploi et Développement social)]) eut infirmée la décision Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (précité). Pourtant, il semble bien que ce soit ce jugement qui avait donné lieu au complément d’enquête de la part du Commissaire où il a conclu que Patrimoine canadien avait adopté de nombreuses mesures positives à l’égard des communautés linguistiques en situation minoritaire. On ne peut revenir sur cet aspect dans la présente demande de contrôle judiciaire. La demande de contrôle judiciaire consiste en un examen en fonction du dossier tel qu’il existait au moment où la décision a été rendue. Celle-ci vise un autre volet que le mérite d’une plainte qui aurait pu faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 77 où l’évolution du droit depuis l’arrêt Canada (Emploi et Développement social) aurait pu être évoquée.

La demande de contrôle judiciaire

[59] M. Choquette est l’auteur de sa demande de contrôle judiciaire. Il n’utilisait pas alors les services d’un avocat. M. Choquette décrit sa plainte comme alléguant « que Patrimoine canadien (PCH) n’avait pas adopté dans l’entente Netflix, de mesures positives pour promouvoir la production francophone hors Québec, ignorant ainsi ses obligations concernant le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire ». Il s’agit essentiellement du même texte que celui présenté dans sa demande de recours en vertu de l’article 77, demande qui était déposée un peu plus de deux semaines après la demande de contrôle judiciaire (T-605-19).

[60] Quoi qu’il en soit, le demandeur, dans l’avis de demande qui est devant la Cour qui doit contenir l’énoncé complet et concis des motifs invoqués et de la réparation demandée, désire que l’enquête soit refaite après le retrait des conclusions auxquelles le Commissaire est arrivé. L’enquête devrait faire en sorte que « l’accord signé entre PCH et Netflix » soit rendu disponible au Commissaire. C’est peut-être sous le titre « Les motifs de la demande sont les suivants » qu’on retrouve la précision utile à la compréhension du recours. On lit :

c. Le Rapport traite de façon incomplète la plainte en vertu de la Partie VII et fait état d’une compréhension indûment étroite, et donc déraisonnable, de sa portée

a. Le Rapport ne traite pas de l’article 43 de la LLO, qui impose des obligations précises à PCH.

Aucune autre précision n’est offerte par le demandeur de ce qui justifierait une décision judiciaire qu’il y aurait en l’espèce une décision déraisonnable sans pour autant traiter du bien-fondé de la plainte, étant donné que cet aspect de l’affaire est examiné lors d’un recours en vertu de l’article 77.

La norme de contrôle

[61] Sur contrôle judiciaire, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, à moins de tomber sous l’une des exceptions reconnues par notre droit. Aucune d’entre elles n’a été suggérée. La portée de la règle a été explicitée au paragraphe 25 de Vavilov :

[25] Depuis plusieurs années, la jurisprudence de notre Cour évolue vers une reconnaissance du fait que la norme de la décision raisonnable devrait être le point de départ du contrôle judiciaire d’une décision administrative. En effet, la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable est déjà une caractéristique bien établie de l’analyse relative à la norme de contrôle applicable dans les cas où le décideur administratif interprète sa loi constitutive : voir Alberta Teachers, par. 30; Saguenay, par. 46; Edmonton East, par. 22. À notre avis, il y a maintenant lieu d’affirmer que chaque fois qu’une cour examine une décision administrative, elle doit partir de la présomption que la norme de contrôle applicable à l’égard de tous les aspects de cette décision est celle de la décision raisonnable. Si cette présomption vise l’interprétation de sa loi habilitante par le décideur administratif, elle s’applique aussi de façon plus générale aux autres aspects de sa décision.

Les parties en notre espèce ne contestent aucunement que ce soit la norme de la décision raisonnable qu’il faille appliquer. La Cour partage cet avis.

[62] Quoique l’examen selon la norme de la décision raisonnable doive demeurer rigoureux, il n’en reste pas moins que le point de départ du contrôle judiciaire (contrairement au recours sous l’article 77 de la Loi) est le principe de la retenue judiciaire qui se manifeste par une attitude de respect à l’égard de la décision administrative (Vavilov, aux para 13-14). La Cour suprême invite les cours de révision à comprendre le raisonnement ayant mené à la décision prise. La décision, si elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle, et qu’elle est justifiée en fonction des contraintes juridiques et factuelles pertinentes, serait raisonnable et aura droit à la déférence de la part de la cour de révision (Vavilov, aux para 85 et 101). Les cours de révision ne doivent pas chercher à se substituer au décideur administratif et elles doivent « s’abstenir de trancher elles-mêmes la question en litige » (Vavilov, au para 83). La cour de révision ne procède pas à une analyse de novo pour donner la solution correcte à son avis. On le voit, le contrôle judiciaire constitue un recours bien différent de celui de l’article 77 de la Loi.

[63] Le fardeau est sur les épaules d’un demandeur de démontrer que la décision est déraisonnable (Vavilov, au para 100). Quelles sont les caractéristiques d’une décision raisonnable? Elles sont « la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au para 99). Il en découle évidemment qu’un demandeur doive convaincre la cour de révision de l’existence d’une lacune grave qui sera considérée en contexte. Le paragraphe 94 de Vavilov fournit ces paramètres :

[94] La cour de révision doit également interpréter les motifs du décideur en fonction de l’historique et du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus. Elle peut considérer, par exemple, la preuve dont disposait le décideur, les observations des parties, les politiques ou lignes directrices accessibles au public dont a tenu compte le décideur et les décisions antérieures de l’organisme administratif en question. Cela peut expliquer un aspect du raisonnement du décideur qui ne ressort pas à l’évidence des motifs eux‑mêmes; cela peut aussi révéler que ce qui semble être une lacune des motifs ne constitue pas en définitive un manque de justification, d’intelligibilité ou de transparence. Ainsi, les parties adverses ont pu faire des concessions pour éviter que le décideur n’ait à trancher une question. De même, un décideur a pu suivre une jurisprudence administrative bien établie sur une question qu’aucune partie n’a contestée au cours de l’instance. Ou encore, un décideur a pu adopter une interprétation énoncée dans une politique d’interprétation publiée par l’organisme administratif dont il fait partie.

Il s’agit donc là du fardeau dont un demandeur doit se décharger. À défaut de ce faire, le demandeur devra être débouté.

En quoi consistent les articles pertinents

[64] Il me semble utile de commenter brièvement sur les articles 41 à 43 de la Loi. Dans Canada (Emploi et Développement social), la décision qui a infirmé la décision dans Fédération des francophones de la Colombie-Britannique dans un recours en vertu de l’article 77 de la Loi, la Cour d’appel fédérale énonçait que la partie VII « traduit l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones au Canada et énonce l’obligation qu’ont les institutions fédérales de prendre des mesures positives à cette fin ».

[65] C’est le paragraphe 41(1) de la Loi qui établit cet engagement formel. Il est en trois parties :

  • favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques

  • appuyer le développement de ces minorités linguistiques

  • promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Comme le note la Cour d’appel dans son arrêt Canada (Emploi et Développement social) au paragraphe 128, ce seul paragraphe 41(1) avait été vu comme ne permettant pas de donner à la partie VII d’alors force exécutoire (citant Forum des maires de la péninsule acadienne, au para 44).

[66] Il s’agissait donc davantage d’un engagement formel sous forme d’aspiration que de la création de droits. On lit au paragraphe 46 de Forum des maires de la péninsule acadienne :

[46] Ma lecture de la Loi m'amène ainsi à la conclusion que l'article 41 est déclaratoire d'un engagement et qu'il ne crée pas de droit ou d'obligation susceptible en ce moment d'être sanctionné par les tribunaux, par quelque procédure que ce soit.

Ce qui est devenu le paragraphe 41(1) n’était en 2004 que l’article 41. Le législateur a amendé en 2005 l’article pour y ajouter les paragraphes 41(2) et (3). De plus, la partie VII est devenue une partie de la Loi au sujet de laquelle un recours en vertu de la partie X (article 77) est devenu possible. La partie VII était rendue justiciable.

[67] Avec ces amendements, « il incombe (« has the duty ») aux institutions fédérales », qui font l’objet d’une liste au paragraphe 2(1) de la Loi, « de veiller (« to ensure ») à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement ».

[68] L’article 42 de la Loi à être considéré en notre espèce existait avant l’amendement de 2005. Le ministre du Patrimoine canadien se voit conférer un rôle de coordination de la mise en œuvre de l’engagement formel. Il en suscite et encourage la coordination (« shall encourage and promote a coordinated approach to the implementation by federal institutions of the commitments set out in section 41 »). De fait, le ministre du Patrimoine canadien doit, en vertu de l’article 44 de la Loi, déposer à chaque année un rapport « sur les questions relevant de sa mission en matière de langues officielles ». On y aura vu un rôle prépondérant.

[69] Par ailleurs, Patrimoine canadien est un ministère fédéral comme les autres. Les ministères fédéraux font partie des « institutions fédérales » du paragraphe 3(1) de la Loi et Patrimoine canadien constitue un ministère au sens de l’article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F-11, comme le requiert la définition de « ministère » au paragraphe 3(1) de la Loi. Il ne fait donc aucun doute que la prise de mesures positives en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi pour mettre en œuvre l’engagement formel vise aussi Patrimoine canadien.

[70] C’est dire que le paragraphe 43(1) de la Loi s’inscrit dans le cadre de mesures positives à être prises par Patrimoine canadien. Les mesures que le ministre du Patrimoine canadien estime indiquées pour favoriser l’égalité de statut et d’usage des langues officielles au pays sont évidemment des mesures positives. Si elles ne l’étaient pas, elles ne viseraient pas à favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage des langues officielles du pays.

[71] Ces mesures positives tombent dans différentes catégories. Celle de l’alinéa 43(1)a) reprend mot à mot le texte de l’engagement formel pour ce qui est de favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques et appuyer le développement de celles-ci. Les autres alinéas du même paragraphe 43(1), sauf l’alinéa h) qui traite d’accords avec des gouvernements étrangers, parlent tous en termes d’encourager des activités ou des acteurs. Ainsi, des mesures positives pourraient être, si elles sont indiquées :

b) pour encourager et appuyer l’apprentissage du français et de l’anglais;

c) pour encourager le public à mieux accepter et apprécier le français et l’anglais;

d) et e) pour encourager et aider les gouvernements provinciaux en matière de langues officielles;

f) pour encourager et collaborer avec les entreprises, organisations patronales et syndicales, organismes bénévoles et autres pour qu’ils fournissent leurs services dans les deux langues officielles, et aussi à favoriser la reconnaissance et l’usage des deux langues officielles;

g) pour encourager et aider organisations, associations ou organismes à refléter et promouvoir le caractère bilingue du pays, au Canada et l’étranger.

[72] Le demandeur ne se plaignait pas directement dans sa plainte originale d’un accroc spécifique au paragraphe 43(1). Ce ne sera que dans son écrit du 23 novembre 2018 qu’il soulignera que le rapport préliminaire traite de façon incomplète de sa plainte (pp 8-9/13). Il prétend alors à des obligations plus contraignantes. Son argument, qui n’a pas été retenu par le Commissaire dans son Rapport, est que le paragraphe 43(1) est libellé en termes de « prend » (« shall take ») alors que l’alinéa 41(2) parle de « veiller » à ce que des mesures positives soient prises. Cela fait une différence.

[73] Avec égards, ce n’est pas convaincant. Le paragraphe 43(1) parle évidemment à l’indicatif présent pour signifier une obligation (Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21, art 11), mais l’obligation est modulée par le fait que le ministre du Patrimoine canadien doit prendre les mesures qu’il estime indiquées (« considers appropriate »), ce qui introduit un élément de discrétion pour ce qui est des mesures précises à être prises. Dit autrement, l’obligation reste mais les mesures sont laissées à une certaine discrétion du ministre : elle prend celle qu’elle estime indiquée. Le même type d’obligation se retrouve au paragraphe 41(2) puisque l’obligation ne s’arrête pas à « veiller », étant donné qu’il « incombe » aux institutions fédérales (« has the duty ») de veiller à la prise de mesures positives, c’est-à-dire, qu’il est imposé une obligation continue de veiller à la prise de mesures positives. Je n’ai trouvé nulle part d’indication que le paragraphe 41(2) cherchait à créer une faculté. Ce serait affaiblir sensiblement ce qui est requis des institutions fédérales face à l’engagement formel du paragraphe 41(1). De fait, la Cour d’appel dans Canada (Emploi et Développement social) adopte une interprétation qui lie cette Cour :

[140] Les mots « [i]l incombe », – « has the duty » dans le texte anglais – sont non équivoques. Ils obligent les institutions fédérales à agir pour atteindre l’objectif énoncé à l’alinéa 2b) et reproduit au paragraphe 41(1). L’allusion à « des mesures » laisse aux institutions fédérales le choix des mesures qui seront mises de l’avant, mais l’obligation de mettre des mesures de l’avant n’est pas amoindrie pour autant.

[141] Le mot « veiller » évoque une obligation qui est continue. L’obligation de prendre des mesures positives s’applique tant et aussi longtemps qu’une institution fédérale peut agir afin d’atteindre l’objectif envisagé.

[Souligné dans l’original]

J’ai peine à comprendre comment l’obligation continue du paragraphe 41(2) devrait être diminuée, comme le prétend en fin de compte le demandeur, au profit d’une obligation au paragraphe 43(1) qui serait plus contraignante; quoique présentée comme impérative comme c’est le cas du paragraphe 42(1), elle consiste aussi en la prise de mesures estimées indiquées. Dans sa tentative de créer une distinction significative entre les articles 41 et 43, le demandeur diminue le caractère obligatoire du paragraphe 41(2) en donnant au mot « veiller » un sens moins contraignant et en ignorant le devoir imposé qu’a la connotation du mot « incombe ». Comme l’arrêt de la Cour d’appel fédérale le déclare, loin d’amenuiser l’obligation, le mot « veiller » crée plutôt une obligation continue.

[74] Le demandeur voyait aussi un objectif différent entre les paragraphes 41(1) et 43(1). Il avançait que des mesures « pour favoriser la progression vers l’égalité du statut et d’usage » des langues officielles au paragraphe 43(1) est un objectif différent de l’engagement formel de « promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne » au paragraphe 41(1). Comparer un engagement aussi formel avec « l’objectif » du paragraphe 43(1) pour prétendre à un objectif différent au paragraphes 43(1) me semble périlleux. C’est que le paragraphe 43(1) constitue des types de mesures positives permettant de remplir l’engagement du paragraphe 41(1), tout comme d’ailleurs les moyens positifs du paragraphe 41(2).

[75] Dans un cas, on favorise une progression vers l’égalité alors que dans l’autre le législateur annonce l’engagement de la promotion de la pleine reconnaissance et usage (« full recognition and use ») des deux langues officielles, soit leur égalité. Il serait pour le moins étonnant que l’engagement formel soit en deçà de l’effort de mise en œuvre de l’engagement qu’on a prévu au paragraphe 43(1). La pleine reconnaissance et l’usage des langues officielles ne me semble être rien d’autre que l’égalité de statut et d’usage de celles-ci. S’il y a une distinction entre les paragraphes 41(1) et 43(1), c’est que l’un reconnaît l’engagement vers la pleine reconnaissance et l’usage des langues officielles alors que l’autre dit que le ministre du Patrimoine canadien doit favoriser la progression pour atteindre cet engagement. Il n’en reste pas moins que toutes les institutions fédérales sont tenues, en vertu du paragraphe 41(2), de mettre en œuvre par des mesures positives l’engagement du paragraphe 41(1) qui inclut la promotion de l’égalité de statut et d’usage des langues officielles, soit la pleine reconnaissance et l’usage de celles-ci. L’interprétation libérale et généreuse de la législation relative aux langues officielles nécessite un résultat comme celui-ci. La distinction que cherche à introduire le demandeur ne crée pas de différence entre les paragraphes. Ils sont cohérents et disent essentiellement la même chose.

[76] Finalement, le demandeur suggérait que les différents alinéas du paragraphe 43(1) incluent des prises de mesures positives qui ne seraient pas incluses dans l’engagement formel du paragraphe 41(1) pour lequel des mesures positives doivent être prises pour le mettre en œuvre en vertu du paragraphe 41(2). Une telle affirmation me semble aussi étonnante. En effet, les mesures indiquées dont parle le paragraphe 43(1) sont celles allant dans le sens de la progression vers l’égalité de statut et d’usage des langues officielles. Comme indiqué plus haut, cela s’inscrit pleinement dans l’engagement formel énoncé au paragraphe 41(1). Il n’est peut-être pas inutile de rappeler l’objet de la Loi :

Objet

Purpose

2 La présente loi a pour objet :

2 The purpose of this Act is to

a) d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l’égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l’administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en œuvre des objectifs de ces institutions;

(a) ensure respect for English and French as the official languages of Canada and ensure equality of status and equal rights and privileges as to their use in all federal institutions, in particular with respect to their use in parliamentary proceedings, in legislative and other instruments, in the administration of justice, in communicating with or providing services to the public and in carrying out the work of federal institutions;

b) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d’une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais;

(b) support the development of English and French linguistic minority communities and generally advance the equality of status and use of the English and French languages within Canadian society; and

c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.

(c) set out the powers, duties and functions of federal institutions with respect to the official languages of Canada.

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[77] La Loi, lorsque lue comme un tout comme il se doit, est bâtie en fonction de son objet qui se reflète dans l’engagement formel du paragraphe 41(1). Les institutions fédérales sont évidemment mises à contribution, comme l’est Patrimoine canadien. Lorsque le demandeur tente de démontrer sa proposition que l’obligation de Patrimoine canadien est « plus large », il réfère aux alinéas d), e) et f) du paragraphe 43(1) qui, semble-t-il, sont vus comme étant hors du champ du paragraphe 41(1), démontrant ainsi que le paragraphe 43(1) en prend plus large que l’engagement formel du paragraphe 41(1).

[78] Avec égards, je ne crois pas que ce soit le cas. L’engagement du gouvernement fédéral se veut vaste. Il englobe la progression vers l’égalité de statut et d’usage des langues officielles dans la société canadienne. C’est d’ailleurs pourquoi le législateur veut que les mesures jugées indiquées soient prises pour la progression vers l’égalité à son paragraphe 43(1). De tenter de suggérer que des références spécifiques aux gouvernements provinciaux et aux entreprises, organisations patronales et syndicales et à des organismes bénévoles aux alinéas 43(1)d), e) et f) comme s’ils étaient autrement exclus de ce que tente de réaliser la Loi n’est pas conforme au préambule même de la Loi qui y réfère pourtant spécifiquement :

Préambule

Attendu:

Preamble

que la Constitution dispose que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et qu’ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada;

WHEREAS the Constitution of Canada provides that English and French are the official languages of Canada and have equality of status and equal rights and privileges as to their use in all institutions of the Parliament and government of Canada;

[…]

qu’il s’est engagé à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne;

AND WHEREAS the Government of Canada is committed to enhancing the vitality and supporting the development of English and French linguistic minority communities, as an integral part of the two official language communities of Canada, and to fostering full recognition and use of English and French in Canadian society;

qu’il s’est engagé à collaborer avec les institutions et gouvernements provinciaux en vue d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones, d’offrir des services en français et en anglais, de respecter les garanties constitutionnelles sur les droits à l’instruction dans la langue de la minorité et de faciliter pour tous l’apprentissage du français et de l’anglais;

AND WHEREAS the Government of Canada is committed to cooperating with provincial governments and their institutions to support the development of English and French linguistic minority communities, to provide services in both English and French, to respect the constitutional guarantees of minority language educational rights and to enhance opportunities for all to learn both English and French;

qu’il s’est engagé à promouvoir le caractère bilingue de la région de la capitale nationale et à encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, ainsi que les organismes bénévoles canadiens à promouvoir la reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais;

AND WHEREAS the Government of Canada is committed to enhancing the bilingual character of the National Capital Region and to encouraging the business community, labour organizations and voluntary organizations in Canada to foster the recognition and use of English and French;

qu’il reconnaît l’importance, parallèlement à l’affirmation du statut des langues officielles et à l’élargissement de leur usage, de maintenir et de valoriser l’usage des autres langues,

AND WHEREAS the Government of Canada recognizes the importance of preserving and enhancing the use of languages other than English and French while strengthening the status and use of the official languages;

[…]

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

Le préambule reconnaît lui-même l’engagement du gouvernement quant aux gouvernements provinciaux et aux personnes morales. Ce n’est pas un engagement fait exclusivement à Patrimoine canadien.

[79] Le préambule fait partie de la loi; il « en constitue l’exposé des motifs » (Loi d’interprétation, art 13). À n’en pas douter, le rayonnement du bilinguisme est une partie intégrante de la Loi et il est l’affaire du gouvernement. Il faudrait bien plus, selon moi, pour convaincre que le rayonnement auprès des gouvernements provinciaux ou des personnes morales ne fait pas partie de l’engagement gouvernemental de « promouvoir le pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne » (para 41(1) in fine). Il faudrait à tout le moins expliquer comment on élimine le préambule de la Loi qui reconnaît spécifiquement cet engagement pour tout le gouvernement.

L’argument du demandeur selon lequel l’enquête aurait été incomplète

[80] Le Commissaire a disposé de l’argument voulant que son enquête était incomplète parce qu’il n’avait pas traité spécifiquement de l’article 43 en déclarant avoir « tenu compte de l’ensemble de la partie VII, y compris l’article 43 » (Rapport, p 14 de 17). Il stipule que pour clarifier avoir tenu compte de l’alinéa 43(1)f) de la Loi, « le paragraphe 43(1) a été ajouté à la partie « Cadre juridique » du présent Rapport d’enquête. Puisque l’enquête tenait déjà compte de l’article 43 de la partie VII, mes conclusions demeurent les mêmes » (Rapport, p 15 de 17). Effectivement, le Rapport définit le cadre juridique en référant aux paragraphes 41(1) et (2), ainsi qu’à l’alinéa 43(1)f). Le Commissaire déclare que son « enquête a aussi tenu compte d’articles pertinents de la Loi sur Investissement Canada concernant la communication de renseignements confidentiels et de preuves liées aux propositions d’investissement » (Rapport, p 2 de 17).

[81] Le Commissaire a conclu que la plainte relative à la partie VII de la Loi n’était pas fondée parce des mesures positives auraient été prises par le ministre du Patrimoine canadien afin de favoriser le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire ainsi que de promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. La validité des conclusions tirées par le Commissaire n’est pas devant cette Cour puisque M. Choquette a choisi de se désister de son recours judiciaire, en vertu de l’article 77. Ce recours aurait permis d’explorer le mérite du Rapport. Mais là n’est pas le propos d’une demande de contrôle judiciaire.

[82] Cela nous amène donc à la question de déterminer s’il y a omission d’enquêter au sujet de l’article 43. Pour réussir, le demandeur doit établir une omission qui soit déraisonnable au sens de Vavilov. À mon avis, le demandeur n’a pas réussi dans son entreprise.

[83] La plainte sur laquelle le Commissaire devait enquêter était rudimentaire. Le demandeur y déclarait que l’accord entre le gouvernement et Netflix ne considérait pas les communautés en minorité linguistique. Cela, disait-il, contrevient à la partie VII. Il revient ensuite sur des déclarations de la ministre du Patrimoine canadien d’alors au sujet d’une enveloppe qui serait consacrée au développement de « contenu francophone seulement québécois ». Ce serait la francophonie hors Québec qui aurait été oubliée.

[84] Mais la précision de ces allégations fait défaut. La Cour d’appel fédérale notait dans Canada (Emploi et Développement social) (précité) que l’article 58 de la Loi exige que la plainte fasse état du cas précis au soutien de la plainte. La Cour d’appel d’ajouter que « Les tribunaux habilités à entendre un recours découlant d’une plainte doivent pouvoir trancher le litige à la lumière de violations précises de la partie VII, puisque c’est le bien-fondé de la plainte qui fait l’objet du recours judiciaire prévu au paragraphe 77(1). Il est difficile de concevoir comment les tribunaux pourraient se prononcer sur une plainte en vertu de la partie VII autrement qu’en vertu de la violation précise qu’elle allègue » (para 153). Le demandeur a choisi de se désister de son recours judiciaire dans notre cas. Il n’en reste pas moins que l’absence de précision ne rend pas la tâche facile au demandeur qui se plaint qu’une enquête menée sur une allégation plutôt vague n’a pas suffisamment traité de l’article 43 de la Loi.

[85] Essentiellement, le demandeur reprend devant la Cour les arguments qu’il avait avancés dans son écrit du 23 novembre 2018 après réception du rapport préliminaire. Ainsi, on prétend que le ministre du Patrimoine canadien a des responsabilités et obligations supplémentaires. Elles sont différentes : on reprend la notion d’une obligation impérative au paragraphe 43(1) alors que le paragraphe 41(2) se contente qu’on « veille » à ce que des mesures positives soient prises. On répète aussi que les objectifs des articles 43 et 41 sont différents. On allègue encore que les obligations de l’article 43 sont plus contraignantes. Face à ces considérations, le Commissaire aurait ignoré les obligations particulières. Comme j’ai tenté de l’expliquer plus tôt, ces prétentions ne tiennent pas la route.

[86] Le demandeur semble tabler sur les échanges de courriels entre des fonctionnaires du Commissariat qui réagissaient au tout premier jet d’un rapport préliminaire. Alors que l’enquêteur recommandait une déclaration que la plainte était fondée, ses collègues lui représenteraient d’abandonner l’angle de l’article 43 parce que celui-ci n’est pas nécessaire, ce serait là un argument plus faible et Patrimoine canadien a les mêmes obligations que les autres institutions fédérales. Là est le meilleur argument semble dire les collègues de l’enquêteur principal. De plus, le rapport préliminaire d’alors cherchait à conclure que la plainte était fondée. Comme on l’a vu, beaucoup d’eau aura passé sous le pont après cet échange de courriels tôt durant l’enquête.

[87] Le demandeur cherche à tirer de cette courte preuve que l’enquête n’est pas suffisante. Je ne suis pas convaincu. En fait, cet échange confirme qu’au temps de ce premier jet, l’enquête traitait de l’article 43, mais il a été décidé que ce n’était pas nécessaire et que les obligations sous l’article 41 constituent l’argument le plus fort. Comme dit plus tôt, ce premier jet n’a pas été mis en preuve parce que, semble-t-il, il n’a jamais été retrouvé. Il n’y a pas devant cette Cour de preuve claire et convaincante (Canada (Procureur général) c Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 RCS 720, au para 36) qu’aucune enquête n’a été menée. Les extraits de courriels soumis sont plutôt à l’effet contraire. Quant à la suffisance de l’enquête, il n’existe aucune preuve. Des spéculations fondées sur des soupçons ne peuvent suffire.

[88] Le demandeur a fait une excursion dans la décision en première instance dans Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c Canada (Emploi et Développement social). Cette affaire consistait en un recours judiciaire (art 77 de la Loi) et ne traitait que de l’article 41, non de l’article 43. Le Commissaire avait conclu à des entorses à la Loi de la part d’Emploi et Développement social et de la Commission de l’assurance-emploi du Canada dans le cadre d’une entente fédérale-provinciale sur des services d’aide à l’emploi pour la communauté de langue officielle en situation minoritaire en Colombie-Britannique. En clair, la communauté francophone de Colombie-Britannique se plaignait que l’approche dite du « guichet unique » pour la fourniture de services d’aide à l’emploi à la communauté francophone n’était pas conforme à la Loi. Notre Cour avait été appelée à entendre un recours sous l’article 77 et avait conclu à l’existence de mesures positives en vertu du paragraphe 41(2). La Cour d’appel aura été en désaccord (2022 CAF 14).

[89] Suite à la publication de la décision en Cour fédérale, un rapport préliminaire alors en préparation a été suspendu et des questions supplémentaires ont été soumises à Patrimoine canadien quant aux mesures générales qu’il aurait prises. En fin de compte, le Commissaire a été satisfait que la plainte ne devait pas réussir après avoir obtenu des informations supplémentaires de Patrimoine canadien. Cependant, le mérite de la plainte en notre espèce n’étant pas en jeu, l’utilisation faite par le Commissaire des mesures positives prises par ailleurs par Patrimoine canadien n’est pas pertinente à la question de savoir si l’enquête sous l’article 43 aurait été suffisante.

[90] Au mieux, le demandeur cherche à prendre avantage d’un obiter dictum en Cour fédérale au paragraphe 212 au cours duquel le juge commente sur la différence entre les paragraphes 43(1) et (2), et le paragraphe 41(2). Les obligations qui sont faites aux paragraphes 43(1) et (2) sont dites être plus précises et de plus grande envergure. De ce dictum au sujet de l’article 43 de la Loi qui n’était pas considéré dans cette affaire, le demandeur cherche à voir une différence telle entre les articles 41 et 43 qu’il eut fallu enquêter davantage au sujet de l’article 43. Outre qu’il soit loin d’être clair de ce qu’on entend par « plus d’envergure », et que ce dictum soit relatif à une disposition non considérée dans le cadre de cette autre affaire (le Commissaire avait conclu au bien-fondé de la plainte sur la base de l’article 41 dans cette affaire), il suffit pour nos fins de faire remarquer que la Cour d’appel fédérale s’est dissociée de « l’interprétation de la partie VII [article 41] qui la vide de tout son sens » (2022 CAF 14, au para 145). Ceci dit avec égards, le dictum a peu d’incidence sur l’interprétation à donner au paragraphe 43(1).

[91] L’article 41 a, à l’évidence, une portée plus grande que celle anticipée par notre Cour en ce que le paragraphe 41(2) peut requérir des mesures positives dans le cadre d’une entente fédérale-provinciale qui manquerait aux obligations linguistiques envers une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Cette question aurait peut-être pu être considérée si le demandeur avait maintenu son recours en vertu de l’article 77. Mais la demande de contrôle judiciaire est sensiblement plus étroite et on prend l’enquête telle que conclue le 21 février 2019. La Cour doit plutôt déterminer si l’enquête menée par le Commissaire était déraisonnablement courte, malgré la déclaration formelle du Commissaire qu’il a bel et bien considéré les obligations créées par l’article 43 de la Loi.

[92] La seule tentative d’établir le caractère déraisonnable se trouve à deux paragraphes du mémoire des faits et du droit (para 75 et 76). On y soumet que le Commissaire a omis de traiter de manière distincte de l’article 43 (au para 76) alors que ce serait là une question clé. Le paragraphe 75 a déjà été reproduit au paragraphe 41 des présents motifs. Le demandeur argumentait aussi que la décision ne s’était pas attaquée de façon significative aux arguments soulevés, démontrant ainsi un défaut d’attention et de sensibilité.

[93] Pour que l’argument puisse être retenu par la Cour, le demandeur se devait d’établir qu’il s’agissait-là d’une lacune grave telle qu’elle ne satisfait aux exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité. Y-a-t-il un manque de logique interne du raisonnement? S’agit-il d’une décision indéfendable vu les contraintes factuelles et juridiques pertinentes? Ici, le décideur administratif dit sans ambages que son enquête incluait l’article 43 de la Loi.

[94] Qu’offre le demandeur au plan de la décision déraisonnable? Le traitement distinct de l’article 43 aurait été une question clé qu’il aurait soulevée dans sa plainte et dans sa réponse du 23 novembre 2018 au rapport préliminaire. Les deux dispositions, les articles 41 et 43, étant « distinctes » et ne visant pas le même objectif, cela constituerait une lacune grave.

[95] Il faut bien sûr noter que la plainte déposée par le demandeur ne référait pas à l’article 43. La plainte, reproduite en entier au paragraphe 8 des présents motifs, ne comporte aucune telle mention. De plus, la preuve disponible suggère plutôt que l’enquête aurait inclus un volet relatif à l’article 43. Qui plus est, le demandeur n’a jamais fait valoir en quoi, en réalité, une enquête plus complète, aux dires du demandeur, était nécessaire.

[96] Ses prétentions auprès du Commissaire se limitaient à déclarer que les obligations de l’article 43 seraient plus contraignantes que celles qui incombent en vertu du paragraphe 41(2) de veiller à la prise de mesures positives afin de mettre en œuvre l’engagement formel du paragraphe 41(1). Il prétendait, sans le démontrer, que de favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage constitue un « objectif différent » de l’engagement formel, et la portée du paragraphe 43 serait plus large que l’engagement formel parce que certaines alinéas du paragraphe 43(1) ont la spécificité de référer aux gouvernements d’autres ordres et aux personnes morales, comme si cela était exclusif à Patrimoine canadien alors même que le préambule de la Loi fait un engagement au gouvernement du Canada de collaborer avec les gouvernements provinciaux, et d’encourager entreprises, organisations syndicales et patronales de même que les organismes bénévoles à promouvoir la reconnaissance et l’usage des deux langues officielles. Selon la lecture que fait le demandeur des articles 41 et 43, cela voudrait dire que les obligations qui découlent de l’engagement formel du gouvernement seraient moindres que celles déclinées plus précisément pour Patrimoine canadien. Comme dit plus tôt, ce serait étonnant après que le législateur ait fixé un engagement formel vaste, découlant directement du préambule de la Loi et créant des obligations fermes pour les institutions fédérales. Pour créer une distinction qui fasse une différence entre les articles 41 et 43, le demandeur diminuerait les obligations faites aux institutions fédérales au paragraphe 41(2).

[97] À mon sens, lorsque le Commissaire fait enquête sous la partie VII, il doit prendre en compte toutes les dispositions de cette partie. Il déclare l’avoir fait en l’espèce.

[98] Au soutien de son argumentaire que la décision serait déraisonnable, le demandeur n’invoque que deux paragraphes de l’arrêt Vavilov. Il s’agit des deux paragraphes (127 et 128) sous le titre « Les observations des parties ». Cette section du jugement de la Cour suprême discute d’éléments à considérer pour déterminer si une décision est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes. La Cour y répertorie certaines considérations juridiques et factuelles qui seront des contraintes influençant l’exercice de pouvoirs. La Cour en identifie sept, et sa liste n’est pas exhaustive :

  • le régime législatif applicable

  • les autres règles législatives ou de common law

  • les principes d’interprétation législative

  • la preuve dont disposait le décideur

  • les observations des parties

  • les pratiques et décisions antérieures

  • l’incidence de la décision sur l’individu visé.

[99] La Cour suprême, dans son explication de l’intérêt de ces éléments, indique que « L’objectif est simplement d’insister sur certains éléments du contexte pouvant amener la cour de révision à perdre confiance dans le résultat obtenu » (Vavilov, au para 106). Des sept éléments qui peuvent être considérés pour déterminer s’il y a perte de confiance menant à la conclusion que la décision est déraisonnable, le demandeur n’en invoque qu’un, le cinquième.

[100] À l’aide d’un habile amalgame de passages repris au paragraphe 75 du factum et tirés du paragraphe 128 de Vavilov, le demandeur cherche à créer des obligations décisives quant au caractère raisonnable d’une décision. On se doit, me semble-t-il, de remettre les passages choisis dans leur contexte.

[101] Justification et transparence requièrent que le décideur tienne valablement compte des questions et préoccupations centrales qui sont soulevées. On l’a vu, M. Choquette n’a pas soulevé dans sa plainte originale la différence entre les articles 41 et 43 de la Loi, mais il en a fait part au Commissaire dans son commentaire relativement au rapport préliminaire qui concluait que sa plainte n’était pas fondée. Il disait alors que le Commissaire ne traitait pas de l’article 43. Le Commissaire a directement répondu à cette critique en déclarant formellement à son Rapport que l’alinéa 43(1)f) de la Loi faisait partie du cadre juridique de son enquête et qu’il en avait tenu compte. Il ne me semble pas possible de prétendre que le Commissaire n’a pas entendu les préoccupations et arguments du demandeur alors qu’il y a répondu directement et expressément : l’article 43 n’a pas été omis.

[102] Le demandeur argumente à son paragraphe 75 que Vavilov a déterminé « qu’une décision est déraisonnable lorsqu’un décideur « n’[a] pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties » pouvant démontrer qu’il était « effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise. » » J’ai souligné les passages tirés du paragraphe 128 de l’arrêt Vavilov.

[103] Toutefois, il me semble que le demandeur cherche à mettre la barre bien haute si on ne considère pas le contexte dans lequel les deux passages sont cités et qu’on lie ceux-ci avec les mots « pouvant démontrer qu’il était ». En fait, les deux passages du paragraphe 128 sont liés dans le texte par les mots « permet de se demander s’il était ». Cela n’est pas la même chose. Ne pas avoir réussi à s’attaquer aux questions clés ne démontre pas une absence d’attention et de sensibilité à la question soumise, mais cela permet de se demander si cela a effectivement été fait. La cour de révision se questionne car elle risque alors de « perdre confiance dans le résultat obtenu » (Vavilov, au para 106). Ici, il n’y a pas de doute que cela a été fait par le Commissaire. L’application de l’alinéa 43(1)f) a été partie de l’enquête qu’il a menée. Ayant reçu le commentaire du demandeur que l’article 43 a été omis dans son enquête, le Commissaire y répond directement dans son Rapport final que l’article n’a pas été omis.

[104] Le demandeur déclare à son factum (para 73) qu’« il est donc faux de conclure que « l’enquête tenait déjà compte de l’article 43 de la partie VII » tel que l’affirme le CLO dans le rapport final d’enquête. » À mon avis, une accusation aussi sérieuse requière davantage que ce que le demandeur a été en mesure de démontrer.

[105] Le demandeur fait aussi une obligation essentielle au décideur de rédiger « des motifs avec soin et attention pour « assurer aux parties que leurs préoccupations ont été prises en considération » et « afin d’éviter que son raisonnement soit entaché de lacune et d’autres failles involontaires » ». Encore ici, les passages soulignés viennent directement du paragraphe 128 de Vavilov. Mais la connotation qu’on veut leur donner ne me semble pas être en accord avec le propos de la Cour suprême lorsque les passages sont lus en contexte. Ceci dit avec égards, ce n’est pas la lecture que je fais. Ce n’est pas tant que la Cour fasse une obligation essentielle; c’est plutôt qu’on rappelle la discipline de l’écrit en évoquant au paragraphe 39 de Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. La Cour suprême incite les décideurs administratifs au « simple fait de rédiger des motifs avec soin et attention » parce que cela évite les lacunes et erreurs et assure aux parties que la question soulevée a été prise en considération. C’est une pratique souhaitable. Des motifs qui seraient défectueux peuvent évidemment faire perdre confiance dans la décision rendue. On doit donc viser à la préparation soignée et attentive des motifs.

[106] Le contexte dans lequel le paragraphe 128 de Vavilov est présenté a aussi son importance. La Cour suprême y expose que la cour de révision ne peut s’attendre à ce les décideurs « répondent à tous les arguments ou modes possibles d’analyse » (citant en cela Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, au para 25). Cela aurait un effet paralysant. C’est dans ce contexte qu’on retrouve les passages cités par le demandeur.

[107] À n’en pas douter la culture de la justification fait partie de notre droit (Vavilov, aux para 2 et 14). En même temps, la justification est interprétée en fonction du dossier et en tenant compte du contexte administratif (Vavilov, au para 91 et 92). Je reproduis ces deux paragraphes.

[91] Une cour de révision doit se rappeler que les motifs écrits fournis par un organisme administratif ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Le fait que les motifs de la décision « ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire » ne constitue pas un fondement justifiant à lui seul d’infirmer la décision : Newfoundland Nurses, par. 16. On ne peut dissocier non plus le contrôle d’une décision administrative du cadre institutionnel dans lequel elle a été rendue ni de l’historique de l’instance.

[92] On ne peut pas toujours s’attendre à ce que les décideurs administratifs déploient toute la gamme de techniques juridiques auxquelles on peut s’attendre de la part d’un avocat ou d’un juge et il ne sera pas toujours nécessaire, ni même utile, de le faire. En réalité, les concepts et le vocabulaire employés par ces décideurs sont souvent, dans une très large mesure, propres à leur champ d’expertise et d’expérience, et ils influent tant sur la forme que sur la teneur de leurs motifs. Ces différences ne sont pas forcément le signe d’une décision déraisonnable; en fait, elles peuvent indiquer la force du décideur dans son champ d’expertise précis. La « justice administrative » ne ressemble pas toujours à la « justice judiciaire » et les cours de révision doivent en demeurer pleinement conscientes.

Le demandeur alléguait dans sa lettre du 23 novembre que l’enquête n’avait pas porté sur les obligations de l’article 43 prétendues être plus contraignantes. À mon sens, pour démontrer que la décision était déraisonnable, il eut fallu démontrer une absence de réponse de la part du Commissaire ou la démonstration d’une quelconque lacune grave? Y-a-t-il eu une réponse?

[108] Encore ici, cela me semble avoir été fait dans le Rapport final. Le Commissaire est explicite : son enquête a tenu compte de l’article 43 et cela ne changeait pas sa conclusion que la plainte qui ne référait qu’à la partie VII n’était pas fondée. En l’absence de commentaires plus précis sur ce que le paragraphe 43(1) pouvait apporter de plus, la Cour conclut que la réponse donnée était adéquate face au commentaire fait par le demandeur. Le Commissaire a répondu à la préoccupation exposée.

[109] À mon avis, la réponse donnée au commentaire général présenté par le demandeur face au rapport préliminaire qui ne faisait pas mention de l’article 43 est proportionnelle au commentaire fait. Aucune indication n’avait été donnée de ce en quoi l’enquête sous cet article 43 aurait dû, ou pu, mener à un résultat différent. Au contraire, le Commissaire déclare formellement que l’article 43, et tout particulièrement l’alinéa 43(1)f), était partie de l’enquête et que le résultat de celle-ci est le même. De simplement prétendre que l’article 43 est différent de l’article 41 n’apportait pas d’eau au moulin. Ce n’est certes pas la lecture qu’en faisait à l’évidence le Commissaire et cette lecture me semble tout à fait raisonnable lorsqu’on considère le texte en contexte, considérant la structure de la partie VII d’alors et l’intention législative qui transparaît du préambule de la Loi et à son article 2. C’est le gouvernement en entier qui est mis à contribution, pas seulement Patrimoine canadien. Tel est le but de la Loi. Une allégation plus précise aurait peut-être pu requérir une réponse plus précise. Mais en l’absence de meilleures précisions, la déclaration que l’enquête incluait l’article 43 était suffisante. De fait, on peut se demander à quoi d’autre le demandeur aurait pu s’attendre.

V. Conclusion

[110] La Cour, sur contrôle judiciaire, ne se prononce pas au sujet du mérite de la plainte portée, et donc de la décision prise par le Commissaire de la rejeter pour les raisons qu’il donne quant à la présence de mesures positives prises par le ministre du Patrimoine canadien pour favoriser le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il s’agit plutôt de déterminer si la prétention que l’article 43 est différent de l’article 41, faisant en sorte qu’une enquête distincte devait être tenue malgré la déclaration formelle du Commissaire, aurait pu rendre le Rapport déraisonnable. Je ne le crois pas. Le Commissaire était formel et les articles 41 et 43 ne justifient pas qu’on puisse douter de la déclaration du Commissaire.

[111] Je note simplement qu’il s’agit-là de mesures prises par Patrimoine canadien qui trouvent directement appui sur le libellé des articles 41 et 43. Qu’il suffise de rappeler une dernière fois que l’alinéa 43(1)a) précise que le ministre du Patrimoine canadien prend des mesures « de nature à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement ». Il s’agit-là des mêmes mots qui constituent une partie importante de l’engagement formel. Quant au troisième élément de l’engagement formel, on le retrouve aussi au paragraphe 41(1) et au texte introductif du paragraphe 43(1). Des mesures positives qui permettent de rencontrer l’engagement, qu’elles soient prises sous le paragraphe 41(2) ou le paragraphe 43(1) restent des mesures positives. Le Commissaire a enquêté et il a conclu que les mesures positives suffisaient pour conclure que la plainte n’était pas fondée. Cette conclusion quant au mérite de la plainte n’est pas devant cette Cour sur contrôle judiciaire.

[112] La demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée. Il n’a pas été démontré que le Commissaire aux langues officielles a omis de considérer l’article 43 de la Loi sur les langues officielles dans l’examen de la plainte déposée par le demandeur où il alléguait une violation de la partie VII (Promotion du français et de l’anglais), ce qui aurait pu rendre sa décision déraisonnable. Ce fardeau n’ayant pas été déchargé par le demandeur, la Cour ne peut conclure qu’au rejet de la demande de contrôle judiciaire.

[113] Aucuns dépens ne sont ordonnés.


JUGEMENT au dossier T-496-19

LA COUR STATUE comme il suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-496-19

 

INTITULÉ :

FRANÇOIS CHOQUETTE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 DÉCEMBRE 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE Roy

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 septembre 2024

 

COMPARUTIONS :

Me Millie Lefebvre

Pour le demandeur

Me Sarah Jiwan

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Juristes Power

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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