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                                                                                                                                  Date : 20041103

                                                                                                                               Dossier : T-330-04

                                                                                                                   Référence : 2004 CF 1486

ENTRE :

                                                         RAFIK ABDERRAHIM

                                                                                                                         Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                           Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         Il s'agit ici d'un appel en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi) d'une décision de l'honorable Gilbert Decoste, juge de la citoyenneté (le juge), datée du 18 décembre 2003, refusant la demande de citoyenneté du demandeur au motif que les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi ne sont pas rencontrées.

[2]         L'alinéa 5(1)c) de la Loi se lit comme suit :



   5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[. . .]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.


   5.(1) The Minister shall grant citizenship to any person who,

[. . .]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;


[3]         Rafik Abderrahim (le demandeur) est né en Algérie en 1950. Il est arrivé au Canada et fut admis à titre de résident permanent le 26 mars 1998. Il a soumis sa demande de citoyenneté canadienne le 12 juin 2002.


[4]         De façon préliminaire, le défendeur soumet que les pièces A-4 et A-5 jointes à l'affidavit du demandeur, ainsi que toutes les allégations leur correspondant, doivent être radiées car elles n'ont été ni soumises au juge de la citoyenneté, ni considérées par celui-ci lors de sa décision. En vertu du paragraphe 300c) des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, l'appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi doit être régi par les règles applicables aux contrôles judiciaires. Or, le recours en contrôle judiciaire ne permet pas aux parties de présenter des nouveaux éléments de preuve (Gitxsan c. Hospital Employee's Union, [2000] 1 C.F. 135 (C.A.F.)). Dans l'arrêt Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) v. Hung (1998), 47 Imm. L.R. (2d) 182, le juge Rouleau de cette Cour a particulièrement souligné que de nouveaux éléments de preuve ne peuvent être introduits dans un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté. Je considère donc l'objection du défendeur bien fondée et déclare les pièces A-4 et A-5 inadmissibles en preuve.

[5]         Le demandeur soumet essentiellement que le juge de la citoyenneté a fait une mauvaise appréciation de la preuve en regard du maintien de sa résidence et de la centralisation de son mode de vie au Canada. Le demandeur soumet notamment que le juge a erré dans son calcul des absences durant la période de référence de quatre ans précédant la date de sa demande de citoyenneté canadienne.

[6]         De façon générale, je suis d'avis, après révision du dossier, que la décision en cause s'appuie sur d'importants éléments de preuve, ce qui m'empêche de me substituer au juge de la citoyenneté dans l'appréciation de cette preuve.

[7]         Plus particulièrement, je considère que même si le juge de la citoyenneté a erré dans le calcul du nombre de jours d'absence du demandeur (il a mentionné 942 jours), cette erreur est insignifiante, le demandeur lui-même ayant indiqué, dans sa demande de citoyenneté, avoir été absent pendant 864 jours en raison de son travail à l'étranger. Le demandeur n'ayant été présent au Canada que pendant 596 jours pendant la période de référence, il était loin de rencontrer la période de résidence minimale prescrite de 1 095 jours, ce qui était suffisant pour permettre au juge de la citoyenneté de raisonnablement refuser sa demande.

[8]         En effet, dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm. L.R. (2d) 259, à la page 260, le juge Muldoon, énonce les objectifs sous-tendant l'alinéa 5(1)c) de la Loi :


. . . vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992 [publié dans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

(Voir également les décisions de cette Cour dans : Re Afandi (6 novembre 1998), T-2476-97, M.C.I. c. Kam Biu Ho (24 novembre 1998), T-19-98, M.C.I. c. Chen Dai (6 janvier 1999), T-996-98, M.C.I. c. Chung Shun Paul Ho (1er mars 1999), T-1683-95, M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98, M.C.I. c. Su-Chen Chiu (9 juin 1999), T-1892-98, M.C.I. v. Chi Cheng Andy Sun (6 juin 2000), T-2329-98, Oi Hung Vera Hui c. M.C.I. (6 juin 2000), T-1338-99 et Martin Long Ying Lo c. M.C.I. (6 juin 2000), T-959-99.)

[9]         Cette Cour a statué qu'une interprétation correcte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi n'oblige pas une personne à être physiquement présente au Canada pendant toute la période de 1 095 jours prescrite lorsqu'il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles. Toutefois, j'estime que la présence réelle au Canada demeure le facteur le plus pertinent et le plus important lorsqu'il s'agit d'établir si une personne a sa « résidence » au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai dit à maintes reprises, une absence trop longue pendant cette période minimale, même si elle est temporaire, est contraire à l'esprit de la Loi, qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas y résider pendant l'une des quatre années précédant la date à laquelle elle demande la citoyenneté.



[10]       Pour toutes ces raisons, l'appel du demandeur est rejeté.

                                                               

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 novembre 2004


                                                               COUR FÉDÉRALE

                                     NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       T-330-04

INTITULÉ :                                                      RAFIK ABDERRAHIM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                               Le 23 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                          Le 3 novembre 2004    

COMPARUTIONS:

Me Khadidja Haddad                                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Ian Demers                                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Khadidja Haddad                                              POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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