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Date : 20060512

Dossier : IMM-5387-05

Référence : 2006 CF 588

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2006

En présence de Monsieur le juge Shore

ENTRE :

MIGUEL ANGEL ALEGRIA MONROY

MICHELLE ALEGRIA YANEZ

LUIS ANGEL ALEGRIA YANEZ

PATRICIA YANEZ FRANCO

ANA KAREN ALEGRIA YANEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]                Comment est-ce que la Commission aurait pu faire valoir sa spécialisation sans la moindre référence directe, aux extraits ou au moins aux citations des documents sur les conditions du pays en question, émanant du Centre de documentation de la Commission, elle-même?

[2]                La Cour a cassé la décision de la Commission, étant donné que celui-ci a ignoré la preuve au dossier. (Padilla c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 1, [1991] A.C.F. no 71 (QL)

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[3]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi) de la décision de la Section de protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission) datée du 24 août 2005 par laquelle il a été décidé que les demandeurs n'ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi.

FAITS

[4]                Les demandeurs, monsieur Miguel Angel Alegria Monroy, sa conjointe, madame Patricia Yanez Franco et leurs trois enfants mineurs Ana Karen Alegria Yanez, Michelle Alegria Yanez et Luis Angel Alegria Yanez, sont citoyens du Mexique. Les demandes de la conjointe et des enfants se fondent sur celle de monsieur Alegria Monroy, qui est le demandeur principal.

[5]                Monsieur Alegria Monroy aurait été menacé, battu avec son épouse et séquestré pour avoir refusé de collaborer avec un groupe de personnes lui demandant d'utiliser ses services de conducteur de taxi dans des buts de commerce illégal.

[6]                Ils sont arrivés au Canada le 29 mars 2005 et ont demandé la protection du Canada à ce moment.

DÉCISION CONTESTÉE

[7]                La Commission a conclu que monsieur Alegria Monroy et sa famille n'avaient pas satisfait à leur fardeau de démontrer de façon claire et convaincante l'incapacité de l'État mexicain d'assurer leur protection.

[8]                De façon subsidiaire, la Commission a conclu que monsieur Alegria Monroy et sa famille disposaient d'une possibilité de refuge interne dans la ville de Mexico.

QUESTIONS EN LITIGE

[9]                Cette demande soulève les questions suivantes :

1.       La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que les demandeurs n'ont pas démontré l'incapacité de l'État mexicain de les protéger?

2.       La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en concluant que les demandeurs disposaient d'une possibilité de refuge interne dans la ville de Mexico?

ANALYSE

Norme de contrôle

[10]            La Commission détient une expertise bien reconnue eu égard à l'appréciation des faits, particulièrement dans l'évaluation de la crédibilité des personnes revendiquant le statut de réfugié et dans la disponibilité de la protection offerte par le pays d'origine. (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, [1998] A.C.S. no 46 (QL))

[11]            Cette Cour a réitéré à de nombreuses reprises que le principe de la norme manifestement déraisonnable s'appliquait aux décisions de la Commission. (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1283 (QL), aux paragraphes 9-15; Moore c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no1772 (QL), aux paragraphes 8-9; Tvauri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1188 (QL), aux paragraphes 10-11; Wen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 907 (QL))

[12]            La question de savoir s'il existe une possibilité de refuge interne est elle aussi une question de fait. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision manifestement déraisonnable. (Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 999, [2003] A.C.F. no 1263 (QL), aux paragraphes 9-10; E.H.S. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1325, [2005] A.C.F. no 1606 (QL), au paragraphe 10; Urgel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1777, [2004] A.C.F. no2171 (QL), au paragraphe 13; Dillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 381, [2005] A.C.F. no 463 (QL), au paragraphe 7; Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1591, [2004] A.C.F. no1912 (QL), au paragraphe 18)

Protection de l'État

[13]            Dans ses motifs la Commission a passé la jurisprudence en revue et a rappelé les principes généraux régissant la question de la protection de l'État, lesquels peuvent se résumer comme suit. Il existe une présomption selon laquelle l'État est capable de protéger ses citoyens et il appartient aux revendicateurs d'asile de renverser cette présomption par une preuve claire et convaincante. (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74 (QL), au paragraphe 50) Il n'est pas nécessaire que la protection de l'État soit parfaite. (Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992) 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 1189 (QL), au paragraphe 7) Il incombe aux revendicateurs d'asile d'épuiser tous les recours possibles dans leur pays avant de demander la protection internationale. (Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.), [1996] A.C.F. no 1376 (QL), au paragraphe 5)

[14]            En l'espèce, monsieur Alegria Monroy et sa famille se sont déchargés de leur fardeau de preuve. Monsieur Alegria Monroy allègue s'être fait attaqué à plusieurs reprises et enlevé et que son épouse aurait été attaquée elle aussi, ils n'ont jamais porté plainte à la police ni même consulté un avocat à cause de la situation qu'ils ont décrit.

[15]            Monsieur Alegria Monroy a justifié son omission de demander la protection aux autorités pour deux raisons : parce que ses agresseurs lui auraient dit qu'ils avaient des liens avec la police et des membres du gouvernement et parce qu'il existerait de la corruption au sein même de la police.

[16]            La Commission a commis une erreur en fait et en droit en ignorant la preuve documentaire versée au dossier.

[17]            Tout d'abord, soulignons que la crédibilité des demandeurs n'a aucunement été remise en cause.

[18]            La Commission a retenu uniquement les éléments qui lui permettaient de rejeter la revendication des demandeurs sans analyser le reste de la preuve.

[19]            La preuve pertinente n'est pas considérée et cette preuve était claire et convaincante. (Fok v. Canada(Minister of Employment and Immigration), A-881-90, [1993] F.C.J. No. 800 (F.C.A.) (QL)

[20]            La Commission exprime que dans l'arrêt De Baez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 785, [2003] A.C.F. no 1020 (QL), la Cour a déclaré que les actes de certains policiers ne mettent pas fin à la nécessité de demander la protection des autorités.

[21]            Mais, malheureusement, sans avoir faite aucune nuance, la Commission n'a pas pris en considération l'information MEX42974.EF du 27 octobre 2004 laquelle fait mention de l'existence de la fraternité bleu à l'intérieur de la police.

[22]            La note informative MEX42974. EF du 27 octobre 2004 signale ce qui suit :

Une chercheuse du Centre de recherches et d'études économiques (Centro de Investigacion y Docencia Economicas - CIDE) à Mexico, se spécialisant dans la sécurité publique au Mexique, a déclaré dans une communication écrite du 14 septembre 2004 que

[traduction]

[p]ersonne ne veut en parler et je ne connais aucune recherche sérieuse sur le sujet, mais il existe nombre de rumeurs sur l'existence d'une « fraternité » (hermandad en espagnol) ou de plusieurs fraternités distinctes au sein des forces policières du Mexique. Je n'ai jamais entendu parler d'une fraternité qui s'étendrait à différents niveaux de corps de police (étatique et fédéral, [par exemple]), mais cela ne me surprend pas. En effet, je pense malheureusement que ces scénarios [selon lesquels les policiers se couvrent l'un l'autre ou refusent de poursuivre un autre policier] sont totalement crédibles, mais presque impossibles à prouver ou à réfuter.

Dans une communication écrite du 13 octobre 2004, la co-directrice de l'organisme de recherche Démocratie, Droits de la personne et Sécurité (Democracia, Derechos Humanos y Seguridad - DDHS), établi à Mexico et dirigé par des universitaires, laquelle est spécialiste de la sécurité publique et de la police à Mexico (DDHS s.d.), a déclaré que la seule information publique sur une fraternité bleue informelle au sein de la police concernait le corps de police local du District fédéral. La co-directrice a ajouté que des sources au sein de la police lui avaient dit [traduction]             « [qu']au besoin » les policiers se protégeaient entre eux, par exemple, en altérant des preuves; toutefois, cette [traduction] « information est extrêmement difficile à confirmer » (DDHS 13 oct. 2004).

Même si aucune information indiquant si une [traduction] « fraternité bleue » s'étend à différents niveaux de corps de police au Mexique n'a pu être trouvée parmi les sources documentaires consultées par la Direction des recherches, des sources médiatiques de 2002 et de 2004 ont signalé l'existence d'un groupe clandestin d'agents supérieurs de la police au sein du Secrétariat de la sécurité publique (Secretaria de Seguridad Publica - SSP) du District fédéral, groupe appelé La Hermandad, qui existerait depuis plus de vingt ans à Mexico (La Jornada 15 juin 2002; The Christian Science Monitor 23 oct. 2002; El Sol de Mexico 10 août 2004; Todito.com 26 août 2004; Independent 5 sept. 2004).

Selon l'Independent, La Hermandad établirait des relations entre des gangs de criminels et des autorités supérieures qui, par la suite, bénéficieraient d'activités illégales comme le trafic de stupéfiants et l'extorsion (5 sept. 2004). Un autre journal a signalé que La Hermandad exercerait un contrôle considérable sur les opérations policières à Mexico et recueillerait une partie des pots-de-vin acceptés par les policiers y travaillant (The Christian Science Monitor 23 oct. 2002).

A researcher based at the Centre for Research and Economic Study (Centro de Investigacion y Docencia Economicas, CIDE) in Mexico City and specializing in public security issues in Mexico stated in 14 September 2004 correspondence that

[n]obody is willing to talk about it, and I don't know of any serious studies, but there are many rumors about the existence a "brotherhood" (hermandad in Spanish), or several distinct ones, in Mexican police forces. I had never heard of a brotherhood that might span different levels of police forces (state and federal, [for instance]), but it does not surprise me. Indeed, unfortunately, I find the scenarios [of police covering up or refusing to prosecute various crimes against other police officers] completely credible, although nearly impossible to prove or disprove.

In 13 October 2004 correspondence, the co-director of the academic-led research organization Democracy, Human Rights and Security (Democracia, Derechos Humanos y Seguridad, DDHS) based in Mexico City and specializing in police and public security issues in Mexico (DDHS n.d.) stated that the only information about an informal blue brotherhood among the police which was made public concerns the local Federal District police force. The co-director further noted that sources within the police have told her that "if necessary" police officers protect one other by, for example, tampering with evidence in a case; however, this "information is extremely difficult to confirm" (DDHS 13 Oct. 2004).

While the Research Directorate could not find documentary sources on whether an informal "blue brotherhood" exists across different levels of police forces in Mexico, media sources of 2002 and 2004 reported on a clandestine group of senior police officers within the Federal District's Public Security Secretariat (Secretaria de Seguridad Publica, SSP) called La Hermandad which has apparently been in existence for over twenty years in Mexico City (La Jornada 15 June 2002; Christian Science Monitor 23 Oct. 2002; El Sol de Mexico 10 Aug. 2004; Todito.com 26 Aug. 2004; Independent 5 Sept. 2004).

According to the Independent, it is believed that La Hermandad connects criminal gangs with senior-level authorities, who then benefit from illegal activities such as drug trafficking and extortion (5 Sept. 2004). Another newspaper reported that La Hermandad apparently exerts considerable control over police operations in Mexico City and reportedly collects a portion of the bribes taken by police officers working there (Christian Science Monitor 23 Oct. 2002).

[23]            Dans le Rapport 2005 d'Amnesty International explique ce qui suit :

Cette année encore la police, notamment au niveau des États, a eu très largement recours à la détention arbitraire, à la torture et à d'autres mauvais traitements. Les autorités n'ont pas combattu efficacement ces pratiques et n'ont pris aucune mesure pour que les victimes bénéficient d'une voie de recours.

Arbitrary detention, torture and ill-treatment by police remained widespread, particularly at state level. The authorities failed to combat these practices effectively or to ensure judicial remedy to victims.

[24]            Dans le Country Reports on Human Rights Practices for 2004 « Mexico » on retrouve les elements suivants:

...

There were no reports of politically motivated disappearances; however, there were credible allegations of police involvement in kidnappings for ransom...

...The head of the PGR's anti-organized crime unit (SIEDO) announced that members of the Chihuahua State Judicial Police (PJE) had carried out the forced disappearances and killings at the behest of the Juarez drug cartel. The authorities arrested 13 PJE agents and 4 more were at large at year's end.

...

...the police regularly obtained information through torture, prosecutors used this evidence in courts, and the courts continued to admit as evidence confessions extracted under torture. Many victims were afraid to report or follow through on complaints against the police, thereby hampering prosecution of the perpetrators.

...

The authorities rarely punished officials for torture, which continued to occur in large part because confessions are the primary evidence in many criminal convictions. Many human rights groups linked torture to the prevalence of arbitrary detention and claimed that torture often follows an arbitrary arrest, sometimes without a warrant, as police or prosecutors attempt to justify the detention by securing a confession to a crime...

...

Police corruption was a problem. Police have been involved in kidnappings, armed robbery, and extortion, as well as protection of criminals and drug traffickers. From January to July, in Mexico City alone, 140 policemen were charged for various crimes, compared with 502 in 2003. In April, the Governor of Morelos State dismissed all 552 state policemen after the arrest of two top officers for allegedly protecting drug dealers.

[25]            Dans le rapport de Mexique : protection offerte par l'état (décembre 2003 - mars 2005), on voit ce qui suit :

Parmi les points clés soulevés à une conférence sur les réformes judiciaires au Mexique, tenue en juillet 2004 sous le parrainage des organisations états-uniennes Center for Strategic and International Studies (CSIS) et Center for US-Mexican Studies, on trouve l'affirmation que le système de justice pénale était [traduction] « à la fois inefficace et inéquitable » (CSIS 16 juill. 2004). De nombreux spécialistes de la réforme judiciaire aux niveaux national et international ont affirmé à la conférence que [traduction] « moins de 5 p. 100 des crimes [faisaient] l'objet d'une enquête et [que] moins de 2 p. 100 [étaient] jugés par les tribunaux » (ibid.). Ils ont qualifié le système de justice pénale d'inéquitable, lui reprochant des détentions arbitraires, des retards dans les prononcés des peines et dans les procès, des [traduction] « incarcérations sans prononcé de peine » , des détentions préventives et de [traduction] « mauvaises défenses juridiques » (ibid.; voir aussi AI 28 sept. 2004).

Key points discussed at a July 2004 conference on justice reform in Mexico, sponsored by the US-based Center for Strategic and International Studies (CSIS) and the Center for US-Mexican Studies, included statements that the criminal justice system was "both ineffective and unfair" (CSIS 16 July 2004). At the conference, numerous national and international justice reform experts claimed that in Mexico "[fewer] than 5 per cent of crimes are investigated and [fewer than] 2 per cent go to trial" (ibid.). Moreover, the criminal justice system was deemed unfair due to its use of arbitrary detention, delays in trial and sentencing, "incarceration without sentencing" or pretrial detention and "poor legal defence" (ibid.; see also AI 28 Sept. 2004).

[26]            Dans le Rapport 2005 d'Amnesty International explique ce qui suit :

Cette année encore, des détournements du système judiciaire ont eu lieu, notamment au niveau des États. Le manque d'impartialité des autorités judiciaires et des services du ministère public a entraîné des poursuites malveillantes et des procédures inéquitables.

The justice system continued to be misused, particularly at state level. The lack of impartiality of the judiciary and the prosecution services resulted in malicious prosecutions and unfair judicial procedures.

[27]            En conséquence, dans le cas d'espèce des revendicateurs, leur crainte n'a pas été niée par la Commission, d'ailleurs les revendicateurs ont été qualifiés comme crédibles. En plus, il s'agit donc de critères vérifiables indépendamment de la crainte des demandeurs et cela constitue l'essence même de leur crainte. (Zalzali c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 605, [1991] A.C.F. no341 (C.A.) (QL))

[28]            Sans démonstration au contraire, le demandeur n'a pas pu être protégé comme il a été expliqué par la Cour d'appel fédérale dans Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1984] A.C.F. no 601 (C.A.F.) (QL).

[29]            En toute évidence, les demandeurs ne peuvent pas être protégé et l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74 (QL), démontre que : « La « persécution » comprend les cas où l'État n'est pas strictement complice de la persécution, mais est simplement incapable de protéger ses citoyens. »

[30]            Le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Genève, 1979, sous la rubrique de « et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » il est écrit :

Lorsqu'il ne peut se réclamer de cette protection, cela tient à des circonstances indépendantes de sa volonté. Il peut y avoir, par exemple, un état de guerre, une guerre civile ou d'autres troubles graves qui empêchent le pays dont l'intéressé a la nationalité de lui accorder sa protection ou qui rendent cette protection inefficace...

Being unable to avail himself of such protection implies circumstances that are beyond the will of the person concerned. There may, for example, be a state of war, civil war or other grave disturbance, which prevents the country of nationality from extending protection or makes such protection ineffective...

[31]            La cause Zalzali, ci-dessus, explique aux paragraphes 16 et 17:

Le sens naturel des mots "ne peut", [...] suppose une incapacité objective du demandeur de statut, et le fait que "ne peut" n'est pas, contrairement au "ne veut", qualifié par "du fait de cette crainte", me paraît confirmer que l'incapacité dont il s'agit répond à des critères objectifs qui sont vérifiables indépendamment de la crainte entretenue et donc, indépendamment des actes ayant suscité cette crainte et de leurs auteurs.

[...] il peut y avoir persécution, au sens de la Convention, même si les actes répréhensibles sont ceux de concitoyens, lorsque l'État est incapable de protéger la victime contre leur comportement.

[32]            Or, dans l'affaire Padilla, ci-dessus, la Cour a cassé la décision de la Commission, étant donné que celui-ci a ignoré la preuve au dossier.

[33]            Il est clair que la décision de la Commission est manifestement déraisonnable compte tenu de la preuve que la Commission avait devant elle.

CONCLUSION

[34]            Par ces motifs, la Cour accueille la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.          La demande de contrôle judiciaire soit accueillie;

2.          L'affaire soit retournée à la Commission aux fins d'une nouvelle audience par un tribunal composé d'un panel différent.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5387-05

INTITULÉ :                                        MIGUEL ANGEL ALEGRIA MONROY

                                                            MICHELLE ALEGRIA YANEZ

                                                            LUIS ANGEL ALEGRIA YANEZ

                                                            PATRICIA YANEZ FRANCO

                                                            ANA KAREN ALEGRIA YANEZ

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 26 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE SHORE

DATE DESMOTIFS :                       le 12 mai 2006

COMPARUTIONS:

Me Manuel Centurion

POUR LE DEMANDEUR

Me Caroline Doyon

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

MANUEL CENTURION

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEUR

JOHN H. SIMS C.R.                                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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