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     IMM-4462-96

ENTRE

     FRANK KOBENA BERKO,

     requérant

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

         Le requérant, originaire du Ghana et âgé de 45 ans au moment de l'audition, était le président du [TRADUCTION] Comité de la défense de la révolution (CDR) pour le district de Sampa. Il avait occupé ce poste pendant sept ans, ayant auparavant été membre du CDR pendant un an. Dans le cadre de ses obligations, le requérant entendait régulièrement des plaintes contre les milices et infligeait de petites punitions telles que des amendes.

         En janvier 1991, le requérant a été battu et on lui a conseillé de ne pas s'immiscer dans les affaires des milices. En juin 1992, il a été arrêté et détenu par des membres du Bureau d'enquête nationale ghanéen pour avoir critiqué une fusillade déclenchée par les milices dans une lettre au secrétaire général du CDR. Il a été battu au cours de sa détention et, après son évasion en août 1992, il s'est réfugié au Canada.

         En application de l'Article IFa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention) (incorporée comme annexe de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. 28 (4e suppl.), par. 2(1), la Commission a conclu que le requérant était exclu de la protection en tant que "réfugié", ayant trouvé de sérieuses raisons de considérer que le requérant était complice dans la perpétration des crimes contre l'humanité.

         La Commission a conclu en outre que le requérant n'avait pas raison de craindre d'être persécuté, dans l'éventualité de son retour au Ghana, en raison d'améliorations établies en matière de droits de la personne au Ghana, et des institutions politiques et juridiques de ce pays.

         Voici les points litigieux à trancher dans le présent contrôle :

1.      La Commission a-t-elle refusé la justice naturelle au requérant en enjoignant à l'avocat de ce dernier de ne pas l'interroger davantage pour établir sa crédibilité?
2é      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en déterminant si le requérant a commis des crimes contre l'humanité ou avait été complice dans ces crimes?

1. Justice naturelle

         Le requérant prétend que la Commission a enjoint à son avocat de ne pas l'interroger davantage pour établir sa crédibilité. Je ne souscris pas à l'argument du requérant selon lequel il s'est vu refuser la justice naturelle. Le requérant savait parfaitement que la crédibilité était en question dans la présente procédure. Le fait pour le requérant de tirer une conclusion erronée d'une directive alléguée de la Commission selon laquelle il n'était plus question de crédibilité ne constitue pas, en l'espèce, une erreur susceptible de contrôle commise par la section du statut de réfugié. À mon avis, il était question de crédibilité au cours de l'audition tout entière. Le requérant n'a pas été privé de la possibilité d'établir sa crédibilité et de présenter pleinement ses observations à cet égard.

2. Exclusion

         La Commission a conclu qu'elle ne croyait pas le requérant lorsqu'il avait insisté sur le fait qu'il était [TRADUCTION] "un parangon de vertu" au sein des institutions d'un régime brutal. Bien qu'elle ait reconnu que le requérant avait été puni à deux reprises pour s'être élevé contre la violation des droits de la personne, elle a également noté la durée de son mandat de président du CDR, et la possibilité de quitter ce poste, dont il n'a pas pleinement profité. La Commission a noté en outre que l'omission par le requérant de mentionner son prétendu travail indépendant dans son FRP indiquait qu'il avait profité de son rôle de président du CDR.

         Compte tenu de la preuve documentaire dont elle disposait, la Commission a conclu que le CDR et les milices étaient pour quelque chose dans la perpétration des crimes contre l'humanité au Ghana, et que leurs rapports institutionnels n'étaient pas ce que le requérant avait décrit. Bien que le requérant n'ait pas avoué être complice dans la violation des droits de la personne, son témoignage selon lequel de telles violations avaient effectivement eu lieu corroborait néanmoins la preuve documentaire selon laquelle le CDR et les milices avaient effectivement commis de tels crimes de façon systématique.

         Il importe de noter que la Commission n'est pas tenue de fonder sa conclusion quant à l'exclusion sur des éléments de preuve suffisants pour prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant avait commis des crimes contre l'humanité. Il faut plutôt qu'elle ait seulement de sérieux motifs de considérer que ce comportement a eu lieu (Ramirez c. M.E.I., [1992] 2 C.F. 306 (C.A.F.)). La Commission peut s'appuyer sur la preuve documentaire générale, même si celle-ci contredit peut-être le témoignage rendu sous serment par le requérant.

         En l'espèce, la Commission disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que le CDR était impliqué dans [TRADUCTION] "la violation systématique et grave des droits de la personne". Étant donné le long mandat du requérant dans un rôle de direction au sein du CDR, le fait qu'il s'était volontairement joint au CDR et avait été nommé président par acclamation, ainsi que son omission de démissionner quand il avait la possibilité de le faire, la Commission était en droit de déduire que le requérant était suffisamment conscient de l'implication de ses organisations dans de tels crimes pour être déclaré complice dans la perpétration de ces crimes (Sivakumar c. M.E.I. , [1994] 1 C.F. 433 (C.A.F.) au par. 10).

         Vu mes conclusions ci-dessus, il n'y a pas lieu d'examiner, à ce stade, si la Commission a eu tort de déterminer que le requérant n'avait pas raison de craindre d'être persécuté dans l'éventualité de son renvoi au Ghana. Il n'y a pas matière à certification.

         La demande sera rejetée.

                             "H. Wetston

                                     juge

Toronto (Ontario)

le 29 septembre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-4462-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Frank Kobena Berko

                             et

                             Le ministre de la Citoyenneté t et de l'Immigration
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 16 septembre 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Wetston

EN DATE DU                      29 septembre 1997

ONT COMPARU :

Raoul Boulakia                  pour le requérant

Cheryl Mitchell              pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Raoul Boulakia

Avocat

45, rue Saint-Nicholas

Toronto (Ontario)

M4Y 1W6

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     IMM-4462-96

ENTRE

     FRANK KOBENA BERKO,

     requérant

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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