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Date : 20051207

Dossier : IMM-6655-04

Référence : 2005 CF 1658

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE L’HONORABLE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

MANUEL CHUQUIN AVALOS

 

Demandeur

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Suite au rejet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur, les parties furent invitées à signifier et déposer une question pour certification. Le demandeur a proposé les deux questions suivantes :

 

            1)         L’article 197 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est-il inconstitutionnel en ce qu’il serait contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

            2)         La Section d’appel a-t-elle erré en concluant qu’elle n’avait pas compétence pour relever le demandeur de son défaut de respecter les conditions de son sursis?

 

[2]               Le défendeur exprime son accord avec la demande de certifier les deux questions, mais les reformule et propose que l’ordre soit renversé puisque, selon le défendeur, elles sont interdépendantes.

 

[3]               À la lumière de l’arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.S.C. 711, et de la récente décision de la Cour suprême du Canada dans Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, j’ai émis une directive le 7 octobre 2005 demandant aux parties, par voie de représentations écrites, de traiter des points suivants :

 

            1)         Compte tenu de l’article 197, sur quelle prémisse peut-on basé la compétence de la Section d’appel de relever un appelant de son défaut une fois qu’elle a constaté que ce dernier a fait défaut de respecter les conditions rattachées au sursis de sa mesure de renvoi?

 

            2)         Compte tenu des arrêts Chiarelli et Medovasrki de la Cour suprême du Canada, sur quelle base peut-on avancer l’argument que l’article 197 est inconstitutionnel en ce qu’il serait contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

 

[4]               Suite à cette directive, les parties ont déposées leurs soumissions écrites le 17 octobre et le 28 octobre respectivement et la réplique du défendeur fut déposée le 2 novembre.

 

[5]               Le défendeur est maintenant d’avis que les deux questions ne devraient pas être certifiées puisqu’elles sont essentiellement des questions théoriques, non déterminantes, qui ont déjà été réglées de manière satisfaisante par la jurisprudence.

 

[6]               Pour sa part, le demandeur maintient toujours que les deux questions revêtent un caractère grave et de portée générale, qu’elles doivent être débattues dans l’intérêt canadien.

 

[7]               La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage, (1994) A.C.F. no. 1637 (C.A.) (QL), a énoncé les critères nécessaires à la certification d’une question importante de portée générale, notamment que la question :

 

                        1)         transcende les intérêts des parties en litige;

 

                        2)         qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale;

 

                        3)         et qu’elle est aussi déterminante quant à l’issue de l’appel.

 

[8]               Ayant considéré les soumissions écrites des parties je suis d’avis que les questions proposées ne rencontrent pas les critères énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Liyanagamage.

 

[9]               En ce qui a trait à la première question proposée, pour l’essentiel, le demandeur affirme que l’article 197 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) ne permet aucune analyse des circonstances du bris de conditions allégué. Dès lors, il affirme que cette disposition aurait une portée excessive et violerait les principes de justice fondamentale.

 

[10]           Je ne peux retenir cette prétention puisqu’elle est mal fondée en fait et en droit. Dans ma décision du 10 juin 2005 j’ai affirmé que la Section d’appel a le pouvoir de considérer toute explication démontrant que le demandeur a, de fait, respecté les conditions du sursis. En plus j’ai déterminé que la Section d’appel a expressément considéré l’explication apportée par le demandeur et l’a jugé non suffisante. Il est clair, à mon avis, que l’argument du demandeur alléguant l’inconstitutionnalité de l’article 197 de la LIPR ne se soulève donc pas en l’espèce, puisqu’il s’appuie sur une interprétation de cette disposition non fondée en fait. La Cour ne devrait pas certifier des questions qui ont un caractère théorique. En surplus, la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Chiarelli, a statué que le législateur peut abolir le droit d’appel d’un résident permanent sans contrevenir aux principes de la justice fondamentale. Je suis aussi en accord avec la prétention du défendeur que l’arrêt Medovasrki/Estaban ne fait que renforcer cette conclusion. La première question proposée par le demandeur ne sera donc pas certifiée.

 

[11]           La deuxième question proposée par le demandeur a trait à l’interprétation d’une disposition transitoire de la LIPR. Le demandeur maintient toujours que la Section d’appel ne peut se limiter qu’à constater un bris et alors se départir du dossier. Selon le demandeur, le tribunal doit procéder à l’analyse des circonstances entourant l’omission ou le bris allégué. Pour l’essentiel le demandeur prétend, en l’espèce, que la non analyse du bris de condition est fatale au processus.

 

[12]           Le demandeur n’explique pas sur quel fondement la Section d’appel aurait compétence pour entendre son appel. Le test de l’article 197 on ne peut plus clair. Aussitôt que la Section d’appel a constaté que l’appelant n’a pas respecté les conditions rattachées au sursis de sa mesure de renvoi, l’appel et le sursis prennent fin par opération de loi, selon les articles 197 et 64 de la LIPR. De plus, la contestation de non respect des conditions ne peut se faire de façon arbitraire. Dans mes motifs de décision, j’ai déterminé que la Section d’appel a l’obligation de considérer les justifications du demandeur expliquant le bris de condition, ce qu’elle fit, en l’espèce, de façon raisonnable. L’interprétation proposée par le demandeur de l’article 197 n’a aucun fondement dans les faits et n’est pas conforme au but de cette disposition, soit de donner priorité à la sécurité et de faciliter le renvoi de résidents permanents qui se sont livrés à des activités de grande criminalité. À mon avis, la deuxième question, telle que formulée, ne comporte pas des éléments ayant des conséquences importantes de portée générale. La question ne sera donc pas certifiée.

 

 

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.         Le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

 

2.         Aucune question importante de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6655-04

 

INTITULÉ :                                       Manuel Chuquin Avalos v. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 24 mai 2005

 

MOTIFS de l’ordonnance :               Monsieur le juge Blanchard

 

DATE DES MOTIFS :                      le 6 décembre 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Pierre Tabah                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

Me François Joyal                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Pierre Tabah                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE RÉPONDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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