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Date : 20060214

Dossier : IMM-7236-04

Référence : 2006 CF 170

ENTRE :

CONSTANTIN MARANGO

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 14 juin 2004 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, statuant que le demandeur n'est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

[2]         Bien que dûment notifiée, la partie défenderesse était ni présente, ni représentée à l'audition devant moi. La décision supportée par les présents motifs est donc rendue sur la foi des représentations orales entendues ex parte du procureur du demandeur et aussi sur la foi des mémoires écrits des deux parties.

[3]         Constantin Marango, le demandeur, est un citoyen du Burundi âgé de 34 ans, membre de l'ethnie Tutsis. Il allègue avoir une crainte d'être persécuté par un ex-employé de l'ethnie Hutus, nommé Félix Ndayishimiye.

[4]         Le tribunal a accepté l'identité du demandeur et le fait qu'il était un Tutsis, mais a conclu que son histoire manquait de crédibilité et qu'il n'était donc pas un réfugié au sens de la Convention. Le tribunal a donné les raisons suivantes pour expliquer sa décision :

-          Le tribunal n'a pas été satisfait par la preuve offerte par le demandeur pour tenter de démontrer qu'il avait ouvert un café dans le district de Kamenge. Les quatre certificats fournis par le demandeur sont des titres pour des propriétés résidentielles enregistrés au nom de son père et aucun ne réfère au district de Kamenge. De plus, les documents présentés par le demandeur pour indiquer qu'il était autorisé à gérer un commerce ne pouvaient logiquement être reliés au café qu'il dit avoir ouvert. Un certificat pour la boulangerie « El Greco » précédait de cinq ans l'ouverture du café à Kamenge. Pareillement, une attestation d'impôts au nom de la « Pâtisserie Café d'Azur » précédait de trois ans l'ouverture du café à Kamenge. Puisque, le demandeur a dit que le district de Kamenge ne lui faisait pas payer d'impôts, il est impossible que l'attestation d'impôts provienne du supposé commerce du demandeur dans ce district.

-          Le demandeur a apporté avec lui de nombreux documents. Sa famille demeure toujours à Bujumbura et a des moyens considérables. De plus, il a supposément reçu une subvention du ministère du Rapatriement, de la Réinsertion et de la Reconstruction pour ouvrir son café à Kamenge. Considérant ces facteurs, le tribunal a trouvé qu'il aurait dû avoir les moyens de fournir une preuve plus convaincante pour démontrer qu'il dirigeait effectivement un café.

-          Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et dans son Curriculum Vitae (CV) daté de 2002, le demandeur a indiqué qu'il avait travaillé comme gérant du « Café d'Azur » à partir de 1995, mais jamais au-delà de décembre 2001. Pourtant, lorsqu'il a parlé avec l'Agent de protection des réfugiés, le demandeur a changé plusieurs fois son histoire, disant qu'il avait travaillé à Kamenge jusqu'à son départ du Burundi, jusqu'en février 2001 ou jusqu'en février 2002. Il a été incapable d'expliquer pourquoi il n'avait pas inclus dans son FRP et dans son CV le travail qu'il avait fait au café jusqu'en février 2002. Le tribunal a conclu de ceci et de la preuve mentionnée précédemment que le demandeur n'avait jamais travaillé à Kamenge.

-          Le tribunal a également rejeté l'histoire du demandeur selon laquelle sa soeur aurait été kidnappée. Vu que le demandeur allègue avoir parlé de cet événement à la police, à l'armée et aux autorités locales, et vu aussi la position de sa famille, le tribunal a trouvé suspect qu'il n'y ait pas le moindre document qui fasse état de cet événement. Le tribunal a trouvé improbable que la famille du demandeur n'ait pas continué les recherches après son départ, surtout lorsqu'un de ses frères travaille pour une ONG qui oeuvre pour les droits de la personne. Ainsi, le tribunal a conclu que la soeur du demandeur n'avait pas été kidnappée ou, tout au moins, qu'elle ne l'avait pas été par Félix Ndayishimiye.

-          Le tribunal a trouvé contradictoire le fait que le demandeur dit fuir la persécution mais qu'il n'a pas demandé l'asile aux États-Unis. Le fait qu'il ne parle pas anglais n'est pas une excuse suffisante.

-          Le tribunal a jugé que le demandeur ne risquait pas d'être une victime au sens de la Convention contre la torture. Il a aussi trouvé que le renvoi dans son pays ne le mettrait pas à risque de traitements ou peines cruels et inusités. Alors que le demandeur dit avoir quitté la maison de ses parents en 1995 pour vivre dans un autre quartier de Bujumbura, le tribunal a noté que son adresse n'avait pas changé sur ses documents d'identité. Le demandeur a répondu de façon peu convaincante qu'il utilisait la maison de ses parents pour recevoir son courrier. Le tribunal a trouvé plus probable qu'il habite toujours Rohero, un quartier qui a été épargné par les ravages de la guerre civile.

[5]         Or, il est bien établi qu'en matière de crédibilité et d'appréciation des faits, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié lorsque, comme en l'instance, le demandeur fait défaut de démontrer que ce tribunal spécialisé a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7). Après révision de la preuve, il m'apparaît que la décision du tribunal s'appuie sur d'importants éléments de preuve au dossier émanant du témoignage du demandeur lui-même et de la preuve documentaire. Les inférences tirées par le tribunal m'apparaissent en outre tout à fait raisonnables (voir Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315).

[6]         En conséquence, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée, et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[7]         À l'audition devant moi, le demandeur a eu l'opportunité d'expliquer la question qu'il désire voir certifiée et qu'il formule ainsi, dans ses représentations écrites :

22. Il est respectueusement soumis que d'autant plus que le défendeur, Ministre de l'Immigration et de la protection des réfugiés n'a pas encore mis en place la Section d'Appel de la Commission de l'Immigration et du Statut de Réfugié, le demandeur, monsieur Constantin Marango, a-t-il une attente raisonnable que la norme de contrôle soit celle de la décision « raisonnable » .

[8]         La certification demandée est refusée au motif qu'en l'espèce la question proposée n'est pas déterminante (voir Canada (M.C.I.) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4). En effet, de mes motifs ci-dessus, il appert clairement que je trouve tout à fait raisonnable l'appréciation des faits et de la crédibilité faite par le tribunal. Ainsi, même en appliquant la norme de contrôle suggérée par le demandeur, sa demande de contrôle judiciaire ne peut être maintenue.

                                                                                     ____________________________________

                                                                                                                        JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 février 2006


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7236-04

                        INTITULÉ :                CONSTANTIN MARANGO c. LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 6 février 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                       Le 14 février 2006

COMPARUTIONS:

Me Jacques Bahimanga

POUR LE DEMANDEUR

Aucune comparution

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Jacques J. Bahimanga

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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