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Date : 20060727

Dossier : IMM-7630-05

Référence : 2006 CF 927

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2006

En présence de Monsieur le juge Harrington

ENTRE :

EDISON COLORADOTORRES

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

HARRINGTON J.

[1]                Edison Colorado Torres s'est enfui de la Colombie parce qu'il craignait la persécution d'un groupe de paramilitaires. Lors d'une fête privée, à laquelle il participait avec ses deux cousins, il s'est porté à la défense de la petite amie de son cousin quand un paramilitaire a manqué de respect envers celle-ci.

[2]                Le lendemain, un groupe de paramilitaires s'est présenté à la résidence du demandeur. Ils ont dit à sa mère qu'ils voulaient non seulement le tuer, mais ils voulaient également tuer ses cousins. Les paramilitaires seraient allés aussi à la maison d'un de ses cousins pour le menacer également de mort.

[3]                M. Colorado Torres et ses deux cousins ont quitté la Colombie pour le Venezuela. Ils y ont demeurés pendant une période d'environ quatre mois. Par la suite, le demandeur a embarqué clandestinement sur un bateau en direction des États-Unis. Quant à ses cousins, ils ont retournés en Colombie, et auraient apparemment été tués par des paramilitaires. M. Colorado Torres est resté aux États-Unis pendant deux ans. Sa mère l'a informé que les paramilitaires le cherchaient toujours. Il a alors quitté les États-Unis pour se rendre au Canada le 30 novembre 2004. Il a demandé la protection de réfugié ce même jour.

[4]                La Commission a déterminé que le demandeur n'appartenait pas a un groupe social au sens de la Convention, mais qu'il était plutôt confronté à des problèmes de vengeance personnelle.

[5]                À l'audience, il y avait une confusion considérable, d'un part causée par le demandeur et d'autre part, par les questions de la Commission, quant à l'identité de ceux qu'il craignait, c'est-à-dire, des paramilitaires, Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC) ou des « guerillas » . Tout de même, la Commission a trouvé que son comportement était incompatible avec celui d'une personne craignant la persécution. Il était au Venezuela pendant environ quatre mois et aux États-Unis pendant plus de deux années et ce, sans avoir demandé une protection quelconque. Le demandeur a expliqué qu'il n'a pas cherché la protection au Venezuela, qui est partie à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, en raison de sa proximité à la Colombie. Il n'a pas cherché la protection aux États-Unis, qui sont aussi partie à la Convention, parce qu'il était entré dans ce pays sans documents d'identité et avait peur d'être renvoyé. La Commission a considéré les explications du demandeur inacceptables.

QUESTIONS EN LITIGE

[6]                Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable en l'espèce?
  2. Est-ce que la décision de la Commission est manifestement déraisonnable?
  3. Est-ce qu'il y a eu violation aux principes de justice naturelle lors de l'audience du demandeur en raison de l'application des Directives no 7 qui disent que généralement à l'audience, l'avocat du demandeur va interroger le demandeur en dernier lieu?

ANALYSE

La Norme de Contrôle

[7]                Il est très bien établit par la jurisprudence que la norme de contrôle applicable en ce qui a trait à une question de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable : Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100 au paragraphe 38; Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 au paragraphe 4.

Question de Crédibilité

[8]                Bien qu'il existe une certaine confusion quant à l'identité précise du groupe dont craignait le demandeur, et quant à la connaissance de ce dernier à propos de ce groupe, et plus précisément si, ayant neuf ans de scolarité, il devrait savoir toutes les distinctions entre le FARC, les paramilitaires et les « guerillas » , la conclusion de la Commission que le demandeur n'avait pas une crainte subjective est inattaquable. Il avait largement l'occasion de chercher la protection au Venezuela et puis aux États-Unis. Il n'a offert aucune raison objective de croire qu'il serait poursuivi au Venezuela en raison de la proximité de ce pays à la Colombie, sans compter son séjour beaucoup plus long aux États-Unis qui sont plus éloignés. La Commission pouvait à bon droit rejeter son explication qu'il avait peur de réclamer la protection aux États-Unis.

  

Les Directives no7

[9]                Dans le récent jugement de Hossain v. The Minister of Citizenship and Immigration, 2006 FC 892, j'ai résumé la situation actuelle des Directives no 7, ainsi que la récente jurisprudence qui les a considérées. En bref, dans l'arrêt Thamotharem c. Canada, 2006 FC 16, [2006] F.C.J. No. 8 (QL), le juge Blanchard a énoncé que dans certaines circonstances l'ordre inversé des interrogatoires, et plus particulièrement en ce qui concerne les Directives no 7, avait pour effet d'entraver l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission et d'enfreindre aux principes de justice naturelle. Suite à Thamotharem, ci-dessus, le juge Mosley a entendu plusieurs demandes de contrôle judiciaire portant sur les Directives no 7, et par voie d'ordonnance intitulé Benitez v. Canada (Minister of Citizneship and Immigration), 2006 FC 461, [2006] F.C.J. No. 631 (QL), a conclu que la justice naturelle n'est pas enfreint si l'avocat d'un demandeur n'a pas l'opportunité de poser des questions en premier.

[10]            Le ministre soutient que le demandeur a renoncé à l'occasion de contester l'ordre de l'interrogatoire puisque les seules protestations ont été soulevées après l'audience dans la demande d'autorisation et la demande de contrôle judiciaire.

[11]            Dans Benitez, ci-dessus, le juge Mosley a écrit au paragraphe 237 ce qui suit :

The common law principle of waiver requires that an applicant must raise an allegation of bias or a violation of natural justice before the tribunal at the earliest practical opportunity. If counsel were of the view that the application of Guideline 7 in a particular case would result in a denial of their client's right to a fair hearing, the earliest practical opportunity to raise an objection and to seek an exception from the standard order of questioning would have been in advance of each scheduled hearing, in accordance with Rules 43 and 44, or orally, at the hearing itself. A failure to object at the hearing must be taken as an implied waiver of any perceived unfairness resulting from the application of the Guideline itself. If the objection was made in a timely manner at or before the hearing, the applicants are entitled to raise it as a ground for judicial review in their applications for leave. If the applicants failed to cite a denial of procedural fairness in their applications for leave, judicial review of the applications should be confined to the grounds on which leave was sought.

[je souligne]

[12]            Pour la disposition de ce cas, il ne m'est pas nécessaire d'identifier le moment précis quand il devient trop tard pour se plaindre au sujet de l'ordre des interrogatoires contemplé par les Directives no 7 et demander que l'avocat du demandeur soit le premier à poser ses questions. Il suffit de dire que je suis d'accord avec le juge Mosley que l'omission de soulever le sujet dans le délai imparti à ou avant l'audience constitue une renonciation du droit de la soulever plus tard. Dans ce cas, il était donc trop tard et l'omission de soulever la question dans le délai imparti à ou avant l'audience était une renonciation. Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

QUESTION CERTIFIÉE

[13]            Le demandeur a proposé cinq questions à certifier. Je remarque que celles-ci sont semblables, sinon même identiques, aux questions qui ont été certifiées par le juge Mosley dans Benitez, ci-dessus, et par le juge Blanchard dans Thamotharem, ci-dessus. Il est tout à fait permissible de certifier les mêmes questions qui ont été déjà certifiées dans des cas précédents. Cela étant dit, prenant en considération ma conclusion que le défaut de soulever la question des Directives no 7 à ou avant l'audience a constitué une renonciation du droit de la soulever maintenant, je ne vais pas certifier les questions proposées.

JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.                   La demande de contrôle judiciaire de la décision de la CISR, datée du 30 novembre 2005, soit rejetée.

2.                   Aucune question ne sera certifiée.

« Sean Harrington »

Judge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7630-05

INTITULÉ :                                        EDISON COLORADO TORRES c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 12 juillet 2006

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                                Le juge Harrington

DATE DES MOTIFS :                       Le 27 juillet 2006

COMPARUTIONS:

Me Luciano Mascaro

POUR LE DEMANDEUR

Me Gretchen Timmins

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Luciano Mascaro

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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