Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20060519

Dossier : IMM-6224-05

Référence : 2006CF 624

Ottawa (Ontario), le 19 mai 06

En présence de Monsieur le juge Harrington

ENTRE :

PATRICK MUHOZA MIRANDA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                L'on dit qu'il est encore plus facile de juger de l'esprit d'un homme par ses questions que par ses réponses (G. de Lévis). Dans le cas du demandeur, Patrick Muhoza Miranda, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a décidé que les réponses à ses questions n'étaient pas suffisantes pour lui accorder la qualité de « réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger » en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

[2]                Selon Monsieur Miranda, la SPR a fait des erreurs de fait fondamentales. La question est donc maintenant à savoir si cette Cour doit accorder au demandeur une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR, en date du 9 septembre 2005.   

Faits

[3]                Monsieur Miranda est citoyen du Burundi. Il y est né mais dit avoir déménagé au Rwanda lorsqu'il était enfant pour ensuite y étudier de 1987 jusqu'en 2004. En janvier 2004, il aurait été arrêté par l'armée rwandaise et accusé d'avoir été un opposant au régime en place. Il serait retourné au Burundi le prochain mois, à Bujumbura où il aurait vécu chez un oncle qui tenait un commerce de quincaillerie. Selon le demandeur, son oncle lui aurait dit qu'il courrait un danger de la part des militaires burundais qui avaient tué sa famille en 1993. De plus, des jeunes hutus du voisinage ont apparemment approché le demandeur lui demandant de joindre les rangs de la rébellion hutue, ce que celui-ci a refusé. En raison de cela, le demandeur prétend avoir reçu des menaces de mort.

[4]                Il importe de noter que la demande d'asile de Monsieur Miranda est fondée sur une crainte de persécution à l'encontre du Burundi uniquement. Il ne fait aucune demande en ce qui concerne le Rwanda. Étant donné ce fait, il importe donc que la réclamation de Monsieur Miranda porte sur le temps qu'il a passé au Burundi, soit de février 2004 à novembre 2004.

[5]                Lorsqu'il retourne au Burundi, Monsieur Miranda reste chez un ami de son oncle. Il a ensuite pu obtenir un faux passeport en novembre 2004 ainsi que la somme de 5 000$ de son oncle afin de lui permettre de se rendre au Canada. Le demandeur aurait quitté le Burundi le 14 novembre 2004, au moyen d'un passeport anglais au nom de « Shelton » et comportant une date de naissance ultérieure à la sienne. Il aurait transité par l'Éthiopie et l'Allemagne et est arrivé à l'aéroport de Montréal le 15 novembre 2004. Il aurait fait sa demande d'asile plus tard en ville.

[6]                La SPR a rejeté la demande d'asile du demandeur en raison de son manque de crédibilité et de son comportement incompatible avec celui d'une personne craignant pour sa vie. En réponse à cette allégation Monsieur Miranda prétend que le tribunal a erré en lui reprochant de ne soumettre aucune preuve concernant son séjour au Rwanda et plus précisément des preuves concernant ses études, et en déterminant que la carte d'identité du demandeur ne comportait pas de date de naissance et que selon les documents du demandeur, il serait né tantôt le 1er janvier 1982 et tantôt le 1er janvier 1984. De plus, le demandeur allègue que la SPR a tiré une conclusion erronée sans fondement en doutant des moyens financiers de l'oncle du demandeur à l'aider financièrement pour l'obtention du faux passeport et pour payer son voyage au Canada. Finalement, le tribunal reproche au demandeur le fait qu'il n'a pas demandé la protection en Allemagne et aussi le fait qu'il a sollicité la protection au Canada mais non à son arrivée à l'aéroport.

Questions en litige

[7]                À la lumière de ce qui précède, cette Cour n'a qu'à trancher deux questions en litige. D'une part, quelle est la norme de contrôle à appliquer en l'espèce? D'autre part, est-ce que la décision de la SPR est manifestement déraisonnable?

Analyse

[8]                En ce qui concerne la norme de contrôle, la jurisprudence a clairement établit que la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable, voir Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100 (au paragraphe 38), Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732).

[9]                En temps normal, il est vrai que le manque de crédibilité d'un demandeur sur un aspect important peut mener à la conclusion selon laquelle aucun élément de preuve crédible ne peut appuyer sa demande, voir Obeng c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 636, [2004] A.C.F. no 774 (QL) aux paragraphes 4 et 5. Il faut toutefois faire la distinction entre les aspects qui sont importants et ceux sans pertinence.

[10]            Suite à une étude de la décision de la SPR, il m'appert évident que cette dernière a fait quelques erreurs et a donné trop d'importance a certains facteurs. En particulier, la SPR s'est attardée aux points suivants : le fait qu'il y a eu une erreur dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) comme sa date de naissance, le fait qu'il n'a pas revendiqué le statut de réfugié dès son arrivée et le fait que son oncle aurait pu lui fournir cinq mille dollars. En ce qui a trait à sa date de naissance, le FRP du demandeur soulignait sa date de naissance comme étant 1984. Bien que son exposé personnel et son certificat de naissance étaient des traductions médiocres, il est clair que l'original énonçait la date de naissance comme étant 1982. Même si la SPR semble attribuer beaucoup d'importance à ces éléments, étant donné les explications plausibles fournies par le demandeur pour tous ces évènements, il n'est pas nécessaire de rendre une analyse exhaustive afin d'expliquer pourquoi elles sont des erreurs sans pertinence.

[11]            Ce qui est toutefois pertinent est le fait que le demandeur n'a pas pu fournir de la preuve en ce qui concerne les neuf mois qu'il aurait passé au Burundi et qu'il n'avait ni passeport et ni carte d'embarquement lorsqu'il a fait sa demande d'asile. Ceci est important puisque Monsieur Miranda a allégué que le passeur ne l'a accompagné qu'en Allemagne. Il aurait donc gardé le passeport et la carte d'embarquement afin de se rendre à Montréal. Monsieur Miranda prétend qu'il avait renvoyé le passeport par courrier en Angleterre, sans en faire une photocopie.

[12]            Alors que ces facteurs peuvent sembler tout aussi non pertinents, il ne faut pas perdre de vue que des titres de voyages sont très importants si le demandeur n'a aucune explication plausible pour ses déplacements. D'ailleurs le juge Nadon a fait mention de l'importance de ce genre de document dans l'arrêt Elazi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 212 (QL) au paragraphe 17 :

17       J'en profite pour ajouter qu'il est tout à fait raisonnable pour la Section du Statut de donner une grande importance au passeport d'un demandeur ainsi qu'à son billet d'avion.    Ces documents, à mon avis, sont des documents essentiels    pour démontrer l'identité d'un demandeur et son périple pour venir au Canada.    À moins de présumer qu'un demandeur du statut de réfugié est effectivement un réfugié, il m'apparaît déraisonnable d'excuser la perte de ces documents à moins de motifs sérieux.    Il est trop facile, à mon avis, pour un demandeur de simplement affirmer qu'il a soit perdu ces documents ou que le passeur les a repris.    Si la Section du Statut insiste à ce que ces documents soient produits, il est possible que les passeurs auront à changer leurs méthodes.

De plus, tel qu'énoncé par le défendeur, l'article 7 des Règles de la section de la protection des réfugiés prévoit clairement que :

7. Le demandeur d'asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S'il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s'en procurer.

7. The claimant must provide acceptable documents establishing identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they were not provided and what steps were taken to obtain them.

[13]            En somme, cette Cour souligne les propos du juge Joyal dans l'arrêt Miranda v. Canada (Minister of Employment and Immigration)(F.C.A.), [1993] F.C.J. No. 437. Ce dernier a rappelé que la Cour suprême du Canada avait déterminé, dans un cas criminel, que même lorsque le juge de première instance avait commis près de dix-huit erreurs dans son exposé, si l'appel n'était pas fondée sur un déni de justice naturelle ou procédurale, l'appel ne pouvait être accordé. En l'espèce, cette Cour doit contrebalancer les erreurs énoncées ci-dessus avec la décision de la SPR, dans son entier. En vertu de la preuve soumise devant cette Cour, il ne me semble pas manifestement déraisonnable que la SPR ait questionné la crédibilité du demandeur.

     

[14]            Cette Cour rejette donc la demande de contrôle judiciaire. Puisque cette décision repose sur des questions de crédibilité, il n'y a aucune question sérieuse d'importance générale à certifier.

[15]            De plus, en vertu du paragraphe 112(1) de la LIPR, le demandeur peut entamer une procédure d'examen des risques avant renvoi (ERAR) s'il le désir.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. La demande de contrôle judicaire soit rejetée.
  2. Il n'y a aucune question sérieuse d'importance générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge


                                                           COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6224-05

INTITULÉ :                                        PATRICK MUHOZA MIRANDA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 11 mai 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Le juge Harrington

DATE DES MOTIFS :                       le 19 mai 2006

COMPARUTIONS:

Patrick Muhoza Miranda

LE DEMANDEUR AGISSANT EN SON NOM

Me Thi My Dung Tran

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Patrick Muhoza Miranda

LE DEMANDEUR AGISSANT EN SON NOM

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.