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Date : 20060801

Dossier : IMM-5004-05

Référence : 2006 CF 941

Ottawa (Ontario), le 1er août 2006

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

Entre :

JUGRAJ KAUR SANDHU

JAGROOP KAUR SANDHU

SURMEET SINGH SANDHU

AMANDEEP SINGH SANDHU

demandeurs

et

 

le ministre de la citoyenneté

et de l’immigration

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Il s’agit de la demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas a refusé une résidence permanente. La présente cause soulève des questions sur la conduite des représentants du défendeur concernant la présente procédure de contrôle judiciaire.

 

II.         Contexte

[2]               La demanderesse principale, une citoyenne de l’Inde, était parrainée par sa fille en vue de lui faire obtenir la résidence permanente au Canada. La demanderesse a inclus ses enfants à charge dans sa demande de résidence permanente.

 

[3]               En avril 2005, une agente d’immigration a reçu la demanderesse en entrevue à New Delhi. L’agente d’immigration a exprimé des doutes sur la demande car deux des enfants n’avaient pas de certificat de naissance et, de plus, des lettres d’appui délivrées par la même école publique s’étaient révélées, dans le passé, frauduleuses.

 

[4]               Après l’entrevue, la demanderesse a écrit au Haut‑commissariat du Canada pour dissiper les doutes exprimés par l’agente d’immigration relativement aux certificats scolaires. Une preuve documentaire attestant l’authenticité des documents scolaires était jointe à la lettre. Le Haut‑commissariat du Canada a reçu ces documents le 10 mai 2005, un fait essentiel dans la présente cause.

 

[5]               L’agente d’immigration aurait examiné tous les renseignements dans le dossier, y compris les renseignements postérieurs à l’entrevue et en juin 2005, elle a envoyé le dossier à la section des visas du Haut‑commissariat du Canada recommandant que la demande de résidence permanente soit rejetée aux motifs que la demanderesse avait fait une présentation erronée sur des faits importants ou avait manifesté une réticence sur ces faits. Un agent des visas, investi du pouvoir délégué de constater en dernier ressort l’interdiction de territoire, a rejeté la demande pour ces mêmes motifs.

 

[6]               Dans la lettre de décision de l’agent des visas, les motifs du refus étaient les suivants :

[traduction] Le 18 avril 2005, vous avez fait une présentation erronée ou vous avez manifesté une réticence sur les faits importants suivants :

-           Vous avez présenté les certificats scolaires de l’internat public de Dashmesh qui étaient censés établir l’âge et le lien de parenté de Jagroop Kaur Sandhu et Amandeep Singh Sandhu.

 

[7]               Il n’y a pas de mention des documents postérieurs à l’entrevue déposés au Haut‑commissariat du Canada au début du mois de mai.

 

[8]               Dans la procédure d’autorisation de contrôle judiciaire, le défendeur a soutenu que la demanderesse avait envoyé la lettre et les documents postérieurs à l’entrevue à la mauvaise adresse et qu’elle n’avait donc pas prouvé que le Haut‑commissariat du Canada les avait reçus. Cet argument visait à établir que la demanderesse était entièrement responsable de cet échec et que l’autorisation ne devrait pas lui être octroyée car on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’agent des visas tienne compte de documents qui n’avaient jamais été reçus.

 

[9]               Heureusement pour la demanderesse, le juge O’Keefe a accueilli sa demande d’autorisation. C’est au cours de la procédure de contrôle judiciaire subséquente comprenant le contre‑interrogatoire obligatoire du défendeur que ce dernier a admis qu’il avait les documents depuis le moment où la demanderesse a déclaré qu’il les avait reçus, soit le 10 mai 2005.

 

[10]           Le défendeur, ayant été « pris en défaut », a changé de moyen de défense et par la preuve et les observations, a déclaré que les documents avaient été examinés, mais qu’on ne leur avait accordé aucune importance. L’agente d’immigration soutient maintenant qu’elle avait lu les documents et ne leur avait accordé aucune importance — l’agent des visas n’arrivait pas à se souvenir de la preuve, mais il a déclaré que cela n’aurait rien changé à sa décision.

 

III.       Analyse

[11]           En ce qui a trait au fond de la présente demande de contrôle judiciaire, il entre clairement dans le cadre du principe énoncé dans la décision Menon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1548 (QL), 2005 CF 1273, où l’omission de consigner dans les notes du STIDI que des documents supplémentaires avaient été déposés a été jugée comme étant un manquement à l’équité car cela enlevait à l’agent des visas la possibilité de s’acquitter de son obligation de tenir compte de tous les éléments pertinents.

 

[12]           Dans la présente affaire, il ne peut y avoir aucune certitude que la preuve a été examinée. Les affidavits subséquents des deux agents, en particulier étant donné la position initiale adoptée par le défendeur selon laquelle les documents postérieurs à l’entrevue n’avaient pas été reçus, font peu pour établir que la preuve de la demanderesse a été correctement examinée. L’omission d’évoquer ces éléments dans la lettre de décision contrebalance toute importance qui aurait pu être donnée à la preuve des agents.

 

[13]           Pour ce seul motif, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. La demanderesse a également demandé des dépens en raison de la conduite du défendeur dans la présente affaire.

 

[14]           Au début, le point de vue du défendeur était que la demanderesse n’avait pas apporté la preuve que les documents postérieurs à l’entrevue avaient été reçus pas les représentants du défendeur. Il s’agissait d’une observation fallacieuse, dépourvue de toute véracité. Cette observation avait été faite à un moment où il n’y avait aucun doute que le défendeur avait reçu les documents; et si on en croit le témoignage du défendeur, les documents avaient été examinés et rejetés.

 

[15]           Il est évident que les observations étaient conçues pour rejeter la responsabilité sur la demanderesse sans raison et pour amener la Cour à rejeter la demande de contrôle judiciaire. Si cela avait eu cette conséquence, cela aurait induit la Cour en erreur; si les observations avaient été corroborées par la preuve, il y aurait eu de graves conséquences pour ceux qui avaient participé à la présentation des observations manifestement erronées.

 

[16]           La Cour n’a pas examiné la question de la responsabilité et a laissé les cadres supérieurs des organismes responsables s’en charger. Qu’il suffise de dire que la Cour se fie à l’honnêteté des observations et à la franchise des agents de l’État qui sont engagés dans des procédures devant elle. La Cour suppose, comme cela est mentionné dans l’argumentation, que l’avocat n’aurait pas fait ces observations sans s’appuyer sur les renseignements et les directives du ministère client. Si c’est le cas, l’avocat a également été dupé.

 

[17]           La gravité de la présente affaire est amplifiée par le fait que ce n’est qu’après le dépôt des affidavits et le contre-interrogatoire que le défendeur a avisé la demanderesse, le 23 mai 2006, qu’il renonçait à ses arguments présentés dans le cadre de la demande d’autorisation et qui portaient sur la non‑réception des éléments supplémentaires. Il s’agissait là d’une concession qui aurait dû être faite à la première occasion, pas à la dernière.

 

[18]           En résumé, le comportement du défendeur était trompeur envers la demanderesse et envers la Cour. Cela est tout simplement inadmissible.

 

[19]           Par conséquent, je conclus que les « raisons spéciales » prévues à l’article 22 des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés ont été démontrées, ce qui justifie l’attribution de dépens. La demanderesse aura droit aux dépens avocat-client de toute la présente affaire. Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur les dépens, la question pourra m’être renvoyée pour que je puisse la trancher.

 

IV.       Conclusion

[20]           La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie et la décision de l’agent des visas sera annulée. L’affaire sera renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucun représentant engagé dans la décision initiale ne pourra participer à la nouvelle décision. La demanderesse obtiendra ses honoraires et débours sur une base avocat-client.

 

 

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision de l’agent des visas soit annulée. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucun représentant engagé dans la décision initiale ne devra participer à la nouvelle décision. La demanderesse a droit à ses honoraires et débours sur une base avocat‑client.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-5004-05

 

INTITULÉ :                                                               JUGRAJ KAUR SANDHU

                                                                                    JAGROOP KAUR SANDHU

                                                                                    SURMEET SINGH SANDHU

                                                                                    AMANDEEP SINGH SANDHU

                                                                                    c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 5 JUILLET 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :       LE JUGE Phelan

 

DATE DES MOTIFS  :                                              LE 1ER AOÛT 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

              POUR LES DEMANDEURS

A. Leena Jaakkimainen

 

              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

              POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

               POUR LE DÉFENDEUR

 

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