Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20060811

Dossier : IMM-4949-05

Référence : 2006 CF 972

Ottawa (Ontario), le 11 août 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

ABDEL RAOUF MOHAMED EL KARM

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Un agent des visas a conclu que le demandeur ne pouvait pas être parrainé au Canada à titre de réfugié parrainé par le secteur privé parce qu’il ne se trouvait pas hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de l’agent des visas.

 


II.         Les faits

[2]               L’entrée du demandeur au Canada était parrainée dans le cadre d’un parrainage collectif. L’entrevue a eu lieu en Égypte, où le demandeur habite actuellement, et l’agent des visas a conclu que le demandeur n’était pas visé par l’article 147 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), qui se lit comme suit :

147. Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

 

147. A foreign national is a member of the country of asylum class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

 

a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

 

(a) they are outside all of their countries of nationality and habitual residence; and

 

b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

(b) they have been, and continue to be, seriously and personally affected by civil war, armed conflict or massive violation of human rights in each of those countries.

 

[3]               Les faits ne sont pas contestés. Le demandeur, né en Jordanie en 1973, est un Palestinien apatride. Sa famille a déménagé en Égypte dans les années 1980, où il a terminé ses études primaires préparatoires, secondaires et universitaires. Tous ses frères et sœurs habitent toujours en Égypte.

 

[4]               En juin 1998, le demandeur a quitté l’Égypte pour travailler à Gaza. Il est resté à Gaza légalement jusqu’en novembre 1998. Il a alors perdu son statut parce qu’il n’avait pas renouvelé son permis de visiteur. Il avait aussi perdu son droit de retourner en Égypte parce qu’il avait laissé s’écouler plus de six mois sans retourner en Égypte pour renouveler son permis de résident.

 

[5]               En mars 2003, le demandeur a tenté de retourner en Égypte, mais il a été arrêté et détenu pendant 20 jour parce qu’il y était entré illégalement. Depuis sa mise en liberté, il est resté au Caire.

 

[6]               L’agent des visas a fondé sa conclusion sur la décision du juge Cullen dans l’affaire Maarouf c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1re inst), [1994] 1 C.F. 723, [1993] A.C.F. no 1329 (QL), dans laquelle la Cour examinait la notion de « [ancienne] résidence habituelle ». L’agent des visas a conclu de la façon suivante :

[traduction]

Comme vous vous trouvez dans le pays où se trouve votre résidence habituelle, je conclus que vous ne satisfaites pas aux critères de l’alinéa 147a) du Règlement.

 

III.       Analyse

[7]               À mon avis, la décision raisonnable simpliciter est la norme de contrôle applicable en l’espèce. Dans la mesure où la décision Tarakhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [1995] A.C.F. no 1525 (QL), énonce une autre conclusion, je ne peux y souscrire. La conclusion d’un agent des visas n’est pas seulement une question de fait en ce qui concerne la date, le lieu ou le comment (ainsi que d’autres questions pertinentes) de la présence d’un demandeur dans un pays, mais plutôt la question à savoir si tous ces faits pris ensemble sont constitutifs juridiquement de la « résidence habituelle ». La question est donc une question mixte de fait et de droit.

De toute façon, les diverses normes de contrôle ne sont pas déterminantes en l’espèce parce que je conclus que la décision de l’agent des visas était raisonnable.

 

[8]               Le demandeur critique la décision de l’agent des visas parce qu’il n’a pas examiné la possibilité de Gaza (Israël) ou de la Jordanie comme pays de résidence habituelle. Il conteste aussi la conclusion selon laquelle l’Égypte est son seul pays de résidence habituelle.

 

[9]               À mon humble avis, l’argument du demandeur n’a aucun poids compte tenu du fait que l’Égypte est l’un de ses pays de résidence habituelle, puisque le demandeur doit se trouver hors de tout pays dans lequel il a sa résidence habituelle.

 

[10]           Le fait que l’affaire Maarouf, précitée, utilisait l’expression « [ancienne] résidence habituelle » est sans importance. L’article 147 du Règlement vise tant les anciens pays de résidence habituelle que les pays actuels. Les critères à examiner sont les mêmes pour les deux expressions, y compris le fait qu’un droit de retour (ou l’absence d’un tel droit) n’est pas le seul critère permettant de déterminer si un demandeur a sa résidence habituelle dans un pays donné.

 

[11]           L’affaire repose sur la question à savoir si la conclusion de l’agent des visas était raisonnable. Cette conclusion était fondée sur les faits suivants :

·                    le demandeur a terminé toutes ses études secondaires et universitaires en Égypte;

·                    il a habité en Égypte des années 1980 jusqu’en 1998;

·                    il a habité à nouveau en Égypte de 2003 à 2005;

·                    ses frères et sœurs habitent en Égypte;

·                    bien que le droit du demandeur de retourner en Égypte eût expiré, il a pu rester en Égypte au cours des deux dernières années;

·                    le gouvernement de l’Égypte a une politique de non-renvoi des Palestiniens qui résident en Égypte depuis longtemps.

 

[12]           Compte tenu de ce contexte factuel, il est à tout le moins raisonnable de conclure que l’Égypte est un des pays dans lequel le demandeur a sa résidence habituelle.

 

[13]           L’argument du demandeur selon lequel l’agent des visas a commis une erreur en n’examinant pas la possibilité que le demandeur était membre de la « catégorie de personnes de pays source », prévue à l’article 148 du Règlement, doit être rejeté. Un pays source, tel que défini à l’article 148, doit faire partie de l’Annexe 2. L’Égypte, la Jordanie et Gaza (Israël) ne sont pas mentionnés dans cette annexe.

 

[14]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question n’est énoncée pour la certification.

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4949-05

 

INTITULÉ :                                       ABDEL RAOUF MOHAMED EL KARM

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 11 août 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Edward Corrigan

 

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

EDWARD CORRIGAN

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.