Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20060808

Dossier : IMM‑5054‑05

Référence : 2006 CF 954

Ottawa (Ontario), le 8 août 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

JOSE GUILLERMO LOPEZ OCHOA

LESBIA ARACELY GARCIA DE LOPEZ

KELLY ADELAIDA LOPEZ

(alias KELLY LOPEZ)

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Les demandeurs sont citoyens guatémaltèques. Le demandeur principal (le demandeur) est âgé de 35 ans; les autres demandeurs à sa charge sont son épouse et un enfant mineur. Ces derniers se sont appuyés entièrement sur le dossier du demandeur, lequel est fondé sur la persécution politique.

 

[2]               La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé la demande d’asile après avoir conclu qu’il n’y avait ni crainte objective, ni crainte subjective raisonnable et, plus important encore, que la protection de l’État était disponible. Il est question en l’espèce du contrôle judiciaire de cette décision défavorable.

 

II.         Les faits

[3]               Le demandeur a soutenu qu’il s’occupait de faire du recrutement pour le Front républicain guatémaltèque (le FRG). Ce dernier était le parti politique d’un ancien chef du gouvernement guatémaltèque, le général (à la retraite) Efrain Rios Montt – un gouvernement qui se serait livré à des assassinats à caractère politique.

 

[4]               Le demandeur a prétendu être devenu la cible de partis politiques rivaux. Au début de 2004, il a commencé à recevoir des menaces de mort anonymes. Les menaces se sont intensifiées et, lorsqu’il s’est adressé à la police et au ministère public, les deux n’ont pas voulu l’aider parce qu’ils n’avaient pas les ressources nécessaires pour assurer sa protection.

 

[5]               Comme les menaces se poursuivaient et s’intensifiaient, le demandeur a quitté le Guatemala et est entré au Canada en février 2005.

 

[6]             Il est possible de résumer comme suit les conclusions principales de la Commission :

·                    la preuve d’une crainte objective était insuffisante car les seules personnes qui couraient un risque quelconque étaient les dirigeants des groupes de défense des droits de la personne, et le demandeur n’en faisait pas partie;

·                    l’élément de la crainte subjective était absent, car les deux demandeurs adultes avaient travaillé aux États‑Unis et étaient revenus à plusieurs reprises au Guatemala, ce qui est le signe d’une migration pour raisons économiques plutôt qu’à titre de réfugié;

·                    le demandeur n’avait pas réfuté la présomption d’existence d’une protection de l’État au Guatemala, un pays où il existe un appareil étatique fonctionnel qui traduit devant la justice les assassins politiques, et, de plus, un document sur lequel le demandeur s’appuyait dans une large mesure (un rapport de police) semblait ne pas être authentique parce qu’il contredisait d’autres éléments de preuve.

 

III.       Analyse

[7]               La conclusion de la Commission au sujet de la protection de l’État serait suffisante pour confirmer la décision, mais le demandeur la conteste, arguant que la Commission a analysé de façon superficielle la preuve de cette protection.

 

[8]               La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux questions de protection de l’État (la norme de la décision raisonnable par opposition à celle de la décision manifestement déraisonnable) suscite un certain débat au sein de la Cour, mais il est inutile de trancher cette question en l’espèce. Pour les besoins de la présente analyse, c’est la norme de la décision raisonnable, qui appelle un degré moindre de retenue, qui est appliquée.

 

[9]               Il est évident que la Commission a réfléchi assez mûrement à la question de la protection de l’État, et elle a fait expressément mention de deux documents : le Human Rights Watch World Report, Guatemala, 2003 et le U.S. Department of State Report – Guatemala Country Reports on Human Rights Practices – 2003. Au moment où la Commission a entendu l’affaire, la version 2004 du Department of State Report n’était pas disponible.

 

[10]           La position du demandeur présente un problème de taille, en ce sens que l’on a jugé qu’il n’était pas digne de foi au sujet de questions importantes liées à la protection de l’État. Les conclusions en matière de crédibilité sont soumises à la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315).

 

[11]           La question de savoir quand les problèmes de menaces ont commencé n’est pas claire : au début de 2004 ou en juillet 2004. Cette question ne confirmerait pas en soi la conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur, mais elle entre en ligne de compte dans l’évaluation globale de son récit.

 

[12]           La preuve plus accablante est l’incohérence entre le formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur, dans lequel celui‑ci dit avoir été la cible de coups de mitraillette, son témoignage où l’incident est décrit comme un coup de fusil unique, et le rapport de police qui ne fait pas état de l’utilisation d’une arme à feu. L’exagération affecte directement la crédibilité du demandeur au sujet des éléments subjectifs de sa demande d’asile. Tenter de minimiser la différence entre une mitraillette et un fusil en disant que cela est peu important, c’est faire abstraction de la différence importante qu’il y a entre la nature et le caractère des deux armes et pousser la crédibilité à l’extrême.

 

[13]           La Commission avait au moins des motifs raisonnables de conclure que le demandeur pouvait se réclamer de la protection de l’État, et de tirer ses conclusions quant à sa crédibilité.

 

[14]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5054‑05

 

 

INTITULÉ :                                                   JOSE GUILLERMO LOPEZ OCHOA

                                                                        LESBIA ARACELY GARCIA DE LOPEZ

                                                                        KELLY ADELAIDA LOPEZ

                                                                        (alias KELLY LOPEZ)

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 31 MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 8 AOÛT 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Loftus Cuddy

 

    POUR LES DEMANDEURS

David Joseph

 

    POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

    POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

    POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.