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Date : 20060818

Dossier : IMM-5964-05

Référence : 2006 CF 1001

Ottawa (Ontario), le 15 août 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

VICTOR ROZARIO

EVA MARIA ROZARIO

et

RAJ CLEMENT ROZARIO

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Victor Rozario, son épouse Eva Maria, ainsi que leur fils Raj Clement sont des chrétiens du Bangladesh. Ils revendiquent le statut de réfugiés au sens de la Convention et de personnes à protéger. Selon leur témoignage devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), ils auraient fait l’objet de persécution au Bangladesh du fait de leur identité religieuse et craignent d’être tués par les membres d’un groupe fondamentaliste musulman s’ils retournent dans leur pays.

[2]        La Commission a reconnu que les Rozario étaient bien des chrétiens, mais n’a pas prêté foi à leur témoignage sur ce qui leur était arrivé au Bangladesh. La Commission a également conclu que leur défaut, après leur départ du Bangladesh, de demander l’asile aux Bermudes ne concordait pas avec une véritable crainte subjective de persécution. La Commission a estimé que les Rozario étaient des migrants de la catégorie économique et leur demande d’asile a par conséquent été rejetée.

 

[3]        Les Rozario soutiennent, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, que la Commission n’a pas tenu compte d’éléments de preuve dont elle disposait lorsqu’elle a conclu qu’ils étaient simplement exposés à de la discrimination en tant que chrétiens au Bangladesh, et qu’elle a commis une erreur en tirant une inférence défavorable de leur défaut de demander l’asile aux Bermudes. Pour les motifs qui vont suivre, j’en suis venue à la conclusion que la Commission n’a pas conclu que les Rozario étaient simplement exposés à de la discrimination au Bangladesh et qu’elle n’a donc pas commis l’erreur alléguée. En présence d’une conclusion valable selon laquelle la demande d’asile des demandeurs ne reposait pas sur un fondement objectif, toute erreur relative à l’existence d’une crainte subjective de persécution était sans importance aux fins de la décision.

 

[4]        Au soutien de leur prétention selon laquelle la Commission a conclu qu’ils étaient exposés à de la discrimination et non à de la persécution, les demandeurs renvoient au passage suivant des motifs de la Commission :

[…]Même si le 2004 International Religious Freedom Report [rapport international sur la liberté de religion 2004] fait état d’une discrimination accrue de la majorité musulmane à l’égard des religions minoritaires depuis l’élection du Parti national du Bangladesh (BNP) en 2001, en particulier la communauté hindoue, laquelle appuie traditionnellement la Ligue Awami, il décrit les relations entre les collectivités religieuses comme étant [traduction] « généralement amicales ». Ceux qui ont délaissé l’islam pour se convertir au christianisme seraient exposés à un risque, mais ce n’est pas la situation à laquelle les demandeurs d’asile font face. [Notes omises.]

 

[5]        Si je donne une interprétation raisonnable à ce passage et que je tiens compte de l’ensemble des motifs de la Commission, je ne puis admettre que celle‑ci a conclu que ce à quoi les minorités religieuses sont confrontées au Bangladesh c’est de la discrimination. La Commission a plutôt cité le passage d’un article qui lui avait été présenté en preuve et où il était question de discrimination puis elle a conclu que la preuve documentaire objective était incompatible avec le témoignage des Rozario.

 

[6]        Les Rozario ayant établi qu’ils étaient des chrétiens du Bangladesh, la Commission était tenue d’examiner, ce qu’elle a fait, si la preuve documentaire permettait d’établir que les chrétiens du Bangladesh dans une situation analogue à celle des demandeurs étaient confrontés à de la persécution. En fonction de la preuve documentaire dont elle était saisie, il était raisonnable pour la Commission de conclure que cette preuve ne permettait pas par elle-même d’étayer une prétention de persécution fondée sur l’identité religieuse. On ne m’a pas convaincue du fait qu’en tirant une telle conclusion la Commission a fait abstraction d’éléments de preuve ou a procédé à un examen superficiel ou fortement sélectif de la preuve documentaire.

 

[7]        Comme on l’a déjà dit, la conclusion portant que la demande d’asile n’était pas objectivement fondée a porté un coup fatal à celle‑ci, puisque la « crainte fondée » visée à la définition de réfugié au sens de la Convention oblige le demandeur d’asile à établir l’existence tant d’une crainte subjective qu’objective de persécution. Il est par conséquent pas nécessaire que j’examine si la Commission a ou non commis une erreur en tirant une inférence défavorable du défaut des Rozario de demander l’asile aux Bermudes. Bien qu’on reconnaisse que les Bermudes ne sont pas un signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention), il ne ressort pas clairement du dossier quel est l’effet juridique du statut des Bermudes en tant que territoire d’outre-mer du Royaume-Uni (signataire de la Convention).

 

[8]        Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[9]        À des fins d’exhaustivité, je relève que dans leur mémoire supplémentaire les Rozario ont soulevé deux nouvelles questions : la question de savoir si les conclusions de la Commission quant à la crédibilité ont été tirées de manière abusive ou arbitraire, et celle de savoir si la Commission a manqué à l’obligation d’équité procédurale en commençant à interroger le demandeur d’asile principal, compte tenu de ce que prévoient les Directives n° 7 du président. On a laissé tomber la question de la crédibilité au cours de la plaidoirie, et l’argument fondé sur l’interrogatoire en ordre inversé a été retiré.

 

[10]      Les avocats n’ont demandé la certification d’aucune question et j’estime que le dossier ne soulève aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET DÉCIDE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5964-05

 

INTITULÉ :                                       VICTOR ROZARIO ET AUTRES

demandeurs

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 JUILLET 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                             LE 18 AOÛT 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

DOUGLAS LEHRER                                                              POUR LES DEMANDEURS

 

A. LEENA JAAKKIMAINEN                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VANDERVENNEN LEHRER                                                POUR LES DEMANDEURS

AVOCATS

TORONTO (ONTARIO)

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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