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Date : 20060824

Dossier : IMM-475-06

Référence :  2006 CF 1002

Ottawa (Ontario), le 24 août 2006

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

DANIELLE MARIE FROMENT

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               « […] the real test of the truth of the story of a witness in such a case must be its harmony with the preponderance of the probabilities which a practical and informed person would readily recognize as reasonable in that place and in those conditions.” (Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (BCCA).)

 

 

 

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi), à l’encontre d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SAI), rendue le 16 décembre 2005, rejetant l’appel de la demanderesse, selon le paragraphe 63(1) de la Loi, à l’encontre du rejet de la demande parrainée de résidence permanente de son époux, le requérant.

 

FAITS

[3]               La demanderesse, Mme Danielle Marie Froment, est âgée de 46 ans. Elle a parrainé la demande de résidence permanente de son époux, M. Jaswinder Singh Sukhwinder Malhi, qui est âgé de 36 ans et citoyen de l’Inde.

 

[4]               Mme Froment est née dans un orphelinat et a passé son enfance dans plusieurs foyers d’accueil où elle fut victime de violence. Très jeune, elle a commencé à travailler et elle a vécu d’abord avec un homme irresponsable et alcoolique, puis avec un homme violent qui la battait. Après ces deux expériences difficiles, Mme Froment a décidé de demeurer célibataire.

 

[5]               Mme Froment a commencé à s’occuper de deux petites filles lorsque leur mère les a abandonnées. Après quelques années, les services sociaux lui ont récemment permis d’adopter les fillettes, qui sont aujourd’hui âgées de neuf et huit ans.

 

[6]               M. Malhi est entré illégalement aux États-Unis en 1990 (selon son témoignage) ou en 1992 (selon le Cahier d’appel) avec de faux papiers et une fausse identité. Il a demandé l’asile et sa demande fut rejetée. Il s’est marié à une américaine et cette union s’est soldée par un divorce.

 

[7]               Mme Froment et M. Malhi se sont rencontrés en 2000 lors d’un voyage qu’a fait Mme Froment en Californie. M. Malhi était le chauffeur de taxi qui l’a conduit de l’aéroport de Los Angeles à son hôtel. Ils se seraient vus tous les jours pendant environ une semaine et il l’aurait ensuite invitée à passer le reste de ses vacances avec lui à son appartement.

 

[8]               Lors d’un voyage subséquent en Californie, Mme Froment et M. Malhi se sont mariés le 5 septembre 2000. Mme Froment a ensuite visité son mari à quelques reprises depuis leur mariage.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[9]               Malgré que la SAI ait trouvé le témoignage de Mme Froment au sujet de ses sentiments envers M. Malhi crédible, elle a refusé la demande parrainée de résidence permanente de M. Malhi en vertu de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), concluant que le mariage de M. Malhi et de Mme Froment n’était pas authentique puisqu’il visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

[10]           La SAI a fondé sa décision sur les nombreuses différences entre la situation des époux ainsi que le peu de connaissance qu’ils ont de chacun. Les conjoints ne partagent pas la même langue, Mme Froment parlant très peu l’anglais et M. Malhi ne parlant pas du tout le français. Mme Froment a dix ans de plus que M. Malhi. Ils ne partagent pas la même religion, Mme Froment étant chrétienne et M. Malhi étant de religion sikh. M. Malhi sait peu de choses au sujet des filles de Mme Froment qui sont ce qu’elle a de plus cher au monde. Lors de l’entrevue au consulat canadien, il ne connaissait pas leur prénom ou leur date de naissance. La SAI était aussi d’avis que M. Malhi n’avait pas été honnête avec Mme Froment au sujet de son divorce de sa première épouse et de son statut précaire aux États-Unis. 

 

QUESTION EN LITIGE

[11]           Il n’y a qu’une seule question en litige dans le présent cas, soit :

1. La SAI d’appel a-t-elle commis une erreur en concluant que M. Malhi n’est pas un membre du regroupement familial puisque son mariage avec Mme Froment n’est pas authentique?

 

ANALYSE

            Cadre législatif

[12]           Le paragraphe 63(1) de la Loi affirme qu’une personne qui parraine une demande de résidence permanente peut porter la décision en appel si la demande est refusée :

63.      (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63.     (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

 

 

[13]           Le paragraphe 67(1) de la Loi énumère les circonstances dans lesquelles un appel sera accordé :

67.      (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

 

 

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

 

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

67.      (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division  must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

 

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

[14]           Selon l’article 65 de la Loi, la SAI ne peut considérer les motifs humanitaires que lorsqu’il établit que l’étranger fait partie du regroupement familial :

65.      Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65.      In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

 

[15]           Le paragraphe 12(1) de la Loi explique sur quelle base il est déterminé qu’un étranger fait partie du regroupement familial :

12.      (1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement.

12.      (1) A foreign national may be selected as a member of the family class on the basis of their relationship as the spouse, common-law partner, child, parent or other prescribed family member of a Canadian citizen or permanent resident.

 

[16]           Selon l’article 4 du Règlement, pour faire partie du regroupement familial, il est nécessaire que la relation entre l’étranger et son parrain soit authentique et non seulement dans le but d’acquérir un statut ou un privilège en vertu de la Loi : 

4.      Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

4.      For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

 

 

Norme de contrôle

[17]           La norme de contrôle appropriée en l’espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable puisqu’il s’agit d’une question de faits (Khangura c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 815 (QL), au paragraphe 21; Sanichara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1015, [2005] A.C.F. no 1272 (QL), au paragraphe 11; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 347, [2002] A.C.F. no 461 (QL), au paragraphe 17; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Savard, 2006 CF 109, [2006] A.C.F. no 126 (QL), au paragraphe 12).

 

[18]           Tel qu’énoncé par le juge Luc Martineau, dans Singh, ci-dessus, au paragraphe 18 :

Les conclusions de fait et l'importance que doit attacher la Section d'appel aux éléments de preuve appellent une norme de retenue judiciaire très élevée. À moins d'une preuve contraire, on tient pour acquis que la Section d'appel a pris en compte tous les éléments de preuve dont elle dispose. À cet égard, la décision de la Section d'appel doit être interprétée dans son ensemble et ne devrait pas être soumise à un examen microscopique. Par conséquent, l'instance révisionnelle devrait refuser d'intervenir en présence de décisions fondées sur une appréciation de la crédibilité, dans la mesure où les explications fournies sont rationnelles ou raisonnables, ou encore qu'au vu du dossier il est loisible à la Section d'appel de tirer, selon le cas, une inférence négative quant à la crédibilité d'un demandeur ou d'un témoin.

 

La SAI a-t-elle commis une erreur en concluant que M. Malhi n’est pas un membre du regroupement familial puisque son mariage avec Mme Froment n’est pas authentique?

 

 

[19]           Un appel devant la SAI consiste en une audition de novo de la cause. Ainsi, les époux, plus précisément le demandeur, doivent fournir des preuves fiables et suffisantes qui démontrent que la décision de la Commission en première instance était erronée, c’est-à-dire que la relation entre les époux est bel et bien authentique (Sanichara, ci-dessus, au paragraphe 8; Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 696, [2006] A.C.F. no 881 (QL), au paragraphe 40; Morris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 369, [2005] A.C.F. no 469 (QL), au paragraphe 5). Les époux doivent démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que l’époux qui est parrainé n’est pas exclu du regroupement familial selon l’article 4 du Règlement (Singh, ci-dessus, au paragraphe 16).

 

[20]           Dans la décision de cette Sanichara, ci-dessus, aux paragraphes 16-18 et 20, le juge Michel Beaudry a énoncé le test à appliquer selon l’article 4 du Règlement :

Depuis l'entrée en vigueur du paragraphe 4 du Règlement, le critère dont il faut tenir compte pour déterminer si le conjoint peut être considéré comme membre de la catégorie du regroupement familial est le suivant. Il doit être établi : (1) que le mariage n'est pas authentique; et (2) que le mariage a été contracté principalement dans le but d'acquérir un privilège aux termes de la Loi.

Le demandeur prétend que la SAI a commis une erreur en n'appliquant pas correctement le critère à double volet énoncé dans la décision Horbas, précitée. Il soutient que la SAI a commis une erreur en ne tenant pas compte des intentions de l'épouse de vivre avec le demandeur. Je ne peux accepter cet argument.

L'intention de l'époux de demeurer en permanence avec le conjoint parraineur n'est plus un élément pertinent. Puisqu'un des éléments (c'est-à-dire que le mariage vise principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège prévu par la Loi) est toujours le même, le "critère" énoncé dans la décision Horbas, précitée, peut toujours être utile pour prouver cet élément. Toutefois, il n'est plus nécessaire de tenir compte de l'intention.

[…]

Dans une audition de novo, la SAI est en droit de déterminer la plausibilité et la crédibilité des témoignages et des autres éléments de preuve dont elle est saisie. L'importance qu'il faut accorder à cette preuve est également une question sur laquelle elle a le pouvoir de se prononcer. Tant et aussi longtemps que les conclusions et les inférences tirées par la SAI sont raisonnables au vu du dossier, il n'y a pas de raison de modifier sa décision. Quand une audience a été tenue, il faut faire preuve d'encore plus de retenue à l'égard des conclusions relatives à la crédibilité.

 

 

 

 

            La SAI  n’a pas commis d’erreur en concluant que l’époux de Mme Froment n’était pas membre de la catégorie du regroupement familial

 

La SAI pouvait, entre autres, considérer des facteurs comme l’âge, la différence de coutume ou de langue

 

[21]           Mme Froment soutient qu’il était déraisonnable pour la SAI de prendre en considération des facteurs tels l’âge, la différence d’éducation et de religion ou de coutume, pour évaluer si son époux appartenait à la catégorie famille.

 

[22]           Il est ici important de souligner que la Commission a tenu compte de ces éléments ainsi que d’autres facteurs comme le manque de connaissance du requérant au sujet du passé de sa conjointe et de ses enfants.

 

[23]           La SAI s’exprime ainsi dans ses motifs :

[…] Dans la société traditionnelle dont le requérant est issu, les coutumes et la religion jouent un rôle important, d’ailleurs c’est en raison de sa religion sikh que le requérant prétend avoir été persécuté en Inde. Les conjoints ne partagent pas la même langue, l’appelante parlant très peu l’anglais et le requérant ne parlant pas le français. Ils ne sont pas du même âge puisque dix ans les séparent. Ils n’ont pas la même religion, l’appelante étant chrétienne et le requérant étant de religion sikh qu’il dit pratiquer et il est aussi membre actif d’une association sikh (d’après le Cahier d’appel à la page 17). De plus, la rapidité avec laquelle il a invité l’appelante qu’il ne connaissait que depuis quelques jours à quitter son hôtel et à déménager chez lui n’est pas conforme à ses traditions et ne peut s’expliquer, comme il l’a dit, par le fait qu’il voulait lui économiser de l’argent. (Motifs de la SAI, page 2; DT, page 3)

 

 

[24]           Ainsi, souligne la SAI, c’est en raison de sa religion sikhe que l’époux de Mme Froment prétend avoir été persécuté en Inde. Il a aussi témoigné pratiquer sa religion et être membre d’une association sikhe. C’est en se basant sur ces faits que la SAI a indiqué dans ses motifs que la différence d’âge, de langue et la rapidité avec laquelle il a invité Mme Froment à quitter son hôtel et à déménager chez lui n’est pas conforme à ses traditions.

 

[25]           Dans la décision Kular c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] D.S.A.I. no 373, la SAI a indiqué ce qui suit :

Or, la SAI doit évaluer l'authenticité du mariage dans le contexte culturel dans lequel il a eu lieu. Cette culture est la culture sikhe et non pas la culture canadienne. Elles peuvent sembler discriminatoires pour certains, mais il n'en demeure pas moins que ces coutumes existent et régissent le choix des conjoints chez les Sikhs en Inde.

 

[26]           En ce qui concerne plus précisément la question de la langue, Mme Froment indique que la SAI a commis une erreur en rejetant la demande, entre autres, pour ce motif. Elle ajoute que l’anglais de Mme Froment est plutôt bon.

 

[27]           À cet égard, il ressort de la décision que la SAI a plutôt mentionné ce facteur dans le contexte des différences culturelles entre Mme Froment et son époux. Il est clair que la SAI a soulevé ce critère non pas pour indiquer que Mme Froment ne parlait pas bien anglais, mais plutôt pour mettre de l’emphase sur le fait que l’union de Mme Froment et de son époux n’est pas conforme aux traditions de ce dernier.

 

[28]           Dans l’affaire Dhillon, Gurprit Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [CAI 89-00571], Sherman, Ariemma, Tisshaw, 8 août 1989, la SAI a reconnu que des différences quant à l’éducation et la langue n’étaient généralement pas suffisantes pour justifier un refus. La SAI a toutefois tenu compte de ces éléments, ainsi que d’autres facteurs comme le manque de connaissance du répondant au sujet du passé de sa conjointe, pour conclure qu’il s’agissait d’un mariage aux fins de l’immigration. (Voir aussi : Morris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 369, [2005] A.C.F. no 469 (QL), par. 8.)

 

La SAI a, à juste titre, conclu que l’époux de Mme Froment n’avait pas une bonne connaissance des affaires la concernant

 

 

[29]           Il ressort de la preuve que Mme Froment et le requérant se sont mariés en septembre 2000, soit seulement quatre mois après le divorce du requérant, en mars 2000 [page 34 DT).

 

[30]           Mme Froment a également témoigné que le requérant lui avait dit que c’était lui qui avait demandé le divorce d’un précédent mariage [422 DT]. Or, il ressort plutôt de la preuve que c’est l’ex-épouse du requérant qui avait demandé le divorce (page 46 DT].

 

[31]           Il ressort aussi du témoignage de Mme Froment qu’elle savait peu de choses sur le statut de son mari aux États-Unis [403 et ss. DT].

 

[32]           Contrairement à ce que Mme Froment affirme [mémoire en réplique, par. 10 i], son époux fut incapable de citer le nom des enfants de celle-ci lors de l’entrevue avec l’agent d’immigration qui a eu lieu en novembre 2001. La SAI, à bon droit, tirer une inférence négative de ce fait [page 32 DT].

 

[33]           Également, lors de son entrevue avec l’agent de visas, le requérant ignorait que Mme Froment avait eu un enfant biologique décédé en bas âge. Or, celle-ci a affirmé à l’audience en avoir parlé à son mari (page 32, 401 DT].

[34]           Il est vrai que le répondant a pu nommer les noms des enfants de Mme Froment à l’audience, mais le contraire eut été étonnant. Le requérant avait eu tout le loisir de prendre connaissance des motifs de refus de l’agent de visas rendus le 24 août 2004. L’audience devant la SAI a eu lieu le 30 septembre 2005. Le requérant a donc disposé de plus d’un an pour apprendre le nom de deux enfants.

 

[35]           Par ailleurs, tant devant l’agent de visas que devant la SAI, il fut demandé au requérant les dates d’anniversaire des enfants ou bien encore en quelle année scolaire ils étaient. Il fut incapable de réponde [page 32, 460-462 DT].

 

[36]           Le requérant fut incapable de dire à l’agent de visas ce qu’aimait Mme Froment ou comment était sa personnalité. Il s’est contenté d dire qu’elle était grande et mince [page 32 DT].

 

[37]           Également, à l’audience devant la SAI, lorsqu’il fut demandé quels étaient les points en commun qu’il avait avec Mme Froment, sa réponse fut des plus frugales : « I share everything with her » [page 471 DT].

 

[38]           La SAI pouvait à bon droit se fonder sur les conclusions de l’agent de visas. Il est clair que la SAI est arrivée à sa décision en se fiant également aux autres éléments de preuve dont elle a été saisie. (Ni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 241, [2005] A.C.F. no 290 (QL).)

 

[39]           De plus, la SAI pouvait à bon droit prendre en considération le manque de connaissance du requérant concernant Mme Froment. (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 691, [2006] F.C.J. No. 878 (QL).)

 

[40]           Mme Froment et son époux sons mariés depuis 5 ans. Les lettres déposées en preuve par Mme Froment dans le but de démontrer l’authenticité de sa relation avec le requérant démontre un contenu vague et superficiel (pages 262 et ss. DT]. (Morris, ci-dessus)

 

[41]           Mme Froment indique dans son mémoire en réplique que la SAI n’a pas pris en considération que le père du requérant lui avait rendu visite au Canada et que ses enfants appelaient le requérant « papa Malhi ».

 

[42]           À moins que le contraire ne soit démontré, la SAI est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve. Le simple fait de ne pas mentionner toute la preuve ne renverse pas cette présomption. (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, [2002] A.C.S. no 31 (QL); Florea c. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1993] A.C.F. no. 598 (C.A.F.); Woolaston c. Canada (Minister of Manpower and Immigration), [1972] 28 D.L.R. (3d) 489 (C.S.C.), [1972] S.C.J. No. 79 (QL).)

 

[43]           En ce qui concerne les photocopies de cartes d’appel [pages 227 à 232 DT], celles-ci ne prouvent absolument rien, et les relevés d’appel [pages 131 à 328 DT] ne peuvent, en soit, combler les lacunes importantes relevées dans le témoignage du requérant.

 

[44]           Il en est de même pour les preuves d’envoi d’argent. De plus, à ce sujet, il est ici utile de noter que le requérant a choisi de ne pas envoyer de message avec chacun de ces transferts alors qu’il lui était possible de le faire [pages 37 et ss. DT].

 

[45]           De plus, ces pièces auront une valeur bien différente selon qu’elles ont été soumises, ou non, seulement à la SAI, et non devant l’agent de visas qui a rendu la première décision quant à la bonne foi du mariage. Dans l’affaire Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1255, [2001] A.C.F. no 1703 (QL), il est mentionné ce qui suit :

La nouvelle preuve soumise à la Section d'appel est incompatible avec la preuve présentée à l'origine à l'agent des visas, et cette contradiction n'est pas expliquée. Je suis d'avis qu'il était raisonnable pour la Section d'appel de conclure que cette preuve additionnelle ne sert qu'à donner une apparence d'authenticité à la relation en cause.

 

[46]           Mme Froment, en l’espèce, ne fait qu’exprimer son désaccord avec l’appréciation que la SAI a fait des divers éléments de sa preuve et des explications présentées pour justifier les nombreuses et importantes lacunes dans la preuve. Elle tente de substituer se propre opinion à celle de la SAI quant aux conclusions de fait tirées par la SAI. En somme, elle ne démontre nullement que ces conclusions sont manifestement déraisonnables.

 

[47]           Un agent de visas a d’abord conclu que Mme Froment n’avait pas démontré que son mariage était authentique ou qu’il n’avait pas été contracté par le requérant dans le but d’acquérir un statut au Canada. Mme Froment a ensuite eu une opportunité additionnelle de prouver l’authenticité de son mariage devant la SAI. Encore une fois, devant ce deuxième décideur, elle n’a pas réussi à convaincre que son mariage était authentique.

 

[48]           Étant donné l’ensemble des raisons évoquées par la SAI et le caractère raisonnable de chacune de ces conclusions, Mme Froment n’a pas rencontré son fardeau de démontrer que cette Cour est justifiée d’intervenir.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale soit certifiée. Les parties n’ont préposé aucune question à la certification et la Cour estime que la présente affaire repose uniquement sur ses propres faits.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-475-06

 

INTITULÉ :                                       DANIELLE MARIE FROMENT c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 15 août 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 24 août 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stewart Istvanffy

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Claudia Gagnon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ISTVANFFY VALLIÈRES & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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