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Date : 20060824

Dossier : T‑920‑05

Référence : 2006 CF 1023

Ottawa (Ontario), le 24 août 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

 

ENTRE :

OMEGANUTREL INC. et GRAND VALLEY FORTIFIERS INC.

demanderesses

et

 

FOOD SYSTEMS INNOVATIONS INC. et L'UNIVERSITÉ DE GUELPH

défenderesses

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s'agit d'une requête formée par la défenderesse l'Université de Guelph en vue d'obtenir une ordonnance annulant l'ordonnance de la protonotaire Milczynski en date du 6 juin 2006 (l'ordonnance après réexamen). Par cette ordonnance, la protonotaire a rejeté la requête de l'Université de Guelph en annulation ou modification de son ordonnance du 3 avril 2006 (l'ordonnance de constitution de partie), qui avait autorisé, entre autres, la constitution de l'Université comme partie à la présente instance sous le régime de l'article 104 des Règles des Cours fédérales. En outre, la défenderesse Food Systems Innovation Inc. (FSI) présente une requête tendant à faire infirmer l'ordonnance du 3 avril 2006 par laquelle la protonotaire a rejeté sa requête en suspension de la présente instance.

 

[2]               La suite des événements qui ont mené à la présente requête peut être décrite comme suit. Le 27 mai 2005, les demanderesses ont intenté devant la Cour fédérale une action en vue d'obtenir réparation de FSI, sous le régime de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce, pour avoir diffusé dans leur secteur d'activité des déclarations censément fausses et trompeuses, les concernant elles-mêmes et leur technologie maintenant brevetée (la technologie ONI). Les déclarations en cause ont été diffusées dans des lettres aux membres du secteur où FSI les aurait entre autres menacés de poursuites en contrefaçon de brevet s'ils ne cessaient pas d'utiliser la technologie ONI ou les produits fabriqués au moyen de celle‑ci.

 

[3]               Le 19 janvier 2006, les défenderesses ont introduit devant la Cour supérieure de l'Ontario une action où elles alléguaient que la technologie ONI de la demanderesse contrefait le brevet de l'Université de Guelph. Cette action se fonde aussi sur la thèse qu'ONI, une entreprise liée à ONI et un administrateur d'ONI avaient un devoir fiduciaire envers l'Université de Guelph et qu'ils ont manqué à leurs obligations fiduciaires de bonne foi, de loyauté et de confidentialité. Les défenderesses réclament comme mesures de réparation dans cette action la création d'une fiducie constructoire et une ordonnance de recherche des gains provenant du manquement aux obligations susdites. L'action ontarienne en est à l'étape des actes de procédure : FSI et l'Université de Guelph ont formé dans ce cadre une requête en radiation de la demande reconventionnelle des défenderesses (à l'action ontarienne) qui doit être entendue en octobre 2006.

 

[4]               Le 28 mars 2006, la défenderesse FSI a déposé auprès de notre Cour une requête en suspension d'instance sous le régime de l'article 50 des Règles des Cours fédérales. Par ordonnance en date du 7 avril 2006, la protonotaire Milczynski, en qualité de responsable de la gestion de l'instance, a rejeté cette requête sur le fondement, entre autres, des motifs dont l'exposé suit :

 

[TRADUCTION]

 

FSI soutient que, bien que l'action portée devant la Cour fédérale ait été introduite la première et ait franchi un plus grand nombre des étapes préalables au procès, il serait dans l'intérêt de la justice et de l'efficacité que toutes les questions en litige soient tranchées dans le cadre de l'action ontarienne, la Cour fédérale ne pouvant examiner les prétentions relatives au manquement aux obligations fiduciaires. Les facteurs énumérés ci‑dessus, cependant, indiquent clairement que ce fait ne suffit pas à lui seul à justifier la suspension de l'action des demanderesses, étant donné en particulier que la demanderesse OMI a déposé des éléments de preuve tendant à établir l'effet considérable que les actes de FSI ont eu sur son activité et sa capacité à exploiter sa technologie brevetée, ainsi que le préjudice persistant causé par l'incertitude et celui que causerait tout retard dans le règlement de la question de la contrefaçon. À cet égard, il ne semble pas y avoir de désaccord sérieux entre les parties sur la probabilité que l'action portée devant la Cour fédérale soit instruite la première. Cette instruction non seulement réglera la question de la technologie brevetée d'OMI et de sa capacité à diriger ses affaires, mais réduira sensiblement aussi le champ des questions à trancher par la Cour supérieure de l'Ontario. L'avocat de FSI reconnaît que si la Cour fédérale tranche la question de l'absence de contrefaçon pour l'application de l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce, la question de la contrefaçon soulevée dans l'action ontarienne s'en trouvera du même coup réglée. Il n'y a donc pas lieu de craindre des issues contradictoires, de sorte que je ne vois aucune raison de retarder la décision en question. FSI n'a guère produit d'éléments, si même elle en a produit, qui tendraient à établir qu'elle subirait un préjudice dans le cas où cette décision serait rendue avant l'examen des prétentions relatives au manquement aux obligations fiduciaires. L'avocat de FSI a reconnu que les prétentions qui relèvent de la compétence exclusive de la Cour ontarienne ne dépendent pas de la question de la contrefaçon et peuvent être examinées indépendamment de la décision sur cette question.

 

Pour ce qui concerne les constatations particulières à établir sur chacun des facteurs énumérés ci‑dessus, je souscris aux paragraphes 36 à 51 des conclusions écrites des demanderesses et note en outre ce qui suit :

 

- la décision de la question de la contrefaçon sera retardée si l'on s'en remet à l'action ontarienne : celle‑ci n'en est encore qu'à l'étape des actes de procédure, et il a été déposé une requête relative aux actes de procédure qui ne doit être entendue qu'en octobre de l'année courante;

 

- le retard qu'entraînerait le fait de s'en remettre à la Cour ontarienne pour décider la question de la contrefaçon causerait un préjudice manifeste et appréciable aux demanderesses : les menaces de poursuites en contrefaçon de brevet proférées par FSI contre les clients d'ONI nuisent à l'activité de cette dernière et compromettent sa capacité à exploiter sa technologie brevetée;

 

- FSI n'a pas produit suffisamment d'éléments tendant à établir qu'elle subirait un préjudice si la suspension n'était pas prononcée, et il apparaît plutôt que la continuation de l'action portée devant la Cour fédérale permettra une réduction du nombre des questions en litige devant la Cour ontarienne et un règlement plus rapide de l'affaire;

 

- c'est FSI elle-même qui a créé la situation qu'elle invoque à l'appui de la suspension : FSI et l'Université de Guelph allèguent la contrefaçon de brevet dans l'action ontarienne, sachant que cette question était déjà en litige devant la Cour fédérale;

 

- le fait d'ajouter à l'action ontarienne de nouvelles prétentions qui ne ressortissent pas à la Cour fédérale ne peut justifier l'octroi de la suspension, étant donné que ces prétentions, qui concernent le manquement aux obligations fiduciaires, sont indépendantes de la contrefaçon de brevet et peuvent être examinées qu'il soit ou non conclu à la contrefaçon.

 

Comme je le disais plus haut, je conclus que la présente requête est dénuée de tout fondement. Elle n'a servi qu'à ralentir l'instance et vise à retarder la décision finale sur la question de la contrefaçon de brevet. On ne doit pas former à la légère des requêtes tendant à entraver la présentation de ses moyens par le demandeur. La requête qui nous occupe, étant de cette nature, mérite selon moi d'être rejetée avec des dépens supérieurs à la normale.

                                             

                                                                        [Non souligné dans l'original.]

 

 

[5]               Peu après, soit le 20 avril 2006, la protonotaire a rendu en réponse à une requête formée par les demanderesses une ordonnance par laquelle, entre autres dispositions, elle autorisait la constitution de l'Université de Guelph comme défenderesse à l'action. Le 27 avril 2006, la défenderesse l'Université de Guelph a déposé, sous le régime de l'article 399 des Règles des Cours fédérales, une requête en réexamen de l'ordonnance par laquelle la protonotaire l'avait constituée partie.

 

[6]               Par décision en date du 6 juin 2006, la protonotaire a rendu une ordonnance rejetant la requête de l'Université de Guelph sur le fondement, entre autres, des motifs suivants :

 

[TRADUCTION]

 

Vu les conclusions de l'Université de Guelph et des demanderesses, je ne trouve aucune raison, sous le régime de l'article 399 des Règles, d'annuler ou de modifier l'ordonnance constituant ladite Université défenderesse à la présente instance.

 

L'article 399 des Règles des Cours fédérales dispose que la Cour peut annuler ou modifier une ordonnance rendue sur requête ex parte, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue, ou si des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après qu'elle a été rendue. Aucune de ces deux conditions n'est remplie ici, et je suis convaincue de la légitimité de constituer l'Université de Guelph partie à la présente action.

 

Premièrement, compte tenu de l'article 37 des Règles des Cours fédérales, la Cour peut exercer sa faculté d'entendre la requête de la demanderesse ex parte, puisqu'elle a déjà examiné le rôle de l'Université de Guelph dans l'affaire (c'est‑à‑dire sa participation à l'exécution des engagements de la défenderesse Food Systems Innovation Inc., ainsi que le fait qu'elle soit nommée dans l'ordonnance de confidentialité et visée par celle‑ci) et que la dite Université savait très bien depuis longtemps que cette requête serait présentée.

 

Deuxièmement, je ne vois aucune raison de modifier ou d'annuler l'ordonnance au motif que certains changements ont été apportés au projet de déclaration modifiée joint à l'avis de requête. Un bon nombre de ces changements n'étaient que des retouches ou des remaniements de rédaction, visant à réorganiser l'information ou à ajouter des éclaircissements ou des précisions. D'autres changements étaient nécessaires et découlaient de l'ordonnance séparant les prétentions de Stoney Creek Dairy pour les incorporer dans une action distincte. En tout état de cause, je souscris à la thèse des demanderesses selon laquelle il leur était permis de modifier l'acte de procédure sans autorisation, en vertu de l'article 200 des Règles des Cours fédérales.

 

Troisièmement, il n'y a aucune raison de réexaminer la question de savoir si la demanderesse est tenue de déposer un cautionnement pour dépens. Cette question a été examinée à fond à l'audience de la requête en avril, et les nouvelles observations présentées aujourd'hui par l'Université de Guelph à ce sujet ne justifient pas la remise en cause de la décision alors rendue.

 

 

[7]               Les défenderesses ont maintenant saisi notre Cour d'une requête en annulation des ordonnances susdites de la protonotaire.

 

[8]               L'Université de Guelph conteste l'ordonnance de constitution de partie au motif que la protonotaire n'aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière légitime en la constituant partie sur requête ex parte. Elle soutient que les pièces de la requête auraient dû lui être signifiées en bonne et due forme. Pour ce qui concerne l'ordonnance après réexamen, l'Université de Guelph affirme que la protonotaire a commis une erreur de droit en concluant que l'allégation formulée contre elle dans la déclaration modifiée complémentaire est suffisamment précise pour constituer une allégation valide sous le régime du paragraphe 60(2) de la Loi sur les brevets. Elle fait en outre valoir que la protonotaire a commis une autre erreur de droit en concluant que les demanderesses ne sont pas tenues de déposer un cautionnement pour dépens sous le régime du paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets.

 

[9]               L'avocat de la défenderesse l'Université de Guelph a passé beaucoup de temps à présenter devant moi ses moyens de fond. Il a examiné en détail le point de savoir si les lettres que les défenderesses avaient adressées aux membres du secteur – lettres auxquelles les demanderesses ont trouvé à redire et qui les ont incitées à introduire leur action devant la Cour fédérale – pouvaient effectivement être perçues comme contenant des menaces de poursuites en contrefaçon, ainsi que l'effet de ces lettres sur leurs destinataires. Cependant, c'est au juge du fond qu'il appartient de décider ces points, si le règlement du présent litige exige qu'ils soient décidés. Ils ne sont pas pertinents à l'égard des questions dont je suis saisi dans le cadre de la présente requête.

 

[10]           Ma fonction dans l'examen des ordonnances discrétionnaires que la protonotaire a rendues en qualité de responsable de la gestion de l'instance n'est pas de tenir une nouvelle audience sur le fond. La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars Ltd. [2003] A.C.F. no 765, a bien précisé que la Cour doit faire preuve de retenue dans de tels cas :

 

[…] la présente Cour a décidé de ne jamais intervenir dans une décision prononcée par un juge responsable de la gestion des instances, sauf « dans les cas où un pouvoir discrétionnaire judiciaire a manifestement été mal exercé » (Sawridge Indian Band c. Canada [2002] 2 C.F. 346). Comme la présente Cour le précisait dans l'affaire connexe Sawridge Band c. Canada, 2001 CAF 339, au paragraphe 4, « la réunion et la disjonction d'actions représentent probablement les sujets les plus complexes de la gestion des instances ». Pour la Cour, il est clair que le juge Gibson était parfaitement au fait de ces nouveaux principes et qu'en confirmant la décision du protonotaire, il les a appliqués correctement.

 

                                                          [Non souligné dans l'original.]

 

 

[11]           Ni l'une ni l'autre des défenderesses ne m'a convaincu que la protonotaire ait manifestement mal exercé son pouvoir discrétionnaire en rendant les deux ordonnances en question.

 

[12]           Pour ce qui concerne le motif invoqué par l'Université de Guelph contre l'ordonnance de constitution de partie, je ne comprends pas pourquoi elle pense qu'elle avait droit à un avis en bonne et due forme de la requête qui y a donné lieu. Aucune disposition des Règles ne prescrit la signification à une partie éventuelle de l'avis de la requête visant à la faire constituer partie. La partie éventuelle n'a pas automatiquement qualité pour agir dans une requête tendant à la faire constituer partie à une instance en cours. Les seules parties qui avaient automatiquement qualité pour contester la constitution de l'Université de Guelph comme partie étaient l'ancienne demanderesse, Stoney Creek Dairy Ltd. (SCD), et la défenderesse, Food Systems Innovation Inc. (FSI). Ces deux parties ont reçu signification en bonne et due forme des pièces de la requête des demanderesses, et leurs avocats à toutes deux ont présenté leurs conclusions le 3 avril 2006.

 

[13]           L'article 37 des Règles des Cours fédérales soumet au pouvoir discrétionnaire de la Cour le point de savoir si une personne sera constituée partie. J'estime que la protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire légitimement en permettant que la requête ex parte en constitution de partie suive son cours.

 

[14]           Premièrement, la position et les intérêts de l'Université de Guelph étaient en fait défendus à l'audience du 3 avril 2006 devant la protonotaire par le cabinet Blake, Cassels, qui postule aussi pour elle dans l'action portée devant la Cour supérieure de l'Ontario, laquelle intéresse un bon nombre des mêmes parties. Au début de la procédure de requête, l'avocat de l'Université de Guelph a produit en preuve des courriels faisant état, entre autres, de la position de cette dernière sur la requête des demanderesses tendant à la faire constituer partie. La protonotaire a examiné cette correspondance et, en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 37 des Règles, a décidé d'entendre la requête en dépit de la position ainsi exprimée par l'Université de Guelph.

 

[15]           En outre, la preuve produite devant la protonotaire établissait entre autres les faits suivants :

a) un accord de commercialisation relatif à la technologie de l'Université de Guelph liait depuis de nombreuses années cette dernière à la défenderesse Food Systems Innovation Inc.;

 

b) l'Université de Guelph avait participé activement à l'instance en recherchant des documents pertinents pour son concessionnaire, FSI, et en lui fournissant de tels documents;

 

c) l'Université de Guelph était nommée dans l'ordonnance de confidentialité comme personne autorisée à prendre connaissance des renseignements y déclarés confidentiels;

 

d) l'Université de Guelph est représentée par le cabinet Blake, Cassels dans l'action portée devant la Cour supérieure de l'Ontario depuis au moins le 19 janvier 2006 et était présente à l'audience tenue devant la protonotaire le 3 avril 2006, mais elle a inexplicablement décidé de ne pas déposer d'observations pour son compte dans le cadre de la requête de la demanderesse.

 

 

[16]           Se fondant sur la preuve et les observations qui lui avaient été présentées, la protonotaire a conclu qu'il était dans l'intérêt de la justice de constituer l'Université de Guelph partie à l'instance en cours plutôt que d'exiger des demanderesses qu'elles introduisent une nouvelle action, ce que, comme elle l'a fait observer, elles auraient pu faire sans en donner préavis à l'Université. La protonotaire a ainsi exercé son pouvoir discrétionnaire de manière tout à fait légitime, et rien ne justifie que la Cour remette cette ordonnance en cause.

 

[17]           J'examinerai maintenant l'ordonnance par laquelle la protonotaire a refusé la suspension d'instance.

 

[18]           En règle générale, il ne suffit pas que la personne qui demande une suspension d'instance établisse qu'une action ayant le même objet a été intentée devant un autre tribunal. Elle doit prouver qu'il y a, en fait, vexation, c'est‑à‑dire qu'elle doit convaincre la Cour que la continuation de l'action causerait une injustice parce qu'elle serait oppressive, mais aussi que sa suspension n'entraînerait pas d'injustice pour le demandeur. L'exercice du droit de poursuite de ce dernier ne doit pas être entravé à la légère.

 

[19]           Dans la présente espèce, il n'y a tout simplement aucune preuve que la continuation de l'action portée devant la Cour fédérale causerait quelque préjudice que ce soit aux défenderesses. Il n'a pas été expliqué pourquoi les défenderesses ont décidé de s'abstenir d'engager, dans le cadre de cette action, une procédure en contrefaçon de brevet sous la forme d'une demande reconventionnelle en juillet 2005, ni pourquoi la défenderesse FSI a attendu huit mois pour introduire sa propre action devant la Cour supérieure de l'Ontario, et dix mois pour présenter sa requête en suspension d'instance.

 

[20]           La protonotaire n'a pas commis [TRADUCTION] d'« erreur fondamentale d'appréciation touchant la nature d'une allégation de mensonge préjudiciable » comme l'affirme FSI. Elle a constaté à juste titre que les menaces de poursuites en contrefaçon de brevet contenues dans les lettres de FSI aux membres du secteur constituaient un élément fondamental de la cause d'action des demanderesses. En conséquence, le point de savoir si la technologie ONI contrefait le brevet en question  est une question réelle dans le contexte de l'instance portée devant la Cour fédérale, et une question que les demanderesses ont le droit de voir trancher sans retard.

 

[21]           J'ai la conviction que la protonotaire a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en tant que responsable de la gestion de l'instance et qu'elle n'a commis aucune erreur, de fait ou de droit, qui justifierait l'annulation de sa décision. Je souscris sans réserve à son observation selon laquelle la requête de FSI était tout à fait injustifiée et entièrement dénuée de fondement, étant donné que la preuve produite dans le cadre de cette requête a révélé que FSI ne remplissait absolument aucun des critères qu'applique notre Cour pour guider l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à l'égard des requêtes en suspension d'instance. La protonotaire a appliqué correctement le droit à la preuve produite devant elle.

 

[22]           FSI propose dans ses conclusions un long exposé de ses moyens de fond, dans le but de démontrer que la protonotaire chargée de la gestion de l'instance a commis une erreur flagrante dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Cependant, il n'appartenait pas à la protonotaire d'évaluer la force ou la faiblesse des moyens respectifs des parties, et elle ne visait pas par son exposé de motifs à se prononcer sur le fond de la position de l'une ou l'autre des parties. Elle n'a fait, dans cet exposé, que motiver sa conclusion que la preuve dont elle disposait ne justifiait absolument pas la suspension de l'instance.

 

[23]           FSI soutient que la protonotaire a mal compris plusieurs faits d'importance pour l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Je ne souscris pas à cette proposition. Au contraire, la protonotaire a bien compris que l'action ontarienne comportait une cause d'action qu'il était possible de faire valoir devant la Cour fédérale. La preuve dont Me Milczynski disposait ne l'a pas convaincue que FSI eût rempli le critère rigoureux auquel est subordonné l'octroi d'une suspension, étant donné en particulier le temps qu'elle avait mis à demander cette suspension et l'absence complète d'éléments de preuve tendant à établir le préjudice qu'elle subirait en cas de rejet de sa requête en suspension. En fait, FSI reconnaît elle-même que son allégation de préjudice est de nature spéculative, puisqu'on peut lire à l'alinéa 64 f) de ses conclusions qu'elle [TRADUCTION] « pourrait subir un préjudice si l'action portée devant la Cour fédérale n'est pas suspendue ». Comme la protonotaire l'a établi à juste titre, il incombait à FSI de prouver que la continuation de l'action intentée devant la Cour fédérale lui causerait effectivement un préjudice important, et non pas seulement des désagréments et des frais supplémentaires.

 

[24]           Je souscris à la proposition formulée par les demanderesses dans la présente espèce que FSI n'a formé sa requête en suspension d'instance que pour des raisons tactiques et pour faire augmenter leurs frais. FSI sait très bien qu'ONI se trouve dans une situation financière précaire. Je pense également comme la protonotaire que la requête en suspension d'instance n'aurait jamais dû être déposée, et elle me paraît avoir eu tout à fait raison de condamner FSI à des dépens appréciables. FSI essaie tout simplement de continuer à retarder l'issue de l'action intentée devant la Cour fédérale. Il n'existe aucun élément de preuve qui étayerait la conclusion que les dépens accordés seraient excessifs ou que la décision de la protonotaire serait assez peu justifiée pour donner à penser qu'elle aurait commis une erreur de principe.

 

[25]           Pour tout dire, je suis vraiment troublé par la conduite des défenderesses dans la présente action. Les requêtes qu'elles ont formées devant la protonotaire et devant moi se révèlent dénuées de fondement et semblent n'être rien d'autre que faux-fuyants et atermoiements. Ces requêtes sont frivoles, vexatoires et abusives, et elles attestent un manque de respect pour notre Cour que j'estime offensant. En outre, l'action intentée devant la Cour supérieure de l'Ontario se trouve aujourd'hui sensiblement retardée parce que les défenderesses, là encore, ont formé une requête en radiation ou suspension de la demande reconventionnelle déposée par les demanderesses devant ladite Cour. Cette requête, en effet, ne pourra être entendue que le 2 octobre 2006, date la plus proche qui s'avérait convenir à la Cour et à tous les avocats.

 

[26]           En conséquence, la Cour, comme l'en ont priée les demanderesses, exercera son pouvoir discrétionnaire relativement à l'adjudication des dépens. Les demanderesses déposeront devant la Cour leurs conclusions écrites sur la question des dépens au plus tard le 15 septembre 2006, et les défenderesses déposeront les contre-conclusions correspondantes au plus tard le 30 septembre 2006.

 

 

 

 

 

 


 

ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE que les requêtes des défenderesses soient rejetées.

 

 

 

« Paul U.C. Rouleau »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑920‑05

 

INTITULÉ :                                       OMEGANUTREL INC. et GRAND VALLEY FORTIFIERS INC.

                                                            c.

                                                            FOOD SYSTEMS INNOVATION INC. et L'UNIVERSITÉ DE GUELPH

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 29 JUIN 2006

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE SUPPLÉANT ROULEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 24 AOÛT 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arthur B. Renaud

 

POUR LES DEMANDERESSES

Tony S.K. Wong

 

 

Albert G. Formosa

 

POUR LA DÉFENDERESSE FOOD SYSTEMS INNOVATIONS INC.

 

POUR LA DÉFENDERESSE L'UNIVERSITÉ DE GUELPH

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones LLP

Avocats

 

POUR LES DEMANDERESSES

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

 

Weirfoulds LLP

Avocats

 

POUR LA DÉFENDERESSE FOOD SYSTEMS INNOVATIONS INC.

 

POUR LA DÉFENDERESSE

L'UNIVERSITÉ DE GUELPH

 

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