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Date : 20060822

Dossier : T-1428-06

Référence : 2006 CF 1011

Edmonton (Alberta), le 22 août 2006

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

demanderesse

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

CAROLYN POLLARD

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

REQUÊTE

[1]               Il s’agit d’une requête introduite par la Société canadienne des postes (Postes Canada ou la demanderesse) visant l’obtention d’une ordonnance provisoire suspendant la décision et les instructions du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail datées du 14 juillet 2006 (la décision) en attendant que soit tranchée la demande de contrôle judiciaire visant la décision.

 

[2]               Dans la décision, la défenderesse (Mme Pollard) a vu être accueilli son appel d’une décision rendue par l’agent de santé et de sécurité concernant son refus de travailler en vertu des dispositions de la partie II, Santé et sécurité au travail, du Code canadien du travail (le Code). 

 

CONTEXTE

[3]               La demanderesse est mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, aux termes de l’article 23 de la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C-10. Postes Canada a compétence exclusive pour mettre sur pied et exploiter les services postaux au Canada.  

 

[4]               Mme Pollard avait initialement été engagée en tant qu’entrepreneur indépendant pour faire la distribution postale rurale et s’est acquittée de ses fonctions à ce titre de septembre 1998 à décembre 2003.

 

[5]               Le 3 décembre 2003, Mme Pollard s’est vu offrir et a accepté un emploi (entrée en fonction le 1er janvier 2004) chez Postes Canada (désigné devant nous sous le titre de [traduction] « facteur rural et de banlieue » (FRB)), ce qui l’a assujettie aux dispositions de la partie II du Code traitant de santé et de sécurité au travail.  

 

[6]               Certains FRB avaient pris l’habitude interdite de distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales par la fenêtre du côté conducteur en conduisant du mauvais côté de la route. En juin 2004, Postes Canada a écrit à Mme Pollard (ainsi qu’à tous les autres FRB) pour l’informer qu’elle ne pouvait plus conduire sur l’accotement gauche des routes pour distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales puisqu’il s’agissait d’une violation du code de la route. 

 

[7]               Mme Pollard a fait part de ses réserves à Postes Canada concernant la distribution du courrier par la fenêtre du côté passager de sa voiture. Après avoir examiné de nouveau le trajet de Mme Pollard et avoir conclu qu’elle pouvait distribuer en toute sécurité le courrier par la fenêtre du côté passager, Postes Canada l’a avisée qu’elle était obligée de le faire. 

 

 

[8]               Le 24 novembre 2004, Postes Canada a informé Mme Pollard que son trajet avait été restructuré pour faire en sorte qu’elle n’ait plus à distribuer le courrier à partir de l’accotement gauche de la route. Postes Canada a ordonné à Mme Pollard de distribuer le courrier par la fenêtre du côté passager. 

 

 

[9]               Sans tenter de faire sa distribution, Mme Pollard a refusé de continuer à travailler. Selon elle, les mouvements qu’elle aurait dû exécuter pour distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales par la fenêtre du côté passager de sa voiture, c’est-à-dire se pencher, s’étirer et se contorsionner, constituaient un danger au sens de la partie II du Code. 

 

[10]           En plus de Mme Pollard, des FRB de partout au Canada ont déposé des plaintes relatives à la sécurité et ont refusé de travailler pour des motifs de sécurité routière et, particulièrement, de distribution sécuritaire dans les boîtes aux lettres rurales. À la suite de ces plaintes et de ces refus, Postes Canada a commandé une étude au Conseil national de recherches du Canada (CNRC) pour qu’il mette au point des critères pour la distribution sécuritaire dans les boîtes aux lettres rurales.

 

Décision de l’agent de santé et de sécurité

[11]           L’agent de santé et de sécurité (ASS) Manella a été contacté et a fait enquête sur le refus de travailler de Mme Pollard le 25 novembre 2004. Le 14 décembre 2004, l’ASS Manella a rendu son rapport d’enquête et sa décision où il a conclu à l’absence de danger pour Mme Pollard. Cependant, l’ASS Manella a donné à Postes Canada la directive d’introduire une procédure de travail sécuritaire et de procéder à une analyse du risque professionnel. 

 

 

[12]           Le 22 décembre 2004, Mme Pollard a interjeté appel de la décision rendue par l’ASS Manella, en vertu du paragraphe 129(7) du Code.

 

 

[13]           Le 10 avril 2006, M. Christopher Eady, agent, sécurité et ergonomie, chez Postes Canada, a procédé à un examen ergonomique de la distribution du courrier par les FRB dans les boîtes aux lettres rurales sur lequel s’est appuyé Postes Canada à l’audition de l’appel interjeté par Mme Pollard devant le Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail (BCA‑SST).

 

 

Décision du BCA‑SST

 

[14]           Le 14 juillet 2006, le BCA‑SST a rendu sa décision et ses instructions (la décision) et il a accueilli l’appel de Mme Pollard et annulé la décision rendue par l’ASS Manella.

 

 

[15]           Postes Canada allègue que le BCA‑SST a tiré les conclusions suivantes :

(a)                L’ASS Manella a commis une erreur dans sa décision parce qu’il a examiné de trop près les questions relatives au refus de travailler de Mme Pollard et n’a pas pris en compte les circonstances existant à l’époque où Mme Pollard a refusé de travailler;

(b)               Il existait pour Mme Pollard un « danger » au sens de la partie II du Code relativement aux risques liés à la route et à l’ergonomie dans le cadre de son travail; 

(c)                Il pouvait y avoir « danger » au sens de la partie II du Code dans des circonstances où l’environnement et le type de mouvements exécutés étaient laissés entièrement à la discrétion du travailleur; 

(d)               Postes Canada était tenue par la partie II du Code d’informer ses employés des différentes manières d’effectuer le travail en question et de leur fournir la formation nécessaire;

(e)                Un rythme de distribution de plus de 40 boîtes aux lettres rurales à l’heure comportait des risques inhérents de blessure, ce qui constituait un « danger » au sens du Code;

(f)                 Le trouble médical dont souffrait Mme Pollard, soit de l’arthrite au dos, et qui l’a rendue incapable de s’acquitter des tâches liées à son poste constituait un « danger » au sens du Code;

(g)                Tous les employés pourraient souffrir d’une faiblesse physique ou mentale qui les empêcherait d’accomplir en toute sécurité le travail exigé; 

(h)                Mme Pollard pouvait refuser d’effectuer le travail en invoquant le motif de la sécurité ergonomique sans préciser quels mouvements constituaient un « danger » au sens du Code pour sa santé et sa sécurité;

(i)                  Les mouvements en question ne constituaient pas une « condition normale de son emploi » et n’étaient donc pas exemptés des dispositions relatives au travail dangereux, comme le prévoit l’alinéa 128(2)b) du Code;

(j)                 La renonciation au règlement des griefs signée par Mme Pollard, par laquelle elle retirait son appel, n’empêchait pas qu’il soit statué l’appel;

(k)               Postes Canada a manqué à son obligation prévue au Code de fournir la formation aux FRB relativement à la distribution du courrier dans les boîtes aux lettres rurales par la fenêtre du côté passager de leur véhicule.

 

Demande de contrôle judiciaire de Postes Canada

 

[16]           Le 8 août 2006, Postes Canada a introduit une demande de contrôle judiciaire pour obtenir un bref de certiorari annulant la décision du BCA‑SST sur le fondement des erreurs susceptibles de contrôle suivantes :

(a)                Conclure que le BCA‑SST avait compétence pour évaluer le « danger » et conclure à la présence d’un « danger » au sens du Code relativement aux questions de sécurité routière, malgré le fait qu’elles n’aient été le sujet ni de l’examen ni des instructions de l’ASS Manella et qu’elles n’aient pas été soulevées en appel; 

(b)               Juger qu’il était possible de conclure à un « danger » au sens du Code :

(i)                  dans des circonstances où l’environnement de travail, la position du corps et le type de mouvements exécutés sont laissés entièrement à la discrétion du travailleur; 

(ii)                sur le fondement que Postes Canada était tenue par la partie II du Code d’informer ses employés des différentes manières d’effectuer le travail en question et de leur fournir la formation nécessaire relativement à la position du corps et au type de mouvements exécutés pour la distribution du courrier dans les boîtes aux lettres rurales; 

(c)                Conclure qu’un rythme de distribution de plus de 40 boîtes aux lettres rurales à l’heure comportait des risques inhérents de blessure, au point où cela constituait un « danger » au sens du Code en toute circonstance possible; 

(d)               Conclure que le trouble médical dont souffrait Mme Pollard et qui l’a rendue incapable de s’acquitter des tâches liées à son poste constituait un « danger » au sens du Code qui donnerait à d’autres employés, qui ne souffrent pas de ce trouble, le droit de refuser aussi d’effectuer un travail semblable;

(e)                Conclure que tous les employés pourraient souffrir d’une faiblesse physique ou mentale qui les empêcherait d’accomplir en toute sécurité le travail exigé en l’absence de tout élément de preuve à l’appui de cette conclusion; 

(f)                 Conclure que Mme Pollard pouvait refuser d’effectuer le travail en invoquant le motif de la sécurité ergonomique sans préciser quels mouvements constituaient pour sa santé et à sa sécurité un « danger » au sens du Code et, par conséquent, conclure de fait que l’absence de tout mouvement constituerait un danger;

(g)                Conclure que les mouvements en question ne constituaient pas une « condition normale de son emploi » et n’étaient donc pas exemptés des dispositions relatives au travail dangereux, comme le prévoit l’alinéa 128(2)b) du Code;

(h)                Conclure que la renonciation au règlement des griefs signée par Mme Pollard, par laquelle elle retirait son appel, n’empêchait pas qu’il soit statué sur l’appel;

(i)                  Manquer aux droits à la justice naturelle de Postes Canada en ne lui permettant pas de formuler des observations et de fournir des éléments de preuve supplémentaires relatifs à l’enquête de Coors sur les questions de sécurité routière après que l’avocat de Postes Canada a été expressément informé (après une objection soulevée au cours de l’audience) que cette possibilité serait fournie; 

(j)                 Manquer aux droits à la justice naturelle de Postes Canada en ne lui permettant pas de formuler des observations et de fournir des éléments de preuve relativement au renvoi par Coors aux dispositions sur la manutention des matériaux du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS 86‑304, qui n’ont été ni invoquées par les parties ni portées à leur connaissance par l’agent d’appel, et en ne permettant pas aux parties de fournir des observations en réponse relativement à leur applicabilité.

 

Respect de la décision

[17]      Quelques semaines après avoir reçu la décision du BCA‑SST, Postes Canada a pris diverses mesures pour assurer la sécurité des FRB. À cet effet, Postes Canada a pris les mesures suivantes :

a)      Mme Pollard s’est vu adjoindre un auxiliaire qui distribue le courrier par la fenêtre du côté passager;

b)      Une procédure de travail sécuritaire concernant la distribution du courrier dans les boîtes aux lettres rurales a été diffusée de nouveau;

c)      Mme Pollard a reçu un feu clignotant ainsi qu’une affiche pour son véhicule afin d’augmenter sa visibilité quand il est sur le bord de la route;

d)      Le trajet de Mme Pollard a été examiné en fonction des critères du CNRC et des correctifs y ont été apportés;

e)      Des rapports faisant état de problèmes de distribution ont été envoyés aux clients de la poste rurale relativement aux boîtes aux lettres devant être modifiées pour permettre que le courrier soit distribué en toute sécurité.

 

[18]      Postes Canada a également pris des mesures pour la sécurité d’autres FRB. Des auxiliaires ont été adjoints quand des plaintes pour des questions d’ergonomie ont été déposées. Quant aux questions de sécurité routière, Postes Canada les a examinées en fonction des critères du CNRC et, lorsqu’elle l’a jugé approprié, elle a mis en œuvre une des diverses améliorations suivantes : 

a)      Exiger que la boîte aux lettres rurale soit déplacée dans un lieu sécuritaire;

b)      Demander aux clients de la poste rurale d’aller chercher leur courrier dans un lieu centralisé;

c)      Passer de la distribution dans les boîtes aux lettres individuelles à la distribution de groupe centralisée dans des boîtes postales communautaires.

 

 

[19]      Postes Canada a également mis sur pied un « comité d’experts » indépendant spécialisé dans les questions de sécurité routière, d’ergonomie et de droit en matière de santé et sécurité, dont le mandat est de fournir des conseils d’expert et de mener des recherches sur les questions de santé et de sécurité liées à la distribution rurale du courrier.

 

 

Exécution de la décision rendue par Ressources humaines et Développement des compétences Canada

 

[20]      Le 1er août 2006, un ASS de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), M. Ken Manella, a téléphoné à Postes Canada pour l’informer que RHDCC l’avait chargé de tenir une réunion d’instruction avec les représentants de Postes Canada, ainsi qu’avec Mme Pollard et ses représentants, afin d’examiner quelles mesures Postes Canada avait prises depuis la décision.  

 

 

[21]      L’ASS Manella a avisé Postes Canada que, selon l’interprétation que faisait RHDCC de la décision, il était interdit de distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales si le véhicule utilisé ne se trouvait pas complètement à l’extérieur de la route.

 

 

[22]      L’ASS Manella a demandé que Postes Canada précise le nombre de FRB travaillant à l’extérieur des installations ainsi que le nombre de points de remise où le FRB ne peut distribuer le courrier de manière à ce que son véhicule se situe complètement à l’extérieur de la route.

 

 

[23]      L’ASS Manella a également informé Postes Canada que, à la suite de la réunion d’instruction, RHDCC pouvait décider et ordonner qu’il soit interdit aux FRB de distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales si leur véhicule ne se trouvait pas complètement à l’extérieur de la route pendant la distribution, puisque RHDCC considérerait cette activité comme dangereuse.

 

 

Répercussions de la décision sur le fonctionnement (ergonomie)

 

[24]      Il y a environ cinquante‑huit (58) FRB travaillant à l’extérieur des installations de traitement du courrier de Postes Canada à Brampton North. Il existe environ quarante (40) trajets parcourus par les FRB pour la distribution du courrier dans les boîtes aux lettres rurales. 

 

 

[25]      Les FRB peuvent choisir le type de véhicule qu’ils utiliseront pour distribuer et ramasser le courrier, mais les véhicules doivent être conformes à certaines exigences en matière de capacité. À l’échelle nationale, les FRB utilisent toutes sortes de véhicules, de l’automobile au camion léger en passant par la mini‑fourgonnette, de marque, modèle et grandeur divers.

 

[26]      Tous les FRB doivent distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales et le ramasser par la fenêtre du côté passager de leur véhicule. Sauf quand ils distribuent le courrier dans les boîtes postales communautaires (un regroupement de nombreuses boîtes ne formant qu’une seule structure), dans d’autres points centralisés ou à la porte, les FRB, pour des raisons de sécurité, n’ont pas le droit de sortir de leur véhicule pendant la distribution du courrier. 

 

[27]      Il y a environ 840 000 boîtes aux lettres rurales au Canada desservant environ 1 760 000 Canadiens.

 

 

[28]      Postes Canada soutient que la décision ne se rapporte pas à un mouvement particulier dont on se serait plaint et pour lequel on aurait refusé de travailler. En conséquence, la décision pourrait s’appliquer à tous les mouvements exécutés par tous les FRB au Canada et pourrait dans les faits empêcher Postes Canada de distribuer le courrier dans les 840 000 boîtes aux lettres rurales. 

 

[29]      Postes Canada soutient qu’une façon de remédier à long terme à la distribution et au ramassage du courrier par la fenêtre du côté passager des véhicules serait d’acheter des véhicules dont le volant serait placé à droite. Cependant, ce type de véhicules ne se trouve pas en nombre suffisant au Canada pour que tous les FRB puissent les utiliser et, en conséquence, il faudrait un temps anormalement long pour obtenir ces véhicules et le coût serait exorbitant. Bien qu’il existe des modèles européens configurés pour que le conducteur soit à droite, ces véhicules ne satisfont pas aux normes nord‑américaines.

 

[30]      Postes Canada craint que la décision ne serve de précédent dont les répercussions toucheraient non seulement tous les autres FRB à Brampton (Ontario), mais également tous les autres FRB au Canada qui distribuent et ramassent actuellement le courrier par la fenêtre du côté passager de leur véhicule. Selon Postes Canada, ce type d’instructions serait absolument ingérable s’il était appliqué à l’échelle du bureau ou du pays, en raison du manque de temps et de flexibilité pour mettre en place des solutions de rechange.

 

Répercussions de la décision sur le fonctionnement (sécurité routière)

 

 

[31]      Selon Postes Canada, à de nombreux points de remise sur les trajets de distribution rurale desservis par les bureaux de poste de Brampton et du Grand Toronto, le véhicule ne pourrait se situer complètement à l’extérieur de la route, mais les critères de distribution sécuritaire établis par le CNRC seraient néanmoins respectés.

 

[32]      On ne sait pas combien de boîtes aux lettres rurales seraient visées par l’interprétation que fait RHDCC de la sécurité routière. L’emplacement de la boîte et les dimensions du véhicule particulier du FRB pourraient permettre ou empêcher la distribution du courrier si le véhicule devait être complètement à l’extérieur de la route. Un changement de type de véhicule pourrait modifier le « caractère sécuritaire » de la distribution. Postes Canada soutient qu’il existe possiblement des centaines de milliers de points de remise où Postes Canada ne pourrait plus faire la distribution si l’interprétation de RHDCC était appliquée.

 

[33]      Postes Canada croit qu’une solution possible aux questions de sécurité routière serait de demander aux clients de la poste rurale de se rendre à un bureau de poste centralisé pour ramasser et déposer leur courrier. Cependant, en plus de l’inconvénient causé aux clients, les installations de Postes Canada ne seraient pas en mesure de conserver le grand volume de courrier à ramasser des clients pour une période prolongée. Postes Canada soutient qu’elle devrait débourser des frais considérables pour le traitement, la distribution et l’entreposage du courrier dans ses installations et ne pourrait les récupérer en dommages‑intérêts. 

 

 

[34]      Postes Canada a été obligée de mettre en pratique cette solution à Newmarket (Ontario), à Fredericton (Nouveau‑Brunswick), à Dauphin (Manitoba) et à Truro (Nouvelle‑Écosse). La réaction des clients a été immédiate et négative. Ils ont communiqué avec les politiciens locaux et nationaux ainsi qu’avec les médias pour contester ce changement au mode de distribution de leur courrier. En conséquence, la réputation de Postes Canada en tant que fournisseur d’un service de qualité a été irrémédiablement entachée par ce palliatif. 

 

 

[35]      Postes Canada soutient qu’une autre solution possible serait de cesser de distribuer et ramasser le courrier et de déménager le point de distribution à une boîte postale communautaire centralisée. Toutefois, Postes Canada ne possède pas suffisamment de ce type de boîtes dans son inventaire, et il n’y en a pas assez sur le marché, pour répondre aux besoins si la distribution devait être interrompue à tous les points de remise potentiellement « dangereux » du pays. En outre, il faut demander aux municipalités l’autorisation pour occuper les sites destinés à ces boîtes et, après approbation, les sites doivent être préparés pour qu’ils puissent recevoir les boîtes. Selon Postes Canada, en plus de causer un inconvénient aux clients, cette solution entraînerait pour elle des frais considérables pour le choix des emplacements, l’obtention des approbations, l’achat et la préparation des boîtes, la préparation des sites et l’installation des boîtes, frais qu’elle ne pourrait récupérer en dommages‑intérêts. 



[36]      Au cours des quelques semaines écoulées depuis la communication de la décision et au cours des derniers mois où s’est déroulée l’enquête, Postes Canada a été incapable de trouver d’autres solutions satisfaisantes à la question des accotements étroits sinon convaincre les autorités municipales ou provinciales de modifier la route. 

 

 

Préjudice irréparable

 

[37]      Postes Canada prétend qu’elle a déjà subi un préjudice irréparable à sa réputation en tant que fournisseur d’un service de qualité en raison des changements qu’elle a dû apporter pour se conformer à la décision, et que des dommages‑intérêts ne peuvent réparer.

 

 

[38]      Pour ce qui est des mesures prises pour tenir compte des considérations ergonomiques, Postes Canada a adjoint des auxiliaires payés aux FRB ayant déposé une plainte ou refusé de travailler. Il en coûte actuellement environ 200 000 $ par mois à Postes Canada. Si RHDCC décidait d’appliquer la décision à plus grande échelle, les coûts pour Postes Canada augmenteraient exponentiellement et ils ne pourraient être récupérés en dommages‑intérêts.

 

Engagements

 

[39]      Postes Canada a pris les engagements suivants relativement à la présente requête :

a)      Postes Canada paiera les dommages‑intérêts relatifs à la décision faisant droit à la présente requête pour suspension de la procédure que la Cour jugera appropriés;

b)      Postes Canada a commandé une étude sur l’ergonomie à Human North Research et, quand cette étude sera terminée, elle examinera les plaintes et les refus de travailler relatifs à l’ergonomie conformément aux lignes directrices établies par cette étude et prendra les décisions concernant le mode permanent de distribution en fonction de ces critères et en conformité avec les dispositions du Code;

c)   Postes Canada examinera les plaintes et les refus de travailler relatifs à la distribution ou à la sécurité routière conformément aux critères de distribution sécuritaire recommandés par le comité d’experts et prendra les décisions concernant le mode permanent de distribution en fonction de ces critères et de ses obligations prévues par le Code;

d)   Postes Canada maintiendra toutes les mesures correctives qu’elle a mises en place concernant le trajet de Mme Pollard jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce soit définitivement tranchée. 

 

 

QUESTIONS

 

 

[40]      La question soulevée dans la présente requête est de savoir si Postes Canada a établi l’existence des motifs valables nécessaires pour que la Cour ordonne la réparation exceptionnelle qu’est la suspension d’une procédure.

 

[41]      Pour obtenir la suspension de la décision en cause en l’espèce, Postes Canada doit satisfaire au critère à trois volets habituel :

a.       apparence de droit;

b.      préjudice irréparable;

c.       prépondérance des inconvénients.

 

[42]      Il incombe à Postes Canada de prouver chaque élément de ce critère à trois volets selon la prépondérance des probabilités. Si Postes Canada ne peut prouver l’un de ces éléments, la requête visant à faire suspendre la procédure doit être rejetée. 

 

ANALYSE

[43]      La Cour suprême du Canada a établi le critère applicable à la suspension d’une procédure dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), où elle a adopté le critère à trois volets énoncé dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd. permettant à la cour de juger si la suspension doit être ordonnée. Le critère peut se résumer ainsi :

·           En premier lieu, la cour doit juger s’il existe une question sérieuse à trancher.

·           En deuxième lieu, elle doit examiner si le demandeur subira un préjudice irréparable si la demande est rejetée.

·           En troisième et dernier lieu, elle doit examiner laquelle des parties subira le plus grand préjudice selon qu’on accorde ou refuse le redressement interlocutoire en attendant la décision sur le fond.

 

RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) (1994), 111 D.L.R. (4th) 385, à la page 400 (C.S.C.)

 

 

[44]      Il ressort clairement des documents déposés et des arguments avancés par les avocats de Postes Canada que cette dernière craint que RHDCC ne fasse appliquer la décision de manière globale, de sorte que RHDCC ordonne que les FRB cessent de distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales à moins que leur véhicule ne se trouve complètement à l’extérieur de la route. 

 

[45]      La décision elle‑même ne porte que sur Mme Pollard et Postes Canada n’a eu aucun problème à mettre en place une solution temporaire pour remédier aux problèmes de Mme Pollard. En fait, Mme Pollard distribue le courrier sur son trajet. 

 

[46]      Selon moi, il est clair que la Cour ne peut suspendre provisoirement la procédure pour empêcher RHDCC de prendre une décision future sur le fondement d’instructions générales. La Cour n’a pas compétence pour le faire, parce qu’il n’existe aucune demande principale de contrôle judiciaire visant une telle décision, parce qu’une telle décision n’a pas encore été rendue, et pourrait ne jamais être rendue, et parce que, si une telle décision est rendue, il n’y a pour le moment aucun moyen de juger de sa portée. Tout préjudice, s’il y a lieu, que la demanderesse pourrait subir demeure à l’heure actuelle entièrement conjectural, de sorte que le second volet du critère établi dans RJR-MacDonald ne peut être rempli. Le fait que RHDCC puisse avoir adopté une certaine « interprétation » de la décision n’est pas en cause. RHDCC doit encore décider si cette interprétation nécessite des instructions générales et il se peut (à la suite de l’enquête actuellement en cours) qu’elle décide autrement. Il est donc en ce moment impossible de prédire ce qui pourrait arriver et la présente requête est prématurée dans la mesure où il y est demandé une suspension de ce que RHDCC pourrait faire ou ne pas faire par suite de son « interprétation » de la décision. 

 

[47]      Dans la mesure où la décision ne porte que sur Mme Pollard (et les défendeurs conviennent qu’il s’agit-là de toute sa portée), le critère établi dans RJR-MacDonald ne peut être rempli, car la demanderesse a déjà mis en place des mesures correctives provisoires qui seront maintenues jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire soit tranchée.

 

[48]      En conséquence, la présente requête, à mon avis, est entièrement prématurée.

 

[49]      En outre, le fait qu’il s’agisse d’une tentative préventive d’anticiper un dommage qui pourrait ne jamais être causé, parce que RHDCC pourrait ne pas prendre le genre de décision que craint Postes Canada, signifie que l’existence d’un préjudice irréparable ne peut être prouvée et demeure entièrement conjecturale.  

 

[50]      Le deuxième volet du critère établi dans RJR-MacDonald nécessite que Postes Canada prouve qu’elle subira un préjudice irréparable si la procédure n’est pas suspendue. Le préjudice irréparable suppose un préjudice important que des dommages‑intérêts ne peuvent normalement réparer. Dans l’arrêt RJR‑MacDonald, les juges Sopinka et Cory définissent « préjudice irréparable » de la manière suivante :

À la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l'objet d'une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l'issue de la demande interlocutoire.

 

Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry (1988) 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu'une activité contestée n'est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.‑B.)).  Le fait qu'une partie soit impécunieuse n'entraîne pas automatiquement l'acceptation de la requête de l'autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir

 

ultérieurement des dommages‑intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

 

RJR-MacDonald, précité, aux pages 405 et 406.

 

 

[51]      À mon sens, Postes Canada n’a pas produit de preuve établissant l’existence d’un préjudice irréparable du type requis par la jurisprudence. Elle s’est plutôt appuyée sur de simples allégations concernant un préjudice potentiel qui demeure entièrement conjectural. De plus, Postes Canada se fonde sur un présumé préjudice découlant de décisions rendues dans le cadre de procédures en matière de santé et de sécurité ne faisant pas l’objet de la demande de contrôle judiciaire et ne faisant pas l’objet de la présente requête visant à faire suspendre la procédure.  

 

[52]      La Cour d’appel fédérale a conclu que la partie sollicitant la suspension d’une procédure doit présenter une preuve claire et convaincante du préjudice irréparable. Les cours ont régulièrement jugé qu’un préjudice qui n’est que conjectural, ou qui n’est prouvé qu’indirectement, ne suffit pas. 

Syntex Inc. c. Apotex Inc., [1991] A.C.F. n423 (C.A.F.)

Centre Ice Ltd. c. Ligue nationale de Hockey, [1994] A.C.F. n68 (C.A.F.), au paragraphe 7

Boston Pizza International c. Boston Market Corp., [2003] A.C.F. n531 (1re inst.), aux paragraphes 28 et 35

 

 

[53]      Je conviens avec les défendeurs qu’il ressort clairement des paragraphes 57 à 60 du mémoire de Postes Canada que le préjudice principal ou préjudice irréparable allégué est le préjudice qui [traduction] « pourrait résulter » (paragraphe 58) [traduction] « si cette décision et ces instructions [concernant Mme Pollard] étaient appliquées de façon plus générale par RHDCC » (paragraphe 60).  

 

[54]      Le caractère conjectural du préjudice apparaît clairement dans ces paragraphes ainsi que dans l’affirmation de Postes Canada, au paragraphe 57 de son mémoire, selon laquelle [traduction] « l’interprétation que fera RHDCC de la décision et des ses instructions pourrait être appliquée à l’échelle nationale et avoir des répercussions dans toutes les régions rurales du Canada ». [Non souligné dans l’original.] 

 

[55]      Le caractère conjectural du préjudice ressort aussi clairement du fait que RHDCC n’ait pas adopté de position officielle sur l’interprétation à donner à la décision. RHDCC n’a pas non plus fait appliquer d’interprétation particulière de la décision ni donné d’instructions aux parties visant à étendre la portée de la décision.

 

 

[56]      Je conviens également avec les défendeurs qu’il ressort aussi clairement du paragraphe 7 de l’affidavit de M. Sanjay Paliwal, déposé à l’appui de la requête de Postes Canada, que le présumé préjudice est conjectural, puisque M. Paliwal fait référence au préjudice qui pourrait être subi [traduction] « si l’interprétation que fait RHDCC de la décision et des instructions du BCASST était mise en application » ou [traduction] « si elle était étendue à l’échelle du bureau ou du pays » et au préjudice pouvant découler du fait que la décision [traduction] « pourrait servir de précédent ». [Non souligné dans l’original.] 

 

 

[57]      Le caractère conjectural du préjudice ressort aussi clairement du paragraphe 9 de l’affidavit de M. St.‑Germaine où il affirme que le préjudice allégué est celui qui pourrait découler d’une possible réunion d’instruction, dont la date n’a pas encore été fixée, entre RHDCC et les parties en l’espèce. Comme il l’affirme au paragraphe 9 de son affidavit, M. St.‑Germaine craint qu’il [traduction] « pourrait découler » de cette réunion que RHDCC décide et ordonne aux FRB de ne plus distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres rurales à moins que leur véhicule ne se trouve complètement à l’extérieur de la route. 

 

[58]      Par conséquent, je dois convenir avec les défendeurs que, compte tenu des paragraphes de la requête de Postes Canada cités ci‑dessus, il est clair que le préjudice allégué en l’espèce est au mieux conjectural. Il s’agit du préjudice qui pourrait résulter si certaines éventualités se concrétisaient. Il n’en résulterait un préjudice que si RHDCC décidait d’adopter officiellement une interprétation qui étendrait la portée de la décision. Cependant, puisque RHDCC n’a pas pris de décision semblable à l’heure actuelle, tout préjudice qui pourrait en découler est entièrement conjectural. 

 

[59]      Si RHDCC formule officiellement une telle interprétation et donne des instructions fondées sur cette interprétation aux parties, il serait alors loisible à Postes Canada de contester cette interprétation et ces instructions par les recours appropriés. Toutefois, comme le disent les défendeurs, il est prématuré de contester une décision qui n’a pas encore été rendue et le préjudice qui pourrait possiblement découler de cette décision est au mieux conjectural au moment présent. 

 

Décisions dans d’autres procédures

[60]      Une partie du préjudice allégué par Postes Canada est celui qui découlerait de décisions rendues dans d’autres procédures en matière de santé et de sécurité ne faisant pas l’objet de la demande de contrôle judiciaire ni de la présente requête visant à faire suspendre la procédure.

 

[61]      Par exemple, au paragraphe 17 de son affidavit, M. Paliwal déclare que [traduction] « Postes Canada a été obligée de mettre en pratique cette solution [recours à des bureaux de postes centralisés] à Newmarket (Ontario), à Fredericton (Nouveau‑Brunswick), à Dauphin (Manitoba), et à Truro (Nouvelle‑Écosse) », que les clients ont réagi négativement, et que [traduction] « [e]n conséquence, la réputation de Postes Canada en tant que fournisseur d’un service de qualité a été irrémédiablement entachée […] ».  

 

 

[62]      Postes Canada soutient de façon similaire, au paragraphe 59 de son mémoire, que [traduction] « Postes Canada a déjà vu sa réputation commerciale en tant que fournisseur d’un service de qualité être entachée irrévocablement en raison des changements qu’elle a dû apporter pour se conformer à la décision et aux instructions ». 

 

[63]      Encore une fois, je dois convenir avec les défendeurs que le préjudice associé aux changements que Postes Canada a apportés, ou qu’elle a été obligée d’apporter, ailleurs à la suite de décisions rendues dans le cadre de procédures en matière de santé et de sécurité ne constitue pas un préjudice découlant de la décision en l’espèce. C’est la décision concernant le danger auquel est exposée Mme Pollard qui est visée par la présente demande de suspension. Une suspension imposée en l’espèce par la Cour ne toucherait pas les décisions concernant les autres endroits et, par conséquent, tout préjudice découlant des changements apportés à la suite de ces décisions ne peut constituer un préjudice irréparable pouvant découler de la décision de ne pas suspendre la procédure en l’espèce.  

 

[64]      Je conviens avec les défendeurs que Postes Canada, pour ce qui est du préjudice irréparable découlant du dommage à sa réputation commerciale, n’a pas produit de preuve, directe ou autre, établissant qu’elle a vu [traduction] « sa réputation commerciale en tant que fournisseur d’un service de qualité être entachée irrévocablement » (paragraphe 59 du mémoire) et encore moins de preuve qui découlerait de la décision. On ne peut présumer que ce préjudice existe. Il incombe à Postes Canada de prouver le préjudice et elle ne l’a pas fait. 

 

CONCLUSIONS

[65]      Parce que le critère établi dans l’arrêt RJR-Macdonald est conjonctif et que tous ses éléments doivent être prouvés, il ne serait pas très pertinent de poursuivre et prendre en considération la question sérieuse à trancher ou la prépondérance des inconvénients. Même si la Cour avait compétence pour examiner la présente requête (et, dans la mesure où la requête porte sur une décision possible de RHDCC, je conclus que la Cour n’a pas compétence), Postes Canada n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence applicable.  

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La requête visant à faire suspendre la procédure est rejetée.

2.                  Les parties peuvent s’adresser à la Cour pour la question des dépens.

    « James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1428-06

 

INTITULÉ :                                                   LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                                                                        c.

                                                                        CAROLYN POLLARD ET AL.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 22 AOÛT 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 22 AOÛT 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen Bird

Peter MacTavish

POUR LA DEMANDERESSE

 

David I. Bloom

 

POUR LA DÉFENDERESSE CAROLYN POLLARD

 

Personne n’a comparu au nom du ministère de la Justice

POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bird McCuaig Russell LLP                               POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa                                                                                    

 

Cavalluzzo, Hayes, Shilton, McIntyre                POUR LA DÉFENDERESSE

& Cornish LLP                                                 CAROLYN POLLARD

Toronto                                                           

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR LE PROCUREUR

Ministère de la Justice (Ottawa)                        GÉNÉRAL DU CANADA

 

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