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Date : 20060825

Dossier : T-881-05

Référence : 2006 CF 1030

 

Ottawa (Ontario), le 25 août 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HANSEN

 

ENTRE :

 

CORADIX Technology Consulting Ltd.

demanderesse

et

 

 

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction


[1]        Il s’agit d’un recours en révision exercé conformément à l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1 (la Loi), à l’égard de la décision du défendeur de communiquer, à la suite d’une demande en ce sens, certains renseignements contenus dans la proposition gagnante de la demanderesse présentée dans le cadre d’un marché public. La demanderesse soutient que les renseignements sont soustraits à l’obligation de communication en vertu des alinéas 20(1)b) et c) de la Loi.

 

Contexte

[2]        La demanderesse est un fournisseur de services professionnels dans le domaine des technologies de l’information. L’activité de base de la demanderesse consiste à fournir des services de renforcement des effectifs. Ces services sont fournis presque exclusivement à l’administration fédérale par l’entremise de personnes faisant partie d’un réseau de conseillers indépendants. La demanderesse affirme que son succès repose sur l’assurance de la qualité et sur ses activités de gestion des ressources humaines. Les pratiques et procédures suivies permettent d’assurer que les personnes qui fournissent les services le font d’une façon qui satisfait aux normes de qualité requises.

 

[3]        L’administration fédérale évalue les soumissionnaires en fonction de trois catégories de renseignements : les compétences de l’entreprise, les compétences des ressources et le prix. Les compétences de l’entreprise concernent l’expérience démontrée d’un soumissionnaire et sa capacité de satisfaire aux critères indiqués dans la demande de propositions, comme les approches et les méthodes qui ont été suivies lors d’engagements antérieurs. Les compétences des ressources concernent les titres de compétence des personnes qui fournissent le service de technologies de l’information. Dans ce cas‑ci, la demanderesse et ses concurrents recrutent les personnes en cause parmi le même groupe de conseillers indépendants aux fins de la prestation des services de renforcement des effectifs.

 

[4]        Comme les soumissionnaires concurrents font appel au même groupe de personnes, la demanderesse soutient que la différenciation entre les concurrents est limitée au prix et aux compétences de l’entreprise. Elle fait notamment remarquer qu’étant donné que le prix est lié au recrutement de conseillers indépendants, il existe un prix forfaitaire minimal. Les compétences de l’entreprise deviennent donc le facteur de différenciation clé entre les concurrents et sont, pour ainsi dire, le secret du succès de la demanderesse.

 

[5]        Le 26 novembre 2004, la Division d’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (l’AIPRP) a reçu des demandes de renseignements au sujet de la proposition gagnante de la demanderesse présentée dans le cadre d’un marché public. Après avoir reçu les arguments de la demanderesse qui s’opposait à la communication, l’AIPRP a conclu que certaines parties du document, en particulier le prix unitaire, devaient être soustraites à la communication. L’AIPRP a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de raisons pour empêcher la communication d’autres renseignements tels que les méthodes commerciales de la demanderesse.

 

[6]        Les renseignements qui, selon la demanderesse, devaient être soustraits à la communication conformément aux alinéas 20(1)b) ou c) sont indiqués dans la pièce 1 jointe à l’affidavit confidentiel de Tony Carmanico, fait le 11 août 2005. Il s’agissait en général de renseignements concernant les clients antérieurs de la demanderesse, ses méthodes de gestion de la prestation des services et les aspects techniques de sa proposition.

 

Question en litige

[7]        La question en litige dans la présente demande est celle de savoir si les renseignements sont soustraits à l’obligation de la communication conformément aux alinéas 20(1)b) ou c) de la Loi.

 

Dispositions législatives pertinentes

[8]        Selon le paragraphe 2(1), la Loi a pour objet d’assurer l’accès du public aux renseignements de l’administration fédérale et sert de toile de fond aux fins de l’analyse de la présente affaire :

2. (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

 

[9]        L’article 20 de la Loi prévoit des exceptions à la communication de renseignements concernant un tiers dans certaines circonstances :

20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

[...]

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

 

 

 

 

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

 

...

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

 

 

 

 

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party;

 

[10]      Le mot « tiers » est défini comme suit à l’article 3 :

3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« tiers » Dans le cas d’une demande de communication de document, personne, groupement ou organisation autres que l’auteur de la demande ou qu’une institution fédérale.

3. In this Act,

"third party", in respect of a request for access to a record under this Act, means any person, group of persons or organization other than the person that made the request or a government institution.

 

Analyse

[11]      Les deux parties conviennent que, dans le cadre du recours prévu à l’article 44, la Cour procède à un examen de novo : Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 F.T.R. 194, page 206. De plus, elles conviennent qu’il incombe à la demanderesse de prouver que les renseignements en question sont visés par l’une ou l’autre des deux exceptions légales invoquées par la demanderesse.

 

A.        Alinéa 20(1)b) : Renseignements de nature confidentielle

[12]      Pour être visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b), les renseignements doivent satisfaire à quatre critères. Il doit s’agir :

1.   de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;

2.   de renseignements de nature confidentielle;

3.   de renseignements fournis à une institution fédérale par un tiers;

4.   de renseignements traités comme étant confidentiels de façon constante par ce tiers.

 

[13]      Le défendeur ne conteste pas que les renseignements sont « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » et qu’ils ont été « fournis à une institution fédérale par [la demanderesse] ». Toutefois, il conteste la nature confidentielle des renseignements et la façon dont la demanderesse les traite.

 

[14]      Dans Air Atonabee, le juge MacKay a énoncé trois critères par rapport auxquels les renseignements peuvent être appréciés lorsqu’il s’agit de décider s’ils sont objectivement confidentiels :

a)             le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;

 

b)            les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement dans l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;

 

c)             les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’Administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

 

[15]      La demanderesse affirme que rien dans la preuve n’indique que le contenu des renseignements peut être obtenu de sources auxquelles le public a autrement accès ou qu’il peut être obtenu par observation ou par étude indépendante. La demanderesse souligne que le fait que le ministre a dû demander les renseignements signifie qu’il ne les avait pas en sa possession.

 

[16]      La demanderesse affirme que la déclaration de confidentialité jointe à sa soumission démontre qu’elle s’attendait raisonnablement à ce que les renseignements ne soient pas communiqués. Cette déclaration est rédigée comme suit :

[Traduction] Le présent document renferme des renseignements confidentiels exclusifs à CORADIX Technology Consulting Ltd. La communication de tout renseignement figurant dans le présent document nuirait à la compétitivité de la société susmentionnée. Ces renseignements ou données ne seront pas reproduits, utilisés ou communiqués, que ce soit en totalité ou en partie, à des fins autres que l’évaluation de la présente proposition. Le contenu du présent document doit être révélé uniquement aux personnes qui sont directement responsables de son évaluation. Le document ne sera pas distribué à d’autres personnes sans l’obtention préalable du consentement écrit de CORADIX Technology Consulting Ltd.

 

En outre, la demanderesse soutient que la communication de ses renseignements commerciaux confidentiels à ses concurrents compromettra l’intégrité des marchés futurs et minera le processus d’appel d’offres. En particulier, la demanderesse affirme que l’utilisation de méthodes d’évaluation similaires pour les demandes futures de soumissions et le fait que ses concurrents présenteront des soumissions à l’égard des mêmes offres doivent être considérés comme des circonstances particulières comme il est mentionné dans Société Gamma Inc. c. Canada (Ministère du Secrétariat d’État) (1994), 79 F.T.R. 42, paragraphe 8 [Société Gamma], de sorte que les renseignements devront demeurer confidentiels une fois le contrat attribué. La demanderesse souligne qu’aucune règle ne prévoit que les documents contractuels doivent être communiqués dans tous les cas. Ainsi, en l’espèce, le défendeur a décidé que certains renseignements concernant l’établissement des prix seront soustraits à la communication.

 

[17]      La demanderesse fait en outre valoir que diverses mesures de protection sont prises pour préserver la confidentialité des renseignements. Ainsi, la demanderesse a joint une déclaration de confidentialité à sa soumission, dont des clauses de confidentialité dans les contrats de travail conclus avec les employés à plein temps et les entrepreneurs indépendants, et elle a suivi des pratiques commerciales précises telles que l’archivage et la tenue de documents commerciaux destinés à assurer l’accès uniquement aux personnes autorisées. La demanderesse affirme que les renseignements fournis sur son site Web sont différents des renseignements en cause; en particulier, elle affirme que la quantité de détails donnés est différente dans chaque cas.

 

[18]      En réponse, le défendeur soutient qu’une comparaison des renseignements disponibles sur Internet, que ce soit sur le site Web de l’entreprise de la demanderesse ou ailleurs, avec les renseignements en cause démontre qu’une bonne partie des renseignements en cause ont déjà été rendus publics. Par conséquent, le contenu des renseignements peut être obtenu de sources auxquelles le public a accès et, de plus, ce contenu n’a pas été traité comme confidentiel de façon constante par la demanderesse.

 

[19]      Quant à la déclaration de confidentialité, le défendeur affirme que la demanderesse doit démontrer qu’il a accepté de s’y conformer. Selon le défendeur, la déclaration n’a pas d’effet lorsqu’il s’agit de décider si les renseignements sont objectivement confidentiels étant donné qu’une personne ne peut pas se soustraire par contrat à l’application de la Loi.

 

[20]      Le défendeur invoque en outre l’arrêt Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) c. The Hi‑Rise Group Inc. (2004), 238 DLR (4th) 44, dans lequel la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument voulant que les renseignements doivent demeurer confidentiels une fois terminé le processus d’appel d’offres et une fois le contrat attribué, sauf dans des circonstances particulières telles que la sécurité nationale. Selon le défendeur, la description d’entreprise de la demanderesse ne constitue pas une circonstance particulière assimilable à la sécurité nationale. De même, le défendeur soutient qu’il n’y a aucun avantage pour le public à garder secret ce type de renseignement. Au contraire, l’intérêt public est mieux servi si les renseignements concernant les qualités et compétences des parties qui se voient attribuer des marchés de l’État sont disponibles. Par conséquent, les renseignements en cause ne sont pas objectivement confidentiels.

 

[21]      La demanderesse s’est efforcée de se montrer diligente en maintenant la confidentialité à l’égard de son entreprise, mais je ne suis pas convaincue que, compte tenu des mesures contractuelles génériques et des bonnes pratiques générales en matière commerciale, les renseignements en cause ont été traités comme confidentiels de façon constante. Ainsi, la preuve ne montre pas clairement ce que sont les « renseignements confidentiels » mentionnés dans les contrats de travail.

 

[22]      En outre, l’examen des renseignements relevant du domaine public qui sont joints sous la cote G à l’affidavit public de Robert Fletcher en date du 18 octobre 2005 et les renseignements en cause montrent que, dans plusieurs cas, lesdits renseignements reprennent les détails fournis sur le site Web de la demanderesse. Ainsi, les pages 195 et 196 de la pièce 1C jointe à l’affidavit confidentiel de Tony Carmanico du 11 août 2005 se trouvent telles quelles sur le site Web de la demanderesse (pages 90 et 91 de la pièce G jointe à l’affidavit public de Robert Fletcher en date du 18 octobre 2005). En outre, rien ne montre qu’il faut un mot de passe pour lire les renseignements susmentionnés sur le site Web de la demanderesse; pourtant, dans une autre partie de la page Web de la demanderesse (page 87 de la pièce G jointe à l’affidavit public de Robert Fletcher en date du 18 octobre 2005), il faut le code d’identification et le mot de passe de l’utilisateur. Certains renseignements ne se trouvent pas sur le site Web de la demanderesse, comme des détails au sujet de l’approche de la demanderesse en matière de gestion de la prestation des services, mais je ne suis pas convaincue que, dans l’ensemble, les renseignements en cause ont été traités comme confidentiels de façon constante.

 

[23]      Indépendamment du fait que le public a accès à une partie des renseignements sur Internet, je ne suis pas convaincue que le cas de la demanderesse constitue une exception telle que celles dont il est fait mention dans Société Gamma. Dans Hi‑Rise Group, la Cour d’appel fédérale a dit, au paragraphe 41, qu’en l’absence de circonstances particulières telles que la sécurité nationale, il n’existe aucune raison de préserver le secret des renseignements en question une fois que la proposition du soumissionnaire a été acceptée et que les fonds publics ont été engagés. De plus, la Cour fédérale a également dit, dans Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2004] A.C.F. no 415, paragraphe 40, qu’un soumissionnaire éventuel pour un marché public sait, ou devrait savoir, que lorsqu’il remet des documents, ceux‑ci n’échapperont pas à l’obligation de communication incombant à l’administration par suite de son devoir de rendre compte des fonds publics dépensés. La demanderesse voulait peut‑être que les renseignements en cause demeurent confidentiels en insérant la déclaration de confidentialité, mais rien n’indique que le défendeur ait accepté de les soustraire à l’obligation de communication.

 

[24]      Pour ces motifs, je conclus que la demanderesse n’a pas établi qu’elle s’attendait raisonnablement à ce que les renseignements ne soient pas communiqués. Je ne suis pas non plus convaincue que les renseignements doivent être gardés confidentiels dans l’intérêt public ou qu’il existe un avantage pour le public de les garder confidentiels.

 

B.        Alinéa 20(1)c) : Atteinte à la compétitivité

[25]      La demanderesse fait valoir que la communication des renseignements nuira à sa compétitivité dans les demandes futures de soumissions. Étant donné que les demandes futures de soumissions exigeront des critères obligatoires similaires et que ces critères seront évalués à l’aide de la même méthode que celle qui a été utilisée à l’égard de la soumission gagnante ici en cause, les soumissions futures comporteront en général une bonne partie des mêmes renseignements.

 

[26]      La demanderesse affirme en particulier que la communication compromettra sa capacité de se différencier sur la base des compétences de l’entreprise. Étant donné que la demanderesse et ses concurrents font tous appel au même groupe de spécialistes en technologies de l’information au sein de la communauté afin de fournir les services requis, l’industrie devient de plus en plus « assimilable à une marchandise ». Vu que tous les soumissionnaires sont essentiellement capables d’offrir le même produit, indépendamment du prix, la demanderesse peut uniquement se différencier de ses concurrents sur la base de ses méthodes et approches en matière de gestion des ressources humaines et du contrôle de la qualité.

 

[27]      En outre, la demanderesse affirme que si sa capacité de se différencier sur la base des compétences de l’entreprise était compromise, son unique recours serait de se différencier sur la base du prix, ce qui lui causera des difficultés financières ou entraînera la perte de contrats.

 

[28]      Enfin, la demanderesse soutient que, même s’il ne s’agit pas d’un facteur déterminant, le fait que l’auteur de la demande est l’un de ses concurrents est particulièrement pertinent pour ce qui est de la question du risque de préjudice en ce sens que le préjudice est plus réel.

 

[29]      Le défendeur affirme que l’identité de l’auteur de la demande n’est pas une considération pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer l’application d’exceptions parce qu’il n’a pas à tenir compte de l’identité de l’auteur de la demande puisque la Loi prévoit que tous les membres du public ont également accès aux renseignements. De plus, le défendeur déclare que les affirmations que la demanderesse a faites au sujet du préjudice possible ne sont que de simples conjectures étant donné, en particulier, que les renseignements en cause ne sont qu’une description du rendement passé de la demanderesse et que les concurrents de la demanderesse ne peuvent pas changer leurs antécédents ou leur description d’entreprise dans des demandes futures de soumissions. En outre, la preuve relative au caractère unique présentée par la demanderesse n’est pas une preuve décrivant le préjudice.

 

[30]      Dans Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 C.F. 47, la Cour d’appel fédérale a statué que la personne qui s’oppose à la communication a la charge de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, l’existence d’une attente raisonnable d’un préjudice possible. De simples affirmations selon lesquelles la communication portera atteinte à la situation financière ou à la compétitivité de la demanderesse sont insuffisantes. La demanderesse doit fournir une preuve détaillée et convaincante qui démontre l’existence d’un lien direct entre la communication et le préjudice allégué : Corporation hôtelière Canadien Pacifique c. Canada (Procureur général), 2004 CF 444, paragraphe 34.

 

[31]      Dans le cadre du recours prévu à l’article 44, la Cour doit effectuer un examen détaillé des renseignements pour décider si tout ou partie de ceux‑ci doivent être soustraits à la communication. En l’espèce, il y a un certain nombre de cas où, si les renseignements sont considérés isolément, il n’est pas évident que la communication d’un élément précis puisse compromettre la compétitivité de la demanderesse. Toutefois, si les stratégies sont considérées dans leur ensemble, il devient évident que c’est l’ensemble de ces diverses stratégies d’entreprise et de gestion qui constitue la méthode et l’approche adoptées par la demanderesse à l’égard de son activité de base, de la gestion fructueuse des ressources humaines et du contrôle de la qualité. Considérée sous cet angle, il devient évident que si les renseignements étaient communiqués, un concurrent pourrait, dans des soumissions ultérieures, mettre en oeuvre ou reprendre à son avantage la méthode de la demanderesse, mais au détriment de la demanderesse sur le plan de la compétitivité.

 

[32]      Compte tenu de la preuve non contredite sur laquelle la demanderesse se fonde, soit la nature « assimilable à une marchandise » de l’industrie, les demandes passées de propositions de l’administration fédérale, la méthode que l’administration fédérale utilise pour évaluer les propositions, l’importance de la différenciation sur la base des compétences de l’entreprise, les critères que l’administration fédérale utilisera probablement dans les demandes futures de soumissions et le fait que l’activité de base de la demanderesse est fondée sur l’approche unique en son genre qu’elle a adoptée à l’égard de l’assurance de la qualité et de la gestion des ressources humaines, je suis convaincue, suivant la prépondérance de la preuve, que la demanderesse s’attend raisonnablement à subir un préjudice probable si les renseignements sont communiqués.

 

[33]      J’aimerais également ajouter qu’à mon avis, l’identité de l’auteur de la demande est une considération non pertinente. En fait, il a été reconnu que le nom de l’auteur de la demande est devenu connu par inadvertance.

 

Conclusion

[34]      Pour ces motifs, je conclus que les renseignements sont soustraits à l’obligation de communication conformément à l’alinéa 20(1)c) de la Loi. La demande de révision est accueillie, avec dépens à la demanderesse. L’ordonnance finale reflétera également l’ordonnance rendue à l’audience sur la présente affaire, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, étant remplacée par le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada à titre de défendeur dans la présente instance.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         L’intitulé est modifié, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, étant remplacé par le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada à titre de défendeur.

 

2.         La demande de révision est accueillie, avec dépens à la demanderesse.

 

3.         Conformément à l’article 51 de la Loi sur l’accès à l’Information, L.R.C. 1985, ch. A‑1, il est interdit au ministre de communiquer les renseignements contenus dans la pièce A1 jointe à l’affidavit de Tony Carmanico.

 

 

 

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-881-05

 

INTITULÉ :                                                   CORADIX TECHNOLOGY CONSULTING LTD.

                                                                        c.

                                                                        ACCÈS À L’INFORMATION ET PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 10 MAI 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LA JUGE HANSEN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 25 AOÛT 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Benjamin Mills

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kris Klein

Jennifer Francis

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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