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Date : 20060830

Dossier : IMM‑6866‑05

Référence : 2006 CF 1041

Ottawa (Ontario), le 30 août 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

HASSAN JIHAD AMMAR

RIMA IBRAHIM

ALI AMMAR

JAWAD AMMAR

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La question essentielle soulevée par cette demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si un agent qui effectue un examen des risques avant renvoi (ERAR) commet une erreur de droit lorsqu’il néglige d’évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant canadien des demandeurs. Les autres questions soulevées sont les suivantes : l’agent a‑t‑il commis une erreur parce qu’il n’a pas tenu compte des éléments pertinents? L’agent a‑t‑il commis une erreur parce qu’il n’a pas bien évalué le risque spécifique auquel les demandeurs seraient exposés? Pour les motifs qui suivent, je suis arrivée à la conclusion que l’agent n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur des enfants canadiens des demandeurs, et que, en l’espèce, l’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne son mode d’évaluation de la demande d’ERAR.

 

LES RISQUES RECENSÉS DANS L’ERAR

[2]        Hassan Jihad Ammar, son épouse Rima Ibrahim et leurs enfants Ali et Jawad Ammar sont de nationalité libanaise. M. Ammar et son épouse ont deux autres enfants qui sont nés au Canada alors que les demandes d’asile de leurs parents, qui n’ont pas été acceptées, étaient pendantes. M. Ammar a déposé une demande d’ERAR, dans laquelle il a déclaré que, s’il était renvoyé au Liban, il serait exposé au risque de subir des représailles de la part de l’État libanais, en raison de son service antérieur dans l’Armée du Liban Sud (ALS), de son voyage en Israël et de sa collaboration avec le gouvernement israélien et l’armée israélienne. Il a aussi déclaré qu’il serait exposé au risque de subir des représailles de la part du Hezbollah.

 

LA DÉCISION D’ERAR

[3]        L’agent a donné des motifs détaillés et approfondis à l’appui de sa conclusion selon laquelle M. Ammar ne serait pas exposé au risque de subir la torture, à une menace pour sa vie ou au risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé au Liban. La décision est bien résumée dans le mémoire du ministre, et je la reproduis ici :

                        [traduction]

i)          dans deux demandes d’asile distinctes, le demandeur a été jugé non crédible;

 

ii)                   les deux demandeurs adultes ont été déclarés inhabiles à présenter une troisième demande d’asile, en raison du rejet de leurs demandes antérieures;

 

iii)                 en mai 2005, le demandeur principal a été déclaré interdit de territoire aux termes de l’alinéa 35(1)a), pour avoir commis des crimes de guerre en raison de son association avec l’ALS;

 

iv)                 entre 1989 et 1991, le demandeur principal a adhéré à l’ALS, où il a travaillé comme cuisinier et gardien de sécurité;

 

v)                  il a transmis à l’ALS les noms de 10 à 15 personnes qui, croyait‑il, étaient associées au Hezbollah. Rien n’indique que le Hezbollah est au courant de cette démarche, et rien n’indique que l’un quelconque des proches des personnes ainsi nommément désignées menace le demandeur principal;

 

vi)                 le Hezbollah ne pratique pas d’exécutions par désir de vengeance et livre à l’armée libanaise les personnes suspectées d’appartenir à l’ALS;

 

vii)               le demandeur principal est recherché pour avoir collaboré avec Israël, et les autorités libanaises veulent le déférer à la justice;

 

viii)              environ 2 277 anciens membres de l’ALS ont été accusés de collaboration avec Israël. La plupart ont été déclarés coupables et ont été condamnés à des peines d’emprisonnement, à des amendes ou à des ordonnances de non-communication. La grande majorité d’entre eux ont purgé des peines d’emprisonnement allant de trois mois à deux ans. D’ordinaire, les simples soldats sont généralement condamnés à des peines allant de 12 à 18 mois. Un tiers des anciens membres de l’ALS ont été condamnés à une peine d’emprisonnement d’un an, et un tiers à une peine de trois à quatre semaines.

 

ix)                 Ceux qui ont été condamnés à mort par contumace ont droit à un nouveau procès. Le tribunal militaire a rejeté chacune des recommandations d’application de la peine capitale – il n’y a eu aucune exécution.

 

x)                  Les procès sont publics et l’accusé a accès à des avocats commis d’office. Certains accusés ont été acquittés. Quand ils n’ont pas été acquittés, les peines ont été clémentes compte tenu des circonstances. Le tribunal militaire suit la même procédure que les tribunaux civils. Les procès qui s’y déroulent ne suivent pas les mêmes normes que ceux qui ont lieu devant les tribunaux canadiens, mais ce ne sont pas des simulacres de procès. Des preuves doivent être produites pour qu’il y ait déclaration de culpabilité.

 

xi)                 Les conditions carcérales sont mauvaises, mais elles ne posent pas de risque sérieux pour la santé. Les membres de l’ALS peuvent recourir à des avocats et être visités par leurs proches. La plupart d’entre eux ont purgé leurs peines, et ceux qui continuent de purger leurs peines le font en tant que prisonniers ordinaires. La majorité des détenus ne subissent pas la torture ni de mauvais traitements.

 

POINTS LITIGIEUX

[4]        M. Ammar et sa famille font valoir que l’agent a fait erreur à trois égards :

 

1.                  L’agent était tenu en droit de prendre en compte les conséquences du renvoi de M. Ammar et de son épouse sur leurs deux enfants canadiens, et il ne l’a pas fait.

 

2.                  Dans son appréciation des risques, l’agent n’a pas tenu compte de la preuve, en particulier de la lettre d’un avocat libanais selon laquelle un mandat d’arrêt avait été lancé à l’encontre de M. Ammar, où on l’accusait « d’avoir collaboré avec l’ennemi israélien » et « d’avoir rejoint les forces de l’Armée du Liban Sud qui collaboraient avec Israël ». Cette lettre faisait état d’une disposition qui semble‑t‑il prévoyait, pour telles infractions, « soit la peine de mort soit l’emprisonnement à perpétuité, avec travaux forcés ».

 

3.                  L’agent n’a pas effectué l’ERAR comme il le devait parce qu’il a fait un examen général de la situation d’anciens membres de l’ALS, sans évaluer la situation personnelle de M. Ammar.

La présumée obligation de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants canadiens

[5]        En l’espèce, les parties s’accordent pour dire que, dans l’ERAR, l’intérêt supérieur des enfants canadiens n’a pas été étudié. Compte tenu du jugement rendu par la Cour dans l’affaire Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1280, il s’agirait là d’une erreur susceptible de contrôle. La Cour écrivait ce qui suit, au paragraphe 17 de la décision Varga :

17.           Il semble donc qu’en droit, l’agent de renvoi doit être « alerte, attentif et sensible » à la situation des enfants nés au Canada susceptibles d’y demeurer ou d’être amenés par un parent qui est visé par une mesure de renvoi. En l’espèce donc, l’agent d’ERAR a eu tort, en droit, de dire [traduction] « [i]l ne m’appartient donc pas de tenir compte des deux autres enfants des demandeurs nés citoyens canadiens ». Même s’il ne s’agit pas d’un facteur déterminant, il faut tenir compte de l’intérêt de ces enfants et lui accorder un certain poids dans une demande d’évaluation et encore plus lorsque l’agent de renvoi exécute son mandat. Pour ce motif, la demande sera accueillie et l’affaire renvoyée pour nouvelle décision par un autre agent d’ERAR.

 

[6]        Cependant, après la décision Varga, une décision contraire a été rendue à propos de l’obligation d’un agent de considérer l’intérêt supérieur d’un enfant canadien. Dans la décision Alabadleh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 716, la Cour s’est exprimée ainsi, aux paragraphes 16 et 17 :

16.           À mon sens, le cadre approprié pour examiner l’intérêt supérieur d’un enfant est une demande fondée sur l’article 25 de la Loi sollicitant une exemption pour circonstances d’ordre humanitaire : El Ouardi c. Canada (Solliciteur général) (2005), 48 Imm. L.R. (3d) 157, 2005 CAF 42, au paragraphe 10. Voir également Kim, précitée, et Redhead c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 517, [2006] A.C.F. no 669 (QL).

 

17.           Comme l’a affirmé le juge Michel M.J. Shore dans Sherzady c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 273 F.T.R. 11, 2005 CF 516, au paragraphe 15, rien dans le libellé de la Loi ou du règlement connexe ne permet de penser qu’un agent d’ERAR est censé examiner les facteurs d’ordre humanitaire dans le cadre d’un examen des risques. Le risque visé par la Loi est celui auquel serait exposé personnellement l’intéressé.

 

[7]        À mon humble avis, la décision Alabadleh est la décision correcte. J’arrive à cette conclusion pour les motifs suivants.

 

[8]        D’abord, il importe de voir le contexte légal des demandes d’ERAR. L’ERAR était une procédure nouvelle, mise en œuvre lors de l’entrée en vigueur de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). La procédure d’ERAR est régie par les articles 112 à 116 de la Loi, et par les articles 160 à 174, et l’article 232, du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). On peut lire ce qui suit dans le résumé applicable de l’étude d’impact de la réglementation (Gazette du Canada, partie II, édition spéciale, volume 136, n° 9), à la page 274 :

La justification, au niveau des politiques, de l’examen des risques avant renvoi se trouve dans les engagements nationaux et internationaux du Canada en faveur du principe de non‑refoulement. En vertu de ce principe, les demandeurs ne peuvent être renvoyés du Canada dans un pays où ils risqueraient d’être persécutés, torturés, tués ou soumis à des traitements ou peines cruels ou inusités. Ces engagements exigent que les risques soient examinés avant le renvoi.

 

[...]

 

Nature des modifications

Comme l’Examen des risques avant renvoi est un mécanisme nouveau, il n’a pas d’équivalent dans la Loi actuelle.

Étant donné que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) examine maintenant les motifs de protection regroupés (la Convention de Genève, la Convention contre la torture ainsi que les risques de mort ou de traitements ou peines cruels et inusités), l’évaluation prévue pour la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC) est maintenant réalisée dans le cadre de la prise de décisions de la CISR. L’examen des mêmes motifs de protection regroupés au stade de l’ERA simplifie l’évaluation des risques dont font l’objet les réfugiés déboutés, puisqu’elle se limite à l’étude des nouveaux éléments de preuve et qu’elle constitue une mise à jour du dossier.

L’évaluation des risques effectuée dans le cadre de la DNRSRC était limitée aux réfugiés déboutés, mais divers autres groupes ont maintenant accès à l’ERAR. Les demandeurs potentiels comprennent les personnes dont la demande a été jugée irrecevable pour la CISR, les personnes ayant présenté des demandes réitérées qui n’ont plus accès à la CISR ainsi que celles qui ont fait l’objet d’une évaluation du risque antérieurement, dans le cadre de l’ERAR, mais qui n’ont pas été renvoyées du Canada après qu’une décision négative a été rendue. Dans ce dernier cas, l’ERAR consistera en une mise à jour du dossier si de nouveaux éléments de preuves sont présentés.

 

L’ERAR est étroitement liée dans le temps aux renvois et son processus les précède immédiatement.

 

[9]        Ainsi, sauf quelques exceptions restreintes (par exemple les personnes qui sont arrivées au Canada en passant par un pays tiers désigné, celui des personnes soumises à un arrêté introductif d’instance selon la Loi sur l’extradition, les personnes qui reviennent au Canada dans les six mois qui suivent leur renvoi et les personnes à qui l’asile a été accordé), une personne qui fait l’objet d’une mesure de renvoi peut faire une demande de protection (voir l’article 112 de la Loi). Elle doit être informée de son droit de présenter une demande de protection avant d’être renvoyée du Canada (voir le paragraphe 160(3) du Règlement) et elle peut présenter une demande de protection après avoir été ainsi informée (voir le paragraphe 160(1) du Règlement). En général, une mesure de renvoi qui est exécutoire est suspendue jusqu’à ce que soit étudiée la demande de protection contenue dans la demande d’ERAR (voir l’article 232 du Règlement).

 

[10]      L’article 112 de la Loi, qui précise quelles sont les personnes qui peuvent demander un ERAR est particulièrement pertinent. Une condition préalable à l’application de l’article 112 de la Loi est que l’intéressé fasse l’objet d’une mesure de renvoi. Les enfants canadiens, étant citoyens de ce pays, ont le droit inconditionnel de rester au Canada. Ils ne peuvent pas être l’objet d’une mesure de renvoi et ne peuvent donc pas demander un ERAR.

[11]      Il s’ensuit que leurs intérêts ne peuvent pas être évalués à la faveur d’une demande d’ERAR faite en leur nom propre.

 

[12]      J’examinerai maintenant ce à quoi un agent d’ERAR doit consacrer son attention. L’article 113 de la Loi prévoit ce qui suit :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

[13]      Cette disposition montre clairement selon moi que les facteurs que l’agent doit prendre en compte se limitent à ceux qui sont énoncés dans les articles 96 à 98 de la Loi. Les personnes visées par le paragraphe 112(3) de la Loi (par exemple celles qui sont interdites de territoire pour raisons de sécurité ou pour criminalité organisée) ne peuvent faire étudier leurs demandes qu’en regard des facteurs prévus par l’article 97 de la Loi. Les motifs d’ordre humanitaire ne comptent pas parmi les facteurs dont un agent doit tenir compte en vertu de l’article 96 ou de l’article 97 de la Loi.

 

[14]      La conclusion selon laquelle les motifs d’ordre humanitaire ne doivent pas être pris en compte dans une demande d’ERAR concorde avec le jugement rendu par la Cour dans l’affaire Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437. Dans cette affaire, mon collègue le juge Mosley s’est exprimé en ces termes au paragraphe 70 :

70.           Adoptant la même logique, je conclus que les agents d’ERAR ne sont pas tenus d’examiner les facteurs d’ordre humanitaire pour rendre leurs décisions. Aucun pouvoir discrétionnaire n’est accordé à un agent d’ERAR dans la préparation d’un examen des risques. Ou bien l’agent est convaincu que les prétendus facteurs de risque existent, ou bien il n’est pas convaincu. L’enquête de l’ERAR et le processus décisionnel ne tiennent compte d’aucun autre facteur que le risque. De toute manière, il y a une meilleure tribune pour l’examen des facteurs d’ordre humanitaire : le mécanisme des examens pour des raisons d’ordre humanitaire. Je rejette l’affirmation que l’agente a commis une erreur de droit en refusant d’examiner les facteurs d’ordre humanitaire dans le cadre de la décision relative à l’ERAR.

 

 

[15]      Avant d’en rester là sur ce point, je crois qu’il est utile de signaler que, selon la Cour d’appel fédérale, les motifs d’ordre humanitaire ne doivent pas intervenir dans les décisions portant sur les demandes d’asile. Voir la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Ranganathan, [2001] 2 C.F. 164, au paragraphe 17. Tout comme les motifs d’ordre humanitaire ne doivent pas intervenir dans la décision portant sur une demande d’asile, ils ne doivent pas, selon moi, intervenir dans l’examen d’une demande de protection fondée sur les facteurs prévus par les articles 96 à 98 de la Loi.

 

[16]      Enfin, à l’appui de ma conclusion selon laquelle l’intérêt supérieur d’enfants canadiens n’est pas évalué dans le cadre d’une demande d’ERAR, il y a le fait que la Loi contient d’autres dispositions qui prévoient la prise en compte de cet intérêt. Plus précisément, l’article 25 de la Loi prévoit que cet intérêt doit être évalué dans le cadre de la demande adressée au ministre pour qu’il accorde à l’étranger le statut de résident permanent, ou dans le cadre de la demande adressée au ministre pour qu’il dispense l’étranger des critères ou obligations applicables aux termes de la Loi. Il n’est pas nécessaire que l’intérêt supérieur des enfants soit étudié dans le cadre de chaque procédure prévue par la Loi. Ainsi que le faisait observer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt DeGuzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, au paragraphe 105 :

105.         [...] il n’est pas obligatoire que chaque disposition d’un texte législatif puisse satisfaire au critère de « l’intérêt supérieur de l’enfant » lorsqu’une autre disposition exige un examen attentif de cet intérêt. À mon avis, tel est le cas de l’article 25, parce qu’il oblige le ministre à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant pour décider s’il existe à son avis des circonstances d’ordre humanitaire qui le justifient d’exempter un demandeur de l’application des critères de sélection normaux et de lui accorder le statut de résident permanent.

 

 

L’agent a‑t‑il omis de tenir compte de certains éléments de preuve?

[17]      M. Ammar fait valoir que c’est ce qu’a fait l’agent; plus précisément, il s’agit de la lettre d’un avocat selon laquelle M. Ammar serait arrêté et jugé à son retour au Liban. Cependant, après avoir examiné d’une manière assez fouillée la lettre et son contenu, l’agent est arrivé à la conclusion que la teneur de cette lettre ne correspondait pas à ce que la preuve documentaire révélait à propos de personnes qui s’étaient trouvées dans la même situation. Certains éléments de preuve indiquaient que les conditions carcérales au Liban étaient loin d’être enviables; cependant, l’agent a relevé que les rapports sur la situation ayant cours dans le pays n’étaient pas totalement défavorables. Il revenait à l’agent d’apprécier les éléments de preuve contradictoires. Sa conclusion selon laquelle la majorité des détenus membres de l’ALS n’étaient pas exposés à la torture, à une menace pour leur vie ou à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités était confirmée par des motifs défendables qu’autorisait la preuve. La conclusion résiste à une analyse assez poussée1. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir.

 

L’agent a‑t‑il négligé d’évaluer la situation personnelle de M. Ammar?

[18]      M. Ammar fait valoir que l’agent n’a pas tenu compte de sa situation personnelle, en particulier eu égard à la teneur de la lettre de l’avocat.

 

[19]      Comme je l’ai dit plus haut, l’agent a tenu compte de la teneur de la lettre et de la situation antérieure de M. Ammar. Je relève que, même si la lettre n’est pas datée, elle a été traduite en décembre 1998. L’agent a considéré la situation de M. Ammar à la lumière de la documentation relative aux conditions ayant cours dans le pays. Il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir à cet égard.

DISPOSITIF

[20]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[21]      L’avocate de M. Ammar a eu la possibilité de présenter d’autres observations écrites à propos de l’intérêt supérieur des enfants canadiens, et aussi à propos d’une éventuelle question à certifier. Cependant, elle n’a pas présenté d’observations et n’a proposé aucune question à certifier.

 

[22]      Aucune question ne sera certifiée. Non seulement M. Ammar n’a‑t‑il pas proposé de question à certifier, mais la demande d’ERAR ne disait rien quant à la nécessité d’évaluer l’intérêt supérieur des enfants canadiens de M. Ammar. Ainsi, même si la Cour d’appel devait conclure à l’existence d’une obligation de tenir compte de leur intérêt supérieur, ce résultat ne disposerait pas d’un appel puisque la question n’a pas été soulevée devant l’agent d’ERAR et que nulle observation n’a été présentée à l’agent.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

1.             J’accepte respectueusement la conclusion à laquelle est arrivé mon collègue le juge Simon Noël dans la décision Choudry c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 239, au paragraphe 8, à propos de la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent d’ERAR.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑6866‑05

 

INTITULÉ :                                       HASSAN JIHAD AMMAR ET AUTRES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 juillet 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Madame la juge Dawson

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 août 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

ROSE L. LEGAGNEUR                                                          POUR LES DEMANDEURS

 

SALLY THOMAS                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROSE L. LEGAGNEUR                                                          POUR LES DEMANDEURS

Avocate

Toronto (Ontario)

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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