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Date : 20060831

Dossier : T-22-06

Référence : 2006 CF 1048

Ottawa (Ontario), le 31 août 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

HOSNE ARA JASMINE

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Un juge de la citoyenneté a accordé la citoyenneté canadienne à Mme Hosne Ara Jasmine le 10 novembre 2005. Le ministre porte la décision du juge en appel au motif qu’il a commis une erreur en concluant que Mme Jasmine satisfaisait aux critères de résidence prévus par la Loi sur la

citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, alinéa 5(1)c) (la Loi). Je suis d’accord que le juge a commis une erreur et, par conséquent, je dois accueillir l’appel.

I.  La question en litige

 

[2]               La conclusion du juge selon laquelle Mme Jasmine satisfaisait aux critères de résidence prévus par la Loi était-elle raisonnable?

 

II. Analyse

            (a)  Les faits

 

[3]               Mme Jasmine est arrivée au Canada en 1997 comme étudiante diplômée en mathématiques à l’Université Simon Fraser. Après avoir obtenu sa maîtrise en 2000, elle a accepté une bourse du Commonwealth et a déménagé en Angleterre pour faire des études de doctorat. Elle a demandé la citoyenneté canadienne le 1er décembre 2002 alors qu’elle habitait toujours en Angleterre.

 

(b)  Les critères de résidence

[4]               Pour obtenir la citoyenneté canadienne, le demandeur doit prouver qu’il était résident du Canada pendant trois ans au cours des quatre ans précédant la demande de citoyenneté (alinéa 5(1)c)). La loi fait preuve d'une certaine souplesse dans l'application de ce critère; elle reconnaît que la personne qui a clairement établi ses liens avec le Canada peut quand même être considérée comme résidente au cours de ses périodes d'absence. Les juges de la citoyenneté doivent tenir compte d'un ensemble de facteurs et de critères lorsqu'ils décident si le candidat a maintenu sa résidence au Canada en dépit d'absences fréquentes ou longues. Voir, par exemple, Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.); Woo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) , [1999] A.C.F. no 1808 (1re inst.) (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nandre, 2003 CFPI 650, [2003] A.C.F. no 841 (1re inst.) (QL).

 

[5]               Dans le cas de Mme Jasmine, le juge de la citoyenneté a conclu qu’elle s’était trouvée au Canada pendant 399 jours au cours des quatre ans précédant sa demande de citoyenneté. Il lui manquait donc 696 jours pour satisfaire au critère des trois ans de résidence. Le juge devait donc déterminer si les liens de Mme Jasmine avec le Canada étaient suffisamment étroits pour qu’elle soit considérée comme une résidente du Canada même lorsqu’elle habitait en Angleterre.

 

(c)  La décision

[6]               Le juge de la citoyenneté a déclaré que :

[traduction]

En ce qui a trait à la période pertinente précédant la présentation de la demande [de citoyenneté], les absences de Mme Jasmine du Canada sont principalement liées à ses études à l’Université de Manchester. Il ne fait aucun doute que son absence d’une durée de trois ans pour ses études en Angleterre est importante, pourtant elle semble avoir centralisé son mode d’existence au Canada. Avant son départ, elle a déménagé ses meubles et ses biens dans son appartement de professeur dans un sous-sol. Il est raisonnable de conclure qu’elle n’avait aucune intention d’abandonner ses liens avec le Canada. Pendant la période au cours de laquelle elle a étudié à Manchester, elle est revenue au Canada et a habité dans l’appartement au sous-sol où elle avait déménagé ses biens.

 

 

[7]               Le juge semble avoir adopté le critère énoncé par la juge Barbara Reed dans Koo (Re), précitée, dans laquelle elle expliquait que le critère de la résidence revenait à se poser la question suivante : « Le Canada est-il le pays où le requérant a centralisé son mode d'existence? » (à la page 293). Elle a ensuite énuméré les nombreux facteurs dont les juges de la citoyenneté doivent tenir compte lorsqu’ils appliquent ce critère.

(d)  Le point de vue du demandeur

 

[8]               En l’espèce, le juge a conclu que Mme Jasmine avait centralisé son mode d’existence au Canada principalement parce qu’elle y avait laissé ses meubles et qu’elle était revenue en visite au Canada trois fois au cours de son absence de trois ans. Le demandeur soutient que le juge a omis de tenir compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’il a conclu que Mme Jasmine avait centralisé son mode d’existence au Canada. Je suis d’accord.

 

[9]               La juge Reed a proposé les questions suivantes pour guider les juges de la citoyenneté dans l’examen qu’ils doivent effectuer pour déterminer si le demandeur satisfait au critère de résidence prévu par la Loi :

 

1)      la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

2)      où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

 

3)      la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

 

4)      quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

 

5)      l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

 

6)      quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada: sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

 

[10]           Il ne fait aucun doute que le juge de la citoyenneté n’a pas effectué une analyse approfondie de la situation de Mme Jasmine avant de conclure qu’elle satisfaisait au critère. Comme le juge a omis d’examiner certains des facteurs pertinents importants, je devrai accueillir l’appel : Seiffert c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1072; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Singh, 2006 CF 795.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         L’appel est accueilli.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-22-06          

 

INTITULÉ :                                      MCI c. JASMINE       

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 août 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 août 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Liliane Bantourakis

 

POUR LE DEMANDEUR

Jawant Singh Mangat

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

SOLICITORS OF RECORD:

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

MANGAT & SEMOTIUK

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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